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vendredi 3 janvier 2025

Une anthologie - Mots et merveilles des Pyrénées

La nature inspire les écrivains. Encore plus quand il s’agit de la nature grandiose des Pyrénées. Jean-Paul Azam, spécialiste de cette chaîne montagneuse allant de l’Atlantique à la Méditerranée, propose un beau livre répertoriant les plus beaux passages de la littérature autour de ces sommets.

Baudelaire à Barèges, Victor Hugo au Pays basque… Dans la région, ne manquez pas l’ode de Saint-Exupéry à la « neige rose » qu’il voit en atterrissant à Perpignan ou l’aveu de Kipling : « Mais je trouvai le Canigou, je découvris la montagne enchanteresse entre toutes, et je me soumis à son pouvoir. »

« Mots et merveilles des Pyrénées », Papillon Rouge, 164 pages, 29,90 €

vendredi 11 octobre 2024

Un essai : Ils sont elles


Si certains veulent s’affranchir du genre, il faut parfois en changer pour réussir. Catherine Sauvat dans cet essai littéraire revient sur toutes ces romancières qui ont utilisé des noms d’hommes pour réussir à être éditées. Il y a bien évidemment George Sand, Aurore Dupin de son vrai nom, mais aussi Vernon Lee, René Vivien ou Claude Cahun, Violet Paget, Pauline Mary Tarn et Lucy Schwob pour l’état-civil.

Et même récemment la masculinisation de son nom de plume était en vigueur comme ce génial créateur de romans de SF, James Tiptree Jr, qui était en réalité une vieille dame de plus de 50 ans. Alice Bradley Sheldon, qui une fois découverte, a perdu l’inspiration….

«Ils sont elles », Flammarion, 320 pages, 21 €

samedi 21 octobre 2023

Roman jeunesse - Les promesses de bonheur du « Jaguar aux yeux d’or »

Isabel et Marc Cantin, écrivains installés dans les Pyrénées-Orientales dans le Vallespir, nous font découvrir la vie authentique des Indiens Embéras de Colombie.


En imaginant la vie de Majina, jeune Indienne Embéra (tribu vivant dans la forêt équatoriale en Colombie), Isabel et Marc Cantin ont voulu un peu boucher un trou dans l’existence d’Isabel. Élevée en Bretagne, mariée à Marc et vivant désormais en Vallespir dans les Pyrénées-Orientales, Isabel est une Embéra. Mais bébé, elle a été adoptée et n’a jamais parcouru la forêt vierge à la recherche de citrons ou d’autres trésors encore plus extraordinaires. Elle a redécouvert son peuple d’origine une fois adulte et signe avec ce roman, Le jaguar aux yeux d’or, un roman initiatique sans doute le plus personnel.
La vie de Majina est simple. Toute tracée. Membre de la tribu des Embéras, elle ne va plus à l’école et doit aider sa mère aux taches ménagères. Voilà pourquoi on la découvre dans les premières pages en train de cueillir des citrons sauvages qu’elle revend une misère en ville Car dans cette Colombie gangrenée par la corruption et les pseudo-révolutionnaires, les Indiens sont les laissés-pour-compte de la Nation.

Quand un jaguar lui vole le butin de sa chasse, Majina se rebelle, tente de reconquérir son butin et, après une longue poursuite, découvre ce qui pourrait définitivement améliorer l’ordinaire de la petite communauté. Mais est-ce bien raisonnable. Et surtout, cela ne va-t-il pas attiser des convoitises, déchirer les familles ?
Une histoire simple et en grande partie véridique, fable destinée aux adolescents sur l’utilité de continuer de cultiver son jardin, même s’il est caché dans une clairière entre des arbres centenaires, presque inaccessible et peuplé d’une myriade d’animaux tous plus venimeux les uns que les autres.

« Le jaguar aux yeux d’or » d’Isabel et Marc Cantin, Talents Hauts éditions, 224 pages, 14,90 €
 

vendredi 1 septembre 2023

Littérature - Romans de jeunesse


Critique littéraire, Louis-Henri de la Rochefoucauld sait combien il est compliqué de réussir dans le milieu de l’édition. 

Son roman Les petits farceurs  raconte le parcours de Paul, très doué mais pas suffisamment pour révolutionner la littérature française comme il l’espère dans sa jeunesse. Brillant élève, il met près de quatre ans à rédiger son premier roman. Une somme qui fait le tour de toute l’histoire littéraire française. 

Persuadé qu’il va obtenir le Goncourt, il déchante vite. Son livre se vendra à quelques centaines d’exemplaires et disparaîtra dans les limbes, comme 80 % des titres de la rentrée littéraire qui bat son plein. Paul, à moitié désespéré, va être contacté par un éditeur plus finaud. 

Ce dernier lui propose d’écrire le prochain best-seller… de son auteur vedette, un peu à cours d’inspiration. Il va donc faire carrière, mais dans l’ombre. Un parcours exemplaire, d’écrivain fantôme, raconté par son meilleur ami, journaliste mais qui lui n’a jamais osé franchir le pas de l’édition. 

Un roman qui relativise tous les succès de ces dernières années. Car à en croire l’auteur, ils sont nombreux en France, les Paul qui vivent de leur plume, mais complètement cachés.

« Les petits farceurs », Louis-Henri de la Rochefoucauld, Robert Laffont, 248 pages, 20 € 

samedi 4 mars 2023

BD - Cocteau et Marais : deux Jean et un amour

Dans le Paris de 1937, l’amour frappe chez Jean Cocteau. Le dramaturge, toujours attiré par la beauté, la poésie et les excès, déclare sa flamme au jeune éphèbe, apprenti comédien, Jean Marais. Débute une relation houleuse entre ces deux monstres sacrés du théâtre français. Un récit raconté par Isabelle Bauthian est mis en images par Maurane Mazars.

Loin de se contenter de dérouler les faits de façon trop chronologique, les deux autrices aiment à brouiller les pistes, mélangeant faits historiques et scènes intimes. On découvre comment Jean Marais, beau mais encore peu sûr de son art, a été encouragé par un Jean Cocteau visionnaire. 

Car si au début c’est l’écrivain qui est le plus connu du couple, au fil des ans, le comédien, notamment quand il acceptera de faire du cinéma, deviendra une véritable star, multipliant les tournages, subissant de plein fouet sa popularité grandissante et l’assaut de groupies déchaînées. Jean Marais qui va tout faire pour tenter de sauver Cocteau de ses addictions aux drogues. En vain.

L’album, raconte aussi comment ces intellectuels ont dû composer avec la censure de l’occupant. Le passage où ils tentent de sauver Max Jacob est terrible. Les diatribes de certains journalistes collaborateurs contre ces « dépravés » sont d’une incroyable violence.

Et même le moment où Cocteau, sans doute pour sauver Jean Marais de l’emprisonnement pour avoir molesté une de ces plumes fielleuses, a dressé des éloges au sculpteur Arno Breker, qui réalisa plusieurs œuvres en hommage au IIIe Reich. Un pan de l’Histoire culturelle française trop souvent méconnue par les jeunes générations.

« Les choses sérieuses », Steinkis, 20 €


lundi 22 août 2022

Témoignage - Marie Rouanet raconte Pierre Soulages

Marie Rouanet vient de publier un texte court, très poétique, sur Pierre Soulages, son art et sa vie aveyronnaise.

La romancière Marie Rouanet, installée depuis des années à Camarès dans l’Aveyron, avoue une grande admiration pour Pierre Soulages. Un autre Aveyronnais, peintre centenaire, maître du noir obscur, vivant désormais à Sète mais qui a conservé des racines dans cette terre rude du nord de l’Occitanie. Marie Rouanet a mis sa plume au service de l’artiste. Elle signe un petit livre, sorte de long poème en prose, racontant, imaginant, le parcours d’un Soulages jeune, ouvert à la vie, aux couleurs, odeurs et sons de son quotidien d’enfant ruthénois.

Il aime découvrir les échoppes des artisans, admirer leur travail, leurs outils, leurs créations : « Les mains des ouvriers, épaisses, durcies de cals, fortes comme des étaux devaient pourtant être minutieuses. » Inconsciemment, il découvrait ce qui allait conditionner sa vie, son destin : « Tout cet enchaînement de forces aboutissait à la main nue, seule, capable de ce point d’orgue : l’art. » Attachée à la culture occitane, Marie Rouanet s’est trouvé un point commun avec Pierre Soulages quand il parle de son appartenance au « Pays ». « Lorsque l’on me demande si je suis Aveyronnais, je réponds : ‘Je suis Rouergat’. Le mot désigne un espace qui n’a aucune existence administrative. Il s’agit d’une certaine superficie où je me sens chez moi. Je n’y vais pas tous les jours mais assez pour y avoir des habitudes et des amis. »

« Le silence est l’écrin de la vie intérieure » 

Enfin ce petit fascicule s’achève avec un chapitre sur l’abbaye Sainte-Foy de Conques, sublimée par les vitraux de Soulages. Certainement la partie la plus poétique, belle, lumineuse. Comme si l’inspiration était évidente dans ce lieu ou « le silence est l’écrin de la vie intérieure ». Et Marie Rouanet d’expliquer qu’en ce lieu, « à la place de l’éblouissement des yeux tu trouves l’indicible, l’invisible. Conques, mon chef-d’œuvre. Mon chant du cygne. »

Cet hommage de Marie Rouanet, une grande écrivaine d’Occitanie à Pierre Soulages, un autre grand de la culture régionale, prouve combien le territoire regorge de talents mondialement reconnus permettant de faire rayonner ce petit bout du Sud de la France bien au-delà de nos frontières.

« Les dits de Pierre Soulages » de Marie Rouanet, Fleurines, 6 €

dimanche 27 février 2022

Revue littéraire - Comment lisez-vous ?


Le dernier numéro de la revue littéraire « La règle du jeu » porte sur la lecture. Des dizaines d’écrivains, intellectuels et politiques ont répondu à la question « Comment lisez-vous ». Une sorte de radiographie de la lecture des élites qui donne quelques indications quand on leur demande quel est le classique dans lequel ils n’ont jamais réussi à apprécier. 

Deux titres arrivent nettement en tête : Don Quichotte et le Ulysse de Joyce. Plusieurs candidats à la présidentielle sont sollicités, d’Emmanuel Macron à Valérie Pécresse. A noter qu’Anne Hidalgo apprécie beaucoup les poèmes d’Antonio Machado

La dernière question concerne les mauvais livres et le plaisir coupable, parfois de les apprécier. Réponse pleine de bon sens de David Foenkinos : « Certains des miens quand j’ai dû les relire. Pour la tendresse d’un certain passé. »

 


dimanche 17 mai 2020

Roman - Quand le vent idiot guide les vagabonds


La littérature américaine doit énormément au récit Sur la route de Jack Kerouac. Cette simple idée de tout plaquer pour partir à l’aventure, l’esprit ouvert, juste pour avancer dans ce grand pays encore un peu sauvage et rencontrer des gens qui comme lui sont à la marge a éveillé bien des consciences, favorisé des carrières d’écrivains ou tout simplement poussé nombre de jeunes à se rebeller. 
Peter Kaldheim est passé par cette case « Sur la route ». Mais ce n’est pas au sortir de l’adolescence qu’il a chaussé ses baskets. A 30 ans passés, c’est contraint et forcé qu’il a déguerpi à la vitesse grand V du New York où il avait passé pourtant toute son enfance et le début de sa vie d’adulte à travailler dans le milieu de l’édition. Et comme Jack Kerouac, cette traversée des USA dans les années 80 est devenue un roman qui se savoure comme un café chaud après une nuit à la belle étoile à grelotter de froid.


Avec un réalisme absolu, sans jamais se prendre en pitié bien au contraire, Peter Kaldheim décrit le sale individu qu’il était devenu. Mauvais mari, alcoolique, drogué : en janvier 1987 il était prêt à tout pour acheter sa dose de cocaïne. Même à escroquer son dealer officiel, pourtant réputé pour ses méthodes violentes en cas de retard de paiement. 
Mais Peter, depuis quelques années, était sous l’influence de ce qu’il appelle le « vent idiot », cet Idiot Vent qui donne son titre au roman. « Je l’avais vu faire s’envoler à peu près tout ce qui aurait dû compter pour moi. Mon mariage. Ma carrière. Le respect de mes parents et amis. Même un endroit où poser la tête la nuit. » En pleine tempête de neige, Peter dépense ses derniers dollars pour un billet de bus. 
Une centaine de kilomètres au chaud puis il entreprend, en stop, de rejoindre la côte ouest. Ce périple, dans l’Amérique des clochards et des vagabonds, il le raconte avec une faconde réjouissante. Malgré le froid, la faim, le manque de drogue, il continue à avancer, rencontrant de belles âmes qui contrairement à lui dans sa première vie, ne cèdent jamais à l’individualisme. Certes, le chemin est parfois semé d’embûches, mais ce nouveau vent le pousse vers une vie libre et sans addictions. Quatre mois plus tard, il pose son baluchon dans le parc de Yellowstone. 20 ans plus tard il reprend sa carrière littéraire pour publier ces mémoires, le « Sur la route » de la fin du XXe siècle. 

"Idiot wind", Peter Kaldheim, Delcourt littérature, 22 €



dimanche 19 avril 2020

Roman – Adorable larbin


Elle est riche. Très riche. Il est distrayant. Très distrayant. Entre Delphine Campbell, héritière d’une fortune colossale et Chardin, son homme à tout faire, entre majordome et compagnon platonique, les rapports ne sont jamais simples. Pourtant ils ne peuvent plus vivre l’un sans l’autre. La première s’ennuie sans les reparties de Chardin dans ces dîners trop sérieux, le second ne pourrait jamais se permettre de vivre dans un tel luxe après sa carrière d’acteur raté et de metteur en scène jamais reconnu. Un couple qui ne cesse de se chamailler dans « L’homme des jours heureux », nouveau roman de Jean-Pierre Milovanoff sélectionné pour le prix Midi (lire dans notre supplément magazine du dimanche). 
Ce roman court et incisif est aussi une histoire d’amour impossible. Pas entre Chardin et Delphine, mais entre ce vieux beau de 66 ans, larbin de luxe de l’héritière, et la nièce de cette dernière, Gina, de presque 40 ans sa cadette. Chardin est persuadé que ce sera son dernier amour. Dès la première rencontre, un soir dans les couloirs de l’immense demeure, il est obligé de constater que « les yeux de cette femme le désarçonnent, et aussi sa voix, sa bouche, ses épaules, sa silhouette, sa vivacité, sa douceur, tout finalement ! ». Gina, tout juste séparée, cœur à prendre, qui saura trouver refuge dans les bras de cet homme certes très âgé, mais si attentionné. Il est vrai que Chardin sait se tenir dans le monde. C’est son capital le plus profitable. Même si parfois il se dégoûte. 
Comme quand il s’habille élégamment mais ne peut s’empêcher de se juger sévèrement en se regardant dans la glace : « Crapule, va ! Désœuvré qu’on entretient pour qu’il fasse son numéro ! Bouffon qui témoigne du prestige de sa maîtresse ! N’as-tu pas honte de te démener pour distraire des invités que tu méprises ! » Une lucidité qui ne passe pas la barrière du matériel. 
Oui Chardin est un larbin, un adorable larbin, mais il aime ce statut et l’auteur nous démontre que finalement, on est tous au service de quelqu’un. Lui au moins, a choisi une riche héritière. 

« L’homme des jours heureux » de Jean-Pierre Milovanoff, Grasset, 16 €


samedi 21 mars 2020

Littérature - Des romans à la pelle


Il circule depuis quelques jours sur les réseaux sociaux des posts annonçant le futur calvaire des personnes chargées de lire les manuscrits dans les grandes maisons d’édition. En effet, quand le virus ne sera plus qu’un souvenir et que l’on pourra de nouveau gambader en liberté au plein air, les services des manuscrits des éditions Gallimard, Grasset ou Seuil vont recevoir des milliers de d’autofiction qui ne raconteront en large et en travers, à la première personne, que le « Journal de mon confinement ». Comme si le secteur de l’édition avait besoin de cette nouvelle catastrophe après des ventes tombées quasiment à zéro depuis quelques jours et certainement pour encore de longues semaines. 
De manuscrits envoyés par la poste il en est question dans ce roman d’Antoine Laurain. Son personnage principal, Violaine Lepage, 44 ans, est responsable du « Service des manuscrits », par ailleurs titre du bouquin. Elle adore son métier. Pour diverses raisons. D’abord la chance de lire avant tout le monde et de découvrir les talents littéraires de demain. Mais là il ne faut pas trop être exigeante. Son service ne sort du lot que 2 à 3 manuscrits par an. Et par chance pour son service, tous les Français qui ont de velléités d’écriture (plus de deux millions selon des études sérieuses), ne passent pas tous à l’acte. Ces romans ne restent qu’à l’état d’embryon et « tous ces livres fantômes forment une sorte de matière gazeuse qui entoure la littérature comme la couche d’ozone la Terre. » Violaine aime aussi découvrir les lettres de présentations, notamment les prétentieuses accompagnant un texte généralement nul et affligeant. 
Alexandre Laurain prend beaucoup de plaisir à décrire ce milieu mais n’en oublie pas l’intrigue. Un manuscrit de qualité arrive enfin dans le service. « Les fleurs de sucre » est même sélectionné pour le Goncourt. Mais son auteur est introuvable. Et les meurtres décrits avec minutie dans le roman deviennent réalité. Un livre parfois truculent, souvent intelligent, mais qui finira certainement par vous émouvoir. Manuscrit qui n’est pas arrivé par la poste puisque c’est déjà le 8e roman de cet auteur, le 5e chez Flammarion.

 « Le service des manuscrits » d’Antoine Laurain, 18 €, disponible en version numérique, 12,99 €

lundi 12 mars 2018

La sélection des poches du week-end

Mister Alabama


Mud Creek, Alabama, été 1979. Alvin, exMister Alabama, a 28 ans et un rêve : remporter le titre de Mister America, pour passer dans un talkshow et devenir acteur. Mais avec son problème de hanche, il devient pêcheur de moules dans les eaux boueuses de la Tennessee River. L’auteur, Philipp Quinn Morris, entraîne le lecteur dans ce Sud si particulier.
➤ « Mister Alabama », 10/18, 8,10 €

La guerre des encyclopédistes


Un soir d’été, Mickey Montauk et son meilleur ami Halifax Corderoy, deux hipsters de Seattle, organisent une de leurs fameuses soirées de débauche des «Encyclopédistes », pendant lesquelles tout est permis. Le temps passe : les deux complices se heurtent à la réalité de leurs nouvelles vies, si différentes. Roman d’apprentissage, radiographie de deux Amériques, « La guerre des Encyclopédistes » de Christophe Robinson et Gavin Kivite est un roman puissant sur la désillusion, l’engagement et la liberté.
➤ « La guerre des encyclopédistes », 10/18, 9,60 €

dimanche 28 octobre 2012

Billet - Littérature minimaliste

Twitter s'avère le réseau social le plus littéraire. On  y trouve de nombreux auteurs adeptes de cet échange en direct avec les lecteurs. Les maisons d'éditions twittent également et nombre d'écrivains en autoédition profitent  du réseau pour se faire connaître.
La nouvelle mode : faire de la littérature en 140 signes. Raconter une histoire en un tweet. Le challenge est ardu  mais ce minimalisme n'est finalement pas aussi précurseur qu'on pourrait le croire. Un article du monde.fr fait l'historique d'un genre en plein renouveau.  Hemingway par exemple s'illustre dans la flash fiction. La plus connue : « A vendre : chaussures de bébé, jamais portées. » En France, Félix Fénéon, journaliste au Matin au début du XXe siècle, tient une rubrique intitulée « Nouvelles en trois lignes ». Ses faits divers deviennent de véritables bijoux.
Plus récemment, Pierre Desproges débute sa carrière en réécrivant des brèves authentiques et insolites pour un quotidien qui ne se doute pas qu'il s'agissait des premières lignes du plus grand humoriste français du siècle dernier. 
Twitter a compris tout l'intérêt de cette bouillonnante création. Pour preuve le lancement fin novembre, sur la plate-forme,  du premier festival de la fiction. Proposez vos idées par l'intermédiaire du blog de Twitter et si vous êtes retenu, vous serez mis en avant durant la période du festival, à partir du 28 novembre et durant 5 jours. Car écrire court reste la meilleure garantie d'être lu. Mais stop, là, je suis trop long... 

Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue samedi en dernière page de l'Indépendant

jeudi 16 février 2012

Roman - Grégoire Delacourt raconte les envies de son héroïne

Une vie tranquille, de l'ambition, un foyer, un mari aimant, de l'argent... Quels sont les ingrédients du bonheur ? Tentative de réponse dans ce roman de Grégoire Delacourt.



Jocelyne Guerbette est mercière à Arras. Un drôle de CV pour être héroïne de roman. Mais Jocelyne, sous la plume de son créateur, Grégoire Delacourt, va vite devenir un de ces personnages de roman qui vont longtemps vous revenir en mémoire. Ces êtres de papier qui pourtant vous semblent plus réels que la voisine ou le collègue avec qui vous parlez tous les jours de choses et d'autres.

Jocelyne est mariée à Jo. C'est le diminutif de Jocelyn. Jocelyn et Jocelyne. Une histoire d'amour simple. La jeune femme, encore apprentie dans la mercerie de son ancien patron, a vite été séduite par ce Nordiste pure souche qui travaille à l'usine Häagen-Dazs. Ils ont eu deux enfants, Romain et Nadine. Et un petit ange, Nadège, morte à la naissance. Depuis cette date Jo a changé. Jocelyne se contente alors du souvenir de cet homme aimant et attentionné.



Porsche Cayenne contre économe

Vingt ans plus tard, Jo va mieux. Il a même des envies. Un écran plat, une Porsche Cayenne, la collection complète des James Bond en DVD. Jocelyne de son côté vivote avec sa mercerie. Pour s'occuper, elle ouvre un blog pour y raconter les trucs de couture d'antan. Elle va réveiller les souvenirs de nombreuses femmes et rapidement, son entreprise virtuelle va permettre de relancer son commerce. Jocelyne, qui est la narratrice du roman, nous raconte aussi comment elle a perdu sa mère, la maladie d'Alzheimer de son père, ses repas avec Danièle et Françoise, les jumelles qui tiennent le salon Coiff'Esthétique, leurs rêves de richesse et de princes charmants. Alors c'est aussi le tour de Jocelyne de faire la liste de ses envies. Et les circonstances vont lui permettre de placer la barre beaucoup plus haut que son mari. Elle sera modeste dans un premier temps, « Un nouveau micro-ondes, un économe, un couteau pour le pain, des boule Quiès (à cause du ronfleur !) » Et puis petit à petit elle changera de braquet, s'intéressera à des objets ou choses dont elle n'a connaissance qu'à travers ses discussions avec les jumelles ou dans les magazines féminins : « Plein de trucs chez Chanel, des sous de côté pour Romain (il finira mal) » Dans sa dernière liste, elle écrira « Acheter une maison avec un grand jardin et une terrasse d'où l'on voit la mer, le Cap Ferrat, où papa sera bien, surtout ne pas demander le prix, juste faire le chèque avec désinvolture. »

Avec « La liste de mes envies », Grégoire Delacourt transforme l'essai de son premier roman, « L'écrivain de la famille ». Il a remporté une multitude de prix en plus d'un beau succès public. Jocelyne, la mercière d'Arras, devrait elle aussi plaire à un important lectorat.

« La liste de mes envies », Grégoire Delacourt, Lattès, 16 €


dimanche 25 avril 2010

Roman - Une grande leçon de littérature

Dans son dernier roman, Philippe Djian profite du métier de son héros, professeur d'université, pour donner une magistrale leçon de littérature.


Marc, la cinquantaine, est professeur de littérature dans une université de province. Il a tenté, un temps, d'être écrivain. Mais il a finalement compris qu'il faisait fausse route. Il enseigne donc à des étudiants souvent sans talent comment faire résonner une phrase, lui donner du mouvement. Un emploi presque alimentaire qui lui permet en plus de garnir son lit. Marc, en plus d'une grande connaissance de la littérature, a un charme fou qui fait fondre ses étudiantes. Au début du roman, il est au volant de sa Fiat 500. Il fonce sur la route de montagne pour rejoindre sa maison. A ses côtés, Barbara. Une de ses étudiantes. Une des plus douées. Le lendemain matin, en se réveillant, il ne retrouve pas une jeune femme enjouée et heureuse mais un cadavre déjà froid. Que s'est-il passé. Alcool aidant, il ne se souvient de rien. Mais il en sait suffisamment de la vie pour savoir qu'il vaut mieux se débarrasser du cadavre au lieu de prévenir les gendarmes...

Le lecteur d'« Incidences » apprend donc assez rapidement que Marc n'est pas moral. Il jette le corps de Barbara dans un gouffre dont il est seul à connaître la bouche. Et tente de reprendre le cours de sa vie, comme si de rien n'était. Entre ses étudiants, sa sœur qui habite la même maison, et le directeur de l'université.

Entendre sa voix

Il assure ses cours, et c'est là que Philippe Djian se permet de glisser quelques sentences définitives sur l'art d'être écrivain. « Devenir un bon écrivain avant trente ans, voilà bien de la pure fiction à de rares exceptions près, trente ans c'est le minimum du minimum expliquait-il d'emblée à ses étudiants, est-ce que vous croyez qu'on apprend à jouer avec des mots en un jour, ou en cent, que la grâce va vous tomber instantanément du ciel, écoutez-moi, je vais être franc avec vous, comptes vingt ans, comptez vingt ans avant de commencer à entendre votre propre voix, de quelque manière que vous vous y preniez. » Et de remarquer, quelques pages plus loin, toujours dans la bouche de Marc, « N'importe quel crétin est capable de raconter une histoire. La seule affaire et une affaire de rythme, de couleur de sonorité. »

Le roman, de très léger, va prendre de l'épaisseur, du volume, avec l'arrivée de Myriam, la belle-mère de Barbara. Entre elle et Marc, c'est une folle histoire d'amour qui va exploser. Mais Marc ne partagera pas ses secrets avec Myriam. « Un homme pouvait bien avoir quelques vices, estimait-il, et sans avoir à en rougir. Les épreuves que l'on traversait au cours d'une vie valaient bien ça. » Ce roman de Philippe Djian, comme souvent avec cet auteur foisonnant, entraîne le lecteur vers un monde au bord de la rupture. C'est complètement « borderline » et cela n'en a que plus de force.

« Incidences » de Philippe Djian, Gallimard, 17,90 € 

mercredi 29 avril 2009

Littérature américaine - Refaire sa vie à 60 ans dans les pas de Jim Harrison

Jim Harrison revient à ses premières amours : un road-movie plein de vigueur avec pour héros un sexagénaire meurtri mais plein d'ardeur.

Si vous avez un petit coup de blues, notamment en constatant que vous vous faites vieux, précipitez vous sur ce roman de Jim Harrison. Vous retrouverez l'allant de vos vingt ans. Quel que soit votre parcours auparavant, vous ressortirez de ces 300 pages, lues forcément trop vite tant elles sont passionnantes, avec une pêche d'enfer et un maximum de projet.

Cliff, le héros de ce roman, avant de se lancer dans sa folle odyssée, est passé par une période noire. A 60 ans passé, il découvre que sa femme le trompe, qu'elle a décidé de vendre la ferme familiale (en ne lui laissant que 10 % du prix de vente) et pour couronner le tout il découvre sa chienne Lola, morte derrière son pick-up. Il croit l'avoir écrasée en revenant d'une de ses beuveries. Un ami lui prouve le contraire, Lola est simplement morte de vieillesse.

D'agriculteur à voyageur

Il va alors changer d'attitude. Après 25 années passées à vivre au rythme des saisons, à surveiller ses bovins et ses cerisiers, il va tenter de réapprendre à être libre comme l'air. Il monte dans sa voiture et décide de traverser les 49 états des USA en une année. Il part du Michigan et met le cap à l'ouest. Le lecteur embarque donc avec ce vieil Américain ayant décidé de remonter la pente de la plus simple des manières : toujours aller de l'avant. Cliff ne part pas complètement à l'aventure. Il a un peu d'argent de côté sur son compte en banque, l'adresse d'une fille facile et aussi celle d'une ancienne élève car avant de retourner cultiver ses terres, il a été prof de littérature.

Le premier choc pour Cliff c'est de se retrouver sans tâche à réaliser sur une ferme qui n'existe plus. Habitué à se lever aux aurores, il s'ennuie un peu le matin. Des heures immobiles durant lesquelles il réfléchit beaucoup sur son sort actuel et sa vie passée. Il découvre ainsi que la météo devient « le cadet de mes soucis ». « Une partie de l'esclavage mental qu'est l'agriculture tient au fait qu'on se dit toujours qu'il fait trop chaud ou trop froid, trop humide ou trop sec, ou qu'une tempête risque d'abîmer les fruits. »

Insatiable Marybelle

L'autre nouveauté pour Cliff, c'est de redécouvrir qu'il peut réaliser des prouesses au lit. Son ancienne élève, Marybelle, la quarantaine, typique desperate housewife, semble insatiable côté sexe. Il n'a pas une minute de repos. Sauf quand elle se met à téléphoner à ses amies. Pourtant Cliff ne supporte pas les téléphones portables. C'était déjà une pomme de discorde avec son ancienne femme, commerciale dans l'immobilier. Même quand ils faisaient l'amour, elle refusait de l'éteindre lui expliquant : « à quoi bon rater une commission de dix mille dollars afin de me faire baiser pour la cinq millième fois ? » Résultat, Cliff, après avoir jeté dans la cuvette des WC le portable offert par son fils, lâche cette sentence définitive : « L'usage du téléphone était bien pire que de marcher sur une crotte de chien ou, la nuit, dans une bouse de vache fraîche. »

Le périple de Cliff sur les routes américaines va se prolonger quelques semaines, le temps de rencontrer, entre autres, un éleveur de serpent à sonnettes, une serveuse gagnant plus en se transformant en modèle pour peintre du dimanche ou un docteur passionné de pêche (et encore plus de femmes infidèles).

Le héros va redécouvrir cette Amérique immortelle, humaine, presque légendaire. Il va se retaper le moral au gré des rencontres et cette embellie va être contagieuse pour le lecteur qui refermera ce livre avec petit pincement au cœur à l'idée de quitter cet homme et cet univers.

« Une odyssée américaine », Jim Harrison, Flammarion, 21 €