Affichage des articles dont le libellé est folie. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est folie. Afficher tous les articles

jeudi 25 janvier 2024

Cinéma - Portraits de femmes “Captives” et humiliées

À la fin du XIXe siècle, la Salpêtrière servait de prison pour de présumées « folles ». Le film d’Arnaud des Pallières raconte le douloureux séjour de Fanni, interprétée par Mélanie Thierry.


La superbe distribution que voilà ! Mélanie Thierry, Marina Foïs, Josiane Balasko, Carole Bouquet et Yolande Moreau. Ne cherchez pas une vedette mâle dans Captives, film d’Arnaud des Pallières. Il en a fait le tour avec son premier gros succès, Michael Kohlhaas, tourné dans les Cévennes. Après Orpheline qui mettait une nouvelle génération de comédiennes en valeur (Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot), il offre des rôles en or à des légendes du cinéma français dans Captives.

À la fin du XIXe siècle, Fanni (Mélanie Thierry) est internée à la Salpêtrière, hôpital psychiatrique de sinistre renommée. À sa demande. Femme mariée, elle se fait passer pour femme de ménage célibataire. Fanni cherche en réalité à retrouver sa mère, internée il y a près de 30 ans. Une démarche à la limite du suicidaire car rapidement Fanni découvre l’enfer sur terre. Même dans un service où les femmes internées ne sont pas délirantes, la discipline ressemble à une suite d’humiliations quotidiennes. Pour faire régner l’ordre : La Douane (Marina Foïs), garde-chiourme sans cœur, limite sadique. Elle agit sous la responsabilité de Bobotte (Josiane Balasko), vieille surveillante qui se veut humaine mais ne fait que reproduire le schéma de domination masculine qui a conduit nombre de ces femmes dans une prison qui ne dit pas son nom.

Car si quelques pensionnaires sont effectivement asociales, d’autres ne sont derrière ces barreaux que par la volonté de leur mari ou père. C’est le cas d’Hersilie (Carole Bouquet). Grande bourgeoise, écartée par sa famille, elle tente de conserver une vie digne. Et essaie d’alerter les autorités sur son cas particulier, et plus généralement les brimades des « folles ». Hersilie qui est la cheville ouvrière du Bal des folles, soirée fastueuse où l’élite parisienne vient reluquer ces « anormales » déguisées en grandes dames. Un bal qui pourrait permettre à Fanni, qui a retrouvé sa maman, de s’enfuir.

Le plus étonnant dans ce film à l’atmosphère étouffante, oppressante, reste l’absence presque totale d’hommes dans un film très féminin. Loin d’être dérangeante, cette entorse à la parité permet à ces comédiennes de prouver qu’une œuvre n’a pas nécessairement besoin d’une star homme pour être remarquable. Et de toute manière, star est féminin.

Film d’Arnaud des Pallières avec Mélanie Thierry, Josiane Balasko, Marina Foïs, Carole Bouquet, Yolande Moreau...

 

lundi 19 mars 2018

BD : Laurent Bonneau se met à nu


30 ans. Pour beaucoup c’est encore la jeunesse et toute une vie devant soi. Mais pour les générations actuelles, cela semble la première bascule vers une existence plus sérieuse, impliquée, triste... Laurent Bonneau, auteur de BD installé à Narbonne, a voulu garder une trace de ce passage. Il raconte dans ce gros album de près de 120 pages les retrouvailles de cinq amis d’enfance. Ils ont fait les 400 coups au lycée. Ils ont 30 ans aujourd’hui et vont passer un week-end entre eux dans une maison au bord de l’océan.

L’album raconte ces deux jours mais aussi l’avant, comment Laurent Bonneau explique à ses potes que cela deviendra un album de BD. L’échange de points de vue de jeunes adultes sur leur vie. Question d’un des intervenants : « Est-ce qu’à la fin de ton histoire il y a quelqu’un qui meurt ? » Loin d’être incongrue, cette interrogation est légitime car on devine la fragilité de certains. Couples qui battent de l’aile, non reconnaissance de son travail ou accumulation de désillusions, il est parfois bien compliqué d’assumer trois décennies sans avoir le désir de définitivement tirer le rideau. Mais que l’on rassure les sensibles, personne ne meurt. C’est la vraie vie qui se retrouve dans cet album au graphisme particulier (dessins à la mine de plomb combinés à des aplats numériques).




Et Laurent Bonneau de s’interroger « S’agit-il d’une autobiographie ou d’une autofiction ? En rendant le réel plus souple, on peut se demander s’il ne devient pas fiction de toute façon, même s’il garde l’authenticité du vécu et de l’intime. » 

➤ « On sème la folie » de Laurent Bonneau, Bamboo Grand Angle, 21,90 €

jeudi 15 décembre 2016

DVD : "Irréprochable" ou la folie face à l’emploi perdu

irréprochable, folie, marina fois, biolay, japy, elkaïm, orange studio
Étonnant thriller que cet « Irréprochable », premier film de Sébastien Marnier. Il tourne autour du monde du travail. Un milieu que le réalisateur connaît bien puisqu’il a débuté en écrivant le scénario d’une bande dessinée sur les déboires des jeunes à la recherche d’un premier job. Des histoires courtes comiques, parues chez Delcourt puis adaptées sous forme d’une web série animée en cours de production. Ce boulot, essentiel pour notre intégration à notre société. Constance (Marina Foïs) est au chômage depuis une année. Virée de l’agence immobilière qui l’employait à Paris. A la rue, elle se résigne à revenir au pays, dans cette petite ville de province morne et sinistre. Par chance, une place est libre dans la boîte où elle a débuté. Elle postule, certaine d’être reprise tant son travail donnait satisfaction à l’époque. Elle était irréprochable...

C’est sans compter avec la crise de la quarantaine. Pas la sienne, mais celle du patron qui, à choisir, préfère embaucher à l’essai une jeune fille fraîchement diplômée d’une école de commerce que son ancienne employée partie sans crier gare quelques années auparavant. Constance va alors tout faire pour prendre la place d’Audrey (Joséphine Japy).
■ L’irréparable
Le film est construit autour de la personnalité trouble de Constance. Un rôle en or pour Marina Foïs. On ne comprend pas ce qui motive cette femme. Belle, sportive, déterminée : elle a tout pour réussir. Si l’on oublie les casseroles qu’elle traîne derrière elle. Une vie sentimentale ratée, une mère malade et alcoolique, une volonté de plaire coûte que coûte, une manie d’enjoliver les choses qui vire parfois à la mythomanie.
On le découvre au fur et à mesure de ses rencontres et démarches. Sur le chemin du retour, en train, elle séduit un riche fiscaliste (Benjamin Biolay), comme pour se persuader qu’elle a encore de beaux restes. Pour se faire embaucher, elle recontacte son ancien collègue et amant (Jérémie Elkaïm), mais ce dernier, tout en étant encore sensible à son charme, la fuit, persuadé de sa folie. Car rapidement on comprend qu’effectivement Constance a un grain. Un sacré problème même. Elle espionne Audrey, va chez elle quand elle est absente, pour mieux la comprendre, lui prendre sa place aussi dans son intimité. Elle réussit à devenir amie avec elle. Une confidente qui la pousse à démissionner. En vain. Alors, l’employée irréprochable va commettre l’irréparable.
L’ambiance trouble, renforcée par les compositions musicales de Zombie Zombie, est prenante, du début à la fin. Seule réserve, pour les véritables amateurs de Marina Foïs, elle a parfois des intonations de Sophie Pétoncule, son rôle d’idiote préférée quand elle débutait dans les sketches des Robins des Bois. Sophie nous faisait rire. Constance vous fera cauchemarder.
➤ « Irréprochable », Orange Studio, 19,99 €


BD : Cauchemar paranoïaque

thilliez, mig, puzzle, folie, jeu, ankama
Pas la peine de présenter Frank Thilliez. Ce romancier français a multiplié les succès d’édition ces dernières années, s’affirmant comme un maître du thriller. La télévision lui a fait les yeux doux, le cinéma aussi, adaptant certains de ses romans. Logiquement, c’est maintenant la BD qui se penche sur l’œuvre de cet auteur nordiste. « Puzzle », paru chez Fleuve Noir en 2013, se transforme en gros album de BD de plus de 200 pages dessinées par Mig. Cela commence comme un jeu. Le personnage principal, jeune adulte amateur de jeux de rôles, tente avec son ancienne petite amie d’intégrer Paranoïa, un projet ludique avec 300 000 euros à la clé. D’entrée la tension est palpable. Car Ilan a tout du malade mental à tendance paranoïaque. Il est persuadé d’être surveillé et ses cauchemars sont sanglants. Il parvient finalement à faire partie des huit finalistes et se retrouve avec ses adversaires enfermé dans un ancien hôpital psychiatrique. Là, il va petit à petit remettre en place les pièces du puzzle et comprendre que le jeu n’en est pas vraiment un. Dessin réaliste parfait, découpage millimétré, cette première incursion de Franck Thilliez dans l’univers de la BD est une belle réussite.
➤ « Puzzle », Ankama, 19,90 €

vendredi 15 janvier 2016

Livre : Le labyrinthe des existences


Les nouvelles technologies changent-elles la façon d'aimer ? Camille Laurens dans « Celle que vous croyez » raconte un amour aussi fort que multiple virtuel.

camille laurens, facebook, folie, gallimardA l'heure des réseaux sociaux et autres sites de rencontres sur le net, l'amour est-il en train de changer, d'évoluer ? Ce sentiment, aussi vieux que l'Humanité, va-t-il survivre à ce changement radical de mode de vie ? Ces interrogations sont en en permanence en filigrane du roman de Camille Laurens. Pour que la magie de l'amour fonctionne, il faut que deux êtres se rencontrent, partagent, apprennent à se connaître. Échanger un regard suffisait pour déclencher un coup de foudre. Aujourd'hui, avant de se retrouver face à l'être désiré, il existe quantité de façons pour mieux l'apprécier, ses défauts et ses qualités. Une sorte d'entretien d'embauche virtuel. « Celle que vous croyez » est un roman gigogne, en trois parties distinctes et autant de possibilités sur la relation amoureuse entre Claire et Christophe. La première partie est un long monologue de la jeune femme. Face à son psy, elle raconte comment elle est tombée amoureuse de cet homme qu'elle a littéralement séduit sur internet, en se façonnant une nouvelle identité. Claire qui est au moment du récit en clinique psy. Folle ? Dépressive ? Suicidaire ? Un peu tout à la fois. Cette femme de plus de 50 ans sort d'une relation avec un jeune et fougueux jeune homme. Jetée comme une vieille chaussette, elle refuse cet état de fait. Veut savoir ce qu'il devient. Pour cela elle va devenir « amie » sur Facebook avec Christophe, son meilleur ami avec qui il cohabite. Pour être sûre d'attirer l'attention de « KissChris », elle devient Claire Antunes, brune de 25 ans, passionnée de photo (Christophe est photographe). Un piège diabolique qui se retourne contre elle. « Ce n'est pas pour rien que cela s'appelle la Toile. Tantôt on est l'araignée, tantôt le moucheron. Mais on existe l'un pour l'autre, l'un par l'autre, on est reliés par la religion commune. A défaut de communier, on communique. » A force d'échanger avec Christophe pour avoir quelques nouvelles de son ex, elle tombe amoureuse de l'ami. Et c'est réciproque. Mais les relations ne sont que virtuelles. Fausses photos, mensonges permanents : la situation dégénère.

Roman dans le roman
camille laurens, facebook, folie, gallimardLa seconde partie du roman est le témoignage de Marc, le psy de Claire. Il explique devant ses pairs comment il a dérapé. Une autre version de l'histoire étayée par le début du roman écrit par Claire à la clinique, avec l'aide de Camille, une romancière animant un atelier d'écriture. Dans le roman, la Claire de 50 ans parvient à séduire le véritable Christophe. Sans l'aide de son faux profil Facebook. Mêmes personnages, histoire différent. Le lecteur voit alors d'un nouvel œil la première partie. Mais Camille Laurens n'en a pas terminé de rebattre les cartes. La dernières partie une longue lettre à son éditeur. Elle y parle du roman, des ses sources d'inspirations et de sa façon d'aborder son thème de prédilection : « Je ne désire pas tant la jouissance que je ne jouis du désir. L'amour n'est pas le sujet de mes livres, c'est leur source. Ce n'est pas une histoire que je recherche, c'est le sentiment de vivre, dont écrire sera la défaite, à la fin, et jouir la chute. Désirer un homme, c'est comme rêver au livre : tout est ouvert, immense et chaotique. » Et l'art de la chute, Camille Laurens la maîtrise à merveille dans un petit épilogue qui laissera pantois tous ses lecteurs...
Michel Litout
« Celle que vous croyez », Camille Laurens, Gallimard, 17,50 euros



samedi 14 mars 2015

Cinéma - Entendez-vous ces « Voices » ?

Jerry vit seul avec son chien et son chat. Et il leur parle...


Comédie trash, romance improbable ou simple réflexion sur la folie ? Impossible de cataloguer « The Voices », film de Marjane Satrapi avec Ryan Reynolds en vedette. La créatrice de Persépolis a définitivement abandonné la bande dessinée, métier trop solitaire, pour se consacrer au cinéma. Elle signe un premier film américain apportant son regard très graphique à un univers déjanté.

Jerry, gentil garçon employé au service de conditionnement et d’expédition de la fabrique de baignoire de Milton, petite ville type américaine, est apprécié de ses collègues. Il est souriant, enjoué et sociable. Quand on lui propose d’aider au barbecue annuel de l’entreprise, il accepte avec enthousiasme car il y aura la belle Fiona de la comptabilité.
Les premières images du film montre une société heureuse rieuse, fraternelle. Un peu trop... Le soir, Jerry rentre chez lui, un appartement au-dessus d’un bowling désaffecté. Il s’installe dans son canapé et engage la conversation avec deux voix off que le spectateur ne voit pas immédiatement. L’une le félicite de ses efforts d’intégration, l’autre, plus triviale, s’inquiète de savoir s’il a l’intention de «baiser cette salope d’anglaise de la compta...» Le premier conseil vient de Bosco, un gros toutou placide, le second de M. Moustache, le chat pervers.

Bons et mauvais conseils
Jerry, une fois chez lui, parle à ses animaux. Exactement, il entend des voix et est persuadé que ce sont celles de Bosco et M. Moustache. Jerry a de graves problèmes. Il voit régulièrement une psychologue qui lui recommande sans cesse de bien prendre ses cachets. Ce que M. Moustache lui déconseille. Jerry redevient alors le drôle de petit garçon qui a tué sa maman suicidaire. Juste pour lui rendre service. Avec Fiona (Gemma Arterton) tout se passe bien lors du barbecue. Mais ensuite elle le rejette. Alors Jerry fait ce qu’il aime tant faire : tuer. Il ne ramène que la tête de la belle Anglaise, la met au frigo et le soir la pose sur la table du salon pour lui faire la causette. Jerry entend de plus en plus de voix...
Ryan Reynolds est brillant dans ce rôle complexe aux multiples facettes. Entre candeur et folie meurtrière, il joue toutes les palettes, doublant également les voix de Bosco et M. Moustache. La vision de l’Amérique par Marjane Satrapi oscille entre « Twin Peaks » David Lynch et « Hairspray » de John Waters. Entre rose vif et gris sombre.

jeudi 22 mai 2014

Cinéma - La conquête de l'Ouest à la folie dans "The Homesman" de Tommy Lee Jones


Si les USA sont aujourd'hui les maîtres du monde, les premiers colons de ce jeune pays ont surmonté bien des vicissitudes pour en arriver là. La conquête de l'Ouest, époque héroïque par excellence, n'a pas fait que des heureux. Beaucoup de vies ont été perdues pour faire fructifier ces immenses terres vierges. « The Homesman », film de Tommy Lee Jones en compétition officielle au Festival de Cannes, sur les écrans depuis dimanche, s'intéresse au destin tragique de quelques femmes perdues dans ce désert de labeur et d'abnégation. Un film rude, comme la personnalité du réalisateur et principal acteur.
Mary Bee Cuddy (Hillary Swank) est une femme de l'Est, de New York exactement. Comme d'autres, elle fait partie de ces pionniers pour qui ont abandonné la civilisation et le confort pour une ferme perdue dans les plaines du Nebraska. Mais elle est seule à la tête de son exploitation. Alors qu'elle vient de passer la trentaine, elle cherche désespérément à se marier, trouver un mari pour l'aider aux travaux des champs. Pour l'aimer aussi. Surtout.

La première partie du film dresse le portrait de cette femme, réputée rude et autoritaire. Un caractère qui fait fuir les hommes de la petite communauté. Les fermiers du coin préfèrent aller chercher leurs épouses à l'Est, comme pour ramener dans leurs masures misérables un peu de distinction et de grâce. Mais cela ne se passe pas toujours bien. Folie omniprésente Face à la solitude, aux mœurs frustes des maris, la folie fait des ravages. Trois femmes ont basculé. La paroisse décide de les renvoyer dans une institution dans l'Iowa. Et désigne Mary Bee pour les convoyer. Un périple de trois semaines, avec deux mules, une carriole à bestiaux transformée en prison, un cheval et une aide inattendue : le vagabond George Briggs (Tommy Lee Jones). Mary lui sauve la vie. Suspecté d'avoir spolié les terres d'un fermier (justement parti dans l'Est chercher une épouse), il est condamné à la pendaison. Mary le libère en échange de son aide tout le long du voyage. Cet étrange attelage composé d'une fermière psychorigide, d'un déserteur sans foi ni loi et de trois folles affronte éléments, Indiens et brigands dans cette évacuation sanitaire d'antan.
Toute la force du film réside dans l'opposition des caractères : la piété de Mary, les crises des démentes et l'optimisme à tout crin de George, bien conscient que tout ce qu'il vit est un bonus par rapport à sa quasi-mort. Et le voyage permet à chacun de faire de nouveaux projets, d'avoir enfin un peu d'espoir. Mais la conquête de l'Ouest n'a que rarement terminé dans la joie et la bonne humeur, même si le film de Tommy Lee Jones s'achève par une gigue endiablée sur une barge reliant les deux rives du fleuve Mississippi.