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dimanche 28 avril 2024

Biographie - Jean Cau, l’Audois réfractaire

 Ce fils d’ouvrier agricole audois a conquis les intellectuels parisiens dans le sillage de Sartre. Puis il les a vomis avec une rare méchanceté. Tel était « Jean Cau, l’indocile », sorti de l’oubli dans une nouvelle biographie. 


Né à Bram, enterré à Carcassonne, Jean Cau est le seul Audois à avoir remporté le prix Goncourt. C’était en 1961 avec La Pitié de Dieu paru chez Gallimard. Cet écrivain, surtout connu par ses articles polémiques quand il était journaliste à Paris Match, est un pur produit de l’école de la République.

C’est ce que rappelle dès les premières pages cette nouvelle biographie signée par Ludovic Marino et Louis Michaud. Issu d’un milieu excessivement modeste, son père a été ouvrier agricole dans le Lauragais puis homme à tout faire dans un hôtel de Carcassonne, sa mère simple femme de ménage, le jeune Cau a été repéré par son instituteur. Lycée, bac puis direction khâgne à Paris.

Mais il ne deviendra pas professeur. Trop attaché à la liberté. Il a aussi le désir de vivre de sa plume. Devenir écrivain pour multiplier les vies, les expériences. « Je me résignai définitivement, lorsque je compris que la littérature se suffisait à elle-même et que c’était elle, l’aventure, et pour un écrivain la vraie et profonde. » Une sacrée revanche pour le petit Audois moqué pour son accent rocailleux.

Un accent qu’il conservera, fier de ses origines. Les auteurs y voient les raisons de son intransigeance : « Cet orgueil, d’une terre si dense et d’une origine si marquée, Jean Cau s’y référa toute sa vie. Il lui attribue la source de sa pensée, et de son caractère. La longue lignée audoise et paysanne de sa famille, motive sa fierté et fonde sa morale. » Loin de sa famille, le jeune homme découvre l’indépendance dans ce Paris qui se réveille après les années d’occupation. Il doit absolument trouver un travail pour accomplir son but. Il se propose comme secrétaire à tous les écrivains de la place, de Montherlant à Mauriac en passant par Sartre. Et c’est ce dernier qui lui répond et l’engage.

Jean Cau, de 1946 à 1957, va être au plus près de l’intellectuel qui va révolutionner la pensée de gauche. Cau sera de toutes les soirées, de tous les débats, aura un bureau chez Gallimard dans les locaux réservés à la revue Les Temps modernes et va rapidement faire le nécessaire pour être publié. Il n’a que 23 ans quand sort Le fort intérieur, un recueil de poésies.

Quelques mois plus tard sort son premier roman, Maria-Nègre. Le premier d’une longue série dont le fameux prix Goncourt en 1961. Catalogué comme intellectuel de gauche durant plusieurs décennies, Jean Cau ne se reconnaît plus dans cette gauche d’intellectuels, toujours issue de milieux sociaux favorisés. Des bourgeois honteux qui veulent défendre ouvriers ou colonisés comme pour se déculpabiliser.

Lentement mais sûrement, Jean Cau change de camp, devient ouvertement gaulliste, fustige le gauchisme, rompt avec ses anciens amis et se rapproche de plus en plus de la droite nationaliste. Dans les années 70, il met sa plume au service de Paris Match, multipliant les reportages coup de poing. Il signe aussi des livres analysant cette décadence de l’Occident qu’il regrette mais estime inéluctable. C’est la dernière image qu’il laissera, celle d’un réactionnaire pur et dur.

Si Jean Cau était toujours de ce monde, il aurait certainement antenne ouverte sur CNews et une chronique dans le Journal du Dimanche, version Bolloré.


« Jean Cau, l’indocile » de Ludovic Marino et Louis Michaud, Gallimard, 21,50 €

mardi 22 août 2017

Rentrée littéraire : Une famille française face à l’Histoire dans "Taba-Taba" de Patrick Deville



Voyage dans l’Histoire de France. Le nouveau roman de Patrick Deville, écrivain-voyageur, est une vaste photographie de la vie politique du pays de la fin du XIXe siècle à nos jours. Mais pour parler de l’universel, il a fait le choix de ne le faire que par l’entremise de sa propre famille. Des colonies aux tranchées de 14-18, de l’éducation pour tous aux attentats de 2015 en passant par la Résistance, les Deville étaient toujours présents, acteurs ou spectateurs, mais à la vie façonnée, modifiée ou bouleversée par ces événements.
Il y a l’arbre généalogique synthétique, impersonnel et le roman, chaleureux et édifiant. Le choix est vite fait pour Patrick Deville. Il débute son récit dans un ancien lazaret devenu hôpital psychiatrique. Un gamin, boiteux, y côtoie un ancien marin répétant sans cesse «Taba, Taba ». Ce gamin c’est l’auteur qui va y revoir l’arrivée de son arrière-grand-mère, en provenance d’Égypte, plus d’un siècle auparavant. Elle rencontre un homme qui deviendra instituteur, de ceux qui recrutés par Jules Ferry formeront la fameuse armée pacifique des « hussards noirs ».
■ De Bram à Sorèze
L’auteur, au volant de sa voiture, entreprend un long voyage pèlerinage sur les différents lieux de vie de ses ancêtres. Une voiture qui joue un rôle dans le roman, « j’observais en bas dans la cour la Passat - le Passé en catalan mais l’Alizé en allemand - comme un animal gris métallisé dont ma vie dépendait. » Son récit familial l’entraîne dans la banlieue parisienne, les champs de bataille de Verdun.
Et puis, en 1941, cap au sud. Les Allemands déferlent sur la France. La famille Deville fuit. « On leur avait dit qu’ils devaient descendre à Brame. Ils avaient entendu Brame. Ils avaient découvert dans la gare minuscule l’absence du e final. Ils sont à Bram, dans le département de l’Aude. » La ville de l’époque est décrite par le père de l’auteur. Lui y retourne de nos jours et en dresse un portrait contrasté. C’est le sud, mais la cité est à l’agonie. Uniquement tourné vers le passé, le rugby des Spanghero et des Rancoule. Ensuite ce sera le maquis dans le Lot. Un tour de France qui s’achève à Saint-Nazaire, dans ce lazaret devenu asile, après une longue parenthèse à Sorèze dans la Montagne noire.
Le roman offre le triple intérêt de raconter la vie d’une famille, de la replacer dans le contexte historique et surtout de découvrir ce que sont devenus ces lieux aujourd’hui. Une vision souvent teintée de nostalgie par un auteur qui a la capacité de voir au-delà des apparences et de découvrir des histoires derrière une lettre, un objet ou une simple façade décrépie. 
➤ « Taba-Taba » de Patrick Deville, Seuil, 20 €


vendredi 20 janvier 2012

BD - Bézian dessine ses souvenirs de Bram, de l'Aude et du Canal du Midi dans "Aller-retour"



Bézian
, sous couvert d'une enquête se son héros, détective, se souvient de son enfance. Le périple débute dans un TER et se poursuit dans les petites rues d'une bourgade de l'Aude. Il ne la nomme pas, mais grâce à quelques indices (Canal du Midi, gare SNCF, panneaux indicateurs...) on reconnaît la ville de Bram, entre Castelnaudary et Carcassonne. L'histoire débute de nos jours, en couleur, mais dès que le personnage principal met les pieds sur le quai, il bascule dans le passé en noir et blanc, quand il n'était qu'un enfant s'amusant dans les rues de cette circulade typique du Languedoc. Et Bézian d'expliquer l'importance du décor : « Été comme hiver, tous les villages de cette région paraissent gris. Il y a une qualité de mélancolie qui me touche particulièrement ». On retrouve cette mélancolie dans un album atypique, brillant par son côté graphique et novateur.


« Aller-retour », Delcourt, 16,95 €