jeudi 31 août 2017

Cinéma - « Patti Cake$», ronde et rugueuse


Avoir un esprit artistique et créatif n’est parfois pas suffisant. Dans notre société moderne glorifiant l’apparence, une intelligence supérieure sans une enveloppe corporelle « normale » a toutes les chances de passer à côté de sa vie.

Patricia Dombrowski (Danielle Macdonald) est une jeune américaine comme tant d’autres. Pleine de rêves de gloire. Comme sa mère dans sa jeunesse qui espérait percer dans la chanson. Mais Patricia, « Patti Cake$» pour les amis, a pour ambition de faire carrière dans le rap. Une drôle d’idée pour une Blanche, en surpoids qui plus est. Mais elle s’accroche, vit en permanence avec des rimes dans la tête, de ces répliques cinglantes qui clouent au pilori tous les moqueurs et empêcheurs de rêver en paix.


Sa vie sociale est assez limitée. Une mère, Barb, seule, alcoolique et toujours prête à se jeter dans les bras du premier cow-boy venu, propriétaire d’un petit salon de coiffure et chanteuse de karaoké des fins de soirées trop arrosées. Une grand-mère, Nana, handicapée clouée dans une chaise roulante, grande fumeuse et toujours partante pour faire les 400 coups avec sa fille.
Enfin il y a Jheri, son meilleur ami, le seul qui croit en son talent. Lui aussi fait de la musique et rêve de disques vendus à des millions d’exemplaires. En rencontrant Basterd, un SDF vivant dans une cabane au fond des bois, mais très outillé en matériel d’enregistrement, ils vont atteindre un premier graal : enregistrer quelques titres sur une maquette et tenter de trouver un producteur.

■ Personnage entier
Le film de Geremy Jasper a parfois des airs de film d’initiation. Il y a la Patti du dé- but, talentueuse mais trop accro aux stars du rap, incapable de trouver sa voie personnelle. Puis la Patti qui redescend sur terre, qui veut tout abandonner, persuadée qu’elle n’est qu’une usurpatrice. La troisième partie du film, lumineuse, permet de laisser le spectateur sur une bonne note, regonflé par ces airs et paroles (judicieusement traduites) d’une fille ronde en apparence mais rugueuse quand elle le veut et qui ne se laisse pas facilement abattre.
Ce genre de film, pour être convaincant, doit s’appuyer sur une distribution irréprochable. En repérant Danielle Macdonald, le réalisateur a tiré le gros lot. Deux années de préparation pour cette actrice australienne qui ne connaissait rien au rap et encore moins à l’accent typique du New Jersey où se déroule l’action. Sa présence, énorme, donne une pêche et une sensualité débordante à un personnage entier que l’on ne peut qu’aimer et apprécier.

➤ « Patti Cake$» drame de Geremy Jasper (USA, 1 h 48) avec Danielle Macdonald, Bridget Everett, Siddharth Dhananjay

mercredi 30 août 2017

Cinéma : La grosse déprime du "petit paysan"


La maladie frappe souvent à l’aveugle. Pour les humains mais aussi chez les animaux. Pierre (Swann Arlaud), la trentaine, a repris la ferme de ses parents qui vivent toujours sur place. Célibataire, il consacre tout son temps à son troupeau de vaches laitières. Quand il entend à la télévision que certains animaux en Belgique sont atteints d’une mystérieuse fièvre hémorragique (maladie aussi mystérieuse que la vache folle à ses débuts), il redoute le pire. Alors au moindre signe inquiétant, il appelle son vétérinaire pour être rassuré. Pascale (Sara Giraudeau) joue alors un double rôle. Elle rassure l’éleveur sur la santé de ses vaches et s’enquiert de sa propre santé, de son équilibre, les amours, la solitude car elle reste avant tout sa petite sœur.


Le film, qui s’ouvre par une scène de cauchemar, raconte dans un premier temps cette vie simple, près de la nature, si exigeante aussi. Mais la passion et l’osmose forte entre Pierre et son troupeau font qu’il se sent très à l’aise. Jusqu’au jour où une de ses bêtes se met à saigner du dos. Le premier signe de la fameuse maladie. Le monde de Pierre s’écroule, toute sa vie bascule. Fils de paysan (des éleveurs de vaches laitières), Hubert Charuel a directement puisé dans ses souvenirs pour écrire ce film, son premier.
Dans les années 90, quand des dizaines et des dizaines de troupeaux contaminés par la maladie de la vache folle étaient abattus en prévention, ses parents vivaient dans une tension permanente. Il raconte que sa mère, toujours en activité, lui a confié «Si ça arrive chez nous, je me suicide. » Le suicide dans le monde paysan. Cela aurait pu être le sujet particulièrement d’actualité ces dernières années de ce film.
■ Réalisme
Mais Hubert Charuel est un indé- crottable optimiste. Son héros, face à la maladie, ne veut pas baisser les bras. Il tente dans une sorte de pied de nez au destin de cacher la maladie de la vache. Il l’isole du troupeau, persuadé qu’il n’y aura pas de contagion. Inéluctablement, la vache meurt. Il fait disparaître la carcasse (les paysans solitaires sont pleins de ressources) et déclare simplement à la gendarmerie, comme c’est obligatoire, que sa vache s’est échappée. A la mort d’une seconde bête, il va jusqu’à voler un animal chez un voisin qui a totalement robotisé son exploitation.
Finalement ce sera sa sœur qui va réussir à lui faire entendre raison. La fin a des airs de documentaires. Comme certaines scènes pas simulées comme l’auscultation du cul d’une vache par Sara Giraudeau ou le vêlage délicat mené de main de maître par Swann Arlaud. Un film dans le concret, le réel, le difficile. Car l’agriculture traverse une grave crise. La seule solution pour s’en sortir reste la force morale des hommes et femmes qui la façonnent depuis des siècles. S’il est une « morale » à retenir de ce long-métrage qui a remporté la semaine dernière le grand prix au festival du film francophone d’Angoulême, c’est bien celle-là. 
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Petite entreprise et histoire familiales



Comment, quand on est fils de paysan, devient-on réalisateur de cinéma ? Facile. Il suffit d’avoir des parents cools et un réel talent. Hubert Charuel a donc réussi le concours de la Femis (école nationale du cinéma, section production) avec la bénédiiction de ses parents et a utilisé une partie de sa propre histoire pour ce premier film d’une forte humanité. Comme pour définitivement tirer un trait sur ce futur auquel il semblait promis comme trop de fils de paysan. Il a fait un autre choix.
Une histoire familiale qu’il assume et revendique. Pour preuve, quand il cherche un décor pour le film, il va naturellement dans la ferme de ses parents. Même si la salle de traite est très exiguë, au point de faire cauchemarder le directeur de photographie et encore plus le cameraman. De même c’est avec une sorte d’évidence qu’il a demandé à ses parents de jouer dans le film. Son père dans le rôle du père de Pierre, sa mère endosse le costume strict d’une contrôleuse de qualité. Le plus cocasse étant le grand-père, interprétant un vieux voisin qui semble un peu zinzin bien qu’il comprenne tout ce qui se passe dans l’exploitation de Pierre.
Pour interpréter ce dernier, Swann Arlaud a fait plusieurs séjours d’immersion dans des exploitations en activité. Il a découvert un monde inconnu mais a tiré son épingle du jeu, les éleveurs formateurs regrettant même son départ tant, en quelques jours, il était devenu efficace et travailleur. Conséquence, il a remporté le prix du meilleur acteur au festival du film d’Angoulême. 
➤ « Petit Paysan », drame de Hubert Charuel (France, 1 h 30) avec Swann Arlaud, Sara Giraudeau, Bouli Lanners.

mardi 29 août 2017

Rentrée littéraire : Le détective privé 2.0 de Clément Bénech


Qui est véritablement Dragan, l’ancien petit ami d’Aurora ? Cette question, le narrateur, un étudiant en géographie ressemblant fortement à l’auteur Clé- ment Bénech, va tenter d’y répondre endossant le temps d’un été à New York les habits de détective privé. Mais un privé de notre époque, habile en informatique et expert en réseaux sociaux. La filature sera essentiellement virtuelle. Un bien étrange roman que voilà, parsemé de photos, d’articles ou de conversations piochées sur le net, comme pour donner une réalité encore plus tangible à cette histoire de secrets et de mensonges.

 Aurora, jeune Française récemment installée aux USA, vient de rompre avec son amant, Dragan. Ce critique en art contemporain, de 20 ans son aîné, l’a rencontré via l’application Tinder. Ils se sont aimés, mais Aurora a découvert que Dragan, de ténébreux est devenu mystérieux, voire inquiétant. Comme s’il cachait un passé inavouable. D’autant que chacun de ses articles est immédiatement commenté par un certain Cap Charlie le traitant d’«Asasin », mot roumain dont il est aisé de comprendre la signification.

Le narrateur va donc passer quelques semaines à New York et chercher à percer le mystère Dragan. Un roman très actuel, car en plus des recherches numériques sur le suspect, l’auteur raconte comment ce dernier a lui aussi en son temps utilisé toutes les ressources des nouvelles technologies pour retrouver et séduire Aurora. Repérée sur Tinder donc, puis retrouvée sur Facebook puis Instagram, il passe de longues heures à rêver sur les photos publiées par la jeune française, imaginant ce que pourrait être leur vie à deux: «Aurora avait un côté cynique et antimoderne qui ne déplaisait pas à Dragan. Ils auraient sûrement des choses à se dire, allongés sur le lit, après l’amour, ils maudiraient l’esprit du temps... Que ce serait bon ! Il s’y voyait déjà. »

Roman moderne sur la paranoïa et le doute, « Un amour d’espion » déroute car tout en donnant nombre d’indications sur la bonne façon de « matcher » sur Tinder, il est aussi une bonne description du milieu des critiques d’art américains.

➤ « Un amour d’espion » de Clément Bénech, Flammarion, 19 €

lundi 28 août 2017

BD - Soldat religieux


Les guerres de religion ont longtemps déchiré les régions de France. Gilbert Bouchard, en racontant la vie du duc de Lesdiguières fait un large tour d’horizon du conflit entre catholiques et protestants. Dans ce Dauphiné cher au cœur de l’auteur, Lesdiguières se laisse convaincre par la Réforme. Et comme c’est un fier guerrier, il prend la tête de troupes pour faire triompher sa foi et au passage massacre quantité de catholiques. Il ira de victoire en victoire, amassant une fortune et devenant de plus en plus puissant. Mais le vent tourne. Henri IV se convertit et Lesdiguières, par amour, en fera de même. Il reprend les armes, mais pour l’autre camp. Nouvelles victimes, par milliers. Une BD historique très documentée, dans un style académique et d’une grande clarté.

➤ « Ce diable de Lesdiguières », Glénat, 11,50 € 

dimanche 27 août 2017

BD - La crème des tueuses de vampires


Des récits complets composants la collection « Doggy Bags », ceux racontant les aventures de Heart Breaker ont donné envie aux auteurs de lancer un hors-série dédié à cette chasseuse de vampires. Des vampires supérieurs du clan des Sépulkres. Sadiques, violents, dominateurs, ils règnent sur le monde grâce à l’argent qu’ils ont amassé au cours des siècles. Des trois récits on retiendra surtout le premier, signé Hasteda et Sourya. Un affrontement dantesque contre des tueurs au service du Vatican avec pour enjeu la relique contenant du sang du Christ. Le reste est moins concluant, dessin déstabilisant de Chariospirale et histoire un peu légère de Céline Tran (anciennement connue sous le nom de Katsuni et qui a servi de modèle pour la plastique de l’héroïne). Le tout reste un excellent divertissement de série B pour amateurs de gore et de jolies filles.

➤ « Heart Breakers », Ankama, 13,90 €

samedi 26 août 2017

BD - Artemisia, première académicienne


Des nombreuses biographies de peintres en bande dessinée (nouvelle mode du moment, en BD comme au cinéma), celle d’Artemisia Gentileschi a l’avantage de la nouveauté. Gauguin ou Manet, on connaît quasiment tout de leur vie. Par contre cette artiste italienne du XVIIe siècle est inconnue pour beaucoup. Nathalie Ferlut fait le récit de sa vie tumultueuse et le confie à Tamia Baudouin pour le mettre en images. Artemisia a toujours baigné dans le milieu des peintres. Son père est un artiste reconnu. Il aimerait former ses deux fils à son art mais à son grand désespoir, seule sa fille a hérité de son talent. Désespoir car en ces temps reculés, peindre est réservé aux hommes. Les femmes ont le droit de faire des natures mortes ou des portraits, mais pas plus. Pourtant le talent de la jeune femme va changer la mentalité des mécènes de l’époque, au point qu’elle sera la première à intégrer l’Académie des Arts de Florence, gagnant ainsi le droit de vendre ses toiles et d’en vivre largement. Mais avant cette victoire sur les mœurs de l’époque, la jeune femme devra subir sa condition. Violée par un ami peintre de son père à ses 18 ans, elle osera le dénoncer et le faire condamner. Un album édifiant sur l’histoire de la peinture mais aussi, et surtout, sur l’émancipation des femmes artistes.

➤ « Artemisia », Delcourt, 15,95 €

vendredi 25 août 2017

Rentrée littéraire : Ras-le-bol urbain dans "La fuite" de Paul-Bernard Moracchini


Qui n’a pas rêvé un jour de tout plaquer et de fuir cette vie stressante moderne ? Oublier voiture, appartement, boulot, famille et se retirer tel un ermite au plus profond de la montagne. Le narrateur de ce premier roman de Paul-Bernard Moracchini a osé. On suit sa « Fuite » de la réalité insupportable. Son arrivée en train dans cette région reculée, qui a des airs de Pyrénées. Dans un bar de village, il croit de nouveau pouvoir supporter les gens. Erreur. « Plus je fuis et plus j’ai besoin de fuir plus loin encore. Mon seuil de tolérance envers mes semblables et au plus bas. Il ne s’agit plus de quitter le quotidien morne d’un carcan social, c’est au-delà...» Le récit se poursuit, raconte la progression dans la montagne, la forêt, pour rejoindre une cabane de chasseur perdue dans les bois.

Plus de présence humaine, juste un chien recueilli en chemin et la faune sauvage. Une thérapie efficace : « La boule de fiel qui roulait au creux de ma panse quelques semaines auparavant, se résorba. Je vivais en bon sauvage oublié de mondes que rien ne semblait vouloir me rappeler ». La suite est un peu plus compliquée. Vivre est aisé, survivre moins évident.

La solitude est aussi une épreuve qu’il est parfois difficile de surmonter sans tomber dans la folie. Un roman initiatique fort et prenant d’une voix survivaliste singulière. 

➤ « La fuite » de Paul-Bernard Moracchini, Buchet Chastel, 14 €

jeudi 24 août 2017

Roman - "Minuit, Montmartre", le Paris rêvé de Julien Delmaire


Elle est noire, sauvage et belle comme un paysage d’Afrique. En 1909, la jeune Masseïda erre dans les rues de Paris. Dans le quartier de Montmartre. Si loin de sa terre natale. Mourant de faim, frigorifiée, elle ne devra son salut qu’à la rencontre avec un gros chat, le roi du quartier. Il va la conduire chez son maître. Du moins l’homme chez qui il daigne parfois passer les nuits. Théophile Alexandre Steinlein est un artiste peintre. Ce surdoué du fusain vivote en plaçant des dessins dans la presse humoristique. Il réalise aussi des tableaux de commandes. Mais ce qu’il aime c’est dessiner des chats, ses meilleurs amis. Il va faire une exception pour Masseïda.

Julien Delmaire, en racontant la vie de cet illustrateur mondialement connu pour avoir signé l’affiche du « Chat Noir », y ajoute une belle romance et une réflexion sur le déracinement et la différence. Être une femme, noire, indépendante dans ce Paris dévergondé mais encore plein de préjugés n’est pas de tout repos. Il utilise un style chatoyant et riche pour décrire la vie du peuple, ses rébellions et joies.

➤ « Minuit, Montmartre » de Julien Delmaire, Grasset, 18 € 

mercredi 23 août 2017

DVD et blu-ray - Quand Don Siegel dominait le cinéma d’action


Quand sort « L’inspecteur Harry » en 1971, Don Siegel, en dehors de la polémique sur l’apologie de l’autodéfense, devient le cinéaste majeur des films policiers et d’action. Sa science du montage, du rythme et des personnages entiers font qu’il va marquer des générations de cinéastes. Le film doit aussi beaucoup à son acteur principal, Clint Estwood, dont c’est la troisième collaboration avec le réalisateur. Deux années plus tard, Don Siegel est de retour avec « Tuez Charley Varrick ! ». Tout aussi virtuose, au scénario plein de rebondissements, de chausse-trappes, ce polar mené à 100 à l’heure vient de ressortir en DVD et blu-ray, restaurés, avec un livret pour bien comprendre le phénomène. Car ce film est véritablement phénoménal.

■ Gros braquage

Le début de l’histoire est classique. Dans une petite ville du Nouveau-Mexique, une jeune femme au volant d’une grosse voiture se gare devant une banque. Son mari, vieux et un pied dans le plâtre, veut déposer un chèque. Il demande à voir le directeur de la banque et quand tous les employés sont présents dans le hall, il sort un revolver et le braque. Avec deux complices il dé- robe les sacs contenus dans les coffres. Mais cela se passe mal. Un complice, et un gardien sont tués, deux policiers aussi, la conductrice blessée. Il ne reste de la bande que Charley Varrick (Walter Mathau) et un jeune complice. qui découvre un trésor dans les sacs : 750 000 dollars. Charley comprend alors qu’il vient de voler la mafia et que la traque va être impitoyable.

Walter Matthau, surtout connu pour ses rôles comiques en duo avec Jack Lemmon, est étonnamment crédible dans le rôle de cet ancien aviateur prêt à tout pour lui aussi avoir une fin de vie à l’abri, loin des soucis financiers. Seul bémol, le tueur sadique de la mafia fume la pipe comme un banal commissaire Maigret...

Le coffret offre un second DVD, un documentaire sur le film avec témoignages et explications. Un bijou pour les passionnés de cinéma d’action américain.

➤ « Tuez Charley Varrick ! », Wild Side Video, 29,99 € le coffret

mardi 22 août 2017

Rentrée littéraire : Une famille française face à l’Histoire dans "Taba-Taba" de Patrick Deville



Voyage dans l’Histoire de France. Le nouveau roman de Patrick Deville, écrivain-voyageur, est une vaste photographie de la vie politique du pays de la fin du XIXe siècle à nos jours. Mais pour parler de l’universel, il a fait le choix de ne le faire que par l’entremise de sa propre famille. Des colonies aux tranchées de 14-18, de l’éducation pour tous aux attentats de 2015 en passant par la Résistance, les Deville étaient toujours présents, acteurs ou spectateurs, mais à la vie façonnée, modifiée ou bouleversée par ces événements.
Il y a l’arbre généalogique synthétique, impersonnel et le roman, chaleureux et édifiant. Le choix est vite fait pour Patrick Deville. Il débute son récit dans un ancien lazaret devenu hôpital psychiatrique. Un gamin, boiteux, y côtoie un ancien marin répétant sans cesse «Taba, Taba ». Ce gamin c’est l’auteur qui va y revoir l’arrivée de son arrière-grand-mère, en provenance d’Égypte, plus d’un siècle auparavant. Elle rencontre un homme qui deviendra instituteur, de ceux qui recrutés par Jules Ferry formeront la fameuse armée pacifique des « hussards noirs ».
■ De Bram à Sorèze
L’auteur, au volant de sa voiture, entreprend un long voyage pèlerinage sur les différents lieux de vie de ses ancêtres. Une voiture qui joue un rôle dans le roman, « j’observais en bas dans la cour la Passat - le Passé en catalan mais l’Alizé en allemand - comme un animal gris métallisé dont ma vie dépendait. » Son récit familial l’entraîne dans la banlieue parisienne, les champs de bataille de Verdun.
Et puis, en 1941, cap au sud. Les Allemands déferlent sur la France. La famille Deville fuit. « On leur avait dit qu’ils devaient descendre à Brame. Ils avaient entendu Brame. Ils avaient découvert dans la gare minuscule l’absence du e final. Ils sont à Bram, dans le département de l’Aude. » La ville de l’époque est décrite par le père de l’auteur. Lui y retourne de nos jours et en dresse un portrait contrasté. C’est le sud, mais la cité est à l’agonie. Uniquement tourné vers le passé, le rugby des Spanghero et des Rancoule. Ensuite ce sera le maquis dans le Lot. Un tour de France qui s’achève à Saint-Nazaire, dans ce lazaret devenu asile, après une longue parenthèse à Sorèze dans la Montagne noire.
Le roman offre le triple intérêt de raconter la vie d’une famille, de la replacer dans le contexte historique et surtout de découvrir ce que sont devenus ces lieux aujourd’hui. Une vision souvent teintée de nostalgie par un auteur qui a la capacité de voir au-delà des apparences et de découvrir des histoires derrière une lettre, un objet ou une simple façade décrépie. 
➤ « Taba-Taba » de Patrick Deville, Seuil, 20 €


lundi 21 août 2017

BD - La guerre froide réécrite


Encore une série d’aviation autour de l’uchronie. Maza, après avoir signés trois albums de la série « USA Uber Alles », déjà avec Pécau, plonge en pleine guerre froide. En 1983, une pilote de chasse de l’armée est-allemande perd son coéquipier lors d’une escarmouche avec des chasseurs américains. Il semble que ces derniers sont les éclaireurs d’une vaste offensive contre le bloc soviétique. Reagan aurait-il décidé de lancer le feu nucléaire sur l’empire russe ? Sur cette hypothèse, les auteurs proposent un récit où espions, militaires, dignitaires et généraux jouent un jeu dangereux. Ce n’est qu’une uchronie, mais on est certainement passé très près de ces événements. Le tome 2 est annoncé en librairie le 18 octobre prochain.

➤ « Luftballons » (tome 1), Delcourt, 14,95 € 

dimanche 20 août 2017

BD - La guerre aérienne du passé


Alors que les poilus croupissaient dans les tranchées, les pilotes s’affrontaient lors de duels homériques dans le ciel de France. Parmi les as des aviateurs français, Alexandre Marais a la particularité d’avoir été défiguré et de dissimuler ses blessures de guerre sous un masque. Il va devoir apprendre à combattre avec un nouveau venu, Louis Lafitte, jeune, beau et très talentueux. Rapidement, les deux militaires vont vouloir se mesurer dans les airs. C’est à celui qui abattra le plus de « Boches ». Mais ces derniers aussi ont des as dans leur chasse et Marais, tout comme Lafitte, devront s’épauler pour tout simplement survivre. Le récit de Thierry Lamy, entre vérité historique et romance (Marais tombe amoureux de sa marraine de guerre au rôle plus trouble qu’il n’y parait), raconte une belle histoire prévue en trois parties toutes dessinées par Cédric Fernandez, déjà remarqué dans le genre avec sa biographie de Saint-Exupéry.

➤ « Faucheurs de vent » (tome 1), Glénat, 13,90 €


samedi 19 août 2017

BD - La guerre civile du futur





L’apartheid social règne sur la Terre dans ce futur proche imaginé par Marazano et mis en images par Ponzio. Notre monde se divise en deux catégories. Les riches qui vivent dans des enclaves. Les pauvres laissés à l’abandon dans des zones ravagées. Bien sûr, les habitants de ces zones de non-droit ont le désir d’aller dans les enclaves. Intervient alors la troisième catégorie de citoyens, les membres des Sections d’intervention. Une armée destinée à réprimer les révoltes, voire éliminer froidement les récalcitrants. Vivian, le personnage principal de cette série est le chef d’une des sections les plus efficaces. Ils sont méchants, agressifs et obéissants. Pourtant le chef semble cacher quelque chose à ses hommes. Se pourrait-il qu’il soit en réalité un des meneurs de la révolution qui se trame en coulisse ? Une série plus politique que militaire, qui fait réfléchir sur le tout sécuritaire et a forcément un écho particulier en ces temps de Vigipirate et d’attaque des soldats de Sentinelle.

➤ « Mémoires de la guerre civile » (tome 1), Dargaud, 13,99 €

vendredi 18 août 2017

Polars : Désert américain contre Canal du Midi, shérif ou policier ?

Magie des romans policiers permettant des évasions maximales en quelques pages. Non seulement on est pris par des énigmes souvent passionnantes, mais en plus, les auteurs pour corser les intrigues, les placent dans des lieux originaux à découvrir, au bout du monde ou près de chez soi. Exemple avec ces deux polars, l’un se déroulant dans le Wyoming, état le moins peuplé des USA et certainement le plus désertique, l’autre dans un petit village de l’Aude, couvert de vignes verdoyantes le long du célèbre et bucolique Canal du Midi. Shérif Longmire de Craig Johnson ou policier Manuel Garcia dans une de ses propres enquêtes ? Faites votre choix.

■ Bout du monde


Le shérif Walt Longmire règne sur un comté peu peuplé mais très étendu. Ses concitoyens : des retraités, quelques Indiens de la nation Cheyenne et des originaux cherchant calme et oubli. C’est le cas d’une secte issue de la religion mormone. Dans « La dent du serpent », Longmire découvre leur lieu de vie en ramenant à bon port un adolescent surpris en train de voler des victuailles chez une vieille dame. Une communauté installée loin dans le dé- sert, « sur un chemin de graviers conduisant à un portail fait de rondins attachés ensemble, au-dessus duquel un portique annonçait ‘East Spring Ranch’. Ce n’était pas tout à fait le bout du monde, mais on en était suffisamment près pour pouvoir y envoyer un télégramme, sans toutefois espérer de réponse ». Une fois le décor planté, les ennuis commencent pour Longmire et ses adjoints. Une rude bataille, avec l’intolérance et des secrets profondément enfouis à la clé. Passionnant et dépaysant.

■ Amours tragiques


Autre ambiance si vous vous plongez dans « Les amants du Canal du Midi » de Manuel Garcia. Cet auteur, ancien policier, une fois à la retraite a voulu revenir sur une des affaires qui ont marqué sa carrière professionnelle. En 1970, à Mirepeisset, hameau audois, au bord du Canal du Midi, José Salvador, un enfant du village, est retrouvé assassiné dans la maison de son père. Les gendarmes arrêtent rapidement le présumé coupable. Mais quelques années plus tard, le juge d’instruction décide de rouvrir l’enquête et de la confier à ce policier rigoureux. L’auteur, tout en retraçant ses découvertes qui ont relancé l’affaire, décrit cette région qu’il aime tant: « Quand il faisait très chaud, il aimait s’asseoir à l’ombre des platanes, fermer les yeux et s’abandonner à d’intimes rêveries ». Un premier roman qui pourrait marquer la naissance d’un héros récurrent.  
➤ « La dent du serpent » de Craig Johnson, Gallmeister, 22,80 €
➤ « Les amants du canal du Midi » de Manuel Garcia, TDO éditions, 15 €

jeudi 17 août 2017

DVD et blu-ray : « Gangsterdam », drogue, guns et bras cassés français



Dans les bonus du DVD « Gangsterdam », film de Romain Lévy, Kev Adams confie que c’est son premier rôle où il a la chance d’avoir un « gun » en main. Et qu’il kiffe un max… On y voit aussi un réalisateur qui a longtemps dû batailler avec son acteur vedette pour le persuader de ne pas avoir le plus gros « gun » du trio, pour préserver la cohérence de l’évolution de sa personnalité. Kev Adams kiffe donc, mais il aurait quand même préféré en avoir un plus gros. Beaucoup plus gros...
Toute la philosophie du film est résumée dans cette anecdote. « Gangsterdam » est un film de gangster qui se déroule à Amsterdam, mais c’est surtout le rêve d’un réalisateur qui voulait orchestrer et mettre sur pellicule des bagarres, des fusillades au ralenti, de jolies filles dénudées, des crashes de voiture… et des pets. Cherchez l’intrus. Un indice : ça ne sent pas bon.


Les Pays-Bas, depuis très longtemps, ont légalisé la consommation de cannabis pour usage récréatif. Mais pas en dehors des célèbres cafés. Certains truands français profitent du marché pour s’y approvisionner. Toute la difficulté est de trouver des passeurs efficaces. Nora (Manon Azem) finance ses études par ces voyages peu risqués. Mais quand son boss (Manu Payet) décide de passer à la vitesse supérieure, il décide de lui flanquer une assurance tout risque en la personne de Ruben (Kev Adams), gentil étudiant en droit, bien sous tout rapport, totalement insoupçonnable. Ce dernier accepte car il en pince pour la belle. Problème, il fait le trajet avec son meilleur ami Durex (Côme Levin): obsédé sexuel, raciste, grand péteur devant l’éternel et roux. Ce qui fait beaucoup de handicaps. Le trio de bras cassés devra affronter de véritables gangsters et grandir.
On ne s’étendra pas sur l’interprétation des comédiens qui ont tous débuté dans des séries télé et cela se ressent, pour ne conserver que quelques scènes réellement comiques, toujours dans l’excès grâce à Ruben, véritable héros du film car, selon le célèbre adage, on le reconnaît car il ose tout.
➤ « Gangsterdam », Studiocanal, 12,99 € le DVD et 14,99 € le bluray

mercredi 16 août 2017

Cinéma : « Une femme douce » et tenace

UNE FEMME DOUCE. La société russe passée au révélateur du cinéaste Sergei Loznitsa.


Pas un sourire. Quasiment pas de paroles : la femme douce personnage principal du film de Sergei Loznitsa reste une énigme pour le spectateur. Avec une lenteur que peu de créateurs peuvent se permettre (et surtout rendre intéressante, intrigante), il plante le décor et l’obsession de cette femme de prisonnier. Son mari est enfermé. Pour une histoire de droit commun. Mais dans ce pays, la justice a parfois d’étranges conceptions des crimes.
Elle lui a envoyé un colis avec des aliments en conserve, des habits, des produits de toilette. Le colis revient à destination. Sans la moindre explication. Elle tente de demander des précisions à la poste de la ville où elle réside, mais l’administration russe, si elle n’est plus soviétique, a encore conservé toutes ses incohérences. Alors, elle choisit sa plus belle robe et part en train pour la grande ville. Avec le paquet qu’elle veut donner directement à son mari.

■ Violence
On s’attend à un plaidoyer pour les droits de l’Homme, mais rapidement on constate que la Russie actuelle n’a rien à voir avec un état de droit. A la prison, dans la cohue, après des heures d’attente et le remplissage de multiples formulaires, la fonctionnaire lit le nom du prisonnier, se retourne pour vérifier dans un registre, rend le papier à la femme en lui disant simplement que cette demande n’est pas réglementaire. Point final. Pas de discussion. Guichet fermé. Perdue dans la ville, elle est « secourue » par l’épouse d’un autre prisonnier. Elle offre de l’héberger pour la nuit. Mais cela ressemble plus à un guet-apens. Dans le salon, une dizaine de personnes se saoulent à la vodka. Les femmes se dénudent. Les hommes en profitent. La femme douce observe. De loin. Mais elle est repérée par un proxénète qui lui promet de l’aider à avoir des nouvelles de son mari contre une rétribution en nature…

Le film est lent et violent à la fois. Une violence sourde, oppressante, omniprésente. Longtemps elle parvient à l’éviter, à fuir au bon moment. Mais on se doute qu’au final, il n’existe pas d’échappatoire. Même si le réalisateur, grâce à une fin entre Fellini et «Brazil » de Terry Gilliam, parvient à laisser croire que c’est possible.

➤ "Une femme douce" drame de Sergei Loznitsa (Russie, 2 h 23) avec Vasilina Makovtseva, Marina Kleshcheva.
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De la violence dans le cinéma russe
Rôle d’une rare complexité pour Vasilina Makovtseva (photo), actrice russe de théâtre venue de l’Oural, elle interprète avec brio, cette femme, douce et obstinée, perdue dans une Russie devenue incontrôlable où la violence est présente à chaque coin de rue. Du moins dans les grandes villes. Quand elle est chez elle, dans cette maison perdue dans la prairie, loin de toute route, c’est la tranquillité et le calme qui règnent. Mais jusqu’à quand. On sent que le monde russe bascule. La libéralisation du marché a littéralement désagrégé le pays. S’il a conservé sa bureaucratie pointilleuse, inflexible et incompréhensible, l’argent a transformé les hommes. Les policiers ou gardiens de prison ne sont que des corrompus en puissance. Les ambitieux deviennent les nouveaux corrupteurs, à qui rien ne peut résister. Surtout pas les femmes.
Cette thématique de la violence omniprésente dans la nouvelle société russe inspire les réalisateurs. Comme dans « Faute d’amour », nouveau film d’Andrey Zvyagintsev, en salles le 20 septembre prochain mais qui sera en avant-première au Castillet à Perpignan ce mardi 22 août à 19 h 15. Un couple se déchire, veut divorcer. Leur enfant trinque. Un film dur, bouleversant selon la critique et qui a remporté le prix du jury au dernier festival de Cannes.
Le précédent film de Zvyagintsev, « Leviathan », lui aussi primé à Cannes en 2014, explorait déjà les relations compliquées au sein de la famille d’un garagiste dans une petite ville isolée au nord du pays. 

mardi 15 août 2017

Livres de poche : retrouvez les héros de vos films préférés



Sorti au cinéma il y a moins d’une semaine, « La Tour sombre » est tirée d’un roman de Stephen King. Redécouvrez l’œuvre originale dans cette réédition au format poche suivi d’un court roman, « Les petites sœurs d’Elurie ». Roland de Gilead, dernier justicier et aventurier d’un monde dont il cherche à inverser la destruction programmée, doit arracher au sorcier vêtu de noir les secrets qui le mèneront vers la Tour Sombre.
➤ « La Tour sombre », J’ai Lu, 7,80 €


Le prochain Star Wars, au cinéma, est annoncé en décembre. Mais si vous êtes en manque de sabre-laser et de batailles spatiales plongez dans les romans inédits régulièrement édités en poche. Dernier en date « Liens de sang » de Claudia Gray qui a pour vedette la princesse Leia. Désespérés à l’idée de ne pas réussir à prendre les mesures nécessaires face aux menaces tant extérieures qu’intérieures, les Sénateurs réclament l’élection d’un Premier Sénateur. Ils espèrent qu’un leader fort pourra unifier une galaxie divisée.
➤ « Star Wars, Liens de sang », Pocket, 9,30 €


Magnifiquement adapté à l’écran par la cinéaste Naomi Kawase, primée à Cannes, « Les délices de Tokyo », roman de Durian Sukegawa est une ode à la cuisine et à la vie. Poignant, poétique, sensuel : un régal. «Écouter la voix des haricots » : tel est le secret de Tokue, une vieille dame aux doigts mystérieusement déformés, pour réussir le an, la pâte de haricots rouges qui accompagne les dorayaki, des pâtisseries japonaises.
➤ « Les délices de Tokyo », Le Livre de Poche, 6,90 €

lundi 14 août 2017

Livres : Roi des Aulnes et maître du polar



Les lecteurs habituels de Musso (Guillaume, pas Valentin, qui lui, a opté pour le polar dès ses débuts) seront sans doute un peu étonnés. Mais alors, les surprises de ce genre, on les découvre avec délectation. Reprenant avec bonheur les péripéties de son héroïne devenue récurrente, la flic de choc et de charme Madeline Greene, rencontrée dans « L’appel de l’ange », l’écrivain qui tombait souvent dans le sentimentalo-fantastique, a l’air d’avoir trouvé son vrai créneau. C’est ainsi qu’on est immédiatement conquis par Gaspard, écrivain lui-même, désabusé, misanthrope, dégoûté des autres et de lui-même, qui va se sentir tout à coup très concerné (et nous avec) par les énigmes qui entourent la soi-disant mort du petit Julien, fils du célèbre peintre Sean Lorenz. De Paris à New-York, Madeline et lui se mettent en chasse. Chaud devant !
 ➤ « Un appartement à Paris », Guillaume Musso, XO, 21,90 €
Fabienne Huart


dimanche 13 août 2017

BD - Ultimex, le gros « neunoeil » qui tâche


Dans la famille des héros de l’extrême, Gad a frappé fort en créant Ultimex. Le visage constitué d’un énorme oeil sans la moindre expression, en plus d’être très imbu de sa personne, il est obsédé sexuel, violent et tue comme vous respirez. Accompagné de son meilleur ami Steve, sa copie conforme mais avec un QI d’huître et une belle gueule, il apprend que l’enfer existe véritablement. Grâce aux progrès de la géolocalisation, il ouvre une de ses portes (dans une ferme abandonnée) et part à l’assaut des démons pour faire un sort à Satan. Car vu le passé d’Ultimex et Steve, ils risquent d’y passer quelques éternités si par malheur ils mourraient. Du second degré nourri à l’absurde pour une BD totalement barrée sous une apparence très sage et propre.

➤« Ultimex en enfer » (tome 1), Lapin & Vraoum, 

vendredi 11 août 2017

DVD et blu-ray : « Osiris », sacrifice dans l’espace


L’Australie doit son développement au travail des forçats exilés sur l’île-continent par la Grande-Bretagne. Cette histoire, peu glorieuse, se retrouve un peu en filigrane de « Osiris - La 9e planète », film de science-fiction de Shane Abbess.
Aux confins de la galaxie, Osiris est peuplée par quelques colons, aidés par le travail forcé des détenus. Mais derrière ces murs, sous couvert de rédemption de fortes têtes, les autorités profitent de l’éloignement pour réaliser des expériences génétiques. Les plus récalcitrants sont transformés en monstres sanguinaires quasi indestructibles. Une bonne façon pour dépeupler des planètes avant à l’arrivée des Terriens. Quand ces monstres sont libérés lors d’une mutinerie, il ne reste plus beaucoup de solution pour rétablir l’ordre : détruire Osiris dans le feu nucléaire.
Un militaire, Kane Sommerville (Daniel MacPherson) quitte la station spatiale en orbite contre les ordres de sa hié- rarchie pour tenter de sauver sa fille Indi âgée de 10 ans, restée au sol. Découpé en chapitres, le film offre l’avantage de ne pas s’embarrasser de scè- nes de transition. Quand la petite équipe de Kane dit, on va aller secourir Indi, deux secondes plus tard cela tire de partout.
Des créatures très réussies, avec de véritables acteurs à l’intérieur. Il y a un petit côté Mad Max, avec barjots crados et désert à gogo. Et les passionnés se délecteront du making-of très détaillé.
➤ « Osiris - La 9e planète », Wild Side, 19,99 € le DVD, 24,99 € le blu-ray

jeudi 10 août 2017

Cinéma : Si Dieu pardonne, pas les policiers dans "Que Dios nos perdone"


Le cinéma espagnol a fait son trou dans la production européenne. Abandonnant son image folklorique ou de genre, il est désormais largement au niveau des productions les plus ambitieuses de France, Allemagne ou Italie. Nouvelle preuve avec « Que Dios nos perdone » de Rodrigo Sorogoyen, thriller se déroulant dans Madrid écrasé de chaleur et en tension perpétuelle avec la tenue des Journées mondiales de la jeunesse en présence du pape, des contre-manifestations de plus en plus violente et l’émergence du mouvement des Indignés.

■ Meurtres et viols
Dans cette ville sur les nerfs, Alfaro (Roberto Alama), flic à l’ancienne, ami avec les prostituées, sanguin, dragueur et parfois à la limite de la légalité, vient de purger une suspension pour s’être battu avec un collègue moqueur. Il fait équipe avec Velarde (Antonio de la Torre), son total opposé. Bègue, célibataire et solitaire, il voit le mal partout. Quand une vieille femme est retrouvée morte chez elle, la police locale conclu au cambriolage qui a mal tournée. Mais Velarde ose regarder sous les jupes de la personne âgée et prouve qu’elle a été violée. Un second cas découvert dans la foulée, il se met sur la piste de ce qu’il considère comme un tueur en série. Initiative peu goûtée par sa hiérarchie qui préfère étouffer l’affaire : le pape est en visite officielle.


Le film, en trois parties, montre au début les deux policiers en action. On apprécie ce duo, plein de contradictions mais qui se soutient et se comprend. Ensuite le spectateurs se retrouve du côté du tueur. L’angoisse monte d’un cran. La scène finale, dantesque, tragique, tranche avec le reste du film mais prouve que le jeune réalissateur espagnol sait manier les genres, les ambiances et la caméra à la perfection.
Peut-être le thriller de l’été tant on transpire avec les héros dans cette ville en pleine effervescence.
➤ Thriller de Rodrigo Sorogoyen (Espagne, 2 h 06) avec Antonio de la Torre, Roberto Álamo, Javier Pereira.

mercredi 9 août 2017

Cinéma - La jeunesse corse face à la violence

UNE VIE VIOLENTE. L’indépendantisme entre lutte armée, théorie politique et pratique mafieuse.


Paradoxe du cinéma, parfois en avance sur la société, d’autres fois en parfait décalage avec l’actualité. « Une vie violente » de Thierry de Peretti se trouve à mi-chemin entre ces deux concepts. Ce biopic romancé d’une certaine jeunesse corse rebelle et violente, sort au moment même où les Insulaires ont porté au Palais Bourbon, à la représentation nationale, deux élus nationalistes. De ceux qui gravitaient peut-être à l’époque dans les milieux décrits dans le film.

La violence dans le film n’est pas montrée de façon ostentatoire. Pourtant elle est bien présente dès la première scène. Deux voitures s’arrêtent au bord d’un verger où s’activent des travailleurs immigrés. Deux hommes descendent de la seconde, prennent place à l’avant de la première pour être abattus à bout portant. Un jerrycan d’essence et une allumette plus tard, les deux hommes ne sont plus que des cadavres méconnaissables. Deux morts de plus dans la guerre que se mènent les différentes factions d’indépendantistes, souvent alliés avec des mafieux eux-mêmes en concurrence.

■ Engrenage de la violence

Pour les obsèques à Bastia, Stéphane décide de revenir au pays. Depuis des années il vit loin de cette agitation, à Paris, en sécurité. Car Stéphane sait qu’avec son retour, il signe presque son arrêt de mort. Le film, d’une précision clinique, uniquement interprété par des acteurs corses, pour la plupart amateurs, raconte comment Stéphane en est arrivé là. Il profite de la vie, fait la fête avec des amis et parle politique. Il voudrait que les choses changent.

Étudiant, il accepte de convoyer sur le continent des armes pour des nationalistes amis. Pris, il passe quelques mois en prison, découvrant la politique et se mettant au service d’un leader qui prône plus de fermeté. Un engrenage de la violence sur fond de pression de la mafia et d’argent facile.

Aujourd’hui, les armes se sont tues en Corse. Les bombes n’explosent plus. Les nationalistes ont évolué et rejettent la violence. Ils ont une partie du pouvoir. Thierry de Perretti n’en parle pas dans son long-métrage, le second de sa carrière après « Les Apaches ». Il préfère voir dans « Une vie violente » un « hommage à tous ces jeunes gens perdus ou assassinés ». Un constat. Sans jugement. Pour un film plus historique que naturaliste mais d’une puissance politique redoutable.

➤ Thriller de Thierry de Peretti (France, 1 h 53) avec Jean Michelangeli, Henry-Noël Tabary, Cédric Appietto.

mardi 8 août 2017

BD - Sur la route des enfers


Harold a un secret. Il voit les fantômes, ces âmes bloquées sur terre avant de rejoindre l’enfer. Une malédiction qu’il combat en roulant sans cesse au volant de son camion. Mais quand il apprend que sa fille de 16 ans vient de mourir dans un accident de voiture, il se précipite pour tenter de l’apercevoir avant son départ vers le paradis. Mais Jasmine n’a pas été exemplaire et Harold a juste le temps de la sauver des griffes d’un démon chargé de la ramener d’urgence en enfer. Une série prévue en trois tomes écrite par David Boriau et dessinée par José Garcia, illustrateur mexicain passionné de japanimation et qui a déjà de nombreuses collaborations avec des éditeurs US à son actif.

➤« Death Road » (tome 1), Ankama, 13,90 €

lundi 7 août 2017

BD - Plutonia, rêves de super-héros


Cette bande dessinée de Jeff Lemire et Emi Lenox aurait pu être sous-titrée « De l’influence des exploits des super-héros dans l’imaginaire des adolescents américains ». Plutona est la plus forte. Au service de la police, elle intervient dès que le commissaire principal la sollicite.
Sauf durant sa journée de travail comme simple serveuse dans un restaurant, sa couverture. Mais au détriment de sa vie de mère de famille. Ellle doit faire face à White Wasp, le pire méchant de la région. Un combat homérique dessiné par Jeff Lemire et dispatché entre les chapitres de la véritable histoire, dont il n’assure que le scénario, Emi Lenox se chargeant du dessin. Ils sont cinq adolescents. Amis ou ennemis. Diane, l’enrobée cocoonée par sa mère, Ray, le dur, se vengeant son père, alcoolique, Teddy, le passionné qui compile dans son carnet secret toutes les apparitions de Plutona, Mie et Mike son petit frère. Ensemble, ils vont découvrir par hasard le corps de Plutona dans un bois. Visiblement la plus forte des super-héros n’était pas imbattable. Sur cette idée, Jeff Lemire signe une histoire sensible, beaucoup plus portée sur les jeunes et leurs réactions que sur les malheurs de Plutona. Une analyse très fine des dérives provoquées par une trop grande passion pour des phénomènes qui nous dépassent. Un petit bijou de psychologie que l’on peut plaquer sur de nombreuses autres situations beaucoup plus réelles.

➤« Plutona », Futuropolis, 20 €

dimanche 6 août 2017

BD - Quand Marzi découvre la mer


La petite Marzi a bien grandi. La fillette polonaise est devenue une adolescente. Dans ce 7e album des souvenirs de Marzena Sowa, toujours mis en images par Sylvain Savoïa, Marzi va découvrir les joies de la mer et des colonies de vacances. Dans cette Pologne qui n’est plus communiste depuis peu, le père de Marzi profite une dernière fois des avantages octroyés aux ouvriers et envoie sa fille quelques jours en colonie de vacances au bord de la Baltique. La rencontre avec une camarade parlant le français va renforcer l’envie de Marzi de découvrir ce pays de la liberté et de s’y installer, même si sur la plage elle croit tomber amoureuse d’un jeune Allemand. Un dernier titre pour une héroïne toute en douceur et en nuances. Des mémoires sensibles magnifiées par le dessin semi-réaliste de Savoïa qui y met autant de cœur que la principale intéressée.

« Marzi » (tome 7), Dupuis, 12 € 


vendredi 4 août 2017

BD : Jésus, sa vie, son histoire secrète


En se lançant dans l’Histoire secrète, Jean-Pierre Pécau ne s’imaginait peut-être pas l’ampleur de la série. Avec Kordey au dessin, c’est une moyenne de quatre albums qui sortait chaque année. Résultat les tomes 33 et 34, sortis simultanément, permettent de mêler les archontes, sortes de divinité gouvernant le monde, à l’apparition de Jésus. Une première partie pour raconter comment l’enfant est repéré, sauvé et conduit dans l’Himalaya pour y recevoir son éducation. De retour en Galilée, il devient le Messie, mais pas aussi espéré que cela pour le peuple opprimé par les Romains. C’est grandiose, talentueux et plein de références à l’histoire de l’Humanité et à cette Histoire secrète foisonnante.

➤ « L’Histoire secrète » (tomes 33 et 34), Delcourt, 14,95 €

jeudi 3 août 2017

BD : Niklos Koda tombe le masque



Fin de partie pour Niklos Koda. Le magicien issu de l’imagination de Jean Dufaux et Olivier Grenson tombe le masque pour le 15e et dernier album d’une des séries phares de la collection 3e Vague du Lombard. Un épilogue tragique pour cette histoire entre fantastique et polar. Aïcha Ferouz est de retour à Paris. La nouvelle secoue les services dirigés par le capitaine Laurent. Mais il suffit d’un tour de passe-passe de Niklos pour que sa belle maîtresse écarte le militaire et prenne sa place. Mais Niklos, lui, ne peut être réintégré. Il ne le cherche pas véritablement. Depuis qu’il est en possession du VIe livre, l’outil majeur des magiciens, il sait qu’il n’est plus maître de son destin. Ce qui lui importe désormais c’est de protéger sa fille Seleni de son adversaire le plus redoutable, Barrio Jésus. Un affrontement qui met un terme définitif aux aventures de Niklos Koda. À moins que cela ne soit que la fin d’un cycle et que le charmeur ne revienne dans un autre monde, sous une nouvelle identité, voire une forme différente et inattendue.

➤ « Niklos Koda » (tome 15), Le Lombard, 12 €

mercredi 2 août 2017

Cinéma : Une ultime utopie simiesque


Qui de l’homme ou le singe est le plus humain ? Cette question est le fil rouge de la trilogie débutée en 2011 par « La Planète des singes : Les Origines ». Matt Reeves signe le troisième et dernier chapitre de cette saga inspirée par le roman de Pierre Boulle et qui n’a plus rien à voir avec les premiers films avec Charlton Heston. Les effets spéciaux modernes permettent de transformer les acteurs en singes dotés d’une expression faciale sidérante. Le héros, César, est un chimpanzé doté de la parole mais on reconnaît parfaitement le jeu d’Andy Serkis, derrière la palette graphique des maîtres des effets spéciaux. César s’est retiré avec sa tribu dans une forêt montagneuse. Ils sont obligés de se cacher car le Colonel (Woody Harrelson), est déterminé à exterminer jusqu’au dernier singe de sa planète en ruines. Un militaire intransigeant, devenu totalement fou depuis la perte de son fils. A la tête d’une petite armée, il attaque le camp de César, capture femmes et enfants, tue le fils du chef des singes et se retranche dans une ancienne base transformée en prison et camp de travail. César, comme son pire ennemi, va se lancer dans une vengeance sans pitié.

■ Vivre ensemble
Le film de Matt Reeves aurait pu se résumer à une démonstration de qui est le plus fort dans sa détermination à rendre coup pour coup. Mais le scénario est beaucoup plus subtil qu’un banal film de guerre (même si le fan a son lot de batailles, attaques et explosions de toutes sortes). En chemin, César tombe sur un humain retiré dans une petite cabane. Menaçant, il est abattu. Le petit groupe découvre alors une fillette, Nova (Amiah Miller), muette et à ce titre rejetée par les humains. Effet miroir. Les singes qui parlent sont ostracisés comme les humains privés de paroles. Comme la naissance d’une nouvelle Humanité, faisant fi des différences, des handicaps se transformant en atout pour ceux qui savent vivre ensemble. Le titre de ce troisième volet, Suprématie », est trompeur. On imagine forcément qu’un des deux groupes prend le dessus sur l’autre. Mais dans le film, comme parfois dans les élections, c’est une troisième voie qui l’emporte et permet des lendemains plus paisibles et moins guerriers. 
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Face à face tendu entre Serkis et Harrelson

Magie des nouvelles technologies, le troisième volet des aventures de la planète des singes plonge les spectateurs dans un monde imaginaire criant de vérité. Les primates digitalisés sont l’œuvre du studio néo-zélandais Weta Digital, fondé par le réalisateur Peter Jackson, dont le travail dans la trilogie « Le Seigneur des Anneaux » a marqué une évolution majeure dans le monde des effets spéciaux. Filmé au Canada dans les paysages sombres et enneigés de l’Alberta et de la Colombie Britannique, le réalisateur Matt Reeves a lâché des singes à l’évolution fulgurante dans un monde divisé, bouillonnant de rage. Le film est porté par Andy Serkis dans le rôle qu’il retrouve du majestueux César, pour lequel il s’est attiré encore plus de louanges que pour ses autres personnages numériques, comme Gollum dans « Le Seigneur des Anneaux » et « King Kong » (2005). Comme dans les films précédents de la série, Andy Serkis portait une combinaison grise et un dispositif de reconnaissance faciale capturant les moindres nuances des mouvements, gestes et émotions de César. Un groupe de soldats dirigé par un colonel incarné par Woody Harrelson  lance une attaque décisive pour détruire les singes une fois pour toutes. Un personnage de méchant comme l’acteur américain à la large palette aime les interpréter. Un militaire au final plus complexe que l’image du début.

mardi 1 août 2017

Livres de poches : grands espaces et voyages merveilleux


Lorsque Katie apprend la mort de sa sœur cadette, elle ne peut croire à la thèse du suicide. Mia, vingtquatre ans, joyeuse et insouciante, venait d’entamer un voyage autour du monde avec son ami d’enfance. Comment a-telle pu se jeter du haut d’une falaise ? Et que faisait-elle seule à Bali ? Pour comprendre, Katie décide de partir sur ses traces, avec le carnet de voyage de Mia comme seul guide. Superbe portrait d’une femme et d’une famille par Lucy Clarke.
➤ « Les sœurs de l’océan », Pocket, 7,80 €



Dans ce temps de la fin du règne de Louis XV où le plaisir de vivre est une religion, Jeanne, belle, vive, audacieuse autant que timide, sait croquer ses bonheurs. Curieuse et intelligente, elle a attiré l’attention du médecin et botaniste Philibert Aubriot, qui lui a transmis sa passion des plantes. À la fois éducation sentimentale, roman historique, d’amour, d’aventures et de mœurs, l’œuvre de Fanny Deschamps, écrite dans une langue superbe, est peuplée de personnages vivants, sensuels et spirituels.
➤ « La Bougainvillée » (tomes 1 et 2), Le Livre de Poche, 9,90 € et 10,10 €



Simon Le Floch, Jeune capitaine de vingt-sept ans, après l’attaque de son bateau par des pirates, est mourant à Nantes. Un mystérieux personnage, François Malthus de Retz, va le guérir à l’aide d’un onguent : c’est de la myrrhe de l’ancien royaume de Saba. Mais, Retz cache que pour avoir ce remède il a tué et volé. Il lui demande de l’accompagner en Arabie heureuse (l’actuel Yemen). Une évocation de l’Orient mystérieux et envoûtant signé Jean-Michel Riou.
➤ « L’homme qui brûlait d’être Dieu », J’ai Lu, 8,40 €