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mardi 18 mars 2025

BD - Quand Brigitte Bardot faisait fantasmer la province


Qui ne rêve pas de rencontrer Brigitte Bardot ? Pas aujourd'hui, la star de cinéma préfère ne plus sortir de chez elle (et de parfois avoir des positions politiques assez limites), mais dans les années 50 et 60. Conrad Knapp, jeune Parisien travaillant dans le milieu du cinéma, est en quête d'un lieu de tournage authentique. Il rencontre les habitants de Trougnac, village typique de l'époque, l'action se déroule en 1960. La tornade BB comme Brigitte Bardot fait des ravages chez les hommes. Un peu moins chez les femmes. Tous rêvent de la rencontrer. 

Conrad Knapp explique alors que des producteurs l'ont chargé de trouver un village pour accueillir ce nouveau film réunissant une seconde fois Jean Gabin et Brigitte Bardot après l'immense succès (et scandale) d'En cas de malheur de Claude Autant-Lara. Pour vendre son projet aux autorités, il fait miroiter notoriété et affaires florissantes. Pour les simples quidams, il a un atout dans la manche : il a une photo tirée d'une scène censurée du film. Quand la jeune femme remonte sa jupe pour séduire le vieil avocat, elle va jusque au dessus de la taille. On voit donc très nettement les fesses de Brigitte Bardot. Cela semble peu aujourd'hui, mais pour la fin des années 50, c'est une image sulfureuse. D'ailleurs c'est le curé du village qui sera le plus ferme opposant à la venue de BB à Trougnac. 

Cette gentille histoire s'inspirant un peu de Don Camillo dans l'opposition entre religieux conservateurs et progressistes ouverts, est signée Philippe Pelaez. Ce scénariste BD très prolifique est un grand spécialiste du cinéma. Américain mais aussi classique français. Chaque chapitre s'ouvre par une citation extraite de ces dialogues que l'on ne retrouve plus nulle part. Conrad Knapp, avec un scénario, une photo et quelques belles paroles va convaincre tout le monde de l'importance de son rôle dans le choix des décors. Et se laisser acheter sans trop de scrupules. 

Un roman graphique savoureux, dessiné par Gaël Séjourné, à la fin étonnante, dernier clin d'oeil à ces villages de France aux noms si étranges.   

"Les fesses à Bardot", Bamboo Grand Angle, 160 pages, 22,90 €

mardi 11 mars 2025

BD - Star Naze, parodie et gags intergalactiques

Qui aime bien, châtie bien ! Ced, le scénariste de ce recueil de gags, a sans doute vu des dizaines de fois chaque épisode de la saga des Star Wars. Sans compter les séries et autres dessins animés qui animent sans cesse la franchise (ne manquez pas la ressortie au cinéma, le 24 avril 2025 à l'occasion des 20 ans, de l'épisode III, La revanche des Sith). 

Christo, le dessinateur, a lui aussi visionné plus que de raison les films de Georges Lucas. Résultat ce sont deux fans, amateurs éclairés et véritables spécialistes qui se permettent les pires blagues sur cet univers légendaire. 

Dans "Star Naze", la version parodique, tous les personnages ont un côté obscur parfaitement caché. On découvre ainsi d'où provient la manie qu'a Yopla d'inverser verbe, sujet et complément. Et les graves conséquences que cette dyslexie a parfois. De Luc à Kador (version canine de Dark Vador ?) en passant par Yann Tousseul ou Klorokin (allusion à l'actualité dans le jeu de mot le plus drôle de la galaxie), vous rirez rien qu'en découvrant le nouveau nom des héros. 

Quant aux situations, entre violence et sexe, il y a tout ce que le vrai Star Wars laisse deviner sans jamais en parler et encore moins le montrer. Enfin vous risquez, comme moi, vous demander longtemps pourquoi l'ordre des Jedi est devenu dans la BD l'ordre des Jedognon. Un conseil, il faut le prononcer à haute voix pour comprendre l'astuce qui vous fera pleurer de rire.

"Star Naze", Jungle, 128 pages, 15 €

mardi 18 février 2025

Cinéma - "Presence", vue fantomatique de Steven Soderbergh

Une famille américaine emménage dans une maison. Rapidement, la fille ressent une présence. Que veut ce fantôme ? Un film fantastique stylé signé Steven Soderbergh.
Éditeur de texte enrichi, editor1


Les vieilles maisons ont toute une histoire cachée. Des secrets servant à construire des légendes, rumeurs et autres histoires fantastiques traversant les siècles pour les plus anciennes. Le nouveau film de Steven Soderbergh, intitulé Presence, se déroule entièrement dans une maison cossue d'une banlieue sans nom de l'Amérique profonde.

Au début elle est vide. Et en vente. Une commerciale reçoit les premiers visiteurs. Une famille typique. La mère, Rebekah (Lucy Liu), cadre dans une grande entreprise, le père, Chris (Chris Sullivan), pédiatre et les deux enfants encore lycéens. Chloé (Callina Liang), est de plus en renfermée, surtout depuis que sa meilleure amie est morte d'une overdose. Tyler (Eddy Maday) aime faire la fête, briller auprès des filles et nager (sa mère  l'imagine déjà en champion olympique). Visite coup de coeur.

Suite du film quelques semaines plus tard. Ils ont emménagé. Tout se passe normalement jusqu'à ce que Chloé se persuade qu'on l'observe dans sa chambre. Elle sent comme une présence. C'est le début de la prouesse du réalisateur (également directeur de la photo et monteur du film) transformant ce huis clos en lent cauchemar de plus en plus terrifiant. 

Pour que le spectateur soit totalement immergé dans l'histoire, Soderbergh a fait le pari de tout raconter au niveau de la présence, du fantôme. Tout est filmé à hauteur d'homme, en longs déplacements dans la maison. Avec parfois, une Chloé qui se met à regarder fixement la caméra, comme si elle voyait le fantôme, le spectateur.

Tout en racontant le délitement de la cellule familiale, le film dresse le portrait de ces jeunes Américains d'aujourd'hui. Ils semblent si propres, si calmes et studieux. Et pourtant...

Une réalisation stylée, jouant à merveille sur l'ambiance et le POV (point of view). Une maison, un fantôme, un drame. On retrouve un peu du propos du très beau A ghost story de David Lowery.  

"Presence", film de Steven Soderbergh avec Lucy Liu, Chris Sullivan, Callina Liang, Eddy Maday

jeudi 13 février 2025

BD - Le Brésil en ébullition quand Ava Gardner arrive pieds nus

Dieu qu'elle est belle ! Ava Gardner ne laisse personne indifférent. La star américaine a suscité nombre d'amours déçues. Belle au cinéma, belle dans la vie de tous les jours et, paradoxalement, encore plus belle quand elle est dessinée par Ana Mirallès. L'illustratrice espagnole, au style réaliste d'une finesse et d'une légèreté inégalée, a trouvé dans cette figure de la beauté un modèle d'exception. Et pour corser le tout, Ava n'est pas commode et sait toujours ce qu'elle veut. 

Cela permet au scénariste de cette BD, Emilio Ruiz (compagnon de la dessinatrice), de condenser un portrait de la star en relatant 48 heures de sa vie. 48 heures passées au Brésil en 1954. Elle a accepté de faire une tournée mondiale pour la promotion de son nouveau film, La comtesse aux pieds nus. Elle arrive dans un pays au bord de la rupture. Le président vient de mourir et la situation politique est explosive. Elle est admirée, mais reste un symbole de cette Amérique honnie par une bonne partie de la population. 

Tout se complique dès la descente de l'avion. Les journalistes et des dizaines de fans sont au pied de la passerelle. Presque une émeute. Ava est tripotée, chahutée. La police intervient mollement. Arrivée à l'hôtel, elle décide d'annuler la conférence de presse. Dès lors elle jouera en pays ennemi. Cela ne l'empêchera pas de faire quelques caprices (changer d'hôtel ou de chauffeur, visiter la ville en pleine nuit, boire plus que de raison...). On découvre une femme libre, déterminée et sûre d'elle. Même si elle est toujours torturée par son ex-mari, Frank Sinatra et courtisée par le milliardaire Howard Hugues. 

Cette BD, aux pages d'une beauté remarquable (mais c'est toujours le cas avec Ana Mirallès), refait vivre une époque où les réseaux sociaux ne faisaient pas la pluie et le beau temps chez les people. Une seule chose importait : le talent. Et Ava n'en a jamais manqué. 

"Ava, 48 heures dans la vie d'Ava Gardner", Dargaud, 112 pages, 22,50 €

lundi 10 février 2025

Cinéma - « La pie voleuse » : petits larcins contre grande bonté

Pour aider sa famille, une aide à domicile dérobe des petites sommes à des personnes âgées. Le nouveau film de Robert Guédiguian, tourné dans le quartier de l’Estaque à Marseille, est profondément humain.


Bienvenue à l’Estaque, quartier de Marseille. Ses petites maisons typiques, sa population chaleureuse, sa vue imprenable sur la Méditerranée. L’Estaque, décor toujours aussi éblouissant de plusieurs films de Robert Guédiguian dont le dernier, La pie voleuse. Une histoire simple, de gens sans prétention, tentant de vivre dignement dans un monde de plus en plus dur et exigeant. Maria (Ariane Ascaride) est aide à domicile. Elle s’occupe du quotidien de quelques personnes âgées. Son mari, Bruno (Gérard Meylan), est au chômage et passe trop de temps au bistrot à jouer aux cartes. Et à perdre de l’argent.

Alors Maria pioche parfois dans les réserves de ses « petits vieux » pour renflouer le ménage qui croule sous les dettes. Et puis elle détourne aussi quelques chèques de M. Moreau (Jean-Pierre Darroussin) pour payer la location d’un piano pour son petit-fils qu’elle rêve de transformer en grand interprète. Petits larcins sans grandes conséquences, qui passent inaperçus.

L’art de joindre les deux bouts

Un bête concours de circonstances fait s’écrouler l’édifice mis en place par cette gentille pie voleuse, si dévouée pour ses « victimes » qu’elle considère comme sa seconde famille. La mésentente entre Laurent (Grégoire Leprince-Ringuet) le fils de M. Moreau, va pousser ce dernier à s’intéresser à ses comptes. Et découvrir qu’il loue un piano depuis quelques mois. Piano qui n’a jamais été installé chez lui mais chez une certaine Jennifer. Qui est cette femme ? La maîtresse du vieil homme qui ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant ?

La chronique sociale aurait pu virer au fait divers. C’est sans compter avec l’incorrigible optimisme du réalisateur. Et à la force de l’amour. Un coup de foudre (superbement interprété par Marilou Aussilloux, comédienne originaire de Narbonne de plus en plus en vue et Grégoire Leprince-Ringuet) va bousculer l’ordre établi, rapprocher les contraires, permettre à la raison de l’emporter.

Un film résolument positif, sur la difficulté de rester dans les « clous » quand on est acculé financièrement. Mais que représente une petite pie voleuse face au hold-up (toujours très légal…) de certains milliardaires ?

Film de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Marilou Aussilloux, Grégoire Leprince-Ringuet

 

dimanche 9 février 2025

En vidéo, « Emmanuelle » version Audrey Diwan


Film très attendu, le remake d’Emmanuelle par Audrey Diwan a beaucoup déçu. Après le très politique L’événement (tiré du récit d’Annie Ernaux), la réalisatrice voulait revisiter le livre et le film, symboles de l’érotisme d’une certaine époque, en histoire de recherche du plaisir du point de vue féminin.

Noémie Merlant interprète donc cette jeune femme qui se rend à Hong Kong, seule, pour un voyage professionnel. Dans un hôtel de luxe, elle collectionne les expériences. Tout change quand elle fait la rencontre de Kei (Will Sharpe), un homme insaisissable.

Si la majorité des spectateurs loue la beauté de l’image, elle regrette aussi la lenteur et la faible intrigue. Quant à l’érotisme, il semble le grand absent de ce remake qui sort en vidéo chez Pathé.

jeudi 6 février 2025

Cinéma - Jane Austen est-elle soluble dans le vaudeville ?


L’Amour, le grand, absolu, plein et définitif, est omniprésent dans les romans de Jane Austen ; un peu moins dans la vie d’Agathe (Camille Rutherford), libraire à Paris dans un magasin qui ne propose que des livres… en anglais. Elle vénère Jane Austen et connaît l’œuvre de la romancière anglaise sur le bout des doigts. Durant ses loisirs, elle tente de terminer un roman. En vain, persuadée que ce qu’elle rédige est mauvais. « Je ne souffre pas du syndrome de l’imposteur, affirme-t-elle à son meilleur ami et collègue Félix (Pablo Pauly), je suis l’imposture ! » Pourtant, ce dernier lui dérobe sa plus récente production, l’envoie en Angleterre et voilà Agathe admise à une résidence d’écriture de 15 jours dans la demeure de Jane Austen, tous frais payés.

De l’autre côté du Channel, elle devra affronter la page blanche, l’amour de Félix et les attaques d’un Britannique aussi insupportable que vieux jeu. Mais si séduisant…

Premier film de Laura Piani qui a beaucoup écrit pour la télévision, cet hommage aux comédies romantiques et à la bonne littérature, celle qui influe sur notre quotidien, notre destin, Jane Austen a gâché ma vie (titre génial, c’est assez rare pour être signalé) fait partie de ces films simples et positifs, véritables bouées de sauvetage dans une production cinématographique trop souvent déprimante.

Certes, il y est question de choix entre deux hommes pour une femme qui doute (le vaudeville n’est pas loin), mais la force de Jane Austen transforme ce qui aurait pu tourner en gaudriole à trois en très intelligente réflexion sur l’utilité de la littérature, des héroïnes en tenues de bal et des films s’achevant sur un long baiser d’amoureux.

Film de Laura Piani avec Camille Rutherford, Pablo Pauly, Charlie Anson.


En vidéo - “Quand vient l’automne” de François Ozon


Deux vieilles amies (Hélène Vincent et Josiane Balasko) cherchent des champignons dans les forêts de Bourgogne quand vient l‘automne. Ces retraitées ont travaillé ensemble à Paris. Elles partagent ainsi un secret qui perturbe leurs familles.

Ce film de François Ozon, sur la fin de vie, les remords et la réputation, est profondément humain. Il permet à deux « anciennes » du cinéma français de rendre une copie parfaite.

La sortie en vidéo chez Diaphana est l’occasion d’une floraison de bonus. Les classiques entretiens avec réalisateur et comédiennes, les scènes et prises coupées ou les essais des costumes.

Enfin, vous pourrez voir le clip de la chanson Le large, interprétée par Françoise Hardy et réalisé par François Ozon.

vendredi 31 janvier 2025

Cinéma - “Maldoror” : gendarme idéaliste face à l’horreur

Librement inspiré de l’affaire Marc Dutroux en Belgique, ce thriller de Fabrice du Welz mélange quête personnelle de justice, guerre des polices et soupçons sur un réseau de pédophiles.

Pour aborder l’affaire du pédophile Marc Dutroux qui a bouleversé la Belgique (et au-delà), Fabrice Du Welz a beaucoup gambergé. Il avait 20 ans quand l’homme le plus recherché de Belgique a été arrêté après une succession invraisemblable d’erreurs et d’errements sur fond de guerre des polices. Profondément marqué par le climat de l’époque, le cinéaste qui a fait ses premières armes dans l’horreur, a trouvé la solution quand il a envisagé de raconter les faits à travers les actions d’un « homme traumatisé par la culpabilité » et d’en modifier l‘épilogue en écrivant une « uchronie, jusqu’au fantasme de justice dont nous avons été privés par ses nombreux dysfonctionnements ».

Paul Chartier (Anthony Bajon), est un jeune gendarme en poste à Charleroi. Ses collègues, prototypes des fonctionnaires sans illusion, évitant les ennuis quitte à laisser les délinquants en liberté, pensent qu’il fait du zèle. En fait, Chartier cherche à racheter les fautes de son père. Devenir exemplaire pour faire oublier le passé de son géniteur, braqueur incarcéré pour meurtre.

Dans cette Belgique ouvrière, en pleine crise sociale, la disparition de deux fillettes est à la une de tous les journaux. Chartier veut les retrouver. Il va chercher la moindre piste et se focaliser sur un certain Marcel Dedieu (Sergi Lopez), déjà condamné et surveillé par une petite cellule nommée Maldoror. Chartier la rejoint, tente de trouver des preuves mais est rapidement freiné par sa hiérarchie (Laurent Lucas). Il va dès lors la jouer solo, oubliant les procédures, mettant son emploi, sa vie et sa famille en danger.

Très long pour un film européen (2 h 35 mn), Maldoror est construit comme une tragédie. Au début, tout sourit à Chartier. Il se marie, a une petite fille et un boulot a priori exaltant. La réalité de la Belgique, pays où tout est toujours plus compliqué qu’ailleurs, lui revient tel un boomerang en pleine tête. Son intime conviction de la culpabilité de Dedieu l’entraîne dans une chute inéluctable.

Finalement, le pédophile sera arrêté, mais l’histoire de Chartier ne s’arrête pas là. Qui a protégé cet homme ? Fournissait-il des personnalités en « chair fraîche » par l’intermédiaire d’un notable (exceptionnelle composition de Jackie Berroyer, méconnaissable) ? Comment a-t-il pu s’évader quelques heures ? Beaucoup de questions sans réponses et de soupçons planent encore sur le Royaume de Belgique. Le film, Maldoror, n’apporte pas de solution. Sauf sur un point précis. Mais cela reste de la pure uchronie.

Film de Fabrice Du Welz avec Anthony Bajon, Alba Gaia Bellugi, Alexis Manenti, Sergi Lopez, Laurent Lucas, Béatrice Dalle

 

mercredi 22 janvier 2025

Cinéma - Le secret du père de “La fille d’un grand amour”

Le premier film d’Agnès de Sacy, « La fille d’un grand amour », avec François Damiens et Isabelle Carré a été en grande partie tourné dans les Pyrénées-Orientales, au pied des Albères.

Retour aux sources pour Agnès de Sacy, scénariste de cinéma depuis une vingtaine d’années. Elle s’inspire de son histoire familiale pour réaliser son premier long-métrage, La fille d’un grand amour. Un film mélodramatique, avec François Damiens et Isabelle Carré en vedette, tourné en grande partie à Bages et Perpignan à l’automne dernier. Une histoire qui tourne autour du coup de foudre mais aussi des secrets de famille et des vies cachées, voire gâchées.

Le sujet est né au début des années 90, quand Agnès de Sacy, élève à la FEMIS, la prestigieuse école de cinéma parisienne, réalise un film dans le cadre de son cursus étudiant sur le thème « Filmer vos parents ». Elle interroge son père et sa mère sur leur première rencontre à la fin des années 50 dans une boutique parisienne. Ce documentaire, elle va en montrer, au début du film, la fabrication, avec deux comédiens dans le rôle des parents. François Damiens est Yves, le père, Isabelle Carré, Ana, la mère. Ils racontent ce coup de foudre, donnent deux versions assez différentes de cette première rencontre. Mais au moment du film, cela fait longtemps qu’ils sont divorcés.

Un mas au pied des Albères

Nous sommes au début des années 90, Yves travaille dans une banque à Paris, Ana est antiquaire dans la région de Perpignan dans un grand mas au pied des Albères. Ce film va être le bon motif pour permettre à Yves de passer un week-end en Catalogne, découvrant la nouvelle vie de son ancienne épouse. Retrouvailles qui vont rapidement virer à la dispute. La suite, racontée (subie plus exactement) par Cécile (Claire Duburcq), la fille, double fictionnel de la réalisatrice, est pleine de rebondissements, de drames, de lourds secrets (notamment de la part d’Yves) et de moments de joie.

Très personnelle, cette histoire de famille compliquée, a été tournée en grande partie dans la maison même du père de la réalisatrice. Un superbe mas, avec vue sur les Albères, régulièrement montrées dans le film quand François Damiens et Isabelle Carré se promènent dans les vignes alentour. Une région qu’Isabelle de Sacy connaît bien, sa famille maternelle ayant toujours vécu là. Elle y a passé de nombreuses vacances, enfant. Elle y aime notamment la lumière, unique. Et effectivement, ce film est lumineux, de plus en plus éclairé par ce grand amour et la libération, par la parole et l’écrit, de la mère et du père d’Agnès de Sacy.

Film d’Agnès De Sacy avec Isabelle Carré, François Damiens, Claire Duburcq


Agnès de Sacy : “Un amour passionnel”


Venues présenter en avant-première, début décembre, le film au cinéma Castillet de Perpignan, Agnès de Sacy et son interprète, Isabelle Carré, sont longuement revenus sur ce film qui les touche professionnellement et personnellement.

Isabelle Carré : « Le film raconte le fait qu’on a droit aux secondes chances. Mon personnage y croit. Elle a une sorte de foi qu’elle s’est construite elle-même. Elle croit qu’en étant libre, dans la tolérance, c’est possible. »

Agnès de Sacy : « Ce sont deux personnes qui ont eu une histoire singulière, c’est leur histoire. Il y a des personnes séparées qui ne se retrouveront jamais, qui refont leur vie. Il se trouve qu’eux deux, sont deux personnes qui ont eu un amour tout à fait singulier et extrêmement passionnel. »

Isabelle Carré : « J’ai beaucoup évolué grâce à l’écriture de romans. Je n’ai aucune frustration à être au service des auteurs, mais il était temps pour moi de dire mes mots. Raconter mes propres histoires m’a aidé à trouver une autre voix, à changer, évoluer et acquérir de la confiance. »

Agnès de Sacy : « François Damiens est un grand émotif, un hypersensible et c’est un homme dans sa maladresse qui est bouleversant. Je voulais, sans aucun mot, qu’on comprenne pourquoi cette femme l‘aime. En face j’avais Isabelle Carré qui est une Rolls, une actrice d’une précision, d’une rapidité et d’une intelligence rares. Les réunir m’a paru évident. »

À propos de la maison du tournage : « C’est un personnage. Je l‘ai cherchée avec mon chef opérateur et ma décoratrice, se souvient Agnès de Sacy. On a visité plusieurs mas dans la région pour finir par tourner dans la maison où habitait mon père et qui était évidemment celle qui m’inspirait quand j’écrivais. On était en repérage et on dormait à la maison et à chaque fois qu’on revenait, mon père me demandait « Mais pourquoi vous ne tournez pas ici ? » Il revenait dessus en me taquinant. Et puis l’équipe m‘a convaincue. C’est un grand bonheur de tourner dans un espace qu’on connaît intimement. »

mardi 21 janvier 2025

En vidéo, “Le roman de Jim” des frères Larrieu

Cette histoire, d’un presque père ballotté par les sentiments et les événements, fait du bien. Adapté du livre de Pierric Bailly, Le roman de Jim des frères Larrieu dresse le portrait d’une génération sensible et à l’écoute. Un amant gentil, présent et dévoué interprété par Karim Leklou.

L’amour qu’il porte à sa compagne enceinte (Laetitia Dosch), va se communiquer à ce petit garçon qu’il va accompagner dans ses premières années de la vie. Un film d’une beauté absolue, parfois jubilatoire, parfois triste. Comme la vie. Juste la vie.

L’édition en vidéo chez Pyramide sortie cette semaine offre une profusion de bonus pour aller plus loin dont des entretiens avec Arnaud et Jean-Marie Larrieu (27 min), l’écrivain Pierric Bailly à propos des lieux du tournage (15 min) ou Karim Leklou (18 min)

lundi 13 janvier 2025

Cinéma – Le scénario commenté du film « Anatomie d’une chute »

Palme d’or à Cannes et surtout Oscar du meilleur scénario cette année, le film « Anatomie d’une chute » de Justine Triet est à redécouvrir dans sa version écrite. La publication du scénario original réjouira les cinéphiles.

D’autant qu’en plus du texte original, on peut découvrir des explications des deux auteurs ainsi que des passages non tournés ou non retenus dans le montage final.

Outre un riche cahier photo du tournage en fin d’ouvrage, vous pourrez découvrir le fac-similé du scénario d’Arthur Hariri orné de dessins réalisés durant les réunions de préparation. Une véritable leçon de cinéma.

« Anatomie d’une chute, scénario commenté », Gallimard, 320 pages, 25 €

mercredi 8 janvier 2025

Cinéma - Avec sa version de “Nosferatu”, Robert Eggers sort les griffes

Gothique et effrayante, Robert Eggers signe une version modernisée mais fidèle du Nosferatu de Murnau.


Le 25 décembre 2024, ce n’est pas le Père Noël qui arrive sur les écrans des cinémas mais la pire créature, la plus effrayante, imaginée par le 7e art. Nosferatu le vampire, un peu plus d’un siècle après le film de Murnau, revient hanter les nuits des spectateurs.

Un remake signé de Robert Eggers, prodige américain au style affirmé. Révélé par The Witch, il a depuis étonné et déçu. Ce retour aux sources du cinéma a de quoi réjouir les esthètes. D’entrée, la première séquence place la barre très haut.

Un cauchemar de la jeune héroïne (Lily-Rose Deep), tourmentée par une créature monstrueuse. Scène choc, alliant horreur, gothisme et dramaturgie. Le tout grâce à des images construites comme des tableaux. Le comte Orlok, Nosferatu (Bill Skarsgård) sous son aspect le plus horrible, n’apparaît que très fugitivement. Suffisamment cependant pour que l’on redoute son retour.

Les griffes du vampire

Ce sera dans son château des Carpates, quand il accueille le mari (Nicholas Hoult) de la femme qu’il convoite. Il vient lui faire signer les papiers d’une soi-disant acquisition immobilière. La séquence dans les montagnes enneigées et les ruines du manoir, sont terrifiantes. Ce n’est pourtant que le début de la tragédie.

De retour en Allemagne, le jeune homme va tenter de sauver son épouse. Mais cela paraît bien trop tard. Sous emprise de Nosferatu, elle semble possédée. Cela donne des passages nocturnes où l’on retrouve la terreur provoquée par la simple ombre planante d’une main prolongée par des ongles pointus, tels des griffes aiguisées comme des rasoirs, sur une Lily-Rose Deep en chemise de nuit blanche. Contraste plus efficace que tous les effets spéciaux numériques. Même s’ils ne sont absents de ce film, notamment dans la transformation du Comte en Nosferatu.

Plus qu’un hommage à l’œuvre originale de Murnau, le Nosferatu de Robert Eggers est un film personnel très abouti. Les décors sont minutieusement reconstitués, l’éclairage (naturel) provoque un effet angoissant supplémentaire, certains plans séquences apportent un plus au suspense et l’effroi surprend, même si on s’y attend. En plus de remplir son contrat de nous faire peur, Nosferatu est un exemple pour tous les réalisateurs qui oublient que le cinéma est un art et qu’ils peuvent, juste avec un peu de talent, transfigurer tout scénario, même le plus connu.

Film de Robert Eggers avec Lily-Rose Depp, Bill Skarsgård, Willem Dafoe, Nicholas Hoult

mardi 7 janvier 2025

Cinéma - “Joli joli” : duo en chantant

Complètement tombé aux oubliettes durant plusieurs décennies, le genre de la comédie musicale connaît un surprenant revival depuis quelques années. Et même les Français se mettent à jouer avec cet exercice compliqué, magnifié par Jacques Demy. Après les frères Larrieu ou Jacques Audiard, c’est Diastème qui apporte sa contribution, avec la complicité d’Alex Beaupain à la musique. Sans oublier les débuts, sur grand écran, d’une des nouvelles étoiles de la chanson française : Clara Luciani.

Comédie musicale et histoire d’amour ont toujours fait bon ménage. Joli Joli ne fait pas exception à la règle. Un écrivain (William Lebghil) est en panne d’inspiration. La nuit du nouvel an, alors que 1977 va arriver dans quelques heures, il se lamente sur sa nullité. Et décide d’aller boire un verre dans un bar. Il croise une ravissante blonde (Clara Luciani), arrive à la faire sourire et ils tombent amoureux.

Après une nuit d’amour, elle part au petit matin. L’écrivain, coupé du monde n’a pas reconnu la star de cinéma. Par contre sa bonne Myrette (Laura Fulpin), secrètement amoureuse du romancier, l’a reconnue et voit d’un mauvais œil cette rivale trop glamour. Elle va tout faire pour briser le couple, casser cet amour.

Le film, tourné dans des décors superbement reconstitués, est un hommage au cinéma, à la romance, aux coups de foudre. Plus la relation du principal couple se complique, plus autour d’eux (réalisateur, producteur, comédien, infirmière…) Cupidon fait des ravages.

Un scénario ouvertement romantique, mais avec quelques touches d’humour (Thomas VDB ou Jean-Jacques Vanier) et moments de tension. Le tout en chansons, toutes interprétées par les acteurs et déjà disponibles dans un double album.

"Joli joli", comédie musicale de Diastème (musique d’Alex Beaupain) avec Clara Luciani, José Garcia, William Lebghil, Laura Felpin, Vincent Dedienne, Grégoire Ludig.


lundi 6 janvier 2025

Vidéo - “Borderlands”, film spectaculaire adapté d’un jeu vidéo


Les films tirés d’une franchise de jeu vidéo sont souvent décevants. Intrigue limitée, personnages stéréotypés : difficile de surprendre le spectateur. Même quand c’est un excellent réalisateur comme Eli Roth, maître de l’horreur et du gore, qui relève le challenge.

Borderlands offre son lot de scènes spectaculaires, de dialogues hilarants (merci Jack Black…) et de bastons infernales. Malgré tous les ingrédients, la mayonnaise ne prend pas. C’est divertissant, mais on éprouve des difficultés à s’enthousiasmer, s’enflammer pour un univers foisonnant mais déjà vu.

La sortie en vidéo chez M6 se décline en simple DVD, blu-ray ou boîtier steelbox avec blu-ray et version 4 k en ultra HD. Par contre, les amateurs de bonus seront déçus : pas la moindre nouveauté à se mettre sous la dent…

lundi 30 décembre 2024

Cinéma - Sarah Bernhardt et Lucien Guitry, la divine romance

La grande comédienne Sarah Bernhardt n’a eu qu’un seul véritable amour : Lucien Guitry. Guillaume Nicloux en fait un film brillant avec un rôle époustouflant pour Sandrine Kiberlain.


Monstre sacré du théâtre, première star mondiale française, Sarah Bernhardt était aussi surnommée « La Divine ». C’est ce dernier terme que Guillaume Nicloux a retenu pour le titre de son film. Mais en ces temps où les biopics sont de plus en plus nombreux, il a choisi de ne pas raconter toute la carrière de la comédienne (interprétée par Sandrine Kiberlain) mais la grande histoire d’amour de sa vie.

Femme éprise de liberté, elle faisait partie de ces esprits ouverts qui vivaient au jour le jour, jamais avare de plaisir. Elle a eu des dizaines, des centaines d’amants. Certains très célèbres comme Edmond Rostand. Pourtant, le film explique qu’elle n’en a aimé qu’un seul et unique : Lucien Guitry (Laurent Lafitte). Comme elle, c’est une gloire du théâtre français de cette fin du XIXe siècle. Ils ont joué ensemble La dame aux camélias. Sandrine Kiberlain, au début du film, rejoue la scène finale avec Laurent Lafitte qui lui tient la main.

Amants sur et en dehors des planches, ces deux surdoués vont se découvrir, se perdre puis se retrouver. Une romance au cœur du film de Guillaume Nicloux, racontée par une Sarah Bernhardt, affaiblie après son amputation, à Sacha, le fils de Lucien et futur grand auteur de théâtre et de cinéma. Plusieurs flashbacks jusqu’à la pire journée vécue par l’actrice, celle au cours de laquelle l’amant rompt officiellement avec sa maîtresse car il désire épouser une jeune comédienne.

Avant cela, on découvre leur relation libre et assumée, dans ce Paris en train de se dévergonder et véritable capitale culturelle mondiale. Sarah Bernhardt sublime ses rôles. Certains écrits pour elle. D’autres issus de grands classiques, de Racine à Shakespeare. Dont certains d’hommes, preuve que la grande dame du théâtre a très rapidement trouvé un peu étriqués les personnages féminins proposés.

Féministe avant l’heure, elle s’affiche avec la peintre Louise Abbéma (Amira Casar), collectionne les animaux (du boa au lynx en passant par les rapaces), et on apprend également qu’elle combat l’antisémitisme et pousse Émile Zola à prendre position dans l’affaire Dreyfus.

Personne complexe, torturée par une enfance malheureuse, toujours sur la brèche, exubérante et cherchant sans cesse la lumière, Sarah Bernhardt a marqué son époque. Le film de Guillaume Nicloux la ressuscite en grande amoureuse, capable du pire comme du meilleur pour conserver les faveurs de son amant.

Biopic de Guillaume Nicloux avec Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Amira Casar, Pauline Étienne, Laurent Stocker.

dimanche 29 décembre 2024

En vidéo, trois films avec Fernandel restaurés par Pathé

Acteur comique français ayant le plus, et de loin, rempli les salles de cinéma, Fernandel a une longue carrière à son actif. Pathé vient de restaurer trois de ses films datant des années 40 et 50. Des petits bijoux d’humour dans lesquels ce comédien emblématique du Sud, exprime tout son talent.

L’Armoire volante de Carlo Rim date de 1948. On y retrouve également Berthe Bovy et Pauline Carton. Une farce loufoque pleine de rebondissements et surtout un film d’humour noir, à la limite du macabre.

L’Héroïque Monsieur Boniface de Maurice Labro est sorti en 1949. Une histoire cocasse d’étalagiste surpris par la célébrité. Un personnage que l’on retrouve dans Boniface somnambule, toujours de Maurice Labro (1950).

dimanche 15 décembre 2024

Cinéma - "Leurs enfants après eux", l’histoire ordinaire d’un amour impossible

“Leurs enfants après eux”, film des frères Boukherma, raconte l’amour destructeur de deux adolescents dans la France des années 90.

Tiré du roman de Nicolas Mathieu, prix Goncourt en 2018, ce film, sans doute un poil trop long, restera dans les mémoires pour quelques scènes d’une formidable virtuosité. Celle de la piscine, de la moto en feu ou du slow durant le bal du 14 juillet 1998 sur la chanson iconique de Francis Cabrel, Un samedi soir sur terre où il parle d’une « histoire d’enfant, une histoire ordinaire ». C’est le résumé très succinct de Leurs enfants après eux, nouveau film des toujours inattendus frères Boukherma.

Après avoir tâté de l’horreur pure avec Teddy (entièrement tourné en Vallespir dans les Pyrénées-Orientales et sorti en 2020), puis de la comédie sanguinolente avec L’année du requin, ils osent la grande saga familiale romantique et sociale.

Est de la France, dans ce bassin sidérurgique sinistré après la fermeture de toutes les aciéries, Anthony (Paul Kircher), 14 ans au début des années 90, s’ennuie comme un rat mort. Le grand ado, aux cheveux longs et rebelles, un peu lunaire et rêveur, sous un blouson de cuir, cache un romantique à la recherche du premier amour. Il est persuadé de le croiser au bord d’un lac.

Steph (Angelina Woreth) bronze avec une amie. Elles invitent Anthony et son cousin à une soirée. Pour s’y rendre, ils empruntent la moto du père, Patrick (Gilles Lellouche). Au petit matin, en plus d’avoir été repoussé par la jeune fille, Anthony découvre que la moto a été volée. Sa vie va alors basculer vers la violence et la vengeance.

Radiographie rigoureuse d’un milieu social gangrené par la crise, le film conserve une grâce innée en suivant la relation, compliquée mais si belle, entre Anthony et Steph. En contrepoint, on retrouve la montée du racisme, la délinquance (Raphaël Quenard au top dans un petit rôle de fou furieux cultissime) et la parenthèse enchantée de 1998 et de l’épopée de l’équipe de France Black blanc beur.

Côté distribution, les jeunes comédiens sont touchants de sincérité, alors que Ludivine Sagnier et Gilles Lellouche apportent plus de complexité en interprétant ces parents dépassés par les événements mais prêts à toutes les compromissions pour aider leur fils unique. Notamment le père, alcoolique, violent, colérique, incapable de trouver les bons mots pour expliquer combien il aime sa famille. Gilles Lellouche propose une prestation haut de gamme qui ne peut laisser personne de marbre.

Film de Ludovic et Zoran Boukherma avec Paul Kircher, Angelina Woreth, Sayyid El Alami, Gilles Lellouche, Ludivine Sagnier

 

samedi 14 décembre 2024

En vidéo, “Super papa” avec Ahmed Sylla


La mode est aux comédies gentilles et familiales. Et dans le genre, Super Papa de Léa Lando avec Ahmed Sylla dans le rôle du père moderne n’est pas loin du mètre étalon. Tom adore son fils Gaby (Ismaël Bangoura). Pour lui faire plaisir, il lui offre un livre aux pages blanches.


Un livre magique, qui peut réaliser les rêves du petit garçon s’il les écrit en détail. Reste ensuite au papa débrouillard à réaliser ces rêves. Une comédie familiale qui sort en DVD opportunément avant les fêtes (cadeau !) chez M6 Vidéo, dans l‘air du temps et donnant l’occasion à Ahmed Sylla de conforter son personnage d’humoriste bienveillant et pote avec tout le monde.

mercredi 4 décembre 2024

Cinéma - Deux frères se retrouvent “En fanfare”

La pratique de la musique, classique ou populaire, est omniprésente dans ce film d’Emmanuel Courcol. Un trait d’union entre deux frères qui apprennent à se connaître.


Tout réussi à Thibaut Désormeaux (Benjamin Lavernhe). Ce chef d’orchestre réputé enchaîne les grandes salles et compose. Une vie de rêve et de passion. Jusqu’à la découverte d’une leucémie. Une greffe de moelle devient urgente. Il demande à sa petite sœur. Mais elle n’est pas compatible. Pire, le chirurgien découvre qu’ils n’ont aucun lien de parenté. Thibaut a été adopté. Une vérité qui bouscule son quotidien, ses certitudes. Et lui permet de nouveau de faire des projets. Il a un frère, Jimmy (Pierre Lottin). Reste à le convaincre de devenir donneur.

Le début du film d’Emmanuel Courcol mélange mélodrame (découverte de la maladie) puis comédie (deux frères de milieux sociaux totalement différents). Mais là où d’autres auraient réduit leur propos à un enchaînement de situations comiques et cocasses, le réalisateur livre une œuvre fine et aboutie, avec l’utilisation de la musique pour raconter l’histoire et le rapprochement de ces deux hommes privés d’une enfance commune. Pour réussir ce grand écart, le jeu des comédiens est essentiel. En confrontant Benjamin Lavernhe et Pierre Lottin, le réalisateur accomplit un tour de force génial.

Car tout semble opposer ces deux inconnus aux parcours si différents. A la base ils ont la même mère, incapable de s’occuper d’eux. Thibaut tire le bon numéro en intégrant une famille qui détecte très tôt un petit génie de la musique. À l’opposé, Jimmy va de famille en famille avant de se stabiliser dans le foyer d’un mineur du Nord. C’est là qu’il va faire sa vie, employé dans une cantine scolaire, divorcé, père d’une adolescente. Il a pourtant un point en commun avec Thibaut : l’oreille absolue. Il l’utilise chichement en participant à la fanfare du village. Il joue du trombone, adore la trompette et se débrouille au piano.

Sur fond de lutte sociale, de paupérisation des anciennes régions industrielles et de mise en avant de la solidarité et de la joie de vivre typiques du Nord, En fanfare est une ballade sublime entre grande musique, jazz et variétés. Une renaissance pour le chef d’orchestre, un peu déconnecté de la vraie vie à cause de son succès, une seconde chance inespérée pour Jimmy, incapable d’avoir suffisamment confiance en lui pour exploiter ses talents.

Une histoire de rédemption, joyeuse et émouvante, un grand film ou l’on retrouve deux géants déjà honorés récemment au cinéma : Ravel et Aznavour.

Film d’Emmanuel Courcol avec Benjamin Lavernhe, Pierre Lottin, Sarah Suco