mercredi 31 juillet 2013

BD : des chats trop mignons

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Ils sont des vedettes sur internet. Logique que des éditeurs de BD aient eu envie de profiter de leur notoriété mondiale. Non, il ne s'agit pas des One Direction mais des... chats ! Brrémaud écrit des gags sensibles et très mignons, comme les chats et les propriétaires (généralement des jeunes femmes) de cette série qui en est déjà à son cinquième tome. Il y a le chat indépendant, celui souffrant de boulimie (comme sa maîtresse), le très digne et prétentieux Egyptien ou les bébés, si craquants, les fameux « lolcats » du net. Cela se lit comme une friandise sans prétention. Mieux vaut être propriétaire d'un matou pour saisir toutes les nuances. A moins que l'on se contente des superbes dessins de Paola Antista. Une dessinatrice italienne passée par l'école Disney. Ses couleurs pastels sont délicieuses et les jeunes femmes, dont Manon l'héroïne la plus présente, véritablement charmantes.

« Chats ! » (tome 5), Hugo BD, 9,99 €

mardi 30 juillet 2013

BD : Singes hurleurs dans "Monkey Bizness" d'Eldiablo et Pozla

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Dans un futur totalement déjanté imaginé par Eldiablo, le scénariste, les animaux ont pris le pouvoir sur terre. Les humains, complètement dégénérés, vivent au fond de la jungle comme des sauvages. Par contre les deux personnages principaux, des singes intelligents et retors, sont radicalement urbains. Un mandrill et un gorille, adeptes de la défonce en tout genre, alcool bien sûr, mais aussi herbe et champignons. De sacrés lascars ces deux, toujours à chercher le coup fumant. Forcément, ils ont quelques ennemis. Quand ils échappent à l'incendie de leur caravane, ils décident de trouver le coupable. Une longue errance, ponctuée de bastons et de fuites. Constitué d'histoires courtes indépendantes, cet album de 130 pages dessiné par Pozla au trait faussement crade, multiplie les personnages excentriques, du cochon maire aimant les jeunes éléphantes au lapin usurier en passant par l'humain décidé à reprendre le domination de la planète. C'est hilarant, percutant, incisif et pas du tout politiquement correct. Un régal !

« Monkey Bizness » (tome 2), Ankama, 14,90 €

lundi 29 juillet 2013

Livre : Mauvaise éducation dans la jeunesse dorée américaine


Plongée chez les jeunes surdoués américains pour les enquêteurs de Jonathan Kellerman. Mais être intelligent n'interdit pas de devenir tueur.

tricheurs, jonathan kellerman, seuil, polar, milo sturgis, alex delawareLe rêve américain où tout le monde peut réussir à force de travail est sérieusement écorné dans ce polar de Jonathan Kellerman, la 25e enquête d'Alex Delaware, le psychologue employé à temps partiel par la police de Los Angeles. Il est sollicité par le grand chef, surnommé carrément « Dieu » par ses hommes pour seconder l'enquêteur Milo Sturgis. Ce duo improbable (un scientifique et un flic de base, homo, boulimique et franc-tireur) est un des ingrédients des best-sellers de cet auteur connaissant la Californie et la société américaine comme sa poche. Pas de truand au générique du roman, mais une immersion dans le monde éducatif de la haute société. Toute l'enquête tourne autour d'une école privée, sorte d'institut réservé aux fils de millionnaires les préparant à l'examen d'entrée des grandes universités. Un monde à part où les règles ne semblent pas les mêmes que dans la vraie vie.
Avant d'arriver dans les jardins et beaux bâtiments de Windsor Prep, Milo se coltine plus classiquement un cadavre. Elise Freeman est professeur remplaçante dans cette fabrique de grosses têtes dorées. Elle est retrouvée morte, nue dans sa baignoire. On pourrait penser à un suicide si ce n'était les kilos de neige carbonique la recouvrant... Cela a tout l'air d'un crime, d'autant que la perquisition dans l'appartement de la belle prof met au jour un DVD dans lequel elle confie, face à la caméra, faire l'objet de harcèlement sexuel de la part de trois de ses collègues professeurs.
Milo a besoin du renfort d'Alex car le sujet est très sensible. A Windsor Prep, il n'y a que des rejetons de pontes de la haute société et de notables. Dont le propre fils du chef de la police qui demande ouvertement à Milo d'être le plus discret possible dans ses investigations. Ce n'est pas dans les habitudes du flic bourru, mais il s'exécute sachant parfaitement que c'est le prix à payer pour conserver sa liberté d'action.

Un troupeau de suspects
L'enquête débute donc avec trois suspects nommément désignés par la victime. C'est tout l'intérêt de ce polar, où les évidences sont souvent trompeuses. Milo va devoir développer des trésors de diplomatie pour obtenir le droit d'interroger les professeurs incriminés. Deux hommes et une femme qui ont effectivement pour point commun d'avoir couché avec la victime qui se révèle au fil des pages beaucoup moins blanche que prévu. Jonathan Kellerman glisse nombre de peaux de bananes sous les pieds de ces « intellectuels » qui mettent leur savoir au service des gosses de riches. Lors du troisième interrogatoire, après avoir dressé un topo de la situation, le suspect s'exclame « Mon Dieu, c'est kafkaïen ! » Alex, le narrateur, ne peut s'empêcher de remarquer que le précédent prof « avait employé le même terme. Sans les quelques histoires pondues par le Pragois tourmenté, comment les enseignants s'y prendraient-ils pour qualifier leur désarroi ? »
Les trois profs mis en cause par Elise Freeman, non seulement parviennent à se disculper, mais en plus donnent de nouvelles pistes aux deux enquêteurs. Le lecteur va suivre pas à pas les recherches de Milo, se lançant dans toute sorte de direction, de la famille à Elise en passant par son petit ami, ses élèves préférés et même le conseil d'administration de Windsor Prep. Il faudra beaucoup d'obstination à Milo et Alex pour finalement découvrir les coupables et surtout le véritable mobile de ce crime peu banal.
Michel LITOUT

« Les tricheurs » de Jonathan Kellerman, Seuil, 19,90 €

dimanche 28 juillet 2013

La Sibylle et le marquis

nicolas bouchard, 10/18, sibylleLa Sibylle, la voyante de la Révolution imaginée par Nicolas Bouchard rencontre le marquis de Sade, vieux et malade mais toujours très imaginatif... Troisième et dernier volet des aventures de la Sibylle, ce roman est parfois aussi sulfureux que l'œuvre de Sade. Nicolas Bouchard pour les besoins de l'intrigue a du décrire certaines scènes quasi insoutenables. Sade, assagi depuis ses années de prison, n'est pas le monstre que l'on croit. Il s'alliera temporairement à la Sibylle pour tenter de sauver sa tête. Et par certains aspects, il est diablement sympathique. (10/18, 8,40 €)

samedi 27 juillet 2013

BD : les voleurs planétaires de Jake Raynal

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Il y a voleur et voleur. Ruben, Elias et Prev, un trio originaire des Balkans, survit en France en cambriolant des villas cossues. D'autres volent plus gros. Comme le responsable d'une organisation de redistribution d'aides alimentaires internationales. Il détourne des millions de dollars destinés à la reconstruction de la Somalie après la guerre civile du début des années 2000. Embauchés par des Africains, Ruben et sa bande vont tenter une première incursion dans l'hôtel particulier parisien de l'escroc. Ils tombent nez à nez avec sa collection d'animaux empaillés. Girafe, rhinocéros et léopards. Ces derniers, par la magie africaine, s'animent et font fuir les cambrioleurs. Mais ce n'est que partie remise.
La seconde partie de cette série très réaliste de Jake Raynal porte un regard désabusé sur notre société. Il semble que l'argent n'existe que pour permettre aux malhonnêtes de donner libre cours à leur soif de pouvoir. Le zeste de fantastique concourt à rendre inclassable cette BD définitivement atypique.

« Cambrioleurs » (tome 2), Casterman, 13,95 €

vendredi 26 juillet 2013

BD : Futur froid dans "Winterworld" de Dixon et Zaffino

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Si les scientifiques prévoient un réchauffement climatique, les auteurs de BD imaginent plutôt notre avenir sous une chape de glace. C'est le cas de Chuck Dixon, vieux routier des comics américains, associé dans « Winterworld » à Jorge Zaffino, dessinateur argentin mort il y a dix ans, à 42 ans. Scully, marchand ambulant toujours flanqué de son glouton Rah-rah tente de survivre en troquant des vestiges de la civilisation à des tribus d'attardés. Dans le premier chapitre, il est attaqué par des dégénérés aveugles. Il réussit à prendre la fuite avec l'aide de Wynn, une jeune orpheline. Une escapade de courte durée. Repris, ils sont revendus comme esclaves à la ferme. Cette communauté, encore plus impitoyable, cultive légumes et élève des animaux sous un dôme protégé du froid, un ancien stade de base-ball que l'on devine être situé dans l'Etat du Texas. En noir et blanc, cette BD de 140 pages est considérée comme le chef d'œuvre de Zaffino. Une BD idéale au cœur de l'été pour tous ceux qui cherchent un peu de fraîcheur.

« Winterworld », Delcourt, 13,95 €

jeudi 25 juillet 2013

BD : Génie à deux roues

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Dans la caravane du tour de France 2013, une BD était à l'honneur, le 44e tome des aventures humoristiques de Léonard par Turk et De Groot. Estampillé « Album officiel », « Tour de génie » débute par une longue histoire complète de 30 pages sur l'invention de la Grande boucle par notre génie préféré. De la caravane publicitaire aux sponsors en passant par l'UCI, tout sort de l'intelligence phénoménale de Léonard. Et tout est testé par son pauvre disciple, pas à la fête durant les premiers tours de roues. Par chance Léonard inventera également un breuvage à base d'épinards, de piments et d'oignons : le fameux EPO. On parle donc beaucoup dopage dans cette suite de gags. Pas sûr que tout le peloton apprécie cet humour pourtant très fin. Les dernières pages sont occupées par des gags classiques, toujours aussi efficaces tant au niveau du scénario que du dessin typiquement « gros nez » de Turk.
« Léonard » (tome 44), Le Lombard, 10,60 €



mercredi 24 juillet 2013

Le papillon de Siam

maxence fermine, siam, asie, livre de pocheMaxence Fermine raconte avec une forte empathie le périple asiatique de Henri Mouhot, à croire que le romancier était dans les bagages de l'explorateur. Durant des années, inlassablement, le Français va sillonner les forêts, vallées impénétrables et montagnes vertigineuse à la recherche du rarissime papillon de Siam. Il le croisera une fois, mais sera incapable de la capturer. Désespéré, prêt à abandonner, il va par hasard découvrir les ruines d'une ville inconnue. Une seconde fois sa vie va basculer. Henri Mouhot n'a pas trouvé son papillon, mais il a révélé au monde entier Angkor, ville-temple considérée comme la 8e merveille du monde... (Le Livre de Poche, 5,60 €)

mardi 23 juillet 2013

Livre : François Garde met la descendance en pièces dans "Pour trois couronnes"


Chargé de mettre à jour l'héritage d'un riche industriel, le narrateur du roman de François Garde découvre une incroyable histoire de descendance.

françois Garde, pour trois couronnes, gallimardQuand on invente son métier, il ne faut pas s'étonner s'il évolue avec le temps. Le narrateur du roman de François Garde est curateur aux documents privés. En clair, il effectue le classement des papiers d'une personne décédée. Il faut être minutieux, curieux et surtout discret. Un travail de recherche, d'archivage, de recherche pour déblayer en quelques jours le fardeau de la paperasse d'une vie. Cela fait quelques années que Philippe Zafar vit correctement de cette activité à New York. Lui, le fils d'immigré libanais, a coupé les liens avec sa famille et trouvé sa voie.
Son destin, professionnel et personnel, bascule quand il accepte de travailler pour la veuve de Thomas Colbert. Ce dernier, un marin français devenu richissime industriel américain, était à la tête d'une fortune colossale au moment de sa mort à plus de 80 ans. Sans enfant, la veuve hérite. Mais un document retrouvé dans les papiers de son mari l'intrigue. Elle demande donc à Zafar, réputé pour son efficacité et sa discrétion, de déterminer s'il est bien de la main de Colbert et surtout sa signification.
Il s'agit d'une lettre manuscrite de trois pages racontant l'aventure d'un soir d'un marin de passage dans un port. Abordé par un homme dans un bar, il lui promet une belle somme contre un travail simple. Le marin accepte, est conduit dans une maison dans la ville haute et fait l'amour, en présence d'un médecin et d'un autre homme, à une femme au visage couvert d'un voile. Un quart d'heure de labeur payé « trois belles couronnes d'or, avec une tour au revers. » Zafar va se passionner pour cette histoire. Elle va lui répondre en écho à sa propre condition, Libanais n'ayant pas connu son pays de naissance.
Une minutieuse recherche va lui permettre de situer la ville où la marin a reçu les trois couronnes. Bourg-Tapage est la capitale d'une île tropicale, dans l'hémisphère sud, ancienne colonie où une paix fragile s'est installées après une guerre civile meurtrière entre les « Insulaires » et ceux du « dehors ».

Guerre civile à Bourg-Tapage
Un tiers du roman se déroule sur cette île imaginaire, mix entre Haïti, la Réunion et la Nouvelle-Calédonie. Un homme s'est levé pour exiger plus de justice pour les « Insulaires ». L'éternel affrontement entre colons et colonisés. Benjamin Tobias, fils d'un riche propriétaire et d'une simple Insulaire, a vu la fortune de son père disparaître. Devenu syndicaliste puis politicien, il mène la révolte. Pacifiquement, même si ses revendications sont nationalistes et mettent en avant une préférence nationale exclusive. Jusqu'à ce jour funeste ou une bombe explose sous sa voiture. Quatre mois plus tard, le coupable n'est toujours pas démasqué, l'île est à feu et à sang.
Zafar découvre l'histoire de Bourg-Tapage par l'intermédiaire d'un historien local qui raconte comment la politique de Tobias a modifié les mentalités. « Ceux d'ici » vous considèrent comme un étranger. « Désormais vous ne pouvez plus avoir avec eux de relations dépourvues d'arrières-pensées. Un mur s'est établie entre eux et vous, que vous n'avez pas vu s'élever, mais qui désormais, quoi qu'il advienne, ne s'abattra plus. Ils sont, eux, les gens d'ici. Vous êtes, vous, du dehors. » Les casques bleus de l'ONU sont encore en ville quand Zafar y passe quelques jours. Il va identifier le médecin, le marin, la femme. Et la descendance, fruit du travail payé trois couronnes d'or. Une filiation qui va faire vaciller l'empire de Colbert et le calme retrouvé de Bourg-Tapage.
Ce texte de François Garde, entre aventure et réflexion philosophique sur la filiation, envoute le lecteur, l'oblige à se questionner sur son arbre généalogique, ses ancêtres, sa descendance. On n'en sort pas indemne, même si tout est joué d'avance.
Michel LITOUT

« Pour trois couronnes » de François Garde, Gallimard, 20 €

lundi 15 juillet 2013

BD : Cercles emmêlés

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Seconde partie du Cercle, le nouveau comics made in France de chez Delcourt. Comme aux USA, les parutions sont rapprochées. Deux mois après la première partie, voici la seconde. La troisième et dernière sera en vente fin août. Le Cercle est constitué d'anonymes dotés de pouvoirs surnaturels. L'un entend des voix, l'autre perçoit les véritables couleurs de la réalité. Après l'assassinat du mentor, Adam, Pia semble être la suivante sur la liste. Ses amis vont tout faire pour la protéger et bénéficier de l'aide de Lorelei, une « entité neutre » qui arrive à manipuler la volonté des humains. L'essentiel de la seconde partie écrite par Andoryss et dessinée par Nesskain, est consacrée à l'explication des deux mondes cohabitant. Le réel et l'invisible. Les membres du Cercle sont à la lisière, une sorte de no man's land entre les deux. Les entités neutres vont se révéler plus complexes que prévu et le « méchant » prendra la forme étonnante d'une fleur de magnolia.
Etonnants, parfois un peu emmêlés, ces cercles captiveront les amateurs de fantastique urbain.

« Le Cercle » (tome 2), Delcourt, 14,95 €

jeudi 11 juillet 2013

BD : les Dauphins espions de "Mermaid Project" de Léo, Jamar et Simon

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Léo, l'inventeur des Mondes d'Aldebaran, a plusieurs cordes à son arc. Son imagination sans limite multiplie les projets. Incapable de tout dessiner, il délègue à des dessinateurs soigneusement choisis. Fred Simon se charge de « Mermaid Project ». Corine Jamar aide Léo au scénario. Dans un futur proche, l'économie mondiale est tributaire des producteurs de méthane à base d'algues. Algapower, une multinationale, est soupçonnée par l'ONU de pousser ses recherches en génétique vers le règne animal. Romane, jeune policière parisienne, est envoyée à New York pour enquêter sur la mort mystérieuse d'une employée française de la société incriminée. La blonde héroïne sera réquisitionnée par un commando de l'ONU pour espionner dans les entrailles d'Algapower. Pour s'y rendre, un seul chemin : les égouts. Et pour guide, Romane bénéficie de l'aide d'un dauphin très intelligent. Une série plus ambitieuse qu'il n'y paraît. Avec en toile de fond les manipulations génétiques et les risques de dérive de notre société contemporaine.

« Mermaid Project » (tome 2), Dargaud, 13,99 €

mercredi 10 juillet 2013

BD : Tif et Tondu au patrimoine

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En 1996, pour la dernière fois, Tif et Tondu animaient les pages de Spirou. Une 45e aventure signée Sikorski et Lapière, les repreneurs de la série popularisée par Will et Tillieux. « Le mystère de la chambre 43 » voit les deux enquêteurs résoudre une histoire d'homicide dans le cadre d'une station de ski. Les dernières pages existantes des aventures de Tif et Tondu sont reprises dans le treizième volume de l'intégrale. Un clap de fin définitif pour une série entrée au patrimoine de la BD franco-belge. La tentative de moderniser les deux détectives ne parvient pas à relancer le fond. Car comme l'explique un dossier en préambule, la reprise plus qu'honorable avait encore de beaux tirages. Mais n'était pas suffisante pour assurer un renouvellement d'intérêt pour le fond. La fin d'un modèle économique. Les collectionneurs se rabattent sur cette très belle intégrale, enrichie de nombreux articles et histoires inédites. Ce n'est donc pas sans une certaine nostalgie que le chroniqueur BD parle pour une dernière fois de Tif, le chauve et Tondu, le barbu...

« Tif et Tondu, intégrale » (tome 13), Dupuis, 24 €

mardi 9 juillet 2013

Livre : un tueur venu du passé dans "Les Lumineuses" de Lauren Beukes

Un tueur en série trouve le moyen infaillible de ne pas se faire prendre. Il tue dans le futur. Thriller fantastique sombre signé Lauren Beukes.

lumineuses, lauren beukes, presses de la vité, thrillerAu début des années 30, aux USA en pleine récession, il est difficile de survivre. Harper Curtis, vagabond bagarreur, a d'autres soucis en plus que de trouver sa pitance quotidienne. Poursuivi par des dizaines d'hommes en furie, lesquels ont bien décidé de l'éliminer. Un coup de couteau de trop... Acculé, il découvre une maison à l'aspect abandonné. La porte est fermée à clé, mais justement il en a une dans la poche. Volée à sa dernière victime. Il tente le tout pour le tout. Miracle, la maison s'ouvre. Harper Curtis a trouvé un refuge. Il ne le quittera plus.
Thriller résolument fantastique de Lauren Beukes, écrivain originaire d'Afrique du Sud, elle s'est déjà fait remarquer avec « Zoo City », prix Arthur C. Clarke en 2011. Là elle change de registre, signant un roman noir brillant et sombre. Elle prend le pari de présenter dès les premières pages le tueur de l'histoire, ce Harper, pervers, illuminé, violent. Des chapitres courts avec à chaque fois un personnage principal. Seconde à entrer en scène, Kirby, une jeune fille qui a eu le malheur de croiser le chemin de Harper. Kirby survit. Après quatre ans de convalescence, elle retourne à l'air libre. Avec une obsession : retrouver son assassin. Car Kirby se considère comme morte...

Maison maléfique
Etudiante en journalisme, elle profite d'un stage au quotidien de Chicago pour remonter la trace de Harper. Une trace visible au fil des décennies. Harper a déjà tué. Dans les années 30, en 50 aussi. Puis régulièrement jusqu'en 1993, l'époque actuelle. Problème, loin d'être un vieillard, c'est un homme dans la quarantaine qui a poignardé l'étudiante mais il boite et marche à l'aide d'une béquille.
Le lecteur comprend vite l'avantage de Harper. En pénétrant dans la maison, il a littéralement été possédé par elle. Sur les murs des chambres, il a vu des portraits de femmes. Ils brillaient dans l'obscurité. Et Harper a compris sa mission : tuer ces femmes et ramener un objet familier à la maison. Pour les atteindre, il lui suffit de penser à elles et quand il sort de la maison, il est à la bonne année. Généralement il effectue un premier contact, quand elles sont enfant. Comme pour hanter leurs cauchemars. Puis y retourne dix ans plus tard et sort son couteau. Ensuite il réintègre à la maison, revient en 1931 et ne craint rien...

Eventrée
En 1989, il rencontre une seconde fois Kirby. Dans les bois. Elle promène son chien. Il la frappe avec sa béquille et l'entreprend à sa façon. « Il relève son tee-shirt et promène une main sur son ventre, la palpant avec des gestes brutaux, semant des ecchymoses sur la peau blanche. Soudain, il plante la lame du couteau dans la paroi abdominale, la fait pivoter d'une torsion du poignet et pratique une entaille au tracé irrégulier, correspondant à la trajectoire de sa main. Elle se cabre violemment, pousse un hurlement. » L'écriture de Lauren Beukes est crue, comme Harper mais aussi Kirby. La jeune fille, taciturne et quasiment asociale, n'a plus qu'une obsession : retrouver Harper.
Elle recevra l'aide de Dan, ancien journaliste fait-diversier, reconverti dans le sport pour cause de dégoût. Le couple n'est pas sans rappeler le duo de Millénium.
Un thriller à la construction différente des classiques du genre, très prenant dès que l'on passe l'obstacle des sauts dans le temps, déroutants durant les premières pages.
Michel LITOUT

« Les lumineuses » de Lauren Beukes, Presses de la Cité, 22€

lundi 8 juillet 2013

BD : Vaisseau vivant

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Après l'adaptation de « L'assassin royal », les éditions Soleil s'attaquent à un autre gros morceau de la Fantasy made in Robin Hobb : « Les aventuriers de la mer ». Alwett se charge de l'adaptation et Dimat des dessins. A Terrilville, les familles marchandes, après des décennies de prospérité, perdent de l'argent. Pourtant elles ont toujours la meilleure flotte au monde composée de Vivenefs, des bateaux vivants. La proue, en bois sorcier, est vivante et le navire est quasi autonome. Mais la magie ne marche pas toujours. Vivacia est endormie. Elle ne se réveillera qu'à la mort de son propriétaire, le marchand Vestrit, et se mettra au service de son descendant. Une osmose entre Vivenef et humain qui fait tout le sel de cette histoire. Promise à la fougueuse Althéa, Vivacia est finalement léguée à sa sœur, la palote Keffria, mariée au machiavélique Kyle. Le vaisseau vivant va-t-il accepter cette trahison ? Althéa peut-elle se résigner ? La suite est déjà très attendue.

« Les aventuriers de la mer » (tome 1), Soleil, 13,95 €

samedi 6 juillet 2013

BD : M'sieur Maurice et Bazile, deux auteurs inspirés

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Quand la jeune génération rend hommage aux grands anciens, cela donne cet album, entre biographie romancée, relecture des classiques et road movie sur les départementales et nationales françaises. Bruno Bazile, comme beaucoup, est fan de Gil Jourdan. Et de son auteur, Maurice Tillieux, touche à tout génial de la BD franco-belge. Bazile va imaginer comment Tillieux s'est servi de son quotidien pour imaginer et dessiner des albums d'anthologie comme « Popaïne et vieux tableaux » ou « La voiture immergée ». Une ambiance étrange ressort de ces histoires courtes. Tillieux semble être souvent à court d'idée. Plus que la page planche, c'est le vide sidéral. Mais il ne s'en inquiète jamais. Son bagout et son incroyable optimisme le sortent toujours d'affaire. Il sait se « vendre » et quand est véritablement acculé n'hésite pas à reprendre les vieux scénarios de Marc Jaguar... Tillieux aimait les voitures. Les dessiner. Les conduire. La Dauphine ouvre l'album. Une R8 de location le referme. La voiture dans laquelle il se tuera, sur une de ces petites routes où il a toujours trouvé ses idées.

« M'sieur Maurice et la Dauphine jaune », Glénat, 13,90 €

vendredi 5 juillet 2013

BD : Meurtres et glamour à Hollywood dans "Miss Octobre" de Desberg et Queireix

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Stephen Desberg, scénariste prolifique (IRS, Scorpion, Empire USA), est né à Bruxelles, mais d'un père américain. Pas étonnant donc si une majorité de ses créations se déroulent outre-Atlantique. « Miss Octobre » est un polar ayant pour cadre la Californie du début des années 60. Un tueur en série s'inspire de la revue Playboy. Chaque mois, il assassine une jeune femme et réalise des photos d'elle, dénudée... et morte. Sur cette intrigue se greffent trois personnages : Viktor, sourde et voleuse, Clegg, flic à l'ancienne, chargé de l'enquête sur le tueur, Ariel, jeune policier ambitieux, sur la piste de Viktor. Le tout est dessiné par Queireix au dessin réaliste, classique, efficace et précis. Le second tome confirme le premier opus. On en sait un peu plus sur la mystérieuse Viktor, Clegg se révèle finalement plein de failles et Ariel définitivement trop arriviste. Le tueur, de son côté, poursuit son chemin sanglant. Mais sa dernière victime est jetée aux ordures : pas assez belle pour être élue playmate du mois...
« Miss Octobre » (tome 2), Le Lombard, 12 €

jeudi 4 juillet 2013

Thriller : Justice et vengeance dans "Le sourire des pendus" de Jérôme Camut et Nathalie Hug

« W3 », la nouvelle série de Jérôme Camut et Nathalie Hug plonge les lecteur dans un monde perverti. Mais les criminels sont toujours punis. Un jour...


W3, le sourire des pendus, camut, hug, télémaque, thrillerL'été, à l'approche des grandes vacances, on se demande souvent quel livre va nous accompagner durant ces journées chaudes et lascives. Une histoire prenante si possible. Et copieuse, pour qu'elle dure. « Le sourire des pendus » de Jérôme Camut et Nathalie Hug semble un bon choix. Il savent raconter des histoires, leurs précédentes créations le prouvent. Avec plus de 750 pages, on est persuadé que cela va nous occuper un bon mois. Si la première affirmation est correcte, la seconde se révèle rapidement fausse. Les personnages et l'intrigue sont tellement addictifs que le pavé est avalé en quelques jours. Chaque chapitre est tellement captivant qu'on n'a qu'une seule envie : lire la suite. C'est le thriller français de l'année.
La mise en bouche de ce roman est percutante. En juillet 2002, des hommes cagoulés pénètrent dans une riche demeure. Ils tuent la femme et enlèvent les enfants avant de se charger du propriétaire des lieux, un célèbre avocat, Eric Moreau. Le tueur s'appelle Ilya Kalinine. « D'un coup sec il éventra l'avocat puis l'expédia par-dessus le garde-fou. Le corps rebondit contre la façade avant de se balancer lentement, juste devant les fenêtres de l'étage inférieur. Les viscères libérés s'échappaient de la plaie béante. » Dix ans plus tard, Lara Mendès, jeune journaliste à la télévision, cherche par tous les moyens a découvrir le fin mot de ce meurtre sauvage.

Enlevée en enfermée
Petite provinciale, ambitieuse et déterminée, Lara va se jeter dans la gueule du loup. Elle pose trop de questions et est elle aussi enlevée. Elle passe plus de la moitié du livre enfermée, seule, dans un bunker. A Paris, son producteur, Arnault de Battz, s'inquiète. De même que Valentin Mendès, le jeune frère de Lara. Alors que Lara se débat dans les ténèbres, affamée, devenant presque folle en imaginant sa lente mort, oubliée de tous, Valentin et Arnault forment un étrange attelage. Le premier, la cinquantaine bien entretenue est le prototype de l'homosexuel parisien adepte de tous les plaisirs. Raffiné, riche et généreux, il se prend d'amitié pour le jeune Valentin, rugbyman pas dégrossi, naïf mais prêt à tout pour retrouver sa sœur. Ils vont refaire une partie de l'enquête de Lara et démontrer qu'elle a été enlevée alors que son fiancé du moment, Bruno Dessay, célèbre journaliste d'investigation, croit plutôt à une fugue, une mise au vert volontaire.
Pour donner encore plus de force à ce roman déjà prenant, Jérôme Camut et Nathalie Hug lancent une enquête parallèle. Elle n'a rien à voir avec la première. Du moins dans les 300 premières pages. Sookie Castel est gendarme en Bretagne. D'origine Haïtienne, cette jolie « black » se désespère des enquêtes de routine. Par hasard, en ramenant un chien perdu à ses propriétaires, elle tombe sur une scène de crime qui pourrait booster sa carrière. « Trois pendus faisaient face à l'entrée, chacun une chaise renversée à ses pieds. Leurs visages noirâtres étaient gonflés, des vers s'accumulaient dans leurs bouche et leurs yeux, et un nuage de mouches bourdonnait tout autour. » Sookie déchante vite. On lui retire l'affaire. Mais elle s'incruste et se lance sur la piste des tueurs. Car elle ne croit pas à la thèse officielle du suicide en famille.
Parfaitement découpé, ce roman, déjà sombre dans ses premières pages, devient de plus en plus noir. Les auteurs, en observateurs attentifs des dérives de notre société, mettent en lumière les agissements de véritables monstres. « Partout, le destin d'innocents est broyé sans pitié. » est-il expliqué. W3 sera là pour leur donner la parole. Rendre justice. Et les venger.
Michel LITOUT

« Le sourire des pendus » de Jérôme Camut et Nathalie Hug, éditions Télémaque, 21 euros

mercredi 3 juillet 2013

BD : Janolle raconte la révolte du peuple esclave

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Fini la science-fiction, cap sur l'héroic-fantasy pour Alain Janolle. Le dessinateur de HOPE ou de Babel se lance également dans le grand bain du scénario. Il assure seul l'écriture des deux premiers tomes de ce « Trois peuples » spectaculaire et classique. Dans ce monde imaginaire, les humains partagent le pays avec les Lémurs et les Reptiles. Les seconds sont de redoutables combattants, sanguinaires, prêts à tout pour conquérir de nouvelles terres. Les premiers sont des êtres calmes et sensibles, ils vivent dans les arbres. Des proies toutes trouvées pour les Humains toujours à la recherche d'esclaves. Alain Janolle raconte comment les Lémurs vont reconquérir leur liberté, osant jouer leur carte personnelle alors que la guerre entre Humains et Reptiles fait rage. Avec un dessin simplifié pais tout aussi expressif et puissant, Alain Janolle plonge le lecteur dans un monde imaginaire qui semble n'être que le début d'une immense saga.

« Trois peuples » (tomes 1 et 2), Glénat, 13,90 € chaque volume

mardi 2 juillet 2013

BD : les bêtes sanguinaires de Dufaux et Tillier

bois des vierges, dufaux, tillier, delcourt
Béatrice Tillier devrait faire de la peinture. Dessinatrice de BD semble un cadre un peu trop restreint pour son immense talent. Assurant également la couleur du troisième tome de sa série « Le bois des vierges », elle offre un objet graphique d'exception. Il ne faut cependant pas oublier l'histoire. Ecrite par Jean Dufaux, elle permet à la dessinatrice de mélanger humains et bêtes. Aube, la belle et romantique Aube, mariée de force à un loup, a tué son mari la nuit de noces. Depuis, elle est en fuite et la guerre fait rage entre humains et bêtes à poils. Réfugiée dans le magique Bois des Vierges, elle y sème encore la désolation quand son amant, mi homme mi loup, y met le feu. Ce dernier chapitre intitulé « Epousailles » est aussi la rédemption de la jeune femme. Elle va permettre à son amant de choisir entre l'homme et la bête et un mariage va installer durablement la paix dans ce monde féerique. Une réussite absolue à montrer dans toutes les écoles de dessin.

« Le bois des vierges » (tome3), Delcourt, 14,30 €

lundi 1 juillet 2013

BD : Pacco est resté un papa gamin

maé, pacco, une semaine sur deux, fluide glacial, margaux motin
Maé est souvent en retard à l'école. Maé, 7 ans, est surtout en retard à l'école quand c'est la semaine de son père. Pacco, papa divorcé et gamin, poursuit ses confidences sous forme de BD douce amère. Comment ne pas tout passer à une fillette espiègle et surtout assez intelligente pour comprendre que une semaine sur deux, c'est fête ? C'est le dilemme de ce grand adolescent, père par hasard. Geek, surfeur, fêtard, amoureux : l'auteur tente de se montrer sous tous ses angles. Il y parvient notamment quand il fait intervenir sa copine du moment, la fameuse Margaux, elle aussi auteur de BD. C'est là que la lecture croisée des deux bouquins devient passionnante. Pacco raconte sa vie avec Margaux Motin et Maé dans « Une semaine sur deux ». Margaux Motin donne son point de vue dans « La tectonique des plaques » (Delcourt). Le même trait précis et classe, le regard décalé, les scènes comiques parfois outrancières... Tout trentenaire se reconnaitra dans ces histoires d'amour. Et puis malgré l'humour omniprésent, Pacco parvient à injecter une bonne dose de sentiment. Malgré toutes ses bêtises, il l'aime sa petite Maé. Et rien que pour ce message le livre vaut d'être lu.

« Une semaine sur deux », Fluide Glacial, 14 €