Il était une fois, dans un monde imaginaire, une forêt magique. Un immense arbre, en son milieu, assurait l’équilibre de tous les habitants, de la plus petite bestiole aux humains en passant par les êtres fantastiques. Un fragile bonheur surveillé par Automne, sorte de jeune sorcière rousse. Quand elle devine l’arrivée d’une ville mouvante du peuple de fer dans la forêt magique, elle décide de tout faire pour arrêter ces pilleurs de ressources. Si la trame du scénario de cet “Automne” à forte valeur ajoutée écologique semble un peu réductrice, c’est pour la bonne raison que le danger, dans la fiction mais aussi dans la vraie vie, est très réel.
Le peuple de fer veut atteindre la forêt, non pas pour y vivre en paix mais bien pour en massacrer toutes les ressources. Juste le temps de vivre dans l’abondance durant une génération. Ensuite ? Nouvel exil et recherche d’une nouvelle mine à exploiter.
Comment contrer l’inéluctable ? En intégrant juste un peu d’amour. Romance entre Automne et le beau jeune homme qui est éclaireur du peuple de fer. Il va succomber au chrome d’Automne et réfléchir aux conséquences de ses actes. Une petite prise de conscience qui ferait beaucoup pour l’avenir de notre planète si elle était partagée par un peu plus de monde.
On peut reprocher le simplisme de la démarche des deux auteurs. Et pourtant… Quelle solution différente peut changer durablement l’avenir de notre société ? Une BD qui bénéficie du talent des deux auteurs, Cécile et Lionel Marty, ensemble dans la vie et qui ont fait le choix de vivre loin des dégâts de l’urbanisation. Un quotidien en accord avec son travail artistique. Chapeau ! “Automne”, Delcourt, 64 pages, 16,50 €
Film écologique, naturaliste et familial, « Le mal n’existe pas » de Ryusuke Hamaguchi donne à voir un autre Japon, partagé entre nature préservée et ambitions touristiques luxueuses.
Le film débute par un long travelling sur les cimes d’arbres. Mais à l’opposé de nombre de génériques de série, ce n’est pas vu du ciel et à partir d’un drone que c’est filmé. La caméra avance et capte l’image des branches qui cachent en partie le ciel. La beauté de la forêt, mais admirée à hauteur d’homme, tête renversée. Ou d’enfant. Car ils sont deux à sillonner sans relâche cette zone protégée du Japon : Takumi (Hitoshi Omika) et sa fille Hana (Ryo Nishikawa).
Le premier est homme à tout faire dans cette petite ville loin de la frénésie de la capitale. Il élève seul sa fille de 8 ans qui passe plus de temps à courir la nature qu’à faire ses devoirs. Ce début de film pourrait sembler trop lent, sans la moindre action (par exemple cinq minutes durant lesquelles Takumi scie du bois puis fend des bûches…). Sauf si on lâche prise et qu’on écoute la musique de Eiko Ishibashi.
Le film est un dérivé d’une collaboration entre cette compositrice et le réalisateur. Il a filmé cette splendide forêt pour illustrer des concerts en live. Des images qu’il a reprises en partie dans le film, y greffant une intrigue qui prend toute son ampleur dans la seconde partie.
Des promoteurs ont acheté une partie de la forêt et veulent y implanter un « glamping ». Le concept fait fureur : un mélange de camping et de glamour. Cela apportera emplois et dynamisme économique. Mais lors d’une réunion de présentation du projet par deux jeunes investisseurs, les quelques habitants présents s’inquiètent surtout pour l’eau de la source qui alimente le village.
La fosse septique du « glamping » pourrait la polluer. Ils exigent que la fosse soit déplacée. Incompréhension des deux urbains. Le film se transforme en critique sociale et écologique. Car au Japon comme chez nous, les intérêts capitalistiques se moquent de la préservation de l’environnement. Et dans la suite de Le mal n’existe pas, Ryusuke retrouve la profondeur cinématographique de Drive my car. Les investisseurs sont parfaitement conscients que le projet est mal ficelé.
Mais une seule chose importe : le boucler le plus rapidement possible pour récupérer des subventions d’après crise sanitaire. La dernière partie du film voit les deux jeunes investisseurs revenir en forêt et tenter de persuader Takumi du bien-fondé de leur projet de glamping.
La confrontation de ces deux mondes et une fin totalement inattendue, toujours avec l’appui d’une bande-son virtuose, propulse ce film japonais vers le statut de chef-d’œuvre inattendu. Le Lion d’argent au dernier festival de Venise est dès lors tout à fait justifié.
Film de Ryusuke Hamaguchi avec Hitoshi Omika, Ryo Nishikawa, Ryûji Kosaka
On peut toujours mieux faire en matière de préservation de la nature au quotidien. Manger bio, utiliser des produits naturels… Ce n’est qu’une première étape pour Aurélie Valtat qui dans ce petit guide propose des pistes pour devenir une ménagère (ou un ménager ?) exemplaire.
Une résilience qui passe par la fabrication de ses propres produits. Et à partir d’ingrédients 100 % biodégradables et d’origine naturelle. Si vous vous laissez convaincre, à vous le débouche évier à base de vinaigre blanc et de cristaux de soude concentrée, la poudre pour lave-vaisselle avec bicarbonate, acide citrique et cristaux de soude ou sa lessive uniquement avec des… feuilles de lierre.
« Le ménage au naturel » d’Aurélie Valtat, Ulmer, 128 pages, 16,90 €
Elles sont rares les nouveautés BD qui allient une parfaite harmonie entre histoire et dessin. Trop souvent un bon scénario est peu mis en valeur part un dessin trop expérimental et pas assez au service de l’intrigue. D’autres fois, la virtuosité du dessinateur est noyée par un salmigondis de clichés desservant une vision unique d’un monde qui pourrait faire rêver en entraîner très loin le lecteur en mal de découverte. Alors quand les deux s’accordent parfaitement, donnant naissance à un monde nouveau et passionnant, l’amateur de BD se remet à espérer dans la force de proposition et d’invention d’un média tout sauf épuisé.
NéoForest est un récit d’anticipation post-apocalyptique imaginé par Fred Duval. Après la technologie futuriste de sa série Renaissance (dessin de Emem chez Dargaud), place à l’effondrement de la civilisation, et un retour dans un Moyen Age violent. La France (l’Europe en général et les autres continents), sont divisés en zones repliées sur elles-mêmes dominés par des seigneurs de la guerre. Dans un petit royaume autonome, recouvert d’une forêt riche et parfois dangereuse, le comte Cocto règne en maître sur ses sujets. Il n’a qu’une fille pour assurer la descendance : Blanche. Cette dernière n’est pas intéressée par le pouvoir. Sa raison de vivre d’est l’exploration de la forêt, rencontrer le petit peuple, protéger les arbres et les animaux mythiques comme les licornes et autres mutants entre sangliers et hommes.
Perdues dans les entrailles des bois, elle ne se doute pas qu’un complot vient de débuter au château pour écarter son père du pouvoir.
Une histoire de pouvoir classique, embellie par la richesses des trouvailles scénaristiques de Duval, du tournoi de chevalier en VTT en passant par des orchidées tueuses ou l’utilisation des cochons pour « réparer » les humains en mal d’organes neufs. Le meilleur reste le dessin et les couleurs de Philippe Scoffoni. Il donne une vie à part à la forêt, sa profondeur, voire sa conscience. Une BD écologique du futur.
« NéoForest » (tome 1), de Fred Duval (scénario) et Philippe Scoffoni (dessin), Dargaud, 16,50 €
La mode des séries coréennes sur Netflix bat son plein. Mais pour une fois, The Silent Sea de Park Eun-kyo manque cruellement d’originalité. Pourtant le casting avait tout pour hisser la série au firmament : le premier rôle masculin est tenu par Gong Yoo vu dans Le dernier train pour Busan et la vedette féminine n’est autre que Doona Bae vue et grandement appréciée dans Sense 8 ou Stranger. Cette aventure spatiale sur la Lune dans un futur proche joue sur le ressort du réchauffement climatique. Les ressources en eau sont en train de s’épuiser. Le liquide est rationné. Tout le monde a soif.
C’est dans ce contexte qu’une expédition est lancée pour aller sur une base lunaire coréenne. Fermée depuis la mort de tous ses membres, elle renfermerait des échantillons vitaux pour l’avenir de l’Humanité. Doona Bae interprète une scientifique qui cherche à savoir comment est morte sa sœur, présente sur la Lune lors de la catastrophe.
Le capitaine de la navette, un militaire miné par la maladie de sa petite fille, fera tout pour mener à bien la mission. La série bascule dans le n’importe quoi quand les acteurs, pour faire croire qu’ils sont sur la Lune, font semblant de marcher au ralenti en décomposant leur mouvement. Effets totalement ratés.
La suite alterne psychologie familiale primaire et grand guignol. Une grosse déception, c’est rare en provenance de Corée.
En mode « Moi, président… » Nicolas Hulot a publié sous forme de tribune dans Le Monde d’hier une longue liste de propositions pour un avenir plus radieux. 100 idées qui commencent toutes par « Le temps est venu… » L’ancien animateur télé, chantre de l’écologie (et capitaliste éclairé) estime sans doute que le long confinement a été propice aux Français pour qu’ils fassent une introspection sur leur mode de vie.
Un luxe de propriétaire terrien que les locataires de F3 sous les combles n’ont pas pu développer, autrement préoccupés par les cris des voisins, les pleurs du petit dernier et l’angoisse de se prendre un PV de 135 euros à leur 3e sortie de la journée pour ne pas péter les plombs. Si certains souhaits ne sont que la reformulation de son programme politique, d’autres font un peu figure de journal intime d’une gamine de 12 ans. Que penser de « Le temps est venu de nous réapproprier le bonheur » quand plus de 12 millions de Français sont au chômage partiel ? Et quand il dit « Le temps est venu d’applaudir la vie », c’est en opposition aux applaudissements pour le personnel soignant tous les soirs à 20 heures ? La dernière est sans doute la plus horrible : « Le temps est venu de créer un lobby des consciences ». J’ai toujours eu en horreur le mot lobby, symbole des agissements sournois et cachés d’une minorité uniquement préoccupée par ses petits intérêts. Mais, comme le dit ironiquement un journaliste de l’Opinion sur Twitter : « C’est sympa à Hulot de permettre à des élèves de CM2 de décrire leur monde rêvé ». En fait, pour Nicolas Hulot, le temps est surtout venu de se faire oublier.
Habitué à être sur le devant de la scène depuis ses aventures télévisuelles, Nicolas Hulot a finalement décidé de franchir le pas et de passer aux responsabilités. Longtemps agitateur d’idées, inlassable défenseur de la nature, écologiste pur et dur, il agissait dans l’ombre, avait d’excellents rapports avec les présidentes (Sarkozy puis Hollande), mais n’avait jamais osé se frotter au difficile rôle de ministre. Emmanuel Macron (ou Édouard Philippe ?) a décroché la lune en persuadant ce « people » de rejoindre le gouvernement. Avec le titre de ministre d’État en plus. Mais avant de prendre les premières décisions, il va falloir qu’il fasse connaissance avec ses collègues. Il ne sera pas évident pour le ministre Hulot de trouver des points de convergence avec son chef direct, le Premier ministre « homme de droite » qui a longtemps travaillé pour Areva, le géant de l’industrie nucléaire. De même, si l’ancien présentateur d’Ushuaia est sollicité pour soutenir certains candidats de « La république en marche », il pourrait se retrouver en meeting dans le Gard à faire l'article pour Marie Sara face à Gilbert Collard, la Torera qui « pique » des toros contre l’avocat qui défend les hommes. Un sacré grand écart pour ce pionnier de l’écologie médiatique. Mais le pire serait qu’Emmanuel Macron, lui demande de se charger de la réouverture des chasses présidentielles, une des nombreuses promesses du candidat Macron quand il est intervenu devant les chasseurs français le 15 mars dernier.
(Chronique parue le 18 mai en dernière page de l'Indépendant)
Tourné au début des années 70, "Silent Running", film de science-fiction aux effets spéciaux soignés, est en réalité un des premiers manifeste pour la préservation de l'environnement sur terre. Dans un futur proche, la pollution a eu raison de toute végétation sur la planète bleue. Pour sauver un hypothétique avenir, il est décidé de recréer des dômes accueillant un grand échantillon de la flore terrestre. Dômes lancés aux confins de l'espace, aux bons soins de quatre astronautes plus ou moins motivés.
Si trois des pilotes n'en peuvent plus de tourner en rond dans la base, le quatrième, Freeman Lowell (Bruce Dern) s'extasie chaque jour un peu plus face à cet équilibre naturel. La quiétude des arbres, les légumes et fruits nourriciers : il est persuadé qu'il est en train de sauver l'avenir de la race humaine. Par contre ses supérieurs ne sont pas de cet avis. Programme trop cher. Abandon immédiat du projet et destruction des dômes par le feu nucléaire. Freeman ne le supporte pas. Au dernier moment, il s'oppose à un de ses collègues et le tue à mains nues. Ensuite il se débarrasse des deux autres et lance son arche de Noé végétale dans l'espace inconnu. Le scénario, un peu faible sur certaines séquences, n'en demeure pas moins d'une incroyable lucidité quant à l'œuvre de destruction de la race humaine sur terre. Est-il encore temps de changer ? Le film, au début des années 70 se voulait un signal d'alerte. Sans véritable effet quand on voit l'état de la planète un demi-siècle plus tard. Premier film de Douglas Trumbull, "Silent Running", malgré un petit budget, a bénéficié d'effets spéciaux impressionnants. Entre la reconstitution de l'intérieur du vaisseau spatial dans un porte-avions désaffecté ou l'animation de trois robots, "Silent Running" fait partie de ces films pionniers. Pourtant l'ancien responsable des effets spéciaux de "2001 odyssée de l'espace" n'a pas confirmé dans cette veine. Les bonus du coffret permettent de savoir ce qu'il est devenu. Un long making-of donne aussi une foule d'informations sur le tournage, du choix de Bruce Dern au casting très particulier pour animer les robots. "Silent Running", Wild Side Vidéo, coffret DVD et blu-ray, 25 €.
L'agriculture biologique n'est pas une spécialisation française comme on pourrait parfois le croire. Aux USA aussi il existe des fermes communautaires qui mettent en avant les circuits courts. Josh (Jesse Eisenberg), jeune écologiste, a choisi ce mode de vie. Il travaille dans une exploitation dans l'Oregon, aux nord-ouest du pays. A son petit niveau, il tente de changer les mentalités. Problème, c'est lent, très lent. Et même si une somme de petits projets ont parfois plus d'incidence qu'un gros très médiatique, il cède à la tentation du coup d'éclat. Le film Night Moves de Kelly Reichardt raconte cette prise de conscience, le moment de la décision et l'exécution. Ses dommages collatéraux aussi...
Avec Dena (Dakota Fanning), ils se font passer pour le couple de jeune Américain de base qui veut sa part de rêve. El l'occurrence un hors bord pour faire du ski nautique sur les lacs de la région. Ils achètent le « Night Moves » (Virées nocturnes) en liquide et le rapatrient chez Harmon (Peter Sarsgaard) le troisième larron du petit commando. Il vit dans un mobil-home loin dans la forêt. L'endroit idéal pour préparer le bateau. Le bourrer d'engrais agricole, y glisser trois bâtons de dynamite pour le transformer en bombe flottante. Placé au pied d'un barrage, il détruira cet édifice qui fait des ravages dans la population des saumons.
Action et conséquences
Dans un quasi silence sépulcral, les trois complices travaillent d'arrache-pied pour boucler l'attentat en un week-end. Ainsi le lundi ils retournent tous travailler comme si de rien n'était et s'engagent à ne plus se recontacter. La réalisatrice par de petites touches permet de mieux cerner les trois personnages principaux. Josh, silencieux, torturé, semble le plus déterminé. Le plus insensible aussi, comme si tout était joué d'avance. Dena, le maillon faible, est la bâilleuse de fonds. C'est elle qui achète le bateau et l'engrais. Elle semble résignée. Même avec un barrage en moins elle sait parfaitement que dans 40 ans 90 % des poissons auront disparu par la folie des hommes. Elle sait que l'attentat est inutile, mais elle se sent obligée d'agir. Harmon, ancien marine, est le technicien de l'opération. Dose les explosifs et prépare le détonateur. Son activisme ne l'empêche pas de profiter de la vie. Avec un réel détachement, sans parti pris ni jugement, le film raconte minutieusement avant, pendant et après l'explosion. Un thriller repeint en vert, avec une touche de noir, la mort d'un campeur pris dans les eaux en furie. Une vie humaine, est-ce le minimum du prix à payer ? La belle union des trois va se fissurer avec ce dommage collatéral. La suite du film sera encore plus pessimiste que le début montrant une planète en totale déconfiture.