Affichage des articles dont le libellé est pyrénées. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est pyrénées. Afficher tous les articles

mercredi 7 mai 2025

Thriller - Dans les bois du Vallespir, l'ours menace Angèle

Clinique psychiatrique, meurtriers jugés déments, fête de l'ours et femme à la dérive : tel est le cocktail gagnant de ce thriller se déroulant dans le Vallespir et signé Alexandra Julhiet.


Plus un personnage est dans le doute, au bord de la dépression voire de la folie, plus le thriller est généralement réussi. Angèle, la narratrice de ce roman d'Alexandra Julhiet est au bord du gouffre. Pourtant c'est une femme forte. Installée à Paris depuis des années, elle est analyste pour une société renommée. Donnez-lui de tonnes de documents sur un sujet précis, elle lit l'ensemble et en tire des conclusions que son patron vend à prix d'or. Rationnelle, efficace sans la moindre faille. Jusqu'à la fin de son couple. Trompée par un mari qui l'abandonne dès qu'il est démasqué. Seule dans son grand appartement, elle déprime. Cauchemarde. C'est un suicide (un homme saute du dernier étage d'un immeuble devant ses yeux) qui l'achève. Et un message retrouvé écrit sur la glace de sa salle de bains, « Va crever !». 

Son boss l'oblige à prendre quelques jours de repos. Elle va chez son père, psychiatre à la retraite. Ce dernier, qui perd un peu la tête, décide de profiter de la présence d’Angèle pour aller dans le Vallespir, assister à la fête de l'ours à Saint-Martin-d'Inferm, village fictif, sorte de contraction des trois cités qui célèbrent le plantigrade à la fin de l'hiver. C'est dans ce village, où son père possède une vieille maison, que le drame se noue. 

L'autrice, connue comme scénariste à la télévision, signe son second roman et parvient rapidement à passionner ses lecteurs. Certes l'intrigue semble un peu cousue de fil blanc, mais on tremble quand même pour cette femme, prête à tout pour découvrir la vérité sur son passé, son enfance, ses origines. 

Et puis il y a la description de cette fête de l'ours, folklorique mais aussi triviale, excessive. Angèle ne cache pas son malaise dans la foule avinée : « L'atmosphère semblait joyeuse et bon enfant, moi je la trouvais lugubre, comme si un désastre était sur le point d'arriver. L'un des ours, une masse de plus de deux mètres, tanguait dans la foule à la recherche  d'une bagarre. Un autre profitait de son anonymat pour mettre des mains aux fesses des jeunes filles qui réagissaient en gloussant, inconscientes du danger. » Angèle va subir les assaut d'un ours dans les bois, pas loin d'une clinique psychiatrique. Dans cet établissement, des meurtriers, jugés non responsables de leurs crimes en raison de leur démence, vivent en semi liberté. Le père d'Angèle y a travaillé quand elle était enfant. Du moins c'est ce qu'elle croit se souvenir. Une histoire sur la mémoire, le mal, l'hérédité et la famille. Sans oublier Angèle, lumineuse héroïne qui va enfin sortir des limbes de l'oubli.  

« La nuit de l'ours » d'Alexandra Julhiet, Calmann-Lévy, 380 pages, 20,90 € 

lundi 3 mars 2025

BD - Manteau maudit dans les Pyrénées

La montagne est souvent assimilée à la nature, la poésie et la beauté. On oublie par contre l'isolement et l'obscurantisme qui perdurent dans ces endroits coupés du monde moderne. Le roman graphique de Jaime Martin paru dans la collection Aire Libre explore ce versant des Pyrénées. 

L'action se situe au XIXe siècle. Pas encore la civilisation moderne. Dans ces vallées ou plateaux, entre les frontières françaises et catalanes, pour se soigner les plantes des guérisseuses sont souvent plus efficaces que les remèdes d'une médecine encore balbutiante. 

Mara est une vieille guérisseuse. Elle vit seule dans sa maison perdue dans la forêt. Quand une jeune femme, juste vêtue d'un sombre manteau débarque apeurée et déboussolée chez elle, elle décide de la protéger, de l'aider, de lui enseigner son savoir. 

Cet apprentissage va causer bien des soucis à Mara et à sa jeune protégée qui semble être recherchée par la police. Qu'a-t-elle fait dans la grande ville ? Mara ne veut pas le savoir. Par contre les villageois vont se mêler de l'affaire et le manteau, de sombre, va devenir définitivement maudit.

Un roman graphique d'une grande force, abordant des thèmes d'antan mais qui résonnent de nos jours : liberté des femmes, émancipation et médecine douce. 

"Un sombre manteau", Dupuis, 104 pages, 21,95 €

mercredi 22 janvier 2025

Cinéma - Le secret du père de “La fille d’un grand amour”

Le premier film d’Agnès de Sacy, « La fille d’un grand amour », avec François Damiens et Isabelle Carré a été en grande partie tourné dans les Pyrénées-Orientales, au pied des Albères.

Retour aux sources pour Agnès de Sacy, scénariste de cinéma depuis une vingtaine d’années. Elle s’inspire de son histoire familiale pour réaliser son premier long-métrage, La fille d’un grand amour. Un film mélodramatique, avec François Damiens et Isabelle Carré en vedette, tourné en grande partie à Bages et Perpignan à l’automne dernier. Une histoire qui tourne autour du coup de foudre mais aussi des secrets de famille et des vies cachées, voire gâchées.

Le sujet est né au début des années 90, quand Agnès de Sacy, élève à la FEMIS, la prestigieuse école de cinéma parisienne, réalise un film dans le cadre de son cursus étudiant sur le thème « Filmer vos parents ». Elle interroge son père et sa mère sur leur première rencontre à la fin des années 50 dans une boutique parisienne. Ce documentaire, elle va en montrer, au début du film, la fabrication, avec deux comédiens dans le rôle des parents. François Damiens est Yves, le père, Isabelle Carré, Ana, la mère. Ils racontent ce coup de foudre, donnent deux versions assez différentes de cette première rencontre. Mais au moment du film, cela fait longtemps qu’ils sont divorcés.

Un mas au pied des Albères

Nous sommes au début des années 90, Yves travaille dans une banque à Paris, Ana est antiquaire dans la région de Perpignan dans un grand mas au pied des Albères. Ce film va être le bon motif pour permettre à Yves de passer un week-end en Catalogne, découvrant la nouvelle vie de son ancienne épouse. Retrouvailles qui vont rapidement virer à la dispute. La suite, racontée (subie plus exactement) par Cécile (Claire Duburcq), la fille, double fictionnel de la réalisatrice, est pleine de rebondissements, de drames, de lourds secrets (notamment de la part d’Yves) et de moments de joie.

Très personnelle, cette histoire de famille compliquée, a été tournée en grande partie dans la maison même du père de la réalisatrice. Un superbe mas, avec vue sur les Albères, régulièrement montrées dans le film quand François Damiens et Isabelle Carré se promènent dans les vignes alentour. Une région qu’Isabelle de Sacy connaît bien, sa famille maternelle ayant toujours vécu là. Elle y a passé de nombreuses vacances, enfant. Elle y aime notamment la lumière, unique. Et effectivement, ce film est lumineux, de plus en plus éclairé par ce grand amour et la libération, par la parole et l’écrit, de la mère et du père d’Agnès de Sacy.

Film d’Agnès De Sacy avec Isabelle Carré, François Damiens, Claire Duburcq


Agnès de Sacy : “Un amour passionnel”


Venues présenter en avant-première, début décembre, le film au cinéma Castillet de Perpignan, Agnès de Sacy et son interprète, Isabelle Carré, sont longuement revenus sur ce film qui les touche professionnellement et personnellement.

Isabelle Carré : « Le film raconte le fait qu’on a droit aux secondes chances. Mon personnage y croit. Elle a une sorte de foi qu’elle s’est construite elle-même. Elle croit qu’en étant libre, dans la tolérance, c’est possible. »

Agnès de Sacy : « Ce sont deux personnes qui ont eu une histoire singulière, c’est leur histoire. Il y a des personnes séparées qui ne se retrouveront jamais, qui refont leur vie. Il se trouve qu’eux deux, sont deux personnes qui ont eu un amour tout à fait singulier et extrêmement passionnel. »

Isabelle Carré : « J’ai beaucoup évolué grâce à l’écriture de romans. Je n’ai aucune frustration à être au service des auteurs, mais il était temps pour moi de dire mes mots. Raconter mes propres histoires m’a aidé à trouver une autre voix, à changer, évoluer et acquérir de la confiance. »

Agnès de Sacy : « François Damiens est un grand émotif, un hypersensible et c’est un homme dans sa maladresse qui est bouleversant. Je voulais, sans aucun mot, qu’on comprenne pourquoi cette femme l‘aime. En face j’avais Isabelle Carré qui est une Rolls, une actrice d’une précision, d’une rapidité et d’une intelligence rares. Les réunir m’a paru évident. »

À propos de la maison du tournage : « C’est un personnage. Je l‘ai cherchée avec mon chef opérateur et ma décoratrice, se souvient Agnès de Sacy. On a visité plusieurs mas dans la région pour finir par tourner dans la maison où habitait mon père et qui était évidemment celle qui m’inspirait quand j’écrivais. On était en repérage et on dormait à la maison et à chaque fois qu’on revenait, mon père me demandait « Mais pourquoi vous ne tournez pas ici ? » Il revenait dessus en me taquinant. Et puis l’équipe m‘a convaincue. C’est un grand bonheur de tourner dans un espace qu’on connaît intimement. »

vendredi 3 janvier 2025

Une anthologie - Mots et merveilles des Pyrénées

La nature inspire les écrivains. Encore plus quand il s’agit de la nature grandiose des Pyrénées. Jean-Paul Azam, spécialiste de cette chaîne montagneuse allant de l’Atlantique à la Méditerranée, propose un beau livre répertoriant les plus beaux passages de la littérature autour de ces sommets.

Baudelaire à Barèges, Victor Hugo au Pays basque… Dans la région, ne manquez pas l’ode de Saint-Exupéry à la « neige rose » qu’il voit en atterrissant à Perpignan ou l’aveu de Kipling : « Mais je trouvai le Canigou, je découvris la montagne enchanteresse entre toutes, et je me soumis à son pouvoir. »

« Mots et merveilles des Pyrénées », Papillon Rouge, 164 pages, 29,90 €

dimanche 17 novembre 2024

Thriller - Les Pyrénées, théâtre de l’angoisse

Une forêt primaire dans les Pyrénées. Des disparitions. Un village isolé et des rumeurs. Jérôme Camut et Nathalie Hug plongent leurs héros dans un univers angoissant, même s’il est « Loin de la fureur du monde ». 

La Mâchecombe. Un plateau, une forêt, des montagnes dans les Pyrénées entre Ariège et Aude. « Par temps clair, le regard portait de la plaine des Pyrénées jusqu’aux remparts de la cité de Carcassonne. » Le cadre est rapidement posé par Jérôme Camut et Nathalie Hug, auteurs de nombreux thrillers. C’est dans ce village et cette forêt protégée de Mâchecombe que l’action du roman se déroule. Un monde à part où tout le monde se connaît, où les rumeurs et légendes tiennent une grande place dans le quotidien des rares habitants.

En ce 15 août, Alix Ravaillé se consacre à son traditionnel pèlerinage. La jeune femme, récemment intégrée dans la police municipale de la commune dirigée par son père, Robert, vient déposer des fleurs là où sa mère aimait se recueillir. Cette dernière a trouvé la mort dans la montagne 8 ans auparavant. Un accident de VTT. Ce n’est pas la première qui meurt dans cette forêt. Mâchecombe a mauvaise réputation. Un massif maudit. Encore plus depuis que l’essentiel de la zone boisée est préservé pour un retour à l’état primaire.C’est l’essentiel de la mission de Robert, son adjoint Christophe et Alix. Mais en plus des ours, loups et autres prédateurs, un monstre se cacherait dans les bois. Dandelombe selon Noa, le petit frère d’Alix. Mi-homme mi-bête, géant et furtif, il fait peur aux locaux, mais n’empêche pas des orpailleurs de saccager la nature pour récupérer quelques grammes d’or. Au cœur de l’été, alors que des orages coupent les routes, des cadavres sont retrouvés dans un camp de fortune. Et Christophe disparaît. Alix, qui l’aime en secret, va tenter de le retrouver. Seule dans cette forêt primaire : « Il ne subsistait de la civilisation qu’une route forestière piquée de nids-de-poule et envahie d’herbe et de fougères qu’Alix emprunta pour rallier son objectif, situé au cœur de la zone protégée. » Mais elle n’est pas si seule et vient, sans s’en douter, de pénétrer sur le territoire de chasse de John, le véritable maître des lieux.

De simple polar en milieu clos, le roman prend des connotations fantastiques. Car longtemps on se demande ce qu’est véritablement ce John, qui se prétend « Dieu de l’ombre » que Noa a transformé en Dandelombe. Alix disparaît à son tour et son père mène l’enquête. Mais il se sent démuni, impuissant : « Autour de lui, les gens n’étaient pas pires ou meilleurs qu’ailleurs. La différence, c’était que, dans ces campagnes reculées, chacun en savait un peu trop sur tout le monde. C’était pratique dans certains cas, étouffant dans d’autres. » Et malgré cette promiscuité, certains secrets restent bien gardés.

Ce roman, très angoissant quand on est aux côtés d’Alix, prisonnière dans la tanière de John, être primitif aux réactions bestiales, est aussi l’occasion pour les auteurs de développer un message écologiste. Même en voulant préserver une forêt, on perturbe la nature. L’homme, du fait même de son existence, détruit son environnement. Une évidence dont on prend un peu conscience en refermant ce thriller finalement plus optimiste qu’il n’y paraît.
« Loin de la fureur du monde », Jérôme Camut et Nathalie Hug, Fleuve Noir, 496 pages, 21,90 €

dimanche 18 août 2024

Témoignage - Vélo et Pyrénées


Envie de revivre les exploits du Tour de France ? Plongez dans le récit de Pierre-Nicolas Marquès intitulé Mémoire en roue libre. Il n’a pas participé à la Grande Boucle mais a parcouru les routes abruptes des Pyrénées. Pour ce passionné des mots et de la poésie, connu sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme « Motsdumarquis », enfourcher un vélo et pédaler est la meilleure des thérapies en cas de coup dur comme un chagrin ou une déception.

Il a donc entrepris de traverser cette montagne du Sud, sur des routes légendaires, en partant de Canet, dans les Pyrénées-Orientales, pour rejoindre Biarritz au Pays basque. Une étape à Prades et il attaque les difficultés en rejoignant Ax-les-Thermes en passant par le col de Jau en Ariège. Il raconte ce périple et propose rencontres et réflexions tout au long de ce texte long de 800 kilomètres et composé de 16 cols et d’un dénivelé positif de 16 473 mètres.

Chaque étape compose un chapitre, mais le livre offre encore plus avec des souvenirs autour du vélo. Comme cette rencontre avec Marc Cavendish, à Libourne, en 2023. Cavendish qui vient de boucler, ému et la tête pleine d’images fortes, son dernier tour de France. Comme un clin d’œil à l’autre utilité de ce livre : lever des fonds pour la Fondation Recherche Alzheimer.
« Mémoire en roue libre », Cairn, 360 pages, 17 €

mardi 30 janvier 2024

Roman - Le roman des ours pyrénéens

Sur plusieurs époques et avec différents points de vue, Clara Arnaud nous plonge au cœur du territoire des ours pyrénéens dans ce roman au titre énigmatique, « Et vous passerez comme des vents fous ». 


 


La montagne en général, les Pyrénées en particulier, restent des lieux uniques où la difficulté reste la règle principale. Vallée, forêt, prairies d’estive, éboulis, pic rocheux : les paysages sont multiples, entre ambiance bucolique et pure sauvagerie. Un décor de rêve pour le roman de Clara Arnaud, Et vous passerez comme des vents fous. Un livre sur les ours pyrénéens, du présent et du passé.

Pour parler de l’animal, l’autrice utilise plusieurs voix, plusieurs sensibilités, points de vue. Il y a Gaspard, le berger. Un homme originaire de la vallée, mais qui a décidé de la quitter, d’aller vivre en ville. Il s’est marié, a eu des enfants. Et a regretté son ancienne liberté. Avec l’accord de sa femme, il a tout plaqué, racheté une vieille ferme accrochée aux coteaux et a appris ce métier si particulier de berger pyrénéen, celui qui passe trois mois loin de la civilisation, en estive, à surveiller ses centaines de brebis ivres de liberté et d’herbe grasse. Dans la forêt, il croisera Alma, la scientifique.

Éthologue, chercheuse pour le centre national de la diversité, elle étudie les mœurs des ours réintroduits dans ce massif. Des ours qui ont longtemps cohabité avec les habitants de la région. Pour s’en persuader, il suffit de découvrir, un peu émerveillé, l’histoire de Jules, un gamin qui à la fin du XIXe siècle, a osé pénétrer dans la tanière d’une ourse pour lui dérober un bébé. Son ourse, son animal qu’il a domestiqué, dressé et qui lui permettra de changer de vie, allant jusqu’en Amérique pour devenir riche et montrer les prouesses de celle qu’il considère de plus en plus comme sa compagne.

La vie des sommets

Et puis il y a aussi les autres éleveurs, ceux qui sont contre la réintroduction, qui redoutent les attaques et n’ont qu’une obsession : tuer la bête sauvage. Notamment cette femelle solitaire, la Negra, qui semble de moins en moins effrayée par les patous protecteurs.

Une grande partie du roman se déroule l’été, quand les bergers sont à l’estive. Gaspard profite pleinement de cette parenthèse enchantée gorgée de nature. Une vie simple, rustique, authentique. « On ne s’embarrassait de rien, là-haut : de quoi manger, dormir au chaud, du sel pour les brebis, des croquettes pour les chiens et quelques produits vétérinaires. On y était vite ramené à sa place, un corps parmi les roches, les bêtes, les cieux, les champignons, les bactéries. La vie de cabane relevait presque d’un manifeste politique. […] La vie de berger était âpre, elle surmenait le corps. Mais elle réservait des moments de grâce qui justifiaient les angoisses et les doutes lorsque, embrassant l’horizon du regard, il ne faisait plus qu’un avec la montagne, les brebis. » Une plénitude que la présence de l’ours semble rendre très fragile.

Face à ce prédateur, Gaspard et Alma vont avoir des réactions différentes. Même si ces deux amoureux de la nature sauvage s’accordent pour admettre qu’il a toujours été à sa place sur ces parois abruptes, bois sombres et couloirs d’avalanche couverts de rocailles instables. L’ours est chez lui dans ces Pyrénées encore sauvages. Nous ne serons à jamais que des locataires temporaires. À moins que ces locataires n’arrivent, une seconde fois, à tous les exterminer.

« Et vous passerez comme des vents fous » de Clara Arnaud, Actes Sud, 384 pages, 22,50 €

mercredi 27 décembre 2023

Récit - Les Pyrénées, solitude et quiétude à retrouver dans « Journal d’une montagne » de Rémi Huot

Une année seul dans la montagne pyrénéenne vers le pic de Madres. Rémi Huot livre son « Journal d’une montagne », écrit dans un abri inconfortable, un simple orri en pierre sèche.


Écrivain voyageur, Rémi Huot, installé dans les Aspres depuis quelques années, a voulu écrire un livre plus statique après sa quête de l’ours (Dans les forêts de l’ours) et son cheminement en Bretagne (À fleur d’eau). Il a donc décidé de raconter une année en montagne. 12 mois à réfléchir, seul, sur le monde et la nature, depuis un simple « orri » (abri de pierre sèche utilisé antan par les bergers en estive) près de Nohèdes dans les Pyrénées-Orientales mais avec vue sur les sommets d’Ariège et de l’Aude.

Un défi physique et intellectuel qu’il présente dans les premières pages : « Comptant les nuits et contemplant les jours, je souhaite rester ici des mois durant et témoigner de la valse des saisons ; pour sentir à plein corps les durs froids de l’hiver, les sévères radiations de l’été, les pluies d’automne et les vents printaniers. »

Quatre saisons, une montagne 

Pour raconter ces quatre saisons, Rémi Huot est régulièrement monté à « son » orri, pour grelotter les nuits hivernales sur « le sommier de glace », admirer les étoiles les nuits estivales, écouter les oiseaux revenus au printemps. Le texte est découpé en quatre parties, comme autant de saisons.

Avec ses particularismes, comme si au fil des mois le décor, la vie, changeait du tout au tout. Avec une constance, la solitude et la quiétude. États amplifiés par une volonté de dépouillement comme pour s’opposer à la société civilisée de surconsommation.

Un sentiment que l’auteur tente de partager avec son lecteur à travers des réflexions aussi simples que touchantes : « Je ne me sens pas coupable d’être heureux d’un rien. Je me sens responsable d’être malheureux avec beaucoup. Un reste de solitude et une moitié de couleur dans le ciel conviennent à la liberté. »

Dans sa montagne, Rémi Huot en profite pour admirer les animaux. Les oiseaux notamment, lui qui a une formation d’ornithologue. Il part à la recherche des nids d’aigles, admire les traquets motteux qui s’activent pour nourrir les petits « de chenilles vertes ou d’un bourdon aux jolies rayures jaunes », tente de comprendre une « phrase vieille comme le monde » qu’un troglodyte éructe derrière son oreille droite, constate le départ des premiers migrateurs, les martinets.

Observateur de la nature préservée des hommes, Rémi Huot est tel un Thoreau moderne qui lui a raconté sa vie dans les bois. Pourtant la présence humaine n’est pas rare dans cette montagne. En été il croise des chasseurs, des randonneurs et se désole de l’arrivée de « six cents personnes, réunies dans la forêt de Lapazeuil pour vivre en communauté, le temps d’une lunaison, et pour trouver une harmonie avec le monde naturel. » Un camp fait de yourte et de tipis qui perturbe le « domaine vital d’un couple de chouettes Tengmalm. » Un des participants est pourtant fier de la grandeur du campement. L’auteur a parlé avec lui. Sans plus. « Je n’ai pas osé lui répondre que la grandeur que je cherche dans les montagnes déteste la popularité, et qu’une forêt populaire est une forêt en danger. »

Alors pour préserver ces secteurs magiques, on ne peut que vous conseiller de n’y aller qu’avec parcimonie. Mieux vaut, au final, vivre la nature par procuration tant qu’il existe des plumes talentueuses comme celle de Rémi Huot.

« Journal d’une montagne » de Rémi Huot, Le mot et le reste, 232 pages, 21 €.

mardi 24 octobre 2023

Un livre jeunesse - Sur les traces de l’ours

Comment donner l’envie aux plus jeunes de sortir de leur chambre pour aller à la découverte de la faune de la région ? Ce joli album de Magali Bardos est une partie de la solution.

Elle raconte en 44 pages illustrées de jolies aquarelles, l’aventure de trois jeunes cavaliers à la recherche des animaux de la forêt des Pyrénées. Ils cherchent l’ours, mais découvrent surtout des traces de martre, de sanglier, de cerf ou de renard. 


Les animaux omniprésents dans l’ouvrage puisque ce sont eux qui racontent le périple des petits humains. Une découverte de la nature environnante ludique et intelligente. Ce livre a reçu le soutien d’Occitanie Livre & Lecture.

« Sur les traces de l’ours » de Magali Bardos, L’école des Loisirs - Pastel, 15 €

samedi 8 juillet 2023

Ugo Latriche délaisse Koh-Lanta pour un autre terrain d'aventure : les Pyrénées-Orientales

Passionné de nature et de randonnée, Ugo Latriche a mis son expérience au service des lecteurs dans ce guide des Pyrénées-Orientales. Un livre pratique paru chez TDO éditions où vous trouverez de nombreuses balades de tous les niveaux et le récit de son périple sur les frontières du département, 500 km de long pour 14 000 mètres de dénivelé effectués à pied, à VTT et en paddle.


Après deux participations au programme vedette de TF1, Koh-Lanta, Ugo Latriche continue sur sa lancée d'aventurier en multipliant les projets au long cours. Il vient de publier chez TDO Editions, un livre pratique intitulé Le grand tour des Pyrénées-Orientales. Sportif accompli, adorant les défis, Ugo a décidé, après avoir exploré les coins les plus perdus de la planète Terre, de mieux connaître le département où il s'est installé depuis quelques années. Il a donc littéralement mis au point un tour du Pays catalan suivant ses limites administratives, de la côte à l'Est en passant par les Pyrénées à l'ouest, les Albères et le Vallespir au sud et les Corbières au nord. Un parcours de 500 kilomètres pour un dénivelé de 14000 mètres. Pas à la portée de tout le monde.

Il a passé une petite quinzaine de jours à réaliser cet exploit et son journal rédigé au quotidien occupe la première moitié du bouquin. Sans fard, il raconte son enthousiasme pour les paysages traversés : "Cette partie est très belle sur le fil de la crête. Les vues sur le Canigo et la baie de Rosas sont à couper le souffle," raconte-t-il sur le trajet entre Coustouges et Maureillas. Le final est grandiose selon lui : "Je marche dans le sable après dix jours dans les montagnes... Les sensations sont géniales, à l'image de ce département si particulier où la montagne plonge dans la mer." 

Il note également quand c'est moins génial. Amusement quand il "manque de se faire  faucher par une laie et ses marcassins", à la limite de l'abandon quand il se retrouve égaré à la limite de l'Ariège : "Je serpente entre des blocs et des pierriers, je manque de me casser une jambe. Je me perds à plusieurs reprises et me retrouve dans le lit d'un ruisseau, sans vraiment savoir où je suis. La végétation recouvre des trous : autant de pièges pour se tordre la jambe." Mais il en faut plus pour dissuader l'aventurier de mener à bien son projet.

La seconde partie du livre est un guide plus classique avec 30 randonnées pour découvrir toutes les facettes du département. Classées par difficultés, elles sont abordables par tout le monde (Le lac de Villeneuve-de-la Raho), à très difficiles sur des cols pyrénéens à la limite de l'escalade. Et Ugo profite de son expérience (et de son humour) pour dédramatiser des situations. Il vous donne ainsi des conseils si par malchance vous croisez le chemin... d'un ours des Pyrénées.

"Le grand tour des Pyrénées-Orientales" par Ugo Latriche, TDO Editions, 10,90 €

dimanche 6 novembre 2022

Cinéma - Pétaouchnok, presque un « western » entièrement tourné dans les Pyrénées-Orientales

Le film Pétaouchnok, tourné dans les Pyrénées-Orientales, sort ce mercredi 9 novembre dans toutes les salles de France. L'occasion de découvrir une comédie d'aventure dans les paysages magnifiés des Pyrénées.

Les habitants des Pyrénées-Orientales reconnaîtront quelques endroits du département dans le film Pétaouchnok d'Etienne Leduc avec Pio Marmaï et Philippe Rebboh. Par exemple le café où la compagne de Ludo travaille est à Tautavel. C’est là que les scènes de village ont été tournées. Le ranch est celui de Las Caneilles à Tautavel aussi. On distingue aussi les tours du Moulin à Vent de Perpignan. Mais l’essentiel du film se déroule en pleine nature. De longues semaines passées dans la montagne, dans les environs des Angles. On est rapidement subjugué par la beauté des paysages.

Que cela soit dans les prairies dans les hauteurs, avec simplement quelques pics en décor ou au cœur de forêts qui semblent aussi profondes et sauvages que le grand nord canadien ou le long d’un cours d’eau, toutes les images sont belles et dépaysantes. Mais ce n’est pas un clip publicitaire pour la montagne.

Au contraire, Pétaouchnok c’est une vision réaliste et sincère d’une région qui sait encore être sauvage, pas toujours hospitalière, mais où les sensations sont démultipliées.

mercredi 10 juin 2020

BD - Comment renaître en passant par «Le col de Py»



Pourquoi aller chercher très loin des histoires invraisemblables quand il suffit parfois de raconter sa vie pour passionner et émouvoir le lecteur ? Espé, dessinateur talentueux résidant près de Foix en Ariège a longtemps mis en images les histoires des autres. Pour «Le col de Py», il a puisé dans sa vie de famille pour ce roman graphique de plus de 100 pages à forte valeur émotionnelle. Première précision, le col de Py dont il est question dans cette histoire n’a rien à voir avec la route qui mène au petit village de montagne des Pyrénées-Orientales. Mais les Pyrénées sont omniprésentes malgré tout. Il explique dans l’épilogue que c’est en gravissant il y a quelques années ce col de Py près de Foix qu’il a eu l’idée de ce récit. 

Tout débute le 3 mai 2007. Après une petite fille, Bastien et Camille, le couple miroir de la famille d’Espé, accueillent Louis, petit garçon ardemment désiré. L’aide du Papy Mais en sortant de la maternité, Camille est en pleurs. Le médecin a détecté une malformation cardiaque au bébé. Ce qui devait devenir une vie de famille épanouie se transforme en longue crise d’angoisse au fil des semaines puis des mois. Louis risque à tout moment une crise cardiaque. Le couple consulte un éminent professeur à Toulouse. 



Le bébé doit être surveillé en permanence, en espérant une amélioration en cours de croissance. Se pose alors le problème de la garde. Camille est professeur, Bastien, auteur de BD. Ils ne peuvent se permettre d’arrêter de travailler. Et les nounous fuient dès qu’elles apprennent la maladie de Louis. Alors Camille accepte l’offre de son père, Pablo, de venir trois jours par semaine les soulager. Trois jours épuisants pour le papy retraité mais qui lui redonnent un tonus incroyable pour affronter le lundi, jour de sa chimio hebdomadaire. 

Un bébé malade, son grand-père atteint d’un cancer… Il y a des sujets plus gais à traiter. L’auteur raconte ses doutes face à la médecine, le désespoir de sa femme, le courage de Louis et surtout le fantastique et salvateur optimisme de Pablo. Ce fils d’immigré, gitan sédentarisé, n’a pas son pareil pour détendre l’atmosphère et rendre la vie plus belle. La vie, voire la mort. 


jeudi 2 août 2018

BD - Un mort encombrant dans les Pyrénées audoises


Inspirée d’une histoire vraie se déroulant en Pays de Sault dans l’Aude, « Charogne » de Benoit Vidal et Borris débute en 1864. Quelques années après une meurtrière épidémie de choléra, quelques familles tentent de survivre dans un petit village dans le piémont pyrénéen. La seule route reliant le hameau à la ville, dans la vallée, est coupée depuis trop longtemps.

Le maire, Joseph, serviable, descend régulièrement par le sentier escarpé pour s’occuper des affaires de ses administrés. En plein été, au moment des moissons (à la faux), il meurt d’un coup d’une crise cardiaque. Rapidement va se poser la question de ses obsèques. Mais le curé ne vient plus au village. Comment dès lors administrer les derniers sacrements à l’homme pieux ? Quatre villageois vont porter le cercueil à mi-chemin, au niveau de « La Pause des morts ». Mais ce périple ne va pas se dérouler comme prévu et les tensions entre familles ennemies vont faire éclater quelques vérités cachées.

Sorte de road movie (mais sur sentier de chèvre) montagnard, l’album en noir et blanc permet à Borris de magnifier cette nature encore sauvage.

➤ « Charogne », Glénat/Treize Étrange, 19 €

lundi 9 octobre 2017

Livre : Randonnée et Pyrénées, toutes les passions d’un grand montagnard



Il se revendique comme un des premiers « pyrénéens ». Gérard Caubet a ces montagnes dans la peau. Il a été un des précurseurs du métier d’accompagnateur en montagne. Un marcheur, escaladeur, tout terrain, dans cette chaîne si particulière, unique au monde. Il a fait des émules et cela a donné La Balaguère, tour-opérateur spécialiste des Pyrénées. La marque de fabrique de la Balaguère : raconter en randonnant. Les accompagnateurs, comme Gérard Caubet, vous font partager leur connaissance du paysage, des vallées, des hommes. Plus qu’une promenade, c’est une immersion dans un monde qui est proposé. Des années durant, Gérard Caubet a traversé, exploré et aimé ces Pyrénées. Du nord au sud, de l’Atlantique à la Méditerranée, sans exclusive. Un conteur hors pair, qui a décidé de mettre sur papier ces histoires, ces paysages qu’il connaît si bien.
■ Le fond du Capcir
« Étonnantes Pyrénées » est sa dernière production et passionnera tous ceux qui aiment les beaux paysages et les récits qui se cachent derrière certaines cartes postales. Des montagnes à découvrir à travers des chapitres thématiques ou géographiques. Dans la partie vallées, on retiendra le focus sur le Capcir, cette région surnommée « petite Sibérie » mais que Gérard Caubet nomme « petit Canada », trouvaille des locaux car « touristiquement plus glamour ». Ce climat rude en hiver et un relief doucement vallonné permettent l’émergence de la pratique de ski de fond « à portée de toutes les bourses et en réaction au ski alpin trop cher, trop frime, trop tout ». Du Capcir, à partir du milieu des années 70, le ski de fond a essaimé des écoles sur l’ensemble de la chaîne pyrénéenne.
Volet historique passionnant avec le sentier cathare soustitré «Châteaux à gogo ! » Gérard Caubet y retrace l’invention du sentier, surfant sur la mode du catharisme, cette religion perdue, devenue presque philosophie de vie avec ses principes simples. Un chapitre qui lui donne l’occasion de sortir du cadre strict de la montagne, le sentier débutant dans les Corbières et la visite de ses nombreux exploitants viticoles. Il y a châteaux et châteaux. Et gare à la gueule de bois si on ne consomme pas avec modération certaines productions locales gouleyantes et goûteuses. 
➤ « Étonnantes Pyrénées » de Gérard Caubet, La Balaguère et Rando éditions, 25 €

dimanche 18 juin 2017

Roman : le Capcir façonne « La maison Bataille » d'Olivier Szulzynger


Roman rural et familial, « La maison Bataille » d’Olivier Szulzynger, connu pour avoir longtemps coordonné les scénarios de « Plus belle la vie », est un regard assez cru sur la désertification de la montagne catalane. A cause de la crise agricole mais aussi et surtout de la mésentente dans certaines familles obligées de fuir la misère et incapables de trouver un terrain d’entente pour assurer une transmission d’héritage sereine.

« La maison est ramassée sur elle-même. La façade est en pierre sèche. Il n’y a pas d’ouverture au rez-de-chaussée, et seulement une rangée de quatre fenêtres au premier et au deuxième étage. Les fenêtres, étroites comme des meurtrières, sont fermées par des volets verts en bois. La peinture s’écaille. Le noir rouille des ardoises contraste avec le gris jaunâtre du mur. Pierres contres pierres. Minéral. » Telle est la maison Bataille plantée sur les hauts de Camporeils dans ce Capcir si redoutable en hiver.
Frédéric, compositeur atteint d’une tumeur au cerveau, compte se retirer dans cette demeure familiale qu’il n’a fréquentée que de rares étés. C’est là qu’a débuté la saga des Bataille. Maniant à la perfection la narration avec une quantité importante de personnages, l’auteur, dont c’est le premier roman, fait le pari de délaisser la chronologie pour multiplier les allers-retours aux différentes époques.

■ Regard lucide
Il y a André, le patriarche, celui qui a imposé les Bataille comme les maîtres du Capcir dans l’entre-deux-guerres. Puis ses enfants, Jeanne, Marie, Pierre et Louis. Enfin les petits enfants dont André, Sylvie et Frédéric. C’est ce dernier qui sert de pivot au roman. Son retour à Camporeils et ses souvenirs de son père et de ses tantes.


L’essor des Bataille débute par une déception. André, en 1920, veut quitter ces montagnes pour l’Argentine et ses immenses plaines propices à l’élevage de masse. Son père refuse. Il reste donc sur l’exploitation et transforme sa frustration en ambition politique. Elu maire, il rayonne sur la région, envisage d’avoir des responsabilités nationales. La seconde guerre le fauche en pleine gloire.
Sa fille, Jeanne reprend le flambeau. Mariée à un employé de banque, elle va œuvrer en coulisses pour sa promotion, devenant une cadre du Crédit Agricole, de ces responsables qui ont œuvré pour la modernisation de l’agriculture française. A l’opposé, Marie vivote à Narbonne, ne revenant à la maison familiale qu’en été, pour les vacances d’été. Une écriture concise, précise, donne toute sa force à cette saga qui pourrait s’étaler sur des heures à la télévision. Mais Olivier Szulzynger sait faire court et direct. Exemple avec le sentiment de Frédéric, partagé entre sa réussite artistique et ses attaches paysannes : « En sautant d’un monde à l’autre, on court le risque de trébucher et de tomber dans le vide. »
Histoire d’une maison, d’une famille, d’une région, ce roman est un regard lucide sur l’évolution des mentalités d’une génération à l’autre.
➤ « La maison Bataille », Olivier Szulzynger, Editions de l’Aube, 22 € 

jeudi 14 juillet 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Un grand Tour (1/3)

tour de france,cyclisme,pyrénées,castelnaudary,lauragais,revel,grand bassin,moulin cugarel
Le Tour de France exerce une forte fascination sur des millions de Français. On pourrait croire qu'il est question de performances sportives, d'exploits individuels, de « cocorico ».
Plus prosaïquement, on a tous un souvenir, soit de passage du peloton près de chez soi, soit de découverte de paysages grandioses au cœur du pays, sans parler des endroits connus et que l'on se plaît à retrouver dans le direct télé. Mardi, en quittant les Pyrénées pour rejoindre le pied de la Montagne noire, la grande boucle a traversé le Lauragais. Région que j'ai longtemps écumée en « localier ».
Une bouffée de nostalgie, à près de 45 km/h. Il me semble reconnaître la descente vers Villeneuve-la-Comptal. Route incontournable pour aller couvrir les reportages dans la Piège. J'ai droit à deux passages pour cause d'échappée. En ville, la remontée le long du cours de la République me permet de revoir d'un côté les cafés, de l'autre la Halle aux Grains, l'agence du journal à moins de 50 mètres. Des centaines de spectateurs. J'essaie de distinguer des visages, des façades. Juste une impression d'ensemble, mais reste intact le plaisir d'être téléporté durant quelques secondes dans des lieux que l'on a arpenté des centaines de fois.
L'étape se poursuit route de Revel. Cette longue ligne droite que je prenais tous les jours pour aller travailler. Une dernière vue aérienne me fait craquer : le moulin du Cugarel, la Collégiale, le grand bassin au loin. Toute la magie des images du Tour, entre découvertes et souvenirs personnels. (A suivre)

mercredi 13 juillet 2016

Beau livre : deux passionnés de vélos à la rencontre des hommes

Traverser les Pyrénées, à vélo, en une semaine, en passant par les plus grands cols : Jerôme Yager et Victor Ferreira ont réalisé un rêve.

Passionnés de vélos, Jérôme Yager et Victor Ferreira ont rapidement trouvé des terrains de jeu commun. Le premier, journaliste à l'Indépendant dans le Lauragais a rencontré le second à Castelnaudary. Ancien légionnaire, il est resté près de ces plaines quand il a quitté l'uniforme. Devenu photographe et vidéaste, du bas du Lauragais, par moment, les Pyrénées offrent une vue magnifique. La Montagne Noire semblant bien banale, les deux hommes ont décidé de mettre à l'épreuve leurs montures à deux roues (et surtout leurs muscles) dans une traversée du massif contée dans ce beau livre richement illustré des photos de Jules Clamens, étudiant en audiovisuel à l'université de Madrid.
Énergique Jean Lassalle
Loin d'être un simple « roadbook » reprenant étape par étape les sept journées harassantes sur des pentes pouvant aller à plus de 13 %, le livre est une mine d'informations sur ces montagnes mais aussi et surtout une belle réflexion sur l'amitié, l'adversité et la volonté de rencontrer des gens. Du Pays Basque aux plages de Sainte-Marie-la-Mer, durant une semaine intense, ils ont enrichi leur imaginaire, touché la légende (Pourtalet, Tourmalet). Ils ont croisé des cyclistes anglais, des producteurs locaux, d'anciens champions ou François Bayrou, maire de Pau qui affirme sans ambages (et donne ainsi une autre explication à son obstination présidentielle) : « le maître mot de la culture, des valeurs pyrénéennes, c'est l'indépendance ».
Parmi les temps forts, la rencontre avec Jean Lassalle, député des Pyrénées-Atlantiques, chantre de ces Pyrénées fortes et éternelles. Son discours, ses convictions, sa vision du pays convainquent les auteurs. Leur donne une envie encore plus forte de sillonner ce pays, ces routes en lacets, ces communautés isolées. « L'échange a été réciproque, l'énergie coule aussi dans nos veines. Notre pèlerinage sera traversé par d'autres moments comme celui-là, entre écoute, échange, partage d'idées et le sentiment de faire partie d'une même communauté modestement montagnarde : celle des Pyrénées et, qui sait, peut-être des hommes que la terre fait honneur de recevoir ».
Au final, les deux auteurs semblent comme transfigurés. Comme si chaque coup de pédale était un morceau d'humanité mieux compris, mieux assimilé. Les Pyrénées n'ont pas fini de charmer et fasciner, cyclistes, randonneurs ou simples terriens capables de lever la tête vers les cimes.
« La traversée des Pyrénées » de Jérôme Yager, Victor Ferreira et Jules Clamens, Les Presses littéraires, 27 €.

vendredi 13 novembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Identité régionale


Dans moins d'un mois toute la France votera pour désigner les conseillers régionaux. Les listes sont connues, mais dans six des nouvelles régions, le nom définitif du territoire n'est toujours pas arrêté.
Un beau débat en perspective. Chaque terroir veut éviter d'être fondu dans une appellation générique trop large. Si Occitanie semble en bonne voie chez nous et Aquitaine chez les voisins basques, béarnais, limousins et charentais, cela n'empêche pas certains plaisantins (auxquels j'avoue appartenir) d'imaginer des solutions plus biscornues. En choisissant la piste de l'acronyme comme PACA, certaines trouvailles se révèlent carrément hilarantes. Ainsi Aquitaine - POitou - Limousin donne la région APOIL.
Dans le même ordre d'idée Roussillon n Occitanie n Midi se transforme en région ROM ce qui, si elle était dirigée par l'extrême-droite, ne manquerait pas de faire jaser. Plus littéraire, Pyrénées - Occitanie - Languedoc - Aveyron - Roussillon nous conduit direct au pays du POLAR. En voulant faire plaisir à trop de monde on pourrait même devenir Pyrénées - Occitanie - Roussillon - Catalan soit un assez peu engageant PORC. Se méfier également des acronymes qui une fois prononcés deviennent moins aguicheurs comme Causses - Languedoc - Occitanie - Aveyron - Catalan, soit CLOAC...
A choisir, la région qui procurerait du rêve à l'envi reste Pyrénées - Ariège - Roussillon - Aveyron (DIte) Septimanie. Mais soyons lucides, ce n'est pas demain la veille que je me retrouverai au PARADIS.

mercredi 8 juillet 2015

DVD - Drame de la ruralité

« Un village presque parfait » ou l'humour rural à l'épreuve de la ville.

Premier film de fiction de Stéphane Meunier (réalisateur du célèbre documentaire « Les yeux dans les Bleus »), « Un village presque parfait » aborde le problème de la désertification des campagnes françaises. Le petit village de Saint-Loin-la-Mauderne ne mérite qu’à moitié son nom. Loin, pas de problème. De tout même. Mauderne... beaucoup moins. Germain (Didier Bourdon), le maire, tente de revitaliser la petite commune pyrénéenne. 
Une usine de conditionnement du poisson de rivière a bien fonctionné dans le temps, mais aujourd’hui elle est fermée. Il existe bien un projet de réouverture en scoop, mais il faut des aides. De Bruxelles notamment. 
La bonne nouvelle arrive un jour à la mairie : la subvention va être débloquée. A une condition : qu’il y ait un médecin installé au village. Comment les villageois vont-ils attirer un docteur dans ce trou perdu ?
Grâce à des appuis dans la capitale, ils vont parvenir à faire « descendre » Meyer (Lorant Deutsch), chirurgien esthétique obligé de se mettre au vert quelque temps. Entre cet apôtre de la superficialité et les très rationnels campagnards, cela va rapidement faire des étincelles. Mais chacun va y trouver son intérêt.
On appréciera dans ce film, manquant un peu de rythme, la vision très mélancolique des gens de la campagne. Des ruraux attachés à leurs racines incapables de quitter la vallée qui les a vus naître. Pour les interpréter la distribution a tapé fort avec des trognes étonnantes. Didier Bourdon, en maire bougon et manipulateur, est excellent. Denis Podalydès apporte la touche d’intelligence, Elie Seimoun la débrouillardise et Lionnel Astier, la sincérité. On croise également Armelle et Pierre Menès dans des contre-emplois jubilatoires.
En bonus, le making of (avec notamment la rencontre entre le réalisateur et les véritables habitants du village qui ont quasiment tous participé à la figuration) et les interviews des principaux acteurs et du producteur.

« Un village presque parfait », M6 Vidéo.

vendredi 13 juin 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - Nom d'une région !

La réforme territoriale lancée par le président Hollande a tout l'air d'un feuilleton imaginé par des technocrates parisiens pour détourner l'attention des provinciaux de la véritable crise. Les fusions, désirées ou imposées, s'annoncent sources inépuisables de conflits. Comme toujours en France (et là pas de spécificité régionale...), beaucoup plus de mécontents que de satisfaits se font connaître dès que l'on envisage le moindre changement.
Prenons le Languedoc-Roussillon. Il a l'opportunité, en fusionnant avec Midi-Pyrénées, de devenir la 3e région la plus peuplée de France. Plus fort que PACA et Aquitaine, laissées en l'état. Problème, on ne doit être que dix (et je compte large) a y voir une chance contre plusieurs millions à ne pas vouloir changer les frontières d'un iota...
Et je ne vous parle même pas des débats sans fin quand il faudra trouver le nouveau nom. Un sondage du Figaro place « Occitanie » largement en tête. Outre l'aspect moyenâgeux de l'appellation il faudra surtout convaincre les Catalans. Je vous souhaite bien du plaisir messieurs les technocrates.
Heureusement il reste des endroits plus consensuels. Les institutions de Bourgogne et France-Comté se déclarent favorables à leur union pour devenir plus attractives. Par contre, question nom, l'histoire devient plus épineuse. La Burgondie remporte les suffrages. Mais tous les fans de la série Kaamelott, dans laquelle le chef Burgonde est un gros sauvage, ivrogne et ignare (photo ci-dessus), qui rote et pète à table en riant de bon cœur, riront de concert eux-aussi. Côté attractivité, peut mieux faire...