Le marché de l'emploi est en pleine révolution. Terminés les métiers pépères que l'on occupait durant toute une vie de labeur. Désormais le CDD prime. Et les métiers changent. Beaucoup n'existaient pas il y a quelques années. D'autres sont peu connus. Une originalité qui a donné l'idée à Philippe Pelaez, scénariste alternant tous les genres, pour dit-il, "ne jamais rester dans sa zone de confort", ces histoires courtes comiques vues depuis quelques mois dans Fluide Glacial.
Le héros, Alphonse, est le prototype du chômeur longue durée, acceptant tous les emplois, même les plus improbables. Voilà comment il se retrouve, sous les crayons de Pascal Valdés, bombardé "branleur de dindons" dans une ferme typique de la France profonde. Des dindons qui semblent apprécier sa présence. On rit à ces péripéties campagnardes, plus que si vous avez eu la malchance d'occuper le métier saisonnier très redouté dans le sud-ouest de "castreur de maïs".
Les histoires courtes voient notre pauvre Alphonse devenir prof d'anglais en prison ou renifleur d'aisselles (un métier qui ressemble à s'y méprendre à testeur de médicaments pas encore tout à fait au point...). Le récit le plus bidonnant est peut-être quand il accepte d'être "nettoyeur de scène de crime". Certes il a des notions de "technicien de surface", mais un peu moins de "crime" quand il est associé au sang, tripes et morceaux de cervelle collés au plafond. La liste de ces métiers aussi détestables que comiques semble infinie. Une seconde livraison ne déplairait pas au lecteur en mal "d'umour et bandessinées", slogan toujours d'actualité pour Fluide Glacial qui fête le mois prochain ses 50 ans.
"Alphonse, la gueule de l'emploi", Fluide Glacial, 56 pages, 13,90 €
Philippe Pelaez et Pascal Valdés seront présents aux prochaines Rencontres autour de la bande dessinée qui se déroulera du jeudi 17 avril au dimanche 20 avril, au Palais des congrès de Gruissan dans l'Aude.
Invité vedette du 63e festival Ciné-Rencontres de Prades du 15 au 23 juillet, Jean-Pierre Dardenne, cinéaste belge qui a remporté deux Palmes d'or à Cannes avec son frère Luc, rencontrera le public le samedi 16 juillet alors que neuf de ses films sont programmés au cinéma Le Lido. Dans une longue interview publiée dans l'Indépendant, il revient sur sa carrière, sa façon de filmer le quotidien et la situation du cinéma après la crise sanitaire.
L'Indépendant : Après Cannes, vous voilà au festival de Prades. Quelle ambiance préférez-vous ?
Jean-Pierre Dardenne : On ne peut pas comparer. À Cannes on est dans un autre monde, c'est une grosse turbine qui fait tourner le cinéma, une vitrine mondiale durant 15 jours. À Prades c'est un festival qui est tourné vers la rencontre entre un public, des cinéastes, jeunes et moins jeunes, des premiers films. Il y a ici un esprit de proximité qu'il n'y a pas à Cannes. L'existence d'un festival comme celui de Prades est le signe de la vitalité du cinéma en France. Ce pays est une exception et un exemple, le poisson pilote du cinéma en Europe.
Tous vos films ont été tournés en Belgique près de Liège, pourquoi cet attachement à votre région d'origine ?
Nous avons été comme appelés par cette ville de Serain qu'on a connu si vivante. Nous avons voulu, en réalisant des documentaires puis des fictions, garder une partie de la mémoire de cette région, à travers la rencontre avec des personnes. Cette ville nous a vus devenir adulte, on y a découvert la vie. Toutes nos œuvres permettent de faire vivre cette ville. Il y a un peu de notre histoire en creux dans ces films. Nous essayons de faire un cinéma qui regarde le monde dans les yeux.
Rosetta par exemple était quelqu'un de nouveau dans notre monde post-industriel. Lorna aussi. Elle était prête à tout pour avoir sa place au soleil. Nous tentons de raconter des histoires avec des personnages, pas seulement de dresser des constats. Raconter comment ils essaient de sortir de leur solitude, de rencontrer quelqu'un d'autre.
Vous avez révélé plusieurs comédiens comme Emilie Dequenne, Jérémie Rénier ou Olivier Gourmet. Comment choisissez-vous les interprètes de vos films ?
Nos personnages sont souvent des hommes ou femmes jeunes. Il n'y a pas de comédiens confirmés de cet âge. C'est à nous de trouver celui ou celle qui pourra porter le personnage. Le reste c'est beaucoup de travail. On répète le film durant 4 à 5 semaines avant le tournage. Cela permet de maîtriser la chronologie du film, d'affiner les décors. C'est lors de ces répétitions qu'on trouve la forme du film. C'est une base pour le tournage.
Pour les comédiens, cela permet de laisser tomber les défenses. Pour nous aussi. Des répétitions très physiques. Les déplacements sont étudiés, les gestes permettent de donner la vie. Le rythme d'une scène dépend essentiellement des gestes. Il paraît qu'on ne devient cinéaste que quand on trouve sa méthode de travail. Nous, comme les vaches, on a besoin de beaucoup ruminer. Voilà pourquoi on met plus de deux ans pour faire un film.
Espérez-vous remporter une 3e palme à Cannes ?
Je ne peux m'empêcher de penser qu'une 3e palme serait aussi le symbole que le festival de Cannes tourne sur lui-même. Qu'il ne se renouvelle plus. Mais on a quand même l'esprit de compétition. Avoir plus de reconnaissance ne peut qu'être bénéfique. Être sélectionné c'est bien, avoir un prix c'est encore mieux.
Samedi vous serez face à votre public lors d'une rencontre. Vous appréciez ces moments ?
Je préfère ce genre de rencontre à la promotion d'un film qui va sortir. J'aime écouter les gens, avoir leur ressenti, c'est très intéressant à entendre. Car une rencontre avec une œuvre c'est une aventure individuelle.
Le cinéma est en pleine crise après le covid et l'arrivée des plateformes de streaming. Restez-vous confiant pour l'avenir de cette forme d'expression artistique ?
Le cinéma est une formidable invention qui inscrit un mouvement dans le temps. Peut-être qu'il va évoluer vers une forme un peu différente. Mais depuis toujours les humains aiment se réunir pour écouter des histoires. Cela se faisait avant le cinéma et cela se fera sans doute encore à l'avenir. Ce qu'il faut surtout c'est préserver la sortie des films en salles. La chronologie des médias est sans doute à revoir tout en privilégiant la sortie en salles. Mais il ne faut pas sataniser les plateformes. Il faut discuter, instaurer un rapport de force et faire attention.
LES FANTÔMES D’ISMAËL.Le nouveau film d’Arnaud Desplechin en ouverture du festival et déjà à l'affiche dans les salles de la région.
Le festival de Cannes, en plus d’être le rendez-vous mondial du cinéma de qualité, est une opportunité forte pour mettre en lumière certains longs-métrages. Une sélection au festival, si elle se combine à une sortie dans la foulée dans les salles françaises, assure une visibilité maximale car ce sont des centaines de journalistes français qui couvrent l’événement. Avec un bémol, l’impossibilité de voir les œuvres avant leur première diffusion au Palais.
C’est le cas des « Fantômes d’Ismaël », film d’Arnaud Desplechin hors compétition mais qui a le grand honneur d’être présenté en ouverture, avant le début des choses sé- rieuses. Présenté ce mercredi soir, il est aussi à l’affiche dans des centaines de salles. Dans la région il est programmé au Castillet à Perpignan, au Colisée à Carcassonne et au Cinéma (théâtre) de Narbonne. On retrouve en tête de distribution trois vedettes françaises habituées des grands rendez-vous. D’abord la star incontestée, Marion Cotillard, souvent décriée pour ses apparitions dans les grosses productions américaines après le succès de « La Môme », mais qui gère avec une grande classe et un réel talent ses films d’auteurs (Mal de Pierres, Juste la fin du monde). Elle interprète la femme disparue, et qui revient on ne sait d’où. C’est elle qui va hanter Ismaël, le cinéaste qui a refait sa vie avec une femme plus jeune. Mathieu Amalric endosse l’habit du veuf (mais pas trop) torturé. Charlotte Gainsbourg est l’espoir, le renouveau, l’avenir. Un trio classique ? Pas du tout, Arnaud Desplechin est à la manœuvre et le réalisateur de « Trois souvenirs de ma jeunesse » n’est pas un adepte du vaudeville.
■ Cinq films en un
Dans des notes de production, seules indications sur le film résumé par la phrase sibylline « À la veille du tournage de son nouveau film, la vie d’un cinéaste est chamboulée par la réapparition d’un amour disparu… », Arnaud Desplechin explique que « Les Fantômes d’Ismaël » est un film comprenant cinq films. « C’est le portrait d’Ivan, un diplomate qui traverse le monde sans n’y rien comprendre. C’est le portrait d’Ismaël, un réalisateur de film qui traverse sa vie sans n’y rien comprendre non plus. C’est le retour d’une femme, d’entre les morts. C’est aussi un film d’espionnage… Cinq films compressés en un seul, comme les nus féminins de Pollock. Ismaël est frénétique. Et le scénario est devenu frénétique avec lui ! Pourtant, Ismaël dans son grenier essaie de faire tenir ensemble les fils de la fiction… »
Les autres films de Cannes, notamment les étrangers, ne sont pas encore programmés. Par contre deux autres créations hexagonales seront diffusées en salles le jour même de leur présentation au jury présidé par Pedro Almodovar.
Mercredi 24 mai (au Castillet et au Cinéma (théâtre) de Narbonne), découvrez le « Rodin » de Jacques Doillon avec Vincent Lindon et Izia Igelin. Un biopic du célèbre sculpteur dans lequel on retrouvera avec curiosité Séverine Caneele, la jeune Nordiste, ouvrière en usine, qui a débuté sa carrière cinématographique dans « L’Humanité » de Bruno Dumont en remportant, à la surprise générale, le prix d’interprétation féminine.
Enfin à partir du 26 mai (programmé au Castillet) place à « L’amant double » de François Ozon. En compétition, il pourrait faire beaucoup parler de lui pour son côté sulfureux, écopant même d’une interdiction aux moins de 12 ans avec avertissement. Chloé (Marine Vacth), une jeune femme fragile et dé- pressive, entreprend une psychothérapie et tombe amoureuse de son psy, Paul (Jérémie Rénier). C’est peu de dire que nous sommes impatients de découvrir la nouvelle pépite du réalisateur toujours novateur de « Frantz » (en noir et blanc) ou « Une nouvelle amie » (avec Romain Duris en travesti).
Le cinéma a-t-il pris du plomb dans l’aile ? Hier, lors de la présentation de la sélection officielle du prochain festival de Cannes (du 17 au 28 mai), en plus des films d’habitués comme Michael Haneke ou Doillon, Ozon et Coppola (Sofia), les organisateurs ont annoncé la projection en exclusivité de deux séries télé. Loin des « Sous le soleil » ou « Riviera », abominations tournées dans les parages, les deux œuvres n’ont rien à envier en qualité aux films primés ces dernières années. Première à entrer en scène : Jane Campion. La saison 2 de « Top of the Lake » y sera présentée en intégralité. Cette histoire policière très sombre, tournée dans la Nouvelle-Zélande profonde, a remporté quantité de prix et un beau succès d’audience lors de sa diffusion sur Arte, co-productrice. En présence de son créateur David Lynch, la projection aux festivaliers chanceux des deux premiers épisodes de la saison trois de « Twin Peaks » représentera l’autre événement « télévisuel ». Considérée comme la première série qui casse les codes, « Twin Peaks » perd l’effet de surprise, mais le gé- nie de Lynch devrait toujours accomplir des merveilles. C’est dans la longueur, par définition, que les séries peuvent dépasser les films. Longueur pour développer la psychologie des personnages, pour mieux exploiter les décors ou les seconds rôles. Une série entre les mains d’un bon cinéaste c’est simplement plus de rêve, d’émotion, de surprises ou de rires.
Durant une semaine, les meilleurs films de 2015 selon Télérama sont reprogrammés dans vos cinémas. Il existe la télé de rattrapage, le cinéma aussi permet aux retardataires de profiter du meilleur de l'année passée. L'initiative est à mettre à l'actif du magazine culturel Télérama. La rédaction a sélectionné une quinzaine de films et avec l'association française des cinémas d'art et d'essai, les reprogramment sur une semaine, à un tarif préférentiel pour ceux qui ont le passe offert avec le numéro de cette semaine. Cela donne l'occasion de voir quantité de chef d'oeuvre au prix imbattable de 3,50 euros la place. La sélection est subtilement équilibrée entre films français et étrangers. Côté francophone, trois poids lourds font partie des « élus », « Dheepan » de Jacques Audiard, « Marguerite » de Xavier Giannoli et « La loi du marché » de Stéphane Brizé. Ces productions qui ont très bien marché et qui se laisseront regarder une nouvelles fois par les amateurs. Le festival
Télérama permet aussi à des réalisations plus confidentielles de bénéficier d'une seconde exposition. C'est le cas de « Trois souvenirs de ma jeunesse » d'Arnaud Desplechin, « Fatima » de Philippe Faucon et « Comme un avion » de Bruno Poldalydès. Les productions étrangères sont très diversifiées de « Mia Madre » de Nanni Moretti (Italie) e,n passant par « Mustang » (Turquie), « L'homme irrationnel » ou « Birdman » (USA). Mais s'il est bien un film à ne pas manquer dans ce best-of de l'année, cela reste « Taxi Téhéran » de Jafar Panahi. Sous forme de documentaire, on découvre la vie quotidienne de la capitale iranienne, entre envie d'émancipation et censure omniprésente. Dans la région, le festival Télérama se décline dans quatre endroits : au Castillet de Perpignan, au Cinéma de Narbonne, au Colisée de Carcassonne et au Clap Cinéma de Port-Leucate.
Le grand paradoxe du Festival de Cannes réside dans ce mélange de strass et de réflexion. Si la sélection officielle présente le fin du fin en matière de cinéma intellectuel (sans aucun préjugé péjoratif), la montée des marches demeure le moment le plus attendu du public qui en grande partie n'ira pas voir le film récompensé par la Palme d'or(le palmarès complet ici). Que retenir de ce Festival de Cannes ? L'écume, comme toujours. Oubliée la charge virulente contre le sort réservé aux chômeurs dans La loi du marché. À la place tout le monde se souviendra de la fameuse petite culotte de Sophie Marceau. Membre du jury, l'actrice française, déjà prise en flagrant délit de sein baladeur, a cette fois été la victime consentante d'une bourrasque de vent. Forcément consentante, la robe entièrement ouverte ne pouvait rien masquer de son anatomie à un moment ou un autre. On se fait remarquer comme on peut. Depuis quelques années, Sophie peut peu. Les larmes du public après le film de Nanni Moretti auraient pu constituer l'autre fait marquant de ce festival 2015. Perdu ! Retour sur les marches et un problème de hauteur de talons. Certaines invitées sont refoulées. Pas en raison de tenues à la limite de la décence ou du bon goût mais pour cause de chaussures trop plates. En parlant de bon goût, les organisateurs auraient mieux fait de s'abstenir. La productrice Valeria Richter, amputée de la moitié du pied gauche, n'a vraiment pas apprécié cette exigence. Et on dit des stars qu'elles font des caprices.
Que ne ferait-on pas pour trois minutes d'exposition médiatique ? Chaque soir, au moment de la montée des marches du Palais des festivals à Cannes, c'est un défilé de personnalités, plus ou moins célèbres, qui marquent de longues pauses devant les dizaines de photographes. Ces derniers se focalisent essentiellement sur les femmes aux tenues hors de prix. Certaines ne viennent que pour paraître, avoir un minimum d'existence publique, comme pour monnayer et faire fructifier ensuite cette invitation obtenue après des semaines de travail acharné de leur agent. Elles se montrent sous toutes les coutures, abreuvent les objectifs de sourires crispés jusqu'à l'intervention d'un des membres du service d'ordre qui les pousse vers la salle de projection. Pas sûr qu'elles y restent. Comment briller dans le noir ? Le Graal consiste à arriver avec l'équipe du film en compétition. Aurélie Filipetti, ministre de la Culture, a jeté son dévolu sur "Saint Laurent" de Bertrand Bonello. Elle enfile son plus beau smoking (signé Yves Saint-Laurent, cela va de soi...) et pique une belle colère quand elle apprend qu'elle ne sera pas l'unique représentante du gouvernement sur les marches. Fleur Pellerin, ravissante secrétaire d'État au commerce extérieur, a reçu elle aussi un carton d'invitation. Le Canard Enchaîné révèle que le cabinet de Manuel Valls himself a finalement arbitré cette "affaire d'État". A Aurélie Filipetti les flashes des photographes au côté de Léa Seydoux et Gaspard Ulliel. Quant à Fleur Pellerin, elle a dû se contenter de l'entrée de service... La jalousie, ce mal français !
Chronique "De choses et d'autres" parue ce vendredi en dernière page de l'Indépendant.
Si les USA sont aujourd'hui les maîtres du monde, les premiers colons de ce jeune pays ont surmonté bien des vicissitudes pour en arriver là. La conquête de l'Ouest, époque héroïque par excellence, n'a pas fait que des heureux. Beaucoup de vies ont été perdues pour faire fructifier ces immenses terres vierges. « The Homesman », film de Tommy Lee Jones en compétition officielle au Festival de Cannes, sur les écrans depuis dimanche, s'intéresse au destin tragique de quelques femmes perdues dans ce désert de labeur et d'abnégation. Un film rude, comme la personnalité du réalisateur et principal acteur.
Mary Bee Cuddy (Hillary Swank) est une femme de l'Est, de New York exactement. Comme d'autres, elle fait partie de ces pionniers pour qui ont abandonné la civilisation et le confort pour une ferme perdue dans les plaines du Nebraska. Mais elle est seule à la tête de son exploitation. Alors qu'elle vient de passer la trentaine, elle cherche désespérément à se marier, trouver un mari pour l'aider aux travaux des champs. Pour l'aimer aussi. Surtout.
La première partie du film dresse le portrait de cette femme, réputée rude et autoritaire. Un caractère qui fait fuir les hommes de la petite communauté. Les fermiers du coin préfèrent aller chercher leurs épouses à l'Est, comme pour ramener dans leurs masures misérables un peu de distinction et de grâce. Mais cela ne se passe pas toujours bien. Folie omniprésente Face à la solitude, aux mœurs frustes des maris, la folie fait des ravages. Trois femmes ont basculé. La paroisse décide de les renvoyer dans une institution dans l'Iowa. Et désigne Mary Bee pour les convoyer. Un périple de trois semaines, avec deux mules, une carriole à bestiaux transformée en prison, un cheval et une aide inattendue : le vagabond George Briggs (Tommy Lee Jones). Mary lui sauve la vie. Suspecté d'avoir spolié les terres d'un fermier (justement parti dans l'Est chercher une épouse), il est condamné à la pendaison. Mary le libère en échange de son aide tout le long du voyage. Cet étrange attelage composé d'une fermière psychorigide, d'un déserteur sans foi ni loi et de trois folles affronte éléments, Indiens et brigands dans cette évacuation sanitaire d'antan. Toute la force du film réside dans l'opposition des caractères : la piété de Mary, les crises des démentes et l'optimisme à tout crin de George, bien conscient que tout ce qu'il vit est un bonus par rapport à sa quasi-mort. Et le voyage permet à chacun de faire de nouveaux projets, d'avoir enfin un peu d'espoir. Mais la conquête de l'Ouest n'a que rarement terminé dans la joie et la bonne humeur, même si le film de Tommy Lee Jones s'achève par une gigue endiablée sur une barge reliant les deux rives du fleuve Mississippi.
Beaucoup de fans et un peu de fun à Cannes dimanche matin. Les acteurs bodybuildés de « Expendables 3 » arrivent sur deux véhicules blindés. Stallone, Schwarzie, Harrison Ford, Antonio Banderas saluent leurs fans. Pendant la compétition, forcément plus sérieuse, certains profitent de la concentration exceptionnelle de médias pour réaliser des happenings promotionnels.
A ce jeu, les Américains sont les meilleurs. La venue des gros bras d'Hollywood donne lieu à des scènes surréalistes. J'ai entendu à la radio cette dame expliquer aux cerbères de la sécurité avec un incroyable aplomb qu'elle a oublié son mouchoir dans la zone VIP. Elle voudrait passer pour aller le récupérer... Et d'avouer à la journaliste qui enregistre que c'est un mensonge éhonté. Mais que ne ferait-elle pas pour s'approcher d'Arnold Schwarzenegger, son idole.
Un fan, à Cannes, n'a que peu de chance de rencontrer ses acteurs préférés. Tout autour du Palais la zone est quasiment interdite au public. Par contre, en étant journaliste, vous avez la possibilité de croiser en dix jours plus de stars que vous en verrez durant toute votre vie. Eva Bettan, journaliste ciné à France Inter, a eu la bonne idée d'arriver sur la Croisette un bras dans le plâtre.
Après chaque interview, elle demande à ses invités de signer comme c'est de tradition. Résultat, elle se balade dans les rues de Cannes avec les autographes de Nicole Kidman, Jane Campion, David Cronemberg ou Julianne Moore en évidence sur son bras en écharpe. Attention, certains fans seraient capables de lui couper le bras pour voler ce trophée...
Mathieu Amalric, auréolé du succès de son 'Tournée' sur les stripteaseuses américaines bien en chair, change totalement de registre. Dans le texte de Simenon on retrouve les basiques de ses polars provinciaux : le couple de notables, l'ami d'enfance, l'adultère, des morts, les gendarmes et un juge. Tout commence dans cette chambre bleue d'un hôtel d'une petite ville de province. Un couple y fait l'amour. Julien, l'ami d'enfance (Mathieu Amalric) est en plein adultère avec Esther la femme du pharmacien (Stéphanie Cléau). Des mots d'amour. Des promesses. A la vie à la mort. Mais ces scènes d'une grande sensualité (Amalric filme sa compagne à la ville) sont entrecoupées de l'interrogatoire de Julien par un juge d'instruction teigneux. L'amant est en garde à vue. On se doute qu'il y a eu mort mais on ne sait pas encore qui. Ni comment. Depuis le bureau exigu du juge, loin du bonheur de la chambre bleue, Julien revit cette année terrible. Dans une ambiance de plus en plus oppressante, tendue, il va se désintéresser de son sort. Jusqu'à scruter, absent, les détails de la tapisserie du tribunal lors de la réquisition du procès. Amoureux, fébrile, parfois halluciné, Mathieu Amalric confirme qu'il a une présence formidable à l'écran : aussi bon acteur que réalisateur.
Même en restant dans son salon, confortablement installé dans son canapé, on peut se croire au cœur (inside selon la terminologie branchée) de Cannes, le plus prestigieux festival de cinéma. La couverture médiatique exponentielle offre au passionné l'occasion d'arpenter la Croisette avec les stars, commenter la montée des marches et même participer aux soirées très privées. Vous pouvez surtout faire le plus important, visionner les films en compétition. Du moins ceux qui sortent dans la foulée de leur projection au Palais des Festivals.
A la télévision, deux chaînes s'imposent : Canal+ et Arte. La première pour le côté starlette, la seconde pour la prise de tête. Stars et paillettes se donnent rendez-vous sur le plateau du "Grand Journal". Généralement, c'est le show qu'il ne faut pas rater durant le festival. Canal+ diffuse, en clair également, la cérémonie d'ouverture et la proclamation du palmarès. Sans oublier Laurent Weil au pied des marches, souvent moqué, jamais égalé... Arte, en dehors de reportage dans ses journaux, sera surtout présent sur le net. Ne manquez pas "Palais Duplex" : depuis sa newsroom, le blogueur Henry Michel et son équipe de trublions prennent le pouls du Festival avec humour. Et pour une immersion complète, optez pour la chaîne du Festival sur YouTubeou DailyMotion. Tout ce qui est public (conférences de presse, séances de photos, montée des marches...) y est diffusé en direct. Principal avantage : pas la peine de louer un smoking puisqu'on ne quitte pas son salon.
Chronique "De choses et d'autres" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant.
Mercredi, la grand-messe cannoise du 7e art s'ouvre avec un film symbolique de cette alliance entre paillettes et exigence cinématographique. "Grace de Monaco" d'Olivier Dahan fait partie de ces biopics qui font parler d'eux avant même d'être sortis sur les écrans. Une polémique sur le montage final (le producteur a "charcuté" la version voulue par Olivier Dahan) et des déclarations fracassantes de la famille Grimaldi suffisent pour faire le buzz. Rajoutez Nicole Kidman dans le rôle titre et le succès devrait déferler comme un ouragan sur la Croisette.
Beaucoup de films en compétition restent absolument top secrets. Heureusement quelques bandes annonces permettent de se faire une idée. Reste ensuite à interpréter les quelques images distillées par les distributeurs. La palme du mystère à "Adieu au langage" de Godard. Sous forme de flashes on distingue des coquelicots, des chiens, beaucoup de nuages, des poils pubiens et une femme nue. Faut quand même un minimum attirer le chaland… La plus mortelle d'ennui : ex aequo entre "Coming Home" et "Sommeil d'hiver" films chinois et turc.
Au menu figurent aussi quelques surprises et enthousiasmes dithyrambiques de la critique. Même s'il est hors compétition, souhaitons que ce soit "Geronimo" (sortie nationale le 15 octobre) de Tony Gatliftourné en partie à Perpignan, l'an dernier. En extra-bonus, un extrait du film de Godard.
Gilles Jacob, dans cet exercice de style, déroule les grands et petits moments de sa vie peuplées de stars et de chefs-d'œuvre du 7e art.
Le festival de Cannes débute dans deux
jours. Les plus grandes stars, les meilleurs réalisateurs se donnent
rendez-vous sur la Croisette pour une quinzaine entre émotion,
scandale et révélation. Si Cannes a toujours été le mètre étalon
dans la production cinématographique mondiale, elle le doit en
grande partie à Gilles Jacob, son président. Il a su détecter des
talents naissants tout en maintenant un certain classicisme. Ce fou
de cinéma, longtemps critique redouté, livre dans « Les Pas perdus
», un patchwork de souvenirs, brefs et incisifs.
A la manière de Georges Perec, Gilles
Jacob a collecté ses bribes de souvenirs en 496 entrées. Mais si
l'écrivain s'est contenté de ses réminiscences d'enfance et
d'adolescence, le président du festival de Cannes a balayé plus
largement la quasi totalité de sa vie, soit 60 années de culture
française. Cela permet de faire un pont entre les générations, de
Michel Simon à Lars Von Trier en passant par Deneuve ou Belmondo. Il
y a une forte coloration cinéma dans ce livre, mais Gilles Jacob y
dévoile aussi son enfance et ces petits riens qui ont marqué les
décennies. Dans la première catégorie, l'anecdote de la surprise
partie où, en compagnie de Claude Chabrol, il a récolté une
cicatrice sur le crâne. « Déguisés en cambrioleurs, nous sommes
passés par l'escalier de service, la corniche et la fenêtre du
salon entrebâillée, le visage dissimulé derrière un loup noir
sous une caquette d'Apache. (…) Un énorme gaillard m'abattit une
bouteille de bière sur la tête. » Si Perec s'est souvenu de
Pipette, le joueur de rugby à XIII, Gilles Jacob lui préfère «
Pierre Albaladejo qu'on appelait M. Drop parce qu'il bottait des deux
pieds et qu'il marquait. »
Trou de mémoire
Sorte d'exercice pratique contre
l'oubli, ce texte se picore avec délice. Parfois cela s'enchaîne
selon une logique numéraire, des « trois grand fleuves russes » au
« lundi en huit ». Et puis il y a les passage un peu plus longs
comme l'histoire « d'un homme qui vers cinquante ans s'est aperçu
que l'endroit au monde où il se sentait le mieux était son lit.
Couché, le corps bien calé sous ses oreillers, au chaud sous ses
couvertures. (…) Il avait fini par ne plus mettre le pied par
terre, sauf pour sa toilette. »
L'auteur se permet même des incursions
dans le futur, racontant une cérémonie du festival dans quelques
dizaines d'années, sur les hauteurs, la Méditerranée ayant
englouti le Palais des Festival. Interrogation aussi sur la mémoire,
sa mémoire. Il se souvient de cette fin de soirée ou il n'a plus
retrouvé sa voiture. Une absence, un trou. Inquiétant ? Non, car le
fait même de s'en souvenir est paradoxalement un bon signe.
Et pour terminer sur une note
optimiste, à la 176e entrée, Gilles Jacob se souvient « du fin mot
de l'histoire. »
« Les pas perdus » de Gilles Jacob,
Flammarion, 15 €
Twitter s'avère le réseau social le plus littéraire. On y trouve de nombreux auteurs adeptes de cet échange en direct avec les lecteurs. Les maisons d'éditions twittent également et nombre d'écrivains en autoédition profitent du réseau pour se faire connaître. La nouvelle mode : faire de la littérature en 140 signes. Raconter une histoire en un tweet. Le challenge est ardu mais ce minimalisme n'est finalement pas aussi précurseur qu'on pourrait le croire. Un article du monde.fr fait l'historique d'un genre en plein renouveau. Hemingway par exemple s'illustre dans la flash fiction. La plus connue : « A vendre : chaussures de bébé, jamais portées. » En France, Félix Fénéon, journaliste au Matin au début du XXe siècle, tient une rubrique intitulée « Nouvelles en trois lignes ». Ses faits divers deviennent de véritables bijoux. Plus récemment, Pierre Desproges débute sa carrière en réécrivant des brèves authentiques et insolites pour un quotidien qui ne se doute pas qu'il s'agissait des premières lignes du plus grand humoriste français du siècle dernier. Twitter a compris tout l'intérêt de cette bouillonnante création. Pour preuve le lancement fin novembre, sur la plate-forme, du premier festival de la fiction. Proposez vos idées par l'intermédiaire du blog de Twitter et si vous êtes retenu, vous serez mis en avant durant la période du festival, à partir du 28 novembre et durant 5 jours. Car écrire court reste la meilleure garantie d'être lu. Mais stop, là, je suis trop long...
Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue samedi en dernière page de l'Indépendant
Combien le payez-vous votre café ? Un peu cher dans les lieux touristiques ? Pourtant vous avez le moyen d'obtenir une petite remise de 20 centimes dans un établissement de Marciac dans le Gers en plein festival de jazz. Pas question de marchandage, simplement de politesse.
Tout est expliqué dans une photo reprise des milliers de fois sur le net via Facebook et Twitter en moins de 48 heures. Sur l'ardoise en terrasse, les prix sont détaillés : « Un café, 2 euros. Un café, s'il vous plait, 1,80 euro. » Le simple « s'il vous plait » vous permet de faire une substantielle économie. Il est vrai que la politesse est une denrée qui se fait rare.
Le site de Sud-Ouest explique que le propriétaire de cette échoppe, spécialisée dans les cafés « torréfiés au feu de bois », a décidé de prendre avec ironie le manque de cordialité de certains festivaliers. La musique adoucit les mœurs mais ne rend pas forcément plus poli.
Reste à espérer maintenant que l'initiative sera reprise dans nombre d'établissements. Economies à coup sûr pour le consommateur aimable. Et qui sait, un sourire sur les lèvres du serveur blasé dont l'amabilité frôle souvent la température de la banquise. Donc, souriez (et soyez poli), c'est l'été !
(Chronique "ça bruisse sur le net" parue ce jeudi en dernière page de l'Indépendant)
Samedi, la Cité de Carcassonne accueillait un concert d'Hubert-Félix Thiéfaine. Loin du star system, ce poète moderne est à l'opposé des nouvelles divas aux exigences déroutantes. Pour la première fois, les organisateurs d'un gros festival (le Festi'Val de Marne) osent dénoncer les caprices de certains artistes. Dans une lettre ouverte publiée sur le net, ils s'insurgent contre des clauses jugées abusives. Ils ne donnent pas de noms (dommage...), mais des exemples concrets. Malicieusement, il est expliqué que « les méchants métalleux sont de vrais petits gourmands » et d'énumérer toutes les barres chocolatées, viennoiseries ou laitages de marque exigées dans la loge. Un ventre plein est gage de bon concert, mais pas avec n'importe quoi. Celui-là du thym frais, cet autre du pain 100% épeautre, le dernier préfère des sardines... Côté boissons, c'est l'escalade. Tout en soulignant que « le droit du travail interdisant la consommation d’alcool, aucune demande d’alcool ne devrait apparaître dans les contrats » les organisateurs du festival donnent des exemples :« 48 bières, 3 bouteilles de whisky, 6 bouteilles de bon vin et de la vodka ! » ou ces « 70 bières, 2 bouteilles de vodka et 1 bouteille de bon champagne » soit 6 litres d’alcool pour 3 personnes. Et puis il y a les intimidations, « n’oubliez pas de fournir la table de ping-pong, sinon l’annulation du concert peut avoir lieu » ou une « grande bassine remplie de glaçons » pour un rocker adepte de la médecine douce façon Rika Zaraï...
Chronique "ça bruisse sur le net (même l'été)" parue lundi 30 juillet en dernière page de l'Indépendant.