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jeudi 18 septembre 2025

BD - Les géniaux généalogistes successoraux de “Success Story”


Ils enquêtent dans le passé. Jeanne et Angelo, héros de "Success Story" grosse BD écrite par Fabien Grolleau et dessinée par Nico Cado, sont des détectives très originaux. Ils ne cherchent pas les indices du présent mais recherchent les petits cailloux du passé qui leur permettront de remonter le chemin des vies d’hommes et de femmes décédés et sans descendants.

Le sujet aurait pu être très sérieux. Ou traité sur un mode polar et suspense. Mais Fabien Grolleau a préféré dans un premier temps se concentrer sur la personnalité de ce couple, à la vie comme au travail. Des originaux. Surtout Angelo, amoureux comme au premier jour, romantique lyrique et imaginatif, capable de retracer des vies entières juste en observant un objet du passé, un livre ou un tableau. 

C’est d’ailleurs une toile qui est à la base de cette histoire (on espère la première même si ce n’est pas présenté comme une possible série). Dans un appartement parisien resté fermé durant des décennies ayant appartenu à une certaine Suzanne Godart, épicière dans les Cévennes, ils découvrent des souvenirs datant de la seconde guerre et surtout un superbe tableau d’Andrei Wakowsky, peintre ukrainien assez renommé et réfugié en France au moment de la prise du pouvoir en Europe centrale par les nazis. Andrei, Juif, qui fait partie des millions de sacrifiés dans les camps de la mort. 


Ce probable chef-d’œuvre, au prix exorbitant selon les spécialistes, fait donc partie de l’héritage. Suzanne avait trois enfants. Deux résident toujours dans les Cévennes, la plus jeune, fâchée avec ses parents, a totalement disparue. Angelo et Jeanne ont donc plusieurs missions pour le notaire chargé de la succession : retrouver la fille évaporée et déterminer quelle est la relation entre l’appartement parisien, le peintre ukrainien et l’épicière de province. Une longue enquête sur le terrain qui passe par les Cévennes, évidemment, l’Italie, le Canada et l’Ukraine, pays en guerre actuellement, exactement comme dans les années 40, moment charnière de la vie de Suzanne Godart. Ou plus exactement, les vies. 

Une BD qui ne paye pas de mine, le dessin très gros nez  (notamment celui d’Angelo) donne l’impression d’une pochade comique. Alors certes les saillies d’Angelo sont marrantes, mais l’intrigue est finalement très sérieuse et raconte indirectement les soubresauts de cette Europe des Nations du début du XXe siècle.  

“Success Story”, Delcourt, 10 pages, 19,50 €


lundi 15 septembre 2025

BD - “Automne”, très belle fable écologique par Cécile et Lionel Marty


Il était une fois, dans un monde imaginaire, une forêt magique. Un immense arbre, en son milieu, assurait l’équilibre de tous les habitants, de la plus petite bestiole aux humains en passant par les êtres fantastiques. Un fragile bonheur surveillé par Automne, sorte de jeune sorcière rousse. Quand elle devine l’arrivée d’une ville mouvante du peuple de fer dans la forêt magique, elle décide de tout faire pour arrêter ces pilleurs de ressources. 
Si la trame du scénario de cet “Automne” à forte valeur ajoutée écologique semble un peu réductrice, c’est pour la bonne raison que le danger, dans la fiction mais aussi dans la vraie vie, est très réel.


Le peuple de fer veut atteindre la forêt, non pas pour y vivre en paix mais bien pour en massacrer toutes les ressources. Juste le temps de vivre dans l’abondance durant une génération. Ensuite ? Nouvel exil et recherche d’une nouvelle mine à exploiter.
Comment contrer l’inéluctable ? En intégrant juste un peu d’amour. Romance entre Automne et le beau jeune homme qui est éclaireur du peuple de fer. Il va succomber au chrome d’Automne et réfléchir aux conséquences de ses actes. Une petite prise de conscience qui ferait beaucoup pour l’avenir de notre planète si elle était partagée par un peu plus de monde.
On peut reprocher le simplisme de la démarche des deux auteurs. Et pourtant… Quelle solution différente peut changer durablement l’avenir de notre société ? Une BD qui bénéficie du talent des deux auteurs, Cécile et Lionel Marty, ensemble dans la vie et qui ont fait le choix de vivre loin des dégâts de l’urbanisation. Un quotidien en accord avec son travail artistique. Chapeau !    
“Automne”, Delcourt, 64 pages, 16,50 €

mercredi 9 juillet 2025

BD - Les super héros testent la liberté


Une fois n'est pas coutume, mieux vaut débuter la lecture de cet album par la fin. Les dernières pages qui présentent sous forme de fiches les principaux protagonistes de cette histoire de super héros à cheval entre plusieurs dimensions et qui se retrouvent cloués sur Terre. Sans cette étape, vous allez peut-être décrocher face à la complexité de l'intrigue du début. D'où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Pourquoi sont-ils cachés sur Terre derrière des identités d'étudiants ? 

Autant de questions sans réponses dans les premières pages et forcément déstabilisantes. En résumé, ces "free agents" étaient chargés de protéger des univers de l'envie de conquête  du grand méchant de l'histoire, Eskandir, l'Argive. 

Ayant perdu leur chef au combat, ils se retrouvent propulsés sur Terre. Ils décident d'y vivre tranquillement, loin de la guerre. Mais c'est sans compter sur l'Argive, ses sbires et autres monstruosités qui décident de conquérir cette gentille planète. Les agents vont reprendre du service. Mais sans chef, en totale liberté. 

Une histoire dense signée Kurt Busiek et Fabian Nicieza. Au dessin, on retrouve un Stephen Mooney au sommet de sa forme.  

"Free Agents" (tome 1), Delcourt, 160 pages, 17,50 €

mercredi 4 juin 2025

BD - Jour J raconte l'autre histoire de la bombe atomique

Après des années de présence (et de succès) au sein du catalogue Delcourt, la collection Jour J tire sa révérence. Terminées les variations historiques imaginées par les très productifs scénaristes Pécau et Duval. Comme pour marquer cette fin dans une explosion dantesque, les deux tomes de Los Alamos, dessinés par Denys, viennent d'être réédités dans une édition spéciale en un seul volume augmenté d'un  cahier pédagogique sur la vie des nombreuses personnalités qui émaillent ce récit se déroulant aux USA en 1945. En plein désert du Nouveau-Mexique, plusieurs scientifiques, sous la surveillance étroite de l'armée US, travaillent à la mise au point de la première bombe atomique. Pour coordonner ce programme Manhattan, Robert Oppenheimer. Mais le savant a des doutes. 

C'est à ce moment que l'Histoire change. Duval et Pécau imaginent qu'Oppenheimer, terrorisé par son invention, quitte la base et fuit, en voiture, sans but. Une longue cavale au cours de laquelle il rencontrera quelques originaux, notamment le poète Jack Kerouac. Cela donne des dialogues assez surréalistes entre le chantre de la beat génération et l'inventeur de la plus terrible des armes. FBI et armée tenteront de retrouver celui qui permettra aux USA de remporter la guerre contre le Japon et d'étendre sa domination du monde face aux Soviétiques de plus en plus expansionnistes. On croise même Eliot Ness, vieux flic alcoolique lui aussi rongé par les remords. 

Distrayante, partant un peu dans tous les sens (la faute aux potes de Kerouac...), cette BD nous en apprend quand même beaucoup sur le fonctionnement des USA, la folie des hommes et la résilience de certains. On regrettera enfin  la mort de la collection Jour J et de ses nombreuses possibilités de modification de la marche du monde. Et en ce moment, il en besoin, le monde, d'une nouvelle direction plus safe et réfléchie...

"Jour J - Los Alamos" (édition spéciale), Delcourt, 120 pages, 23,75 €

mercredi 14 mai 2025

BD - Agrippine, princesse de sang

La série des Reines de sang se penche sur le rôle des femmes dans la Rome antique. Pas évident d'être l'épouse d'un empereur ou d'un général. A part donner des héritiers mâles, leur utilité n'est jamais essentielle. C'est le cas de la jeune Agrippine. Rome est déchirée entre deux factions. Le peuple voudrait que le général César Germanicus, cantonné en Germanie, accède au pouvoir. Mais Tibère, le gendre d'Auguste, premier empereur, s'accroche au pouvoir. Agrippine est la fille du général. Un père qu'elle ne verra que peu. Entre guerres et négociations, il est souvent loin de la capitale. Et rapidement son pouvoir fait peur. Une dose de poison plus tard, il quitte définitivement la scène politique. La succession se fera donc entre les enfants de Tibère et ceux du général. Mais Agrippine a bien l'intention de tenir un rôle dans ce jeu politique dangereux. 

Racontée par Luca Blengino sur des dessins très expressifs de Roberto Ali, la vie d'Agrippine sera présentée en trois volumes (le second en septembre, le troisième en janvier 2026), agrémenté de deux autres titres sur des femmes importantes de la Rome antique : Messaline (septembre) et Poppée (janvier). Le quotidien d'Agrippine se partage entre études et plaisirs simples de la vie. Mais elle doit sans cesse être sur ses gardes. Notamment quand son frère Caligula est dans les parages. Il est persuadé que pour assurer la pérennité du sang céleste de la lignée, il doit faire un enfant à sa sœur...  Elle n'a pas encore 10 ans... 

Agrippine, une fois adulte, sera transformée en cadeau pour réconcilier les deux factions. Elle acceptera de baisser la tête et de se taire. Mais ce sera la dernière fois. De cette union non voulue, elle donnera le jour au redouté Néron, futur empereur. La suite de la série verra naître une des plus terribles reines de sang. 

"Agrippine" (tome 1), Delcourt, 48 pages, 15,50 €

vendredi 18 avril 2025

BD - "Somna", récits de cauchemars sortis de l'enfer


Durant de longs siècles, le sort des femmes dans les sociétés dites "civilisées" était tout sauf enviable. En plus de donner du plaisir aux hommes, elles étaient les porteuses de leur descendance. Sans oublier les contraintes de la vie quotidienne. Mais à une époque, cela ne suffisait pas. Le clergé a donc inventé des faits de sorcellerie, bonne occasion de se débarrasser sans trop de difficulté des rares individualités qui ne se contentaient pas de cette vie de misère. Un procès vite expédié et direct au bûcher !

"Somna", long récit graphique de Becky Clooman et Tula Lotay est l'histoire d'une de ces épouses qui ont eu le tort d'espérer. Dans un village anglais du XVIIe siècle, Ingrid est mariée au bailli, juge et bourreau faisant office de chef des inquisiteurs. 


Ce matin-là, elle refuse de l'accompagner à son travail. Pas étonnant, il a pour mission de tuer en place publique Greta, la femme du charpentier. Ingrid ne pourra cependant pas rater le cadavre de la malheureuse laissé une semaine au centre du village. Une image qui vient s'immiscer dans les cauchemars de la jeune femme. Des rêves où un homme sombre fait aussi de régulières apparitions. Il l'incite à se rebeller. L'entraîne vers le plaisir, la jouissance. Solitaire. Rêves érotiques qu'elle attribue à Satan. De là se prendre pour une sorcière elle aussi... Ce que ses voisins vont rapidement croire. 

Une belle histoire sur le véritable esclavage subi par les femmes. Un récit d'horreur, dessiné dans deux styles différents. Très réaliste pour les rêves, plus comics pour la réalité. L'oeuvre de deux femmes qui ont clairement choisi leur camp. Seul bémol, c'est un peu long et bavard. En d'autres temps (les années 80 par exemple, riches en BD de sorcellerie), un auteur pressé aurait condensé l'ensemble de l'histoire en dix pages.     

"Somna", Delcourt, 180 pages, 23,50 €

lundi 7 avril 2025

BD - Une femme trop parfaite pour être réelle ?


Ce beau et gros roman graphique oscille entre réflexion psychologique, psychanalyse et science-fiction. Avec au centre, une femme d'une exceptionnelle beauté. La femme parfaite pour Alan, ancien militaire remontant doucement la pente après un traumatisme. 

Alan, après des années en Afrique où il attrape le paludisme, une version très agressive qui provoque des hallucinations, est muté au Moyen Orient. Il est chargé de décrypter les messages des groupes terroristes. C'est en se trompant dans un code qu'il envoie une compagnie dans un véritable guet-apens. Une erreur qui pousse sa hiérarchie à demander sa démission. De retour en France, dans sa maison de campagne en banlieue, il espère enfin trouver la paix auprès de Catherine, la femme qu'il aime, "sa femme parfaite". Problème, cette jolie blonde, médecin, refuse son amour. Elle sait qu'il va dépérir et rapidement mourir. Elle préfère l'oublier en rejoignant une association humanitaire en Afrique. 

Seul, dépressif, Alan sombre malgré l'aide de son médecin, par ailleurs meilleur ami. Tout bascule quand un matin il découvre dans un champ de blé devant chez lui, une femme nue, enveloppée dans une grande toile rose. Il reconnait immédiatement Catherine. Erreur. Ce serait la copie de ce que son esprit estime être "la femme parfaite", forme choisie par une entité extraterrestre à la recherche d'un géniteur pour assurer l'avenir de l'espèce. De très intellectuelle, l'histoire bascule dans la pure SF, un peu tirée par les cheveux parfois. Reste les questionnements d'Alan. Cette femme parfaite venue d'ailleurs peut-elle remplacer la véritable Catherine ? Et si c'était l'occasion de changer son avenir, de guérir ?

Makyo, au scénario, propose un condensé des thèmes qu'il aime aborder dans ses romans ou séries, de Grimion gant de cuir à la Balade au bout du monde en passant par ADN. C'est plus intellectuel que les films à effets spéciaux... Tout se passe essentiellement dans des dialogues écrits au cordeau. Les décors, de la maison d'Alan aux plages où ils vont se baigner, nus et heureux, n'ont rien d'exceptionnels. C'est donc une véritable prouesse que réalise Bruno Cannucciari, le dessinateur italien de cet album : il parvient à insuffler mystère et ambiance extraordinaire dans des scènes d'une simplicité a priori banales.    

"Le chant de la femme parfaite", Delcourt, 104 pages, 22,50 €

dimanche 30 mars 2025

BD - Lanternes magiques sur une île isolée

Eloane est en froid avec sa mère Irène. Du classique dans les relations familiales. Même si la brouille est plus grave. Encore adolescente, Eloane a répondu à son père. Peu de temps après, ce dernier mourrait dans l'incendie du phare qu'il gardait sur cette île isolée. Depuis, la  jeune femme est persuadée être la responsable du drame et que sa mère la déteste. Dès q'elle a pu, elle a quitté l'île où sa mère est toujours policière. Le coeur gros, elle laisse derrière elle son jeune frère, devenu mutique depuis l'incendie mortel. 


Jean-Etienne, dans ce gros roman graphique très stylisé, mélange psychologie, traditions provinciales et fantastique. Le récit débute véritablement avec le retour d'Eloane sur l'île. Elle va participer à la nuit des lanternes. Une tradition typique au cours de laquelle tous les habitants se réunissent avec une lanterne. Il suffit de la laisser s'éteindre toute seule pour que les mauvaises choses ou pensées désertent votre vie. Par malchance, les retrouvailles entre Eloane et Irène de passent mal. La jeune fille brise sa lanterne  et le roman graphique bascule dans un fantastique entre Wendigo et monstre marin. 

Premier titre de cet auteur complet chez Delcourt après quelques participations à des albums collectifs. Il avoue admirer Mike Mignola. On retrouve un peu du style du maître américain dans le maniement des aplats noirs. Un récit sombre et un peu déroutant, manquant un peu de profondeur. Reste que Jean-Etienne maîtrise parfaitement son sujet, sa narration et ses personnages. A découvrir. 

"La nuit des lanternes", Delcourt, 184 pages, 25,95 €

samedi 22 mars 2025

BD - Reportage de l'horreur sur la planète Terminus


Parmi les BD de science-fiction, il y a les gentilles, les intelligentes et les noires, généralement très pessimistes et particulièrement violentes. Si c'est cette dernière catégorie qui vous attire, vous devriez apprécier ce one-shot, écrit par Matt Kindt et dessiné par Dan McDaid, au titre énigmatique : "Si vous lisez ça, c'est que je suis déjà morte..." 

Cette phrase c'est Robin qui l'écrit, une journaliste. Elle a été sélectionnée pour réaliser le premier reportage sur la planète Terminus. Un astre qui n'a pour l'instant vu que quelques militaires solidement entraînés. 

Le débarquement se fait dans la grande tradition des films à gros spectacles. Une équipe de durs à cuire pour chaperonner la jeune journaliste intrépide. La nef se pose sur une petite enclave, seul endroit réputé sûr de la planète. Mais rien ne se passe comme prévu. En dix minutes, les soldats sont exterminés, il ne reste plus que Robin, tentant de trouver le salut en se cachant dans des sous-sols hostiles. 

Un long cauchemar pour la jeune femme, confrontée à plusieurs sortes d'extraterrestres, tous plus agressifs les uns que les autres, quasiment des dieux dans ce monde de fureur et de sang. 

La transformation et la survie de Robin n'est pas pour les âmes sensibles. La violence atteint des sommets. Jusqu'à la mort... à moins que. Un roman graphique sur la prétention des Humains, leurs faiblesses et propension à trahir. De la SF noire, pessimiste et violente comme expliqué en introduction.   

"Si vous lisez ça, c'est que je suis déjà morte...", Delcourt, 96 pages, 19,50 €

vendredi 28 février 2025

Roman graphique - La fin du monde et les petites gens

On craint de plus en plus la fin du monde. La folie des dirigeants ne nous met plus à l'abri. Elle est de plus en plus probable dans ce roman graphique de plus de 310 pages écrit par Jean-Christophe Deveney et dessiné par Tommy Redolfi. Dans ce récit, ce n'est pas les errances de quelques dictateurs en mal de démonstration de puissance qui vont provoquer le début de la fin mais de simples météores qui décident de s'écraser sur notre pauvre planète. 

Une première alerte est lancée. Personne n'y croit. Et on suit donc le quotidien totalement inchangé de quelques petites gens dans cette ville occidentale qui pourrait se situer en Europe comme aux USA ou au Canada. Toute la force de ce roman consiste à raconter le quotidien d'hommes et de femmes qui survivent plus qu'ils ne profitent de l'existence. Ceux qui "ne font que passer" comme le souligne le sous-titre de l'ouvrage.

Une survie condamnée quoi qu'il arrive car les fameuses météores ne vont pas faire la sélection en s'abattant sur la Terre. Un simple d'esprit qui tente de conserver son travail, une infirmière, mère isolée, épuisée mais obligée de continuer, des vieux en bout de course et dans ce marasme, une jolie solidarité. Plus on est malheureux, plus on a tendance à faire le bien autour de soi. 

Cette immersion du lecteur dans un monde sans foi ni loi, implacable pour les plus faibles, va finalement accoucher d'un bouleversement qui pourrait être salutaire. Face au danger, les riches fuient. Restye qsur lace les délaissés, comme s'ils détenaient tout l'avenir de l'Humanité. C'est beau et triste à la fois. 

"Les météores", Delcourt, 312 pages, 34,95 €

mercredi 19 février 2025

BD - Les souvenirs oubliés

La mémoire est une des particularités humaines les plus fascinantes. Comment fait-on pour se souvenir de tout ce qui nous arrive ? Ou plus exactement, pourquoi on oublie tant de choses qui nous semblent pourtant si importantes quand elles nous arrivent ? Trou de mémoire. Impossible à combler. Ce questionnement est au centre du roman graphique de Phicil, Les fantômes du Mont-Blanc. Une longue quête dans le passé qui passe par l'intermédiaire d'un bon gros chien. Bernie. De son nom exact : Bernie le bouvier bernois. 

Le gros toutou est heureux avec sa maîtresse, mais elle est mutée en ville. Elle doit donc s'en séparer. Voilà pourquoi en plein hiver, elle le confie à M. Weiss, un vieil horloger à la retraite vivant dans un petit village de montagne dans les Alpes, pas loin du Mont-Blanc. Un choc pour Bernie. 

Mais il n'est pas au bout de ses peines car en chemin, il croise une sorte d'horrible épouvantail. Et la nuit, dans l'atelier silencieux de son nouveau maitre, il se retrouve face à un vilain petit chien et une jolie fille aux cheveux d'un rose éblouissant. 

Elle se nomme Edèle, mais c'est tout ce qu'elle se souvient de son passé. Le trio, accompagné de l'oiseau d'un coucou mécanique, va aller à la recherche de traces du passé d'Edèle dans les divers lieux du village. Rencontres magiques, réminiscences tragiques : Bernie va tout faire pour aider ses nouveaux amis. 

Cette rêverie montagnarde, va devenir plus dramatique au fil des pages. Une belle réflexion sur le sort des réfugiés, des erreurs du passé, de la mort et de la résilience. C'es
t grave mais aussi très plaisant grâce à ce bon gros Bernie, serviable et fidèle. 

"Les fantômes du Mont-Blanc", Delcourt, 176 pages, 22,50 €

mardi 11 février 2025

BD - Animaux subtils

Encore des Mousquetaires ! Mais cette fois en BD et qui se transforment en… animaux. Imaginés par Deveney et mis en images par Dante, ces Mousquetaires fantastiques permettent aussi au jeune lecteur de réviser des fables de La Fontaine.

Artimon, bourru et bon vivant, fait équipe avec Valère, jeune et lettré. Deux mousquetaires réquisitionnés pour tenter de mettre fin à la révolte des animaux. Dans ce royaume de France imaginaire, les sangliers, renards, blaireaux et autres lièvres se rebellent contre l’avancée des humains. Pour comprendre le phénomène nos mousquetaires vont demander conseil à La Fontaine, célèbre fabuliste.

Qui va leur dévoiler son plus grand secret : en se plongeant dans une source magique, on peut de transformer en animal. La suite de la BD voit le trio se transformer en dogue (Artimon), chat (Valère) et hibou (La Fontaine). Une histoire magique, sur la tolérance et l’entraide sous toutes ses formes.

Une série très originale et prometteuse.
« Mousquetaires fantastiques » (tome 1), Delcourt, 72 pages, 16,50 €

jeudi 6 février 2025

BD - Fantômes espagnols dans les fosses communes du franquisme


À la fin de la guerre civile en Espagne, en 1939, les Républicains qui n’ont pas pu prendre la fuite ont été emprisonnés et très souvent fusillés par les Franquistes. Des procès expédiés en quelques minutes, des corps jetés dans des fosses communes.

Plusieurs décennies après, les descendants de ces martyrs ont obtenu du gouvernement que les corps soient retrouvés et bénéficient d’une sépulture décente. Ce combat est raconté dans l’enquête de Rodrigo Terrasa, journaliste à El Mundo à Valence. Une série d’articles déclinés en roman graphique mis en images par Paco Roca.


L’abîme de l’oubli
se déroule en grande partie dans le cimetière de Paterna dans la banlieue de Valence. Un village placé entre deux prisons, une caserne et un champ de tir. Le chemin le plus court pour rejoindre ce cimetière où durant des années des fosses communes ont été remplies des corps des condamnés à mort. Pepica, une vieille dame de 70 ans, a obtenu une subvention pour retrouver les ossements de son père, fusillé le 14 septembre 1940 par l’armée de Franco.

Les auteurs, en plus du travail des archéologues, parviennent à retracer le parcours de ces hommes et femmes dont le sel tort a été de se trouver dans le camp perdant. L’émotion est présente durant les fouilles, mais aussi quand on revit l’arrestation, l’emprisonnement et l’exécution des Républicains.

Un roman graphique qui sert de témoignage inaliénable d’une barbarie sans nom. D’une volonté de retrouver les dépouilles des suppliciés, de leur permettre de trouver la paix.
« L’abîme de l’oubli », Delcourt, 296 pages, 29,95 €

mardi 31 décembre 2024

BD - Une intrépide coboye dans les plaines de l'enfance

Avant de devenir dessinatrice de bande dessinée, Cécile était une fillette pleine d’imagination vivant à la campagne avec sa maman. Le prototype du garçon manqué, admirant les aventuriers de la grande période de la conquête de l’Ouest américain.

Voilà pourquoi, en son for intérieur, elle est avant tout une Coboye. La corde à sauter est reconvertie en lasso, la jolie tête à coiffer offerte par sa mamie en Totem du camp indien, après un scalp traditionnel. Quand sa maman part faire des courses, elle demande régulièrement qu’elle lui achète des bâtons de « dinamit », des « alumetes » et aussi quelques « chouinegom ».

Sous forme de gags en une ou deux images par page, on découvre toutes les bêtises que la fillette a réalisées au grand désespoir de sa maman, rebaptisée le « shérif » dans son monde imaginaire. Un album qui sent bon l’innocence de la jeunesse, magnifiée par des aquarelles lumineuses.

« Coboye », Delcourt, 144 pages, 17,50 €

mardi 17 décembre 2024

BD - Un libertin dans les forêts du Canada sauvage


Le chevalier de Saint-Sauveur, libertin ambitieux rêvant de faire sa place dans la cour, est criblé de dettes. Pour les effacer, il promet à un noble de faire pousser une jeune noble française dans les bras d’un Iroquois. Un plan machiavélique qui l’oblige à rejoindre la Nouvelle-France, de l’autre côté de l’Atlantique.


Alain Ayroles, sous forme de lettres, raconte ce périple épique qui va pousser le vert galant à courir les bois en compagnie de son valet, Gonzague. Des bois dangereux car peuplés de multiples tribus d’Indiens, pas toujours amicales.

Le format nettement plus grand de l’album permet d’apprécier au mieux les planches de Richard Guérineau.
« L’ombre des Lumières » (tome 2), Delcourt, 72 pages, 22,95 €

samedi 7 décembre 2024

BD - Une victime peu banale dans "Cosmic Detective"

Pour attraper les méchants, il y a les policiers mais aussi les détectives privés. Un grand classique dans la littérature et BD américaine, revisitée par deux scénaristes de talent : Jeff Lemire et Matt Kindt. Ils ont imaginé les péripéties de ce Cosmic Detective dans un futur lointain et ont demandé à l’Espagnol David Rubin de traduire le récit en superbes planches.

Ce détective, qui travaille pour une agence non officielle, arrive sur la scène d’un crime avant la police. Pour la première fois de sa carrière, il constate que la victime n’est pas un humain mais un… Dieu. Dans cet univers, ces êtres supérieurs, prétendument immortels, sont au-dessus des Humains. Qui a réussi à en occire un ? Avec quelle arme ? Et surtout pourquoi ?

En recherchant la dernière personne ayant vu le Dieu mort, une jeune femme, le détective tombe sur une information capable de faire s’écrouler le monde actuel. Une longue descente aux enfers pour un homme inflexible, partagé entre son devoir et l’envie de simplement profiter de sa famille.
« Cosmic Detective », Delcourt, 192 pages, 23,75 €

mardi 5 novembre 2024

BD - Chats bavards


Naturellement, les chats sont impertinents et moqueurs. Alors imaginez s’ils avaient le pouvoir de parler ! Justement, dans la série Parole de chat, écrite par Noël Chanat et dessinée par BidyBop, une bande de fieffés félins ne se prive pas de répondre aux humains qui ont la prétention de vivre avec eux.


Le jeune Jean-Aymar et son grand-père Victor se considèrent comme des maîtres des animaux, mais les chats, en réalité, n’y voient que des esclaves. Ce gros album, dessiné dans un style entre manga et BD animalière réaliste, est l’occasion de profiter de quelques bons mots sortis des gueules de ces matous matois.

Comme cette réflexion : « Les êtres humains sont très forts pour se gâcher la vie, on appelle ça la rature humaine » ou quand Jean-Aymar n’ose pas déclarer sa flamme à la jolie Ophélie, un chat lui fait remarquer que « avant de copuler, il faut d’abord lui sentir la croupe. »

« Parole de chat » (tome 2), Delcourt, 72 pages 15,95 €

mardi 8 octobre 2024

BD - Orson Welles le tragédien


Le ton est sombre dans la biographie d’Orson Welles signée Youssef Daoudi. Plus linéaire aussi. Car si l’introduction montre le Welles dont tout le monde se souvient (grand, avec une cape et un chapeau), les premières pages racontent l’enfance de ce petit génie, couvé par sa mère, déjà comédien et sur les planches à l’âge où d’autres abandonnent à peine leurs couches.

Il dessine, chante, joue de la musique, lit et bien évidemment écrit. Un artiste complet, capable de discourir avec les adultes alors qu’il n’a que 12 ans. Logique qu’après de nombreux succès au théâtre, il attire les regards des producteurs de Hollywood.


Dès son premier film, il signe un chef-d’œuvre, Citizen Kane. Pourtant la suite est moins réjouissante. Innovateur et provocateur, il se fâche souvent avec les studios, abandonne de nombreux projets et ne parvient pas à faire tout ce qu’il imagine. Contrairement à beaucoup, sa carrière n’est pas une courbe ascendante régulière jusqu’à la perfection mais une dégringolade incessante.

Un roman graphique virtuose, sombre, avec des dessins qui font parfois penser à du Forest. Un superbe hommage qui donne furieusement envie de redécouvrir les œuvres oubliées de ce génie du 7e art.
« Orson », Delcourt, 280 pages, 18,95 €

mardi 3 septembre 2024

BD - Ohio, rivière et frontière


Méconnue du grand public, la conquête d'Ouest américain a d'abord été une guerre entre France et Angleterre. Les deux puissances colonisatrices désiraient imposer leur loi pour profiter des richesses de ces immenses territoires vierges. Mais pas déserts. Hurons et Iroquois, ennemis héréditaires, se partagent eux aussi la région.

Le contrôle de la navigation sur la rivière Ohio devient rapidement un enjeu majeur. Les Français y voient l'opportunité de faire communiquer leurs deux grandes provinces, le Canada et la Louisiane. Les Anglais vont s'y opposer par les armes.

C'est cette guerre qui sert de toile de fond à la nouvelle série historique de Fred Duval et dessinée par Brada. En 1754, un trappeur français, Jacques de la Salle, va se retrouver au centre du conflit. Il va tenter de sauver sa peau aidé par un Iroquois, Loup Blanc.

La beauté des berges sauvages magnifie cette série qui veut rendre hommage aux nations indiennes, victimes de la querelle entre grands d'Europe. Un récit humaniste, avec son lot de surprise et de coups de théâtre, car Loup Blanc, comme le trappeur, ancien pirate, ont de lourds secrets dans leurs besaces.
« Ohio, la belle rivière » (tome 1), Delcourt, 56 pages, 13,50 €

lundi 26 août 2024

BD - Dernières décisions de managers ridicules


Depuis le résultat des élections législatives anticipées, le président s’est fait discret sur le front des allocutions officielles. Alors ceux qui sont en manque (toutes les perversions existent dans ce triste monde…) doivent lire de toute urgence ce recueil de gags intitulé Dernière réunion avant l’apocalypse.

Dès la première page on voit le président, torse nu, un superbe tatouage maori sur l’épaule et le poitrail, expliquer aux citoyens que « l’apocalypse et la fin du monde auront lieu demain à 19 heures. » Sur cette nouvelle sensationnelle, Karibou (scénario) et Chavant (dessin), vont raconter, heure par heure, ce qu’il se passe dans la société, notamment au travail. Car sous couvert de message messianique, c’est une sévère critique du monde économique qui est proposée pour assouplir nos zygomatiques.

Les managers en prennent pour leur grade, eux qui veulent profiter de l’échéance pour pressuriser encore plus leurs subordonnés. Certains acceptent, oubliant que c’est leur dernière journée de boulot, d’autres se rebellent. Surtout pour tenter de prendre la place de leur N + 1 avant 19 h. Et les primes de fin d’année (qui n’arrivera jamais…) qui vont avec.

Le meilleur reste les gags avec le président. On sent le frustré décidé à utiliser au maximum ses prérogatives. Toute ressemblance avec…
« Dernière réunion avant l’apocalypse », Delcourt, 64 pages, 13,50 €