Deux des films français en compétition officielle ou présenté en première au festival de Cannes sont sortis cette semaine en salles. Deux œuvres ambitieuses s’appuyant sur des comédiens investis, des oppositions entre homme et femme. Si Frère et sœur d’Arnaud Desplechin explore la haine entre Marion Cotillard et Melvil Poupaud, Don Juan de Serge Bozon est une variation sur la séduction avec Virginie Efira et Tahir Rahim.
Que s’est-il passé durant l’enfance de Louis (Melvil Poupaud) et Alice (Marion Cotillard) ? Ils se détestent au point de ne plus supporter d’être ensemble dans la même pièce. Aujourd’hui adultes, la grande comédienne et le romancier provocateur restent irrémédiablement sur leurs positions. Même quand leurs parents meurent. Bloc de haine et d’incompréhension, le film d’Arnaud Desplechin nous questionne profondément sur nos rapports avec la famille. Sur nos blessures inguérissables aussi. La tension, la haine, entre frère et sœur donne une ambiance lourde à cette histoire de rupture. Un film magnifié par deux comédiens au sommet de leur art. Marion Cotillard, loin de ses ratés américains, retrouve toute la subtilité de ses débuts. Sa fragilité aussi, cachée par une rudesse de façade. Melvil Poupaud, encore plus atteint, plus déchiré par cette situation, est plus qu’à la hauteur de sa partenaire.
Virginie Efira se démultiplie
Don Juan de Serge Bozon n’est pas en compétition. Présenté dans le cadre de Cannes Première, le film est sorti ce lundi. Un homme, une femme : le schéma est classique pour ce drame qui flirte avec la comédie musicale. Laurent (Tahir Rahim), comédien, va se marier avec Elise (Virginie Efira). Mais sur le seuil de la mairie, elle fait marche arrière. Désespéré, le comédien tente de séduire toutes les femmes qu’il croise. Car elles ressemblent à Elise. Mais ce n’est pas parce qu’il interprète Don Juan qu’il a du succès. Cette légende inversée (l’homme est rejeté par les femmes), est un peu laborieuse. Virginie Efira est merveilleuse de duplicité, Tahir Rahim moins à l’aise dans ce rôle d’homme déstructuré.Frère et sœur, film français d’Arnaud Desplechin avec Marion Cotillard, Melvil Poupaud
Don Juan, film français de Serge Bozon avec Virginie Efira et Tahir Rahim





L'enfant terrible du cinéma canadien semble avoir franchi un cap dans sa carrière. Le formidable succès planétaire de "Mommy" ne lui a pas coupé l'envie de filmer. On sent cependant une moindre appétence à la nouveauté, à l'expérimentation. "Juste la fin du monde" est selon lui "Mon premier film en tant qu'homme". Cette pièce de théâtre lui a été conseillée par son actrice fétiche Anne Dorval en 2010. Mais il n'a pas accroché. "J'avais à l'égard de l'histoire et des personnages un blocage intellectuel qui m'empêchait d'aimer la pièce tant vantée par mon amie, explique-t-il dans des notes de productions. J'étais sans doute trop pris par l'impatience d'un projet ou l'élaboration de ma prochaine coiffure pour ressentir la profondeur de cette première lecture diagonale." Ce n'est que quelques années plus tard qu'il est parvenu à rentrer dans l'univers du dramaturge français, mort du sida en 1995 à l'âge de 38 ans. Pour l'adaptation, il a décidé d'être le plus fidèle possible aux textes de Lagarce : "Que l'on 'sente' où non le théâtre dans un film m'importe peu. Que le théâtre nourrisse le cinéma… N'ont-ils pas besoin l'un de l'autre de toute façon ?" Le résultat est remarquable, les deux mondes de Lagarce et de Dolan semblant se répondre à travers les années.

