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mercredi 15 octobre 2025

BD - Dan, le virtuose, imagine le monde futuriste de “Dehors”


Les éditions Kennes, en prétendant que “Dehors”, l’album de Dan paru le 15 octobre dernier, est “la claque visuelle de l’année”, ne prennent pas trop de risque. Personne, du milieu ou simple amateur de BD, ne pourra nier cette évidence. Dan, longtemps cantonné à un rôle d’assistant de Janry sur les gags du Petit Spirou, a mis du temps à prendre de l’assurance. Après un faux départ avec Soda (qui finalement restera dessiné par Gazzotti…), il semble avoir trouvé dans le scénario d’Hemberg, le genre et l’univers qui lui permettent de briller de mille feux. Pourtant la beauté n’est pas toujours facile à retranscrire quand on se lance dans une saga de SF post-apocalyptique tendance Blade runner. Ses décors comme ses personnages ou les véhicules utilisés sont sublimés par son trait entre pur réalisme et rondeur de la si lisible franco-belge. Alors plongez (sans jeu de mot) dans ce monde pourtant peu accueillant, vous ne regretterez pas après avoir fait la connaissance de Zac, l’orphelin devenu adulte et Silo, la jeune fille pressée.


Dans un futur lointain, le dérèglement climatique a provoqué la montée des eaux. Toutes les villes ont été submergées. L’atmosphère est devenue invivable. Dans les profondeurs, des communautés ont survécu. Rien à manger si ce n’est une infâme bouillie. Les drogues par contre circulent facilement. malgré l’emprise d’une secte qui exploite les enfants et interdit à quiconque de rejoindre le “Dehors”. Zac quitte enfin le statut d’enfant assimilé dans cette société à esclave. Devenu adulte, il espère avoir un emploi de pilote de bathyscaphe. Silo, elle, vit chez son père adoptif. Comme deux jumeaux encore bébés. Amis depuis toujours, ils vont devoir bouleverser leurs plans. Et fuir plus tôt que prévu vers ce “Dehors” légendaire. 

Ces 112 pages, denses et mouvementées, nous promènent dans les méandres inhospitalières de cette cité obscure et sale. Si le scénario souffre parfois de quelques petites faiblesses ou facilités, le tout est rattrapé par le dessin de Dan. Il a mis des années pour boucler ce livre. Espérons qu’il sortira plus rapidement la suite. Car les aventures de Zac et Silo sur la route du Dehors sont loin d’être bouclées.

“Dehors”, Kennes, 112 pages, 19,95 €


mercredi 25 juin 2025

BD - Double dose de "Cyborgs", série imaginée par Istin et Dim D

Telle une fusée, la série de SF Cyborgs vient d'être lancée en orbite en deux temps, comme deux étages pour aller au plus haut. Première mise à feu (en avril) avec Ronin, album dessiné par Kael Ngu. Dans un futur assez lointain, la Terre, de moins en moins vivable, voit sa population se concentrer dans d’immenses villes fortifiées sous cloche. Ailleurs, le froid rend la vie impossible. Dans ces villes, les libertés sont en chute libre depuis la terrible "guerre des silos". 

A Europa, la jeune Yuko est élevée par son oncle Akira. Elle est née handicapée, dépourvue de bras. Akira, maître en combat, est chargé de former la milice privée de Tudor, président récemment élu. Un dictateur en puissance. Akira décide de rompre son contrat. Ses anciens élèves vont le poursuivre et le tuer. Yuko va trouver refuge auprès de Russell, le seul qui ose se dresser face à Tudor. Il va donner de nouveaux bras à Yuko, l'entraîner au combat et l'intégrer, sous le nom de Ronin, dans son équipe de cyborgs chargée de faire respecter la loi et la liberté. Et mettre fin à la dictature. Vaste programme...

Une mise en bouche très mouvementée, avec une héroïne attachante. L'univers graphique est imaginé par Dim D et les storyboards signés Kyko Duarte et Benoit Dellac. Toute une équipe de créateurs pour un résultat manquant un peu de personnalité mais d'une incroyable efficacité. 

Le second tome, paru en juin, a pour personnage central Sam, jeune femme insouciante, fille de la principale opposante de Tudor. Mais quand elle est victime d'un attentat, l'existence de Sam bascule. Si sa mère meurt, de son côté elle survivra mais avec deux jambes et un bras en moins. Elle aussi va recevoir des prothèses cybernétiques la transformant en redoutable guerrière, avide de vengeance. Steel, ce sera son nouveau nom, va faire parler d'elle. 

Les tomes suivants seront consacrés aux deux autres cyborgs de l'équipe. Le final ce sera en 2026 pour une 5e titre apothéose. 

"Cyborgs" (tomes 1 et 2), Glénat, 84 et 76 pages, 18,50 et 17,50 €

mardi 13 mai 2025

BD - Les animaux de la fin du monde, de la tortue aux calamars géants


En pleine guerre froide, dans les années 50 aux USA, un petit film était régulièrement proposé aux élèves. C'est ce court-métrage de prévention qui sert de base à cette BD écrite par Scott Snyder et dessinée par Rafael Albuquerque. Dans "Duck and cover" une tortue  expliquait qu'en cas d'attaque nucléaire russe, il suffisait de se réfugier sous son bureau, en classe, pour en sortir indemne. C'est peut-être ce film qui a donné la passion du cinéma à Delmont Reeves, lycéen terne de la petite ville de Schellville. Il réalise sa première œuvre enfant. un tournage qui se termine mal : un chien l'attaque et lui fait perdre un œil. 

Quelques années plus tard, devenu projectionniste dans un drive durant les vacances, il a toujours très peur des chiens, mais espère encore de devenir réalisateur. Avec plusieurs de ses camarades de classe, il est collé après une bagarre. Aussi quand les sirènes retentissent, ils se précipitent sous les bureaux et échappent au feu nucléaire. Cependant, si l'attaque vient bien des Russes, ce sont des aliens ressemblant à des pieuvres volantes ou des calamars géants qui dominent désormais le monde. Tous les adultes sont morts. Ne restent que les enfants protégés par leurs bureaux. 

Si au début, ce récit semble totalement invraisemblable, Snyder avec une précision chirurgicale va combler tous les trous. On va donc suivre avec intérêt l'épopée de cette bande improvisée, tentée dans un premier temps de se réfugier dans un bunker, avant de trouver un moyen de détruire les envahisseurs. Une bataille dantesque, dessinée avec force de détails et de réalisme par un Albuquerque très à l'aise dans ce genre de comics. 

Et comme Snyder est un excellent scénariste, le final délivre un message d'espoir tant au niveau de la résistance aux forces obscures que de la nécessaire solidarité pour être plus fort.  

"Duck and cover", Delcourt, 128 pages, 17,50 €

dimanche 11 mai 2025

Roman – Le train des Terres oubliées

Le Transsibérien a toujours fait rêver les amateurs de voyages incongrus. Mais cela ne semblait pas suffisant pour Sarah Brooks, autrice anglaise spécialiste de l'Asie. Elle mélange le mythe du train reliant Pékin à Moscou à une dystopie ayant transformé une partie de la Sibérie en région interdite après l'apparition de mutations. 

Le voyage, de la Chine vers la Russie, est vécu de l'intérieur par l'intermédiaire de plusieurs des passagers ou employés : la fille d'un des artisans du train hermétiquement clos, décidée à venger son père, une petite fille, née dans un wagon et qui depuis ne l'a plus quitté, un cartographe, explorateur curieux d'un nouveau monde, la Capitaine, marquée après un voyage dramatique. Des vies qui se croisent et interagissent dans un huis clos inquiétant. Encore plus quand entre en scène Eléna, une créature des Terres oubliées, plus vraiment femme, pas encore monstre. 

Reste le meilleur du roman : la description de ce monde mystérieux où les arbres se déplacent et où les lacs ont des couleurs inimaginables. Un formidable voyage, dans tous les sens du terme.  

« Comment voyager dans les Terres oubliées », Sarah Brooks, 10/18, 456 pages, 9,90 €

samedi 10 mai 2025

BD - "Le marin céleste" vogue sur les cieux loin de la mort bleue


Les albums édités par Daniel Maghen sont rares. Mais systématiquement d'une beauté fulgurante. Il est vrai que son premier métier est galeriste. Il cherche donc des artistes qui ont le potentiel pour proposer des compositions originales qui plairont aux collectionneurs. Olivier Roman coche toutes les cases et signe donc "Le marin céleste", gros album écrit par Rodolphe. 

Toujours sur la planète Sprague, on découvre Popeye, commerçant qui va de ville en ville proposer ses trouvailles. Il se déplace dans un drôle d'engin, entre l'avion et la montgolfière. Il profite de la vie, heureux, entre fouilles archéologiques, vente sur les marchés et bon temps auprès de sa fiancée, Prune. Tout irait pour le mieux si de mystérieuses herbes bleues ne se mettaient à proliférer au sol. Une végétation exubérante et agressive. Rien ne leur résiste, ni maison ni végétation. Encore moins les hommes. 

Popeye et Prune, aidés par des insectes humanoïdes, premiers habitants de Sprague, vont prendre la tête de la révolte pour repousser la vague bleue. 

Le scénario, original et plein de surprises, permet au lecteur de mieux comprendre comment fonctionne cette planète à part. Son histoire (arrivée puis départ des grands anciens...) y est en partie dévoilée. Et comme Rodolphe sait parfaitement jouer du suspense et des rebondissements, il a certainement de quoi écrire deux ou trois autres histoires ayant pour cadre Sprague. Quant à Olivier Roman, il semble très à l'aise dans ce monde imaginaire, aux habits originaux, aux machines uniques et aux animaux entre rêve et réalité. On en redemande !    

"Le marin céleste", Daniel Maghen éditeur, 88 pages, 19 €

jeudi 1 mai 2025

BD - Cap vers Uranus, la grosse gazeuse gelée

Suite de l'exploration du système solaire avec le quatrième tome consacré à Uranus. Cette série concept, écrite par Bruno Lecigne allie fiction et pédagogie. Dans le premier tome, un vaisseau extraterrestre est découvert. Une délégation de scientifiques de plusieurs nationalités, monte à bord et grâce à l'aide du pilote extraterrestre, va pouvoir visiter toutes les planètes de notre système solaire sans les délais de voyage. 

Uranus étant assez peu accueillante (pas de surface, c'est une planète gazeuse, avec sous l'atmosphère un océan infini et en son centre un noyau solide), l'album dessiné par Alberto Foche se consacre surtout sur les relations, de plus en p)lus tendues, entres les Terriens et les aliens. Il sera beaucoup question d'émotions, de mort et de sacrifice. En gros, tout ce qui définit la vie chez nous. Pas chez eux...  L'intrigue avance assez vite avec cet album charnière. 

Système Solaire - Tome 04 - Uranus

Et si c'est essentiellement le côté scientifique qui vous intéresse, vous trouverez votre bonheur avec le cahier pédagogique en fin d'ouvrage, rédigé par les chercheurs de l'Observatoire de Paris PSL. Ainsi la formation d'Uranus n'aura plus de secret pour vous et vous pourrez égrener les noms des nombreux satellites de la planète découverte en 1781 par William Herschel.

"Uranus", Glénat, 64 pages, 15,50 €

dimanche 20 avril 2025

BD - Les futurs angoissants de Koren Shadmi


L'évolution actuelle de la société vous inquiète ? Il risque pourtant y avoir pire. Comme dans les romans graphiques de Koren Shadmi parus récemment chez Marabulles. Un titre déjà connu, "Le voyageur" et un plus récent, "La passe visage". Des thématiques inquiétantes et assez angoissantes sur la fin du monde ou la prépondérance de la technologie dans nos existences d'humains si imparfaits. 


Dans "Le voyageur" on suit le périple d'un homme dans l'Amérique du futur. Il fait de l'auto-stop, semble chercher quelque chose, un but, une finalité. Il se lie avec plusieurs conducteurs. Se désespère de leur peu d'intelligence. Parfois il fait des mauvaises rencontres. Y laisse la vie. Enfin reste simplement mort quelques minutes. Car ce voyageur est immortel. Le but du voyage risque de nous faire cauchemarder...

L'autre album de Koren Shadmi disponible dans les librairies est très récent. "La passe visage" est une jeune comédienne. Rose court les cachets. Sans grand succès.

Alors elle accepte des boulots alimentaires. Elle se glisse dans différentes personnalités à la demande de clients qui veulent des véritables rencontres. De l'improvisation facilitée par son aspect physique. Car Rose a subi une intervention médicale qui lui permet de modifier les traits de son visage. A partir d'une simple photo, elle peut devenir sa cible. Épouse partie, fille morte trop jeune, mère irremplaçable : elle dîne avec ses clients, voire passe une soirée avec eux. Mais ce petit jeu de caméléon a l'inconvénient de chambouler la psyché de Rose qui ne sait plus trop qui elle est. A-t-elle même une propre personnalité ? 

Une réflexion fine et intelligente sur notre côté unique par un auteur à découvrir. Le tout dessiné dans un style très ligne claire, avec décors futuristes, ville dantesque et solitude imposée.   

"Le voyageur", "La passe visage", Koren Shadmi, Marabulles, 176 et 192 pages, 25 € chaque volume

samedi 19 avril 2025

Science-fiction – Le destin d'Elia

Surtout connue pour des comédies sentimentales, Marie Vareille, autrice française, a voulu diversifier ses écrits. Elle s'est donc lancée dans la rédaction d'une trilogie de science-fiction qui bénéficie d'une réédition au format poche, en trois volumes copieux qui vous assureront des heures de dépaysement. Dans un futur proche, la terre est ravagée après une guerre de cent ans. 

Ne reste que quelques survivants dans une société où les castes sont prépondérantes. Une élite, dominée par les passeurs d'âmes, a tous les pouvoirs et exploite la majorité. Elia, jeune fille rousse, est passeuse d'âmes. Son rôle dans ce monde inégalitaire : tuer les vieux, les faibles, les récalcitrants. Les passeurs d'âmes n'ont pas de sentiments. Pas de remords. Alors pourquoi Elia épargne Sol, jeune révolutionnaire ? Elia et Sol, un couple en devenir, qui va s'aimer, se déchirer, lutter ensemble ou l'un contre l'autre. Une histoire d'amour compliquée qui ne prend pas trop de place dans cette longue marche vers plus de justice et d'égalité. Un beau récit sur le prix à payer pour vivre libre. 

De la SF assez sombre, mais qui fera forcément réfléchir les adolescents et jeunes adultes, public privilégié de cette saga.   

« Elia, la passeuse d'âmes » (intégrale en trois volumes), PKJ, 450 pages, 8,10 €

mardi 15 avril 2025

Roman graphique - La vie vaut-elle le coup d'être prolongée ?

Étrange roman graphique que ce "Prolongement" signé Gwendal Le Bec chez Casterman. Dans un futur proche, alors que dérèglement climatique a transformé la Bretagne en région méditerranéenne particulièrement agréable, Camille et Gloria sont sur le point de fêter chacun leurs 80 ans. Un couple heureux, vivant dans une grande maison, avec piscine, océan à proximité et jardin potager. Mais quand ils sont ensemble, on croirait plutôt à une jeune femme avec son grand-père. Dans ce futur où le cancer se guérit aussi facilement qu'une grippe, la médecine a mis au point un protocole de "prolongement". Une semaine dans une clinique spécialisée, et vous ne vieillirez plus durant les cinq prochaines années. Gloria est adepte de la méthode depuis des décennies. Camille a toujours refusé. 

Il a donc 80 ans, est barbu et bedonnant, elle en fait à peine plus de 35. Ils s'aiment pourtant dans cette société où les riches semblent exonérés de tout problème. Cependant la fortune de Gloria n'est pas immortelle elle. Pour assurer son prochain prolongement, elle doit vendre un restaurant. Et très vite. C'est Camille qui va se charger de régler l'affaire car les acheteurs sont toujours contents quand "un petit vieux peut les amadouer avec des souvenirs", dixit Gloria.

L'intrigue du roman graphique (comment payer le prochain prolongement de Gloria) n'est qu'un prétexte pour détailler les vies de ces deux habitants du futur. Camille est nostalgique d'une certaine époque. Il rejette les nouveautés, délaisse la technologie pour regarder, à la télévision linéaire, des feuilletons qataris en compagnie de sa voisine, elle aussi non prolongée et à ses yeux plus désirable que sa presque jeune femme. Gloria, elle, profite de ces progrès, même si souvent elle en devient l'esclave. 

Le dessin, très simple, aux couleurs pastels, essentiellement des bleus et des roses, donne un côté encore plus irréaliste à l'ensemble. La fin étonnera le lecteur, mais cela semble être une des caractéristique du style de Gwendal Le Bec : dire sans crier, conclure sans artifice.  

"Le prolongement", Casterman, 208 pages 25 €

lundi 7 avril 2025

BD - Une femme trop parfaite pour être réelle ?


Ce beau et gros roman graphique oscille entre réflexion psychologique, psychanalyse et science-fiction. Avec au centre, une femme d'une exceptionnelle beauté. La femme parfaite pour Alan, ancien militaire remontant doucement la pente après un traumatisme. 

Alan, après des années en Afrique où il attrape le paludisme, une version très agressive qui provoque des hallucinations, est muté au Moyen Orient. Il est chargé de décrypter les messages des groupes terroristes. C'est en se trompant dans un code qu'il envoie une compagnie dans un véritable guet-apens. Une erreur qui pousse sa hiérarchie à demander sa démission. De retour en France, dans sa maison de campagne en banlieue, il espère enfin trouver la paix auprès de Catherine, la femme qu'il aime, "sa femme parfaite". Problème, cette jolie blonde, médecin, refuse son amour. Elle sait qu'il va dépérir et rapidement mourir. Elle préfère l'oublier en rejoignant une association humanitaire en Afrique. 

Seul, dépressif, Alan sombre malgré l'aide de son médecin, par ailleurs meilleur ami. Tout bascule quand un matin il découvre dans un champ de blé devant chez lui, une femme nue, enveloppée dans une grande toile rose. Il reconnait immédiatement Catherine. Erreur. Ce serait la copie de ce que son esprit estime être "la femme parfaite", forme choisie par une entité extraterrestre à la recherche d'un géniteur pour assurer l'avenir de l'espèce. De très intellectuelle, l'histoire bascule dans la pure SF, un peu tirée par les cheveux parfois. Reste les questionnements d'Alan. Cette femme parfaite venue d'ailleurs peut-elle remplacer la véritable Catherine ? Et si c'était l'occasion de changer son avenir, de guérir ?

Makyo, au scénario, propose un condensé des thèmes qu'il aime aborder dans ses romans ou séries, de Grimion gant de cuir à la Balade au bout du monde en passant par ADN. C'est plus intellectuel que les films à effets spéciaux... Tout se passe essentiellement dans des dialogues écrits au cordeau. Les décors, de la maison d'Alan aux plages où ils vont se baigner, nus et heureux, n'ont rien d'exceptionnels. C'est donc une véritable prouesse que réalise Bruno Cannucciari, le dessinateur italien de cet album : il parvient à insuffler mystère et ambiance extraordinaire dans des scènes d'une simplicité a priori banales.    

"Le chant de la femme parfaite", Delcourt, 104 pages, 22,50 €

samedi 22 mars 2025

BD - Reportage de l'horreur sur la planète Terminus


Parmi les BD de science-fiction, il y a les gentilles, les intelligentes et les noires, généralement très pessimistes et particulièrement violentes. Si c'est cette dernière catégorie qui vous attire, vous devriez apprécier ce one-shot, écrit par Matt Kindt et dessiné par Dan McDaid, au titre énigmatique : "Si vous lisez ça, c'est que je suis déjà morte..." 

Cette phrase c'est Robin qui l'écrit, une journaliste. Elle a été sélectionnée pour réaliser le premier reportage sur la planète Terminus. Un astre qui n'a pour l'instant vu que quelques militaires solidement entraînés. 

Le débarquement se fait dans la grande tradition des films à gros spectacles. Une équipe de durs à cuire pour chaperonner la jeune journaliste intrépide. La nef se pose sur une petite enclave, seul endroit réputé sûr de la planète. Mais rien ne se passe comme prévu. En dix minutes, les soldats sont exterminés, il ne reste plus que Robin, tentant de trouver le salut en se cachant dans des sous-sols hostiles. 

Un long cauchemar pour la jeune femme, confrontée à plusieurs sortes d'extraterrestres, tous plus agressifs les uns que les autres, quasiment des dieux dans ce monde de fureur et de sang. 

La transformation et la survie de Robin n'est pas pour les âmes sensibles. La violence atteint des sommets. Jusqu'à la mort... à moins que. Un roman graphique sur la prétention des Humains, leurs faiblesses et propension à trahir. De la SF noire, pessimiste et violente comme expliqué en introduction.   

"Si vous lisez ça, c'est que je suis déjà morte...", Delcourt, 96 pages, 19,50 €

jeudi 13 mars 2025

Science-fiction - Le confinement de l'apocalypse

Et si le confinement avait mal tourné ? Sur cette interrogation, Eliott de Gastines imagine une France qui plonge dans le chaos. Un cauchemar raconté dans « La frontière sauvage ».

La Normandie, ses vaches, sa quiétude, ses vallons verdoyants, ses fermes isolées... son califat de Lisieux. Eliott de Gastines, en décrivant cette France d'après confinement qui tourne mal, ne fait pas dans la dentelle. Au contraire il force le trait dans l'horreur, le désordre, la violence. Les 20 premières pages ont tout du roman de confinement. Eliott et sa compagne, Florence, vivent dans un appartement d'une petite ville de Normandie. Quand un virus fait son apparition en Chine puis en Italie, ils ne s'inquiètent pas. Quand le gouvernement décrète le confinement, ils en rigolent.

Mais dans ce roman d'anticipation, les fake news vont changer la perception de la pandémie. Une mutation rendrait le virus plus virulent. Plus mortel aussi. Le droit de retrait est invoqué dans la santé, la sécurité, le commerce. Le pays se dérègle, sombre dans l'anarchie. Certains en profitent, se transformant en pilleurs-tueurs-violeurs. Eliott et Florence fuient dans les bois alentours. Et tombent, au bord d'une rivière, sur la nouvelle réalité de la Normandie : « Sur la grève s'entassait un amas de corps impossibles à dénombrer. On pouvait clairement distinguer dans ce tas partiellement carbonisé des membres, des bouts de vêtements en tous genres, des visages figés dans un cri, d'autres paisibles à jamais. (…) Des corps de jeunes enfants, là les courbes d'une femme en petite tenue, ici ce qui ressemblait à des notaires de province ramenés en cubes les chevilles par-dessus les épaules. » Le roman bascule dans l'horreur. Bien que peu adapté à la survie, le couple va passer un été relativement tranquille dans un pigeonnier perdu dans une vallée.

Aux premiers froids, face à la difficulté, ils feront le choix de la sécurité en demandant refuge au califat de Lisieux, enclave musulmane où Eliott, grâce à son talent en calligraphie, va devenir essentiel dans la propagande du « ministère de l'information ». Ce semblant de sérénité (au coût exorbitant : conversion à l'Islam le plus radical, accepter d'avoir des esclaves) ne durera pas longtemps. Car la vision d'Eliott de Gastines, radicalement pessimiste, ne nous laisse que peu d'espoir si par malheur sa fiction devenait réalité. Il y a un peu d'humour dans ce roman enlevé, mais le ton est avant tout triste et nostalgique. Comme pour mieux nous faire prendre conscience combien nous vivons dans un monde privilégié, loin de tout danger mais incapables de profiter de ce bonheur simple.

« La frontière sauvage » d'Eliott de Gastines, Albin Michel, 320 pages, 21,90 €

mardi 11 mars 2025

BD - Star Naze, parodie et gags intergalactiques

Qui aime bien, châtie bien ! Ced, le scénariste de ce recueil de gags, a sans doute vu des dizaines de fois chaque épisode de la saga des Star Wars. Sans compter les séries et autres dessins animés qui animent sans cesse la franchise (ne manquez pas la ressortie au cinéma, le 24 avril 2025 à l'occasion des 20 ans, de l'épisode III, La revanche des Sith). 

Christo, le dessinateur, a lui aussi visionné plus que de raison les films de Georges Lucas. Résultat ce sont deux fans, amateurs éclairés et véritables spécialistes qui se permettent les pires blagues sur cet univers légendaire. 

Dans "Star Naze", la version parodique, tous les personnages ont un côté obscur parfaitement caché. On découvre ainsi d'où provient la manie qu'a Yopla d'inverser verbe, sujet et complément. Et les graves conséquences que cette dyslexie a parfois. De Luc à Kador (version canine de Dark Vador ?) en passant par Yann Tousseul ou Klorokin (allusion à l'actualité dans le jeu de mot le plus drôle de la galaxie), vous rirez rien qu'en découvrant le nouveau nom des héros. 

Quant aux situations, entre violence et sexe, il y a tout ce que le vrai Star Wars laisse deviner sans jamais en parler et encore moins le montrer. Enfin vous risquez, comme moi, vous demander longtemps pourquoi l'ordre des Jedi est devenu dans la BD l'ordre des Jedognon. Un conseil, il faut le prononcer à haute voix pour comprendre l'astuce qui vous fera pleurer de rire.

"Star Naze", Jungle, 128 pages, 15 €

Science-fiction - Avenir radieux dans "Terra Humanis" de Fabien Cerutti

Les auteurs de science-fiction nous proposent souvent une vision sombre de l'avenir. Comme si notre perte était inéluctable. Pour conjurer ce sort, Fabien Cerutti propose une version radieuse de ces prochaines décennies. Car en utopiste indécrottable, il est persuadé qu'il est encore temps de sauver notre environnement. Comment ? Plongez dans « Terra Humanis » pour découvrir ses solutions. Un roman qui court sur plus d'un siècle, de la prise de conscience de quelques scientifiques à des découvertes majeures et quelques efforts pour réduire notre course en avant.

Tout change quand un couple, Rebecca et Luc, prennent le pouvoir en France, mobilisent la population sur leur programme écologiste et parviennent à entraîner d'autres pays émergents. Le changement est lent, plein d'embûches, mais efficace. Un texte résolument positif et optimiste, à l'opposé de la triste « écologie punitive », épouvantail des bonnes volontés.

« Terra Humanis » de Fabien Cerutti, Folio SF, 384 pages, 10 €

jeudi 27 février 2025

BD – Un petit tour autour de Saturne

Suite de l'exploration du système solaire avec le troisième tome de cette série imaginée par Bruno Lecigne et dessinée par Federico Dallocchio pour ce voyage à destination de Saturne. Si l'album se veut didactique et pédagogique, avec la supervision rigoureuse de scientifiques de l'Observatoire de paris, c'est aussi et avant tout une série divertissante de science-fiction. Car pour se rendre à proximité des différentes planètes de notre si petit système solaire, il faut un vaisseau beaucoup plus avancé que les poussifs Starships encore en phase de test.

La découverte d'un astronef alien accidenté, encore habité par une étrange créature, surnommée Clarke, aux buts encore mystérieux, donne l'opportunité à une équipe internationale de chercheurs de mieux connaître les astres gravitant autour du Soleil. Après Mars et Jupiter, ils se retrouvent à proximité de Saturne, ses anneaux et ses nombreux satellites, parfois aussi grands que certaines planètes. Clarke a perdu la confiance des Humains. Au début de ce 3e tome, ils sont prisonniers et il envisage sérieusement de les sacrifier. A force de diplomatie, certains membres de l'expédition parviennent à sauver la situation. Ils se révèlent aussi utiles pour aider Clarke dans sa véritable quête : retrouver des survivants après le crash d'un autre vaisseau quelque part sur un des satellites de Saturne.

Les 64 pages, parfaitement réparties entre explications savantes et intrigue palpitante, permettent au lecteur d'en apprendre un peu plus sur Titan, Japet, Mimas ou Engelade, quelques uns des morceaux de roche ou de glace gravitant autour de Saturne. Quant au devenir de la mission d'exploration du système solaire, elle va vivre une véritable révolution dans les dernières pages, rendant la saga encore plus addictive avant de s'élancer vers Uranus, album annoncé pour la fin du mois d'avril 2025.

« Saturne, le gardien des anneaux », Glénat, 64 pages, 15,50 €

jeudi 20 février 2025

BD – Thellus, une planète et deux destins

Simona Mogavino au scénario, Laura Zuccheri et Carlos Gomez au dessin : la découverte du monde de Thellus se poursuit dans les deuxièmes tomes de la vie de Kad Moon et Eva Samas. Vaste projet passionnant,cette série de pure science-fiction permet au lecteur de se téléporter sur la planète de Thellus.

Dans un futur très éloigné, humains et autres entités plus ou moins intelligents cohabitent sur cette boule regorgeant de vie. Pour comprendre ce qui attend la majorité des habitants, on suit le parcours de deux « héros ». Kad Moon et Eva Samas font partie de ces courageux qui tentent de faire bouger les choses et vont façonner l'avenir de la planète. Mais le final, ce sera le cinquième et dernier tome de la saga, quand ils seront réunis.

Pour l'instant, ils œuvrent chacun de leur côté, deux histoires parallèles dessinées par deux auteurs différents. Kad Moon, fils d'un guerrier redouté, est capturé par des rebelles. Il va tenter de sauver des « bicéphales », créatures frustres aux griffes redoutables. Eva Samas, elle, découvre ses origines (métisse d'un conquérant humain et d'une créature mi-humaine mi-serpent). Cela renforce son envie de vengeance.

Les deux histoires sont particulièrement violentes. Que cela soit dans des ruines ou une forêt impénétrable, la mort est toujours en embuscade.

Des récits qui permettent essentiellement de mieux comprendre l'histoire de la conquête de Thellus. Et de prendre conscience aussi de l'incroyable richesse de sa faune. 


C'est sans doute le côté le plus intéressant de la BD : de créatures éthérées dotées d'ailes fines aux gigantesques crocodiles en passant par des sortes de phasmes géants télépathe, la scénariste a lâché la bride de son imagination.

Une belle réussite, avec beaucoup de suspense au final. La conclusion est très attendue.

« Thellus - Le cycle de Kad Moon » (tome 2), Glénat, 56 pages, 14,95 €

« Thellus – Le cycle d'Eva Samas » (tome 2), Glénat, 56 pages, 14,95 €

La chronique des tomes 1  

dimanche 16 février 2025

BD - En 2050, l'humain sera à la traîne de l'IA


Toutes les intelligences artificielles n'attendent que ce moment : pouvoir se dupliquer dans des corps autonomes, pour vivre comme les Humains, cette espèce inférieure trop arrogante. En 2050, elles seront proches du Graal.  

2050 c'est dans un petit quart de siècle et si vous avez des doutes plongez dans cet album de récits complets imaginés par la fine fleur de la BD française d'anticipation. Dix histoires sur 120 pages et autant de thèmes abordés avec intelligence, toujours; cynisme, parfois; défaitisme, malheureusement. 

Cela commence très fort avec une histoire de Ponzio (scénario de Galandon) sur la création artistique. Un ancien écrivain, tel Voltaire, s'est retiré loin de la ville pour cultiver son jardin. De toute manière il n'était plus publié. Les IA ont pris le relais. Avec moins de droits d'auteurs et une efficacité redoutable. Un roman par jour, de quoi accrocher les fans. En 2050, un roman sort pourtant du lot. Il se vend à des millions d'exemplaires. Sa particularité : écrit à la main par une romancière. Une humaine. La revanche des scribouillards ? 

Autre thème, celui des univers parallèles développés grâce aux casques de réalité virtuelle. Un ado perd complètement la notion du réel vivant par procuration dans un monde "augmenté" par les IA. Mais quand le système crashe, le jeune se retrouve comme un aveugle, incapable de décider ou de bouger. L'histoire la plus pessimiste du recueil, signée Stéphane Perger. Gauckler s'attaque à la guerre, De Metter à l'amour et de Rochebrune au problème des réfugiés climatiques. 

Le récit le plus étonnant, car quasi possible dès aujourd'hui, revient sur l'addiction des jeunes aux réseaux sociaux et au rôle des influenceurs. L'action se déroule sur un immense paquebot de croisière. La majorité des passagers profitent du séjour grâce aux vidéos en live de Gala, jeune influenceuse pourvoyeuse de rêve. Mais quand cela dérape, Gala n'est plus de taille. Pas grave, les foules fascinées trouveront un remplaçant rapidement.

Vivrez-vous en 2050 ? Votre réalité peut-elle ressembler à certaines de ces histoires ? Personnellement, je sais que ne serai plus là pour le voir, mais ce petit texte (et certains exemplaires de la BD, papier ou numérique) devrait être encore en ligne quelque part dans le cloud ou autre lieu pas encore imaginé.

"2050", collectif, Philéas, 120 pages, 19,90 €

lundi 10 février 2025

BD - Île assiégée

Dans un futur proche, l’Europe est à feu et à sang. Des millions de réfugiés cherchent à fuir le continent. Vers l’Écosse ou l’Islande, dernières contrées acceptant encore des étrangers. Caryl Férey est à l’origine de cette série prévue en trois tomes avec Corentin Rouge au dessin.

Depuis Le Havre, les derniers bénéficiaires d’un laissez-passer tentent de prendre un bateau. Simple chalutier surchargé qui met le cap vers l’Écosse. A son bord un scientifique, et son passeur. Ce vieux professeur a une autre destination : l’Islande. Au prix du sacrifice de nombreuses vies, il va atteindre son but mais sur place les autorités ont durci les lois face à cette véritable submersion migratoire.

Les réfugiés sont emprisonnés dans un camp où la violence règne en maître.

Une vision très pessimiste sur les conséquences du dérèglement climatique et de la montée des théories nationalistes du repli sur soi.
« Islander » (tome 1), Glénat, 160 pages, 25 €

samedi 25 janvier 2025

BD - Drogue mortelle et arts interdits dans un futur pessimiste


Blade Runner à Lyon. C’est le résumé graphique du premier tome de cette nouvelle série de science-fiction dessinée par Jef sur un scénario de Kevan Stevens. Le nom exact de la ville où évoluent les protagonistes de cette utopie sombre et pessimiste est Mégalopolyon.


On suit les vies du maire, monstre obèse bourré de prothèses robotiques, sa fille, cheveux bleus et indépendance chevillée au corps, son fils, trisomique caché car normalement interdit de vie. Il y a aussi un homme qui vend son talent de musicien. En cachette car dans cette société futuriste totalitaire, musique et littérature sont interdits. Qui est surpris en possession d’un instrument ou d’un livre est immédiatement condamné à mort. Et exécuté sur place.

La mort guette tout le monde, encore plus quand de la drogue frelatée inonde la ville. Un premier tome qui pose les bases de la société. On ne sait pas exactement ce que cherchent les acteurs du récit. Mais on se dit que finalement on ne devrait pas se plaindre de notre présent si cet univers est le futur inéluctable de nos petits-enfants.
« La mécanique » (tome 1/3), Soleil, 84 pages, 17,50 € 

vendredi 17 janvier 2025

BD - Mutation liberticide pour "Les Salamandres"

Graham Gomez a une vie quelconque. Dans ce futur proche, il ne lui reste pourtant plus beaucoup d’opportunités pour profiter de l’existence. Ancien journaliste, un peu trop critique de la société, il a dû rendre sa carte de presse. Il s’est reconverti en boucher. Pas longtemps. La viande est devenue interdite.

Il rêve d’avoir en enfant avec son épouse. Encore faut-il qu’il décroche l’agrément nécessaire. Frustré, il ne peut même plus se soûler, l’alcool, comme la viande, étant prohibé de cette société surveillée de partout.

Alors il se déchaîne sur les derniers exclus : les salamandres. Des humains qui ont muté. Graham se moque d’eux en les traitant de crapauds. Ce qu’il ne sait pas encore, c’est qu’il va lui aussi se transformer. Cette fable futuriste, assez pessimiste, est écrite par Julien Frey. Au dessin, on retrouve Adrian Huelva déjà à la manœuvre sur la série U4. Une nouvelle version de la lutte d’un individu contre le totalitarisme de la société qui nous pend au bout du nez. Ce n’est pas spécialement optimiste, même si un embryon d’espoir subsiste.

De la SF intelligente qui fait fonctionner les méninges du lecteur ouvert et pas trop dupe.
« Les salamandres », Bamboo Drakoo, 120 pages, 19,90 € (parution le 8 janvier)