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jeudi 4 septembre 2025

Autobiographie - L'étonnante romance de Lydie Salvayre

En racontant son quotidien avec beaucoup d'humour, Lydie Salvayre parle aussi de ses parents, avec amour.

Il ne faut pas demander conseil à sa voisine quand on entreprend un travail d'écriture très personnel. Lydie Salvayre le constate dans les premières pages de cet « Autoportrait à l'encre noire », livre de commande dans lequel elle s'engage à satisfaire la curiosité de ses lecteurs. La romancière, prix Goncourt en 2014 avec « Pas pleurer » est devenue amie avec Albane, sa voisine de palier. Albane adore la lecture. Son genre préféré : la romance. Plus que préféré, exclusif. Donc quand Lydie Salvayre lui explique qu'elle est un peu bloquée dans la rédaction de son autoportrait, Albane, enthousiaste, lui conseille d'appliquer à ce texte les codes éprouvés de ces récits d'amour, toujours positifs, si beaux, si réconfortants... Si mièvres et mal écrits du point de vue de l'écrivain. Mais pourquoi pas ?

Sur la plage d'Argelès...

Véritable exercice de style, introspection comique mais aussi profonde, ce texte, si différent des autres signés Lydie Salvayre, oscille toujours entre farce assumée et révélations intimes douloureuses. Et avant d'oser évoquer son propre cas, elle se penche sur l'idylle entre ses parents. Drôle de romance. Notamment à cause du cadre. Andrés et Montserrat, tous les deux espagnols se sont rencontré en 1939 dans un « cadre de rêve : le camp de concentration d'Argelès-sur-Mer où ma mère vient d'arriver rompue de fatigue et blanche de la poussière des routes après des jours et des jours de marche sous les bombes pour atteindre la frontière française. » Lydia naîtra en 1946, dans cette famille pauvre, marquée par la Retirada. Elle deviendra Lydie et prendra vite le nom, français, de son premier mari, comme pour se défaire de cette peau de réfugiés espagnols, ce cette famille de miséreux. Et entre les interventions désopilantes d'Albane, toujours persuadée que seul l'amour, le vrai, l'unique, l'exceptionnel, est intéressant, elle raconte la vie entre une mère qu'elle adore et un père redouté. Le père deviendra d'ailleurs « le grand méchant », étape incontournable de toute romance digne de ce nom. Car pour connaître une fin heureuse, une histoire doit être contrariée par un personnage hostile.

Ce père détesté, elle va le raconter en explorant ses souvenirs, relativiser et finalement comprendre pourquoi il a tout le temps été si dur pour sa femme et ses filles. Comme si en faisant ce travail d'écriture, des années après sa disparition, Lydie Salvayre parvenait enfin à nouer un vrai dialogue avec cette figure intimidante, implacable, terrifiante. On retrouve alors la profondeur des romans de cette grande signature des Lettres françaises. Tout en souriant aux saillies d'Albane et aux répliques acerbes et pleines de mauvaise foi assumée de sa voisine, contrariée de ne pas réussir à boucler cet autoportrait comme une véritable romance.

« Autoportrait à l'encre noire », Lydie Salvayre, Robert Laffont, 224 pages, 20 €

samedi 23 août 2025

Roman - L'amour, valeur dépassée ?

Jolie variation littéraire sur les vicissitudes de « L'amour moderne » par Louis-Henri de La Rochefoucauld. 

Sous une brillante couverture signée Floc'h, Louis-Henri de La Rochefoucauld, critique littéraire à l'Express, explore ce qu'il reste de l'amour au XXIe siècle. L'amour, à l'heure des nouvelles technologies, est-il moderne ? Pas tant que cela finalement. D'autant que l'auteur se consacre surtout aux amours d'hommes et de femmes du siècle dernier. Ou du moins qui ont débuté leur parcours d'adultes amoureux, à la fin du XXe. Et sans surprise, on se retrouve avec le classique (et pas moderne pour un sou), ménage à trois : le mari, l'épouse et l'amant. 

Ivan, écrivain par accident, marié par hasard, divorcé par raison, vivote dans Paris, alignant les pièces de théâtre légères et les succès. Un confort matériel qui lui permet de faire une pause dans sa production. En réalité, cela fait un an qu'il n'arrive plus à écrire, de plus en plus obsédé par un fait divers qui a bouleversé son enfance. Ivan, contacté par Michel, riche et très influent producteur. Il voudrait qu'il écrive un petit chef-d’œuvre pour son épouse, la célèbre actrice Albane, retirée des plateaux depuis de trop longues années après avoir tout remporté, de la palme d'interprétation à Cannes en passant par un oscar et quantité de césar. Michel considère Albane comme sa « chose ». 

Cette dernière, exemple même de la femme désirant s'émanciper, a repris des études et cherche plus de spiritualité dans la vie. Ivan, peu habitué aux commandes, est récalcitrant. Mais quand il apprend qu'Albane, un peu plus âgée que lui, est directement liée au drame qui le hante toujours, il accepte l'offre. Juste pour en apprendre un peu plus. La malice du romancier transforme cette relation de travail en cour subtile et délicate. Comme quoi, même moderne, l'amour ne s'épanouit pas sans un minimum d'effort. 

Un texte érudit, brillant, léger ; parfait pour comprendre les subtilités de cette étonnante alchimie qui provoque une attirance irrépressible entre deux êtres humains. L'occasion aussi de découvrir les pratiques de ce milieu culturel parisien, souvent boursouflé d'orgueil et de vanité, mais qui parfois est à l'origine d’œuvres mémorables.    

« L'amour moderne » de Louis-Henri de La Rochefoucauld, Robert Laffont, 256 pages, 20 €


mardi 8 avril 2025

Romans français - A chacun ses problèmes familiaux

Si Laurent Bazin règle ses comptes avec son père au moment de ses obsèques, Antoine Laurain est plus indulgent pour sa famille face à l'épreuve de la... dictée de Mérimée.

Deux romans français sur la famille en général, deux ambiances totalement différentes. Antoine Laurain propose un texte léger sur les affrontements entre générations autour de l'amour de la langue française alors que Laurent Bazin, célèbre journaliste télé installé dans l'Aude, transforme l'annonce de la mort de son père en psychanalyse qui vire au règlement de comptes sans concession. Si vous avez l'humeur joyeuse et riante, profitez du premier texte. Si la tristesse ou la rancoeur minent votre quotidien, découvrez qu'il y a pire ailleurs concernant la mésentente dans une famille. 

Nous avons tous un souvenir de dictée qui ne s'est pas bien passée. Benjamin, écolier, ramène une très mauvaise note. Ses parents, un peu catastrophés, décident de lui prouver qu'ils étaient bien meilleur que lui à son âge. Et se trompent un peu. Un mini psychodrame qui va déboucher sur l'organisation d'une dictée en plein air, sous la supervision d'un membre de l'Académie française. Et pas n'importe quelle dictée puisqu'il faudra éviter les pièges de Prosper Mérimée. Outre quelques mots incongrus, c'est le fond de ce petit texte qui va devenir célèbre. Dans cette dictée, « les notables y étaient ridiculisés, les bourgeois passaient pour des crétins, les militaires pour des ivrognes, la religion tournait à la farce. Un bijou d'insolence. Un chef-d'oeuvre de provocation. » Rien que pour l'exhumation de ce texte, le roman mérite le détour.

Moins d'humour dans le récit de Laurent Bazin. C'est le parfait exemple que l'on peut réussir sans népotisme. Car très vite son père s'est désintéressé de sa carrière de journaliste. Ce médecin, volage, criblé de dettes, a vécu ses dernières années dans une grande solitude. Laurent Bazin, en une semaine, va devoir faire un gros travail sur lui pour accepter d'organiser les obsèques, le dernier adieu. Avec l'impossibilité de se réconcilier. Juste une sorte de piqûre de rappel sur son rôle de père qu'il veut, au contraire du mort, exemplaire, attentif et aimant. L'étrange confession sèche et parfois caustique d'un homme public à l'image chaleureuse et bienveillante.  

« La dictée », Antoine Laurain, Flammarion, 160 pages, 20 €

« L'homme qui ne voulait pas être mon père », Laurent Bazin, Robert Laffont, 320 pages, 21,50 €

dimanche 23 mars 2025

Polar historique - Premiers bistouris dans "Le jardin des anatomistes"

Un polar historique, pour être réussi (et donc passionnant pour le lecteur), doit, en plus d'une bonne intrigue et de personnages crédibles, décrire une époque et des pratiques que l'on ne soupçonne pas. Pour son second roman, Le Jardin des anatomistes, Noémie Adenis réussit un strike indéniable. 

Dans le Paris de la la fin du XVIIe siècle, Sébastien de Noilat, un jeune herboriste de Sologne, découvre la guerre que se mènent les médecins et les chirurgiens. Les premiers, traditionalistes, n'aiment pas les changements. Les seconds, interdits de faculté, pour soigner, vont au fond des choses... armés de bistouris, scies et autres pinces qui explorent le corps humain encore peu connu. 

Les chirurgiens formés sur le tas grâce à des démonstrations (sur des cadavres) proposées dans le Jardin du roi. Quand un imitateur décide d'opérer, à vif, des malades ivres dans des tavernes Sébastien doit démasquer un faux chirurgien mais vrai tueur. Le roman parfait pour les amateurs de viande saignante.  

« Le Jardin des anatomistes », Pocket, 416 pages, 9,60 € (paru en grand format chez Robert Laffont)

dimanche 16 février 2025

Thriller - « Le livre des sacrifiés » ou la fiction devenue réalité

Vague de meurtres à New York. Le seul point commun des victimes, atrocement mutilées : elles apparaissent dans un recueil de nouvelles. Un thriller machiavélique signé Frédéric Lepage.


Un sculpteur et amateur de musique religieuse, une recruteuse, un chauffeur de taxi… La police de New York est sur les dents, un tueur en série semble sévir dans la grande ville. Il tue et surtout mutile ses victimes. Après les avoir étranglées a l’aide d’un garrot, elle les éventre, leur coupe le sexe et les arrose de bière.

Rituels sataniques, une anthropologue, Anita, jeune chercheuse originaire de Guyane française, est sollicitée en tant qu’experte. Des scènes de crime horribles décortiquées par un binôme de flics atypiques. Naomi, grande, noire, réservée et à cheval sur la loi et Ken, blond, sanguin, capable de s’affranchir des règles pour obtenir des résultats.

L’enquête, racontée par Frédéric Lepage, romancier français proposant un thriller dépaysant, connaît une avancée significative quand Ken découvre que les victimes sont toutes décrites dans un recueil de nouvelles récemment paru. Ken, le véritable héros du livre, être torturé qui va vite abandonner la voie légale pour tenter de faire tomber le responsable de ces meurtres, un trafiquant de la pire espèce.

Alors qu’Anita va faire des recherches au Brésil, Ken se rend en Tanzanie, là où tout a commencé. Un journaliste infiltré l’aide dans sa quête en lui expliquant le fond de l’affaire : « Ce jour comptera dans votre vie. Vous vous le rappellerez comme celui où vous avez entrevu un abîme car je vais vous faire approcher l’abjection. » On ne peut qu’approuver et prévenir le lecteur : l’intrigue, basée sur des faits avérés, est abominable.

Des crimes abjects, mais raconté dans un style très imagé par un auteur qui n’a pas son pareil pour plonger le lecteur dans les décors dépaysants de ces aventures horribles.

« Le livre des sacrifiés », Frédéric Lepage, Robert Laffont, 376 pages, 22,90 €

samedi 30 novembre 2024

Thriller - « Éruption », roman brûlant signé Michael Crichton et James Patterson

 Alors qu’un volcan à Hawaï entre en éruption, menaçant la population, un autre danger, encore plus grand, risque de provoquer l’extinction de toute vie sur terre.


Mort en 2008, Michael Crichton, romancier américain devenu mondialement célèbre avec son Jurassic Park, n’a pas eu le temps de finaliser son ultime thriller. Un sujet qui lui tenait particulièrement à cœur : les volcans et Hawaï. Il avait accumulé une importante documentation et rédigé le début de l’intrigue. Une œuvre inachevée que sa veuve a longtemps préféré ignorer. Et puis la rencontre avec James Patterson, autre écrivain US expert en best-seller, a débloqué la situation. Voilà comment on peut trembler en découvrant Éruption, l’ultime cauchemar imaginé par Michael Crichton et mis en forme par James Patterson.

En ce début d’année 2025, la grande île d’Hawaï ne cesse d’être secouée. Les entrailles de la terre ont la bougeotte. Et comme souvent, ces secousses vont déboucher par une nouvelle éruption du volcan Mauna Loa. Une de plus dans la longue carrière de John MacGregor, volcanologue habitué aux caprices de notre planète. Mais peut-être aussi la dernière car selon toutes les observations de son équipe depuis des mois, c’est une éruption record qui est en train de se préparer. Au point qu’il craint pour la ville de Hilo, la plus grande de l’île.

Le roman va raconter, heure après heure, la préparation de l’éruption. Avec en plus un danger supplémentaire car pas loin du volcan sont entreposés des déchets toxiques mortels. Un double danger pour un héros intelligent, courageux, volontaire, sans faille. Le prototype du bon Américain, capable de tous les sacrifices pour sauver sa planète.

Un côté héros inébranlable toujours un peu irréaliste quand on sait comment cela se passe en réalité, mais c’est une grande spécialité américaine. Cela lui donne l’occasion d’avoir cette pensée, un soir sur une plage du Pacifique : « Mac prit le temps de s’imprégner de la scène, s’émerveillant de la perfection du monde vu d’ici. Seuls le clapotis des vagues devant lui, et de temps à autre le chant d’un oiseau nocturne, venaient rompre le silence. Il avait l’impression d’être le dernier homme sur Terre. Voilà ce qu’on essaie de sauver, songea-t-il. Ce qu’on doit sauver. »

Écrit comme un film à grand spectacle au budget illimité, ce roman est prenant car sans doute peu éloigné d’une possible réalité.

« Éruption » de Michael Crichton et James Patterson, Robert Laffont, 448 pages, 23 €

vendredi 8 novembre 2024

Thriller - Place à la terreur dans les bois avec Maria Grund

Sanna et Eir, policières sur une île suédoise, sont de nouveau sur la sellette. Un homme, nu, poignardé, est retrouvé dans une ferme en ruines au cœur des bois. 



L’image d’une Suède tranquille et prospère, où il fait bon vivre, est sérieusement écornée dans les romans policiers des écrivains du cru. Maria Grund, nouvelle venue dans le milieu, n’échappe pas à la règle. Son premier titre, La fille-renard, abordait de front le problème de la maltraitance des enfants et de la pédophilie.

Dans la suite, Le diable danse encore, la police locale doit faire face à une multitude de problèmes, dont, entre autres, celui des SDF squattant sur des radeaux qu’ils amarrent dans des zones désertes, de la montée des groupes violents d’extrême-droite et du trafic de drogue gangrenant la jeunesse.

On retrouve aussi les différents personnages du premier tome, notamment Sanna Berling et Eir Pedersen, policières. La première, marquée après un affrontement avec Jack, tueur en série terrifiant, tente de se reconstruire dans le poste de police d’un petit village. La seconde poursuit sa carrière à la criminelle et a même rencontré l’amour. Tout change quand Sana, en suivant dans les bois un groupe d’adolescentes rebelles en vélomoteur, tombe sur le cadavre d’un homme dans les ruines d’une ferme. Il est nu, poignardé, le corps recouvert d’ecchymoses. Le roman raconte avec brio toute l’enquête, les progressions, les fausses pistes, jusqu’à la scène finale. Mais l’essentiel est dans le développement de la vie et de la psychologie des deux héroïnes. Sanna craint le retour de Jack. Elle reçoit des appels anonymes et entend parfois du bruit dans son appartement.

Cela devient vite effrayant, même pour le lecteur : « Sanna s’immobilise, et les images des victimes de Jack lui reviennent en masse. Elles avaient toutes la poitrine tailladée à coups de couteau. Tout à coup elle sent un courant d’air lui caresser la nuque. Elle tourne rapidement la tête pour regarder par-dessus son épaule, mais il n’y a personne. C’est juste cette satanée impression d’être observée qui lui joue encore des tours. »

Sanna et Eir, deux femmes aux abois, malmenées par leur créatrice. Car la Suède, définitivement, n’est plus un pays où il fait bon vivre…


« Le diable danse encore », Maria Grund, Robert Laffont - La Bête noire, 456 pages, 22 €

lundi 14 octobre 2024

De la science-fiction - Les essaims


Si vous avez envie de découvrir la littérature de science-fiction mais que vous redoutez les pavés interminables, les titres de la collection « Le labo » de Robert Laffont sont parfaits.

Les essaims de Chloé Chevalier, raconte comment d’immenses vaisseaux, hébergeant une Reine chargée d’amener la vie sur des planètes mortes, sont pilotés par des jeunes femmes solitaires, dénuées de sentiment et qui n’ont pas la notion du temps. Tenyka va faire étape dans un système qui pratique la jachère de planète.

Trois globes habitables et tous les 51 ans, l’ensemble des humains change de lieu de vie. Cela permet de préserver toutes les ressources. Une idée qu’on devrait mettre en place au lieu de maltraiter la Terre.

« Les essaims » de Chloé Chevalier, Robert Laffont, 112 pages, 12 €

mercredi 25 septembre 2024

Thriller - « La meilleure écrivaine du monde », née dans un Ehpad

Comment transformer une intelligence artificielle en bonne romancière ?  Un geek a l’idée de la mettre en contact avec des pensionnaires d’un Ehpad. Attention, ça va saigner ! 

Tous les auteurs (les acteurs de la culture en général) sont tracassés par l’arrivée de nouvelles intelligences artificielles (IA) de plus en plus performantes. Certains paniquent, d’autres se renseignent et en tirent même des idées pour leurs nouvelles créations. Jonathan Werber par exemple, devenu romancier après une formation d’ingénieur, fait d’une IA le personnage principal de son nouveau roman, La meilleure écrivaine du monde

Programme informatique façonné par Thomas, Eve39 (car c’est la 39e version…) n’a qu’un but : écrire un polar qui permettra à Thomas de remporter un prix et d’en vendre des millions. Et, cerise sur le gâteau, impressionner la belle Barbara, psychiatre qui travaille dans le même Ehpad que lui. Eve39 doit donc pondre un polar avec « un meurtre hors du commun, un enquêteur sans égal et un assassin retors. » C’est selon Thomas « la formule du parfait polar ». 

Ce roman d’apprentissage dans tous les sens du terme explique au lecteur comment se construit une intelligence artificielle. Emmagasiner des livres ne suffit pas. Il faut vivre au plus près des humains pour les comprendre. Eve39 va donc se glisser dans des robots permettant aux vieillards impotents de se déplacer dans l’établissement. 

Elle va emprunter caméras et capteurs pour découvrir les mystères de la vie. De la mort aussi. Car elle s’aperçoit que cet Ehpad est loin d’être parfait. Que certains pensionnaires ont des secrets, que la direction aussi cache bien son jeu. Eve39, qui balbutie encore côté intrigue, va trouver une matière originelle et originale. 

Problème, cela devient risqué. Pour des pensionnaires mais aussi pour « l’héroïne », qui pourrait être effacée et remplacée par la version 40. Un texte qui il y a 10 ans serait de la pure science-fiction. Aujourd’hui, c’est parfaitement crédible.

« La meilleure écrivaine du monde », Jonathan Werber, Robert Laffont, 364 pages, 20 € 

mardi 20 août 2024

Polar historique - Secrets du Kenya


Déjà le 13e tome de la série de Rhys Bowen sur les aventures de Georgie, jeune Anglaise bombardée espionne pour la Reine dans l’entre-deux-guerres. Une héroïne aristocrate, pleine de bonnes manières, un peu déconnectée de la vraie vie mais charmante et astucieuse. En plus de ses aventures, la romancière, une Américaine, feuilletonne sur sa vie sentimentale.

Après bien des tergiversations Georgie a accepté de se marier avec Darcy. Le jeune couple est en pleine lune de miel. Et comme Darcy est lui aussi sollicité par les services secrets, il accepte de se rendre au Kenya avec Georgia. Officiellement c’est leur voyage de noces, officieusement Darcy est sur la piste d’un voleur de pierres précieuses et Georgie a pour mission d’empêcher le mariage du prince de Galles avec une Américaine séduisante, mais roturière et divorcée !

Sur cette trame policière classique, Rhys Bowen fait une présentation au vitriol du milieu des colons anglais installés au Kenya. Débauche, arrogance, racisme… Le spectacle est peu réjouissant et Georgia a toutes les difficultés pour ne pas prendre ses jambes à son cou. D’autant que les vastes propriétés sont régulièrement visitées par des éléphants, des léopards ou des fourmis mangeuses d’hommes.
« Amour et mort parmi les léopards », Robert Laffont, 360 pages, 14,90 €

lundi 1 juillet 2024

Un roman jeunesse : L’homme aux cerfs-volants

 

Nouvelle aventure un peu particulière du petit voleur d’ombres, personnage imaginé par Marc Levy et dessiné par Fred Bernard. Le petit garçon, à la demande des ombres, va devoir retrouver un souvenir. Celui qui l’a perdu est commerçant.

Dans cette station balnéaire où il passe ses vacances en compagnie de sa maman, le jeune garçon va aller à la rencontre de ce vendeur de cerfs-volants. Mais quel est ce souvenir ? Et à quoi ça ressemble ? Aidé de Cléa, sa nouvelle meilleure amie, sourde et muette, le petit héros va mener l’enquête.

Un petit roman plein de tendresse et d’émotion pour ceux qui savent encore s’émerveiller des petits bonheurs simples.

« L’homme aux cerfs-volants », Robert Laffont, 88 pages, 8,90 €

dimanche 19 novembre 2023

Un concept jeunesse - Le livre qui ne voulait pas être lu


Quand un concept fonctionne, pourquoi ne pas le réutiliser sur une nouvelle variation ? Interrogation légitime qui a poussé David Sundin, écrivain, comédien et présentateur de télévision suédois, à proposer une troisième suite à son Livre qui ne voulait pas être lu. Un adulte tente de lire une histoire à son enfant le soir avant de s’endormir. 

Mais le bouquin fait tout pour ne pas être lu. Lettres à l’envers, flou impétueux, poids excessif, inversion de lettres, décharges électriques : on rit de bon cœur aux tours pendables joués par ce terrible livre. L’enfant aussi, le parent un peu moins. 

Une histoire toute simple, où l’interprétation devra être au niveau des trouvailles du livre qui ne voulait pas être lu.

« Le livre qui ne voulait vraiment mais alors vraiment pas être lu », David Sundin, Robert Lafont, 15,90 €

vendredi 1 septembre 2023

Littérature - Romans de jeunesse


Critique littéraire, Louis-Henri de la Rochefoucauld sait combien il est compliqué de réussir dans le milieu de l’édition. 

Son roman Les petits farceurs  raconte le parcours de Paul, très doué mais pas suffisamment pour révolutionner la littérature française comme il l’espère dans sa jeunesse. Brillant élève, il met près de quatre ans à rédiger son premier roman. Une somme qui fait le tour de toute l’histoire littéraire française. 

Persuadé qu’il va obtenir le Goncourt, il déchante vite. Son livre se vendra à quelques centaines d’exemplaires et disparaîtra dans les limbes, comme 80 % des titres de la rentrée littéraire qui bat son plein. Paul, à moitié désespéré, va être contacté par un éditeur plus finaud. 

Ce dernier lui propose d’écrire le prochain best-seller… de son auteur vedette, un peu à cours d’inspiration. Il va donc faire carrière, mais dans l’ombre. Un parcours exemplaire, d’écrivain fantôme, raconté par son meilleur ami, journaliste mais qui lui n’a jamais osé franchir le pas de l’édition. 

Un roman qui relativise tous les succès de ces dernières années. Car à en croire l’auteur, ils sont nombreux en France, les Paul qui vivent de leur plume, mais complètement cachés.

« Les petits farceurs », Louis-Henri de la Rochefoucauld, Robert Laffont, 248 pages, 20 € 

mercredi 21 juin 2023

Thriller - Les derniers crimes du serial killer Urizen

Dernier titre de la trilogie du démon signée Mathieu Lecerf, « La mort dans l’âme » offre en final l’affrontement des frères de Almeida avec le serial killer Urizen.


Mieux vaut avoir le cœur bien accroché en plongeant dans ce polar de Mathieu Lecerf. Le troisième de sa saga ayant pour personnages principaux un flic et un journaliste, deux frères, Manuel de Almeida, capitaine à la criminelle de Paris et Cristian, journaliste spécialisé dans les faits divers. Deux visions différentes et parfois opposées de ce monde où la violence et la cruauté règnent en maîtres.

Dans les deux premiers romans, le lecteur s’est familiarisé avec les personnalités des deux hommes d’origine portugaise, très proches malgré leurs parcours différents. Ils se retrouvent une nouvelle fois sur le chemin d’un tueur en série qui sévit sur Paris. Baptisé Urizen par Cristian dans un de ses articles, le monstre ne s’attaque qu’à des femmes. Brunes et jeunes. Il les étrangle puis découpe les paupières et les tétons de ses victimes. Urizen est en réalité le nom d’un dieu qui « s’est laissé séduire par une soif immodérée de puissance et de pouvoir. Il s’est transformé en une figure satanique, déchue, un démon qui inventa la Colère ». Sa dernière victime est une jeune top model. Manuel va devoir tenter d’infiltrer un milieu où la drogue et la perversité sont monnaie courante. Il va au passage recevoir l’aide de son adjointe, Esperanza, en pleine dépression après l’assassinat de sa fille âgée de 10 ans.

L’auteur, dans un roman dense et parfois dur, pour terminer cette trilogie, va impliquer directement les deux frères dans le parcours d’Urizen. Ils ne le savent pas, mais ce monstre sévit depuis des années. Et sa première victime était très liée à la famille de Almeida. Si la scène finale est un peu courte, elle est cependant très judicieuse car elle permet de faire un parallèle avec la naissance de la « vocation » d’Urizen. Une trilogie achevée, mais espérons que les deux héros de ces trois polars reviendront pour une autre saison et de nouveaux démons à combattre.    

« La mort dans l’âme » de Mathieu Lecerf, Robert Laffont - La Bête noire, 19,90 €

samedi 29 avril 2023

Album jeunesse - "Ma maison et moi" d'Arthur Dreyfus et Elliot Royer chez Robert Laffont


Nos souvenirs d’enfance passent par plusieurs stades. Souvent, c’est le lieu où l’on a habité qui permet de retrouver ces délicieux moments de la jeunesse insouciante. C’est le thème de cet album écrit par Arthur Dreyfus et illustré par Elliot Royer. Le narrateur entretient un rapport très étroit avec sa maison en bois « en bordure de forêt ».

Il lui est même arrivé de lui donner à manger en cachette. La nuit elle le protège des monstres et le jour elle fait fuir les jeunes harceleurs de son école. C’est dans cette maison qu’il a pour la première fois pris la main de Camille, son amoureuse. Un texte comme un long poème avec de superbes dessins pour prolonger l’enchantement.

« Ma maison et moi » d’Arthur Dreyfus et Elliot Royer, Robert Laffont, 16 €

jeudi 23 mars 2023

Thriller - Deux îles, deux types d’angoisse

 Un duo de policières suédoises et un trio de françaises animent ces deux thrillers qui ont pour point commun de se dérouler en grande partie sur des îles lugubres.


Pour mettre en place un huis clos angoissant, rien de tel que des îles. Les romancières Maria Grund et Sonja Delzongle ont parfaitement maîtrisé ce fait en plantant l’intrigue de leurs derniers thrillers sur des bouts de terre isolés où personne ne vous entendra hurler de peur. La première est au large de la Suède, la seconde au milieu du lac Léman.L’autre point commun de ces deux romans, ce sont les failles psychologiques des différentes protagonistes. 


Le duo suédois est composé de Sanna et Eir. La première, en poste depuis toujours sur cette île où personne ne veut aller, vit depuis quelques mois dans un garage. Elle n’ose plus retourner dans sa maison depuis qu’un pyromane y a mis le feu. Dans les flammes, son mari et son fils ont trouvé la mort. Dépressive, elle se raccroche à son boulot. Et aux médicaments. Elle change de partenaire. L’habituel, qui veille sur elle, prend sa retraite. A la place c’est Eir qui va l’aider. Une ambitieuse. Un peu trop sanguine. Sa mutation est une sanction, elle qui avait intégré le service le plus côté de la police suédoise à la capitale. Ensemble, elles vont apprendre à se connaître, s’apprécier et se lancer dans une enquête qui débute par la découverte d’une adolescente dans un lac. Elle se serait suicidée, avec le masque d’un renard sur le visage.

Une mort rapidement éclipsée par d’autres cadavres. Un tueur semble vouloir faire le ménage dans un groupe qui a pour point commun d’être très croyant et qui a animé un camp pour des enfants il y a sept ans. La fille renard, premier roman de Maria Grund, est dense et violent. Malgré les errances de Sanna et l’impatience d’Eir, on suit la lente progression de l’enquête jusqu’à la conclusion finale, très sombre comme souvent dans les polars nordiques.


Tout aussi sombre le nouveau roman de Sonja Delzongle, Thanatea. Thanatea c’est le nom de cette petite île nichée au centre du lac Léman. Une société l’a transformée en temple de la mort. Un endroit pour dire adieu à ses proches, dans le luxe et la discrétion. C’est là qu’Esther va entamer la seconde partie de sa vie professionnelle. Cette policière lyonnaise, traumatisée après la mort de sa petite fille d’un cancer, devient préposée au café dans ce bunker angoissant. On suit son adaptation en parallèle au quotidien de ses deux meilleures amies, toujours flics, Layla et Hélène. Le roman débute par des obsèques. De l’une des trois. Laquelle ?

Après quantité de rebondissements, le lecteur ne l’apprend que dans les dernières pages, après avoir découvert les pratiques étranges de ces nouvelles entreprises de pompes funèbres. Un roman qui fait la part belle aux errements des trois héroïnes. Esther, toujours dépressive, Layla, mère courage qui affronte le mari de sa fille, de venu violent et Hélène, abandonnée par son compagnon pour une plus jeune.

Ces deux romans, dans des styles différents, s’articulent autour d’amitiés fortes, d’histoires de famille compliquées et de décors parfaitement adaptés aux deux intrigues principales.

« La fille renard » de Maria Grund, Robert Laffont, 21,90 €

« Thanatéa » de Sonja Delzongle, Fleuve Noir, 20,90 €

vendredi 13 janvier 2023

Thriller - Les dérives des réseaux sociaux décortiqués dans "S'adapter ou mourir" d'Antoine Renand

2011. Ambre discute sur MSN. Avec un inconnu, qui devient son confident virtuel. Elle a 17 ans, lui 25.
En conflit avec sa mère, elle décide de prendre le large avec son petit ami, Adrien. Direction la méditerranée. Avec une étape chez son pote internet, Baptiste, à Valence.
Arthur, la quarantaine, passionné de cinéma, a réalisé deux films. Deux flops, pour cause de dates de sortie "inappropriées".
Inapproprié, voilà bien le terme qu'Arthur apprend à se ficher dans le crâne dans les années qui suivent. Sa femme le somme de quitter leur appartement et son fils, il accepte un boulot de modérateur sur "Lifebook".
Ambre et Adrien, chez son pote Baptiste, vivent une soirée sublime. Le réveil l'est moins.

La maison bleue, une colocation dans laquelle a atterri Arthur, bientôt surnommé Bloomer par ses potes bien plus jeunes, "modos" comme lui, connaît de folles soirées. Alcool et weed, on en redemande.
Il le faut bien pour supporter cet infâme boulot de modérateur. Ils y côtoient le plus sombre de l'esprit humain. Les vidéos les plus gore.
Un roman où on découvre les dessous les plus retors de "Lifebook". Où l'on comprend pas mal de choses sur les signalements. Où l'on est horrifié par cette pieuvre gigantesque, bien pire que toutes les déviances humaines, qu'est ce réseau social.
Je suis sortie scotchée, presqu'assommée par ce roman.

Fabienne Huart

"S'adapter ou mourir", Antoine Renand, Robert Laffont La Bête Noire, 21 € et Pocket pour la version poche, 9,50 €

mercredi 28 décembre 2022

Roman - Elie Semoun raconte ses amours tragicomiques

Pour son premier roman, Elie Semoun s’inspire en grande partie de sa propre vie. Pas une autobiographie (il a déjà donné), mais de sa dernière passion amoureuse. Dans ce texte, sorte de long poème à la première personne, il raconte de façon chronologique et très talentueuse, les différentes étapes de cette période durant laquelle il espérait « Compter jusqu’à toi ». Tout commence au travail. Pour Elie Semoun au théâtre donc. Il donne une représentation de son dernier spectacle et immédiatement, il remarque une jeune femme dans le public. Un coup de foudre improbable.  Dans les premières pages du roman il énumère toutes les circonstances heureuses qui vont transformer la soirée en bonheur durant quelques années : « Et si mon regard ne s’était pas alors, ensuite, posé sur toi ? Et si ta beauté n’avait pas accroché mon œil comme un ballon d’enfant au bout de sa ficelle ? » Sans s’épargner, il va aussi raconter comment la passion va lentement mais sûrement s’atténuer, l’amour s’éloigner, les joies des retrouvailles (sa fiancée vit à l’étranger et ne le rejoint qu’épisodiquement à Paris) s’estomper. On est loin des vannes qui font rire. Mais les comiques ont souvent des amours tristes. 

Venu récemment dans la région rencontrer ses admirateurs aux clap ciné de Canet et de Leucate, Elie Semoun est revenu sur l’écriture de ce roman et ses passions littéraires. « Je préfère parler de récit que de roman, ça prend la forme d’un journal intime car c’est mon histoire que je raconte au fond. Je l’ai écrit un peu comme une série. Je ne dis pas que ce sont des chapitres mais des épisodes. J’ai voulu écrire le plus simple, reprenant des phrases que j’avais dans la tête depuis pas mal de temps.  C’est mon histoire, mais je l’ai un peu fictionnée, je n’ai pas tout mis.  Je suis un grand lecteur et pendant l’écriture de mon roman j’ai été influencé par l’écriture de Sagan, Colette, Annie Ernaux parfois, une écriture très claire, très limpide, un mélange de quotidien et de poésie. »

Dans ce texte, on sent un homme qui plus peur du désamour que de l’amour : « J’ai été traumatisé par la perte de ma mère quand j’avais 11 ans. L’abandon, la perte de quelqu’un qu’on aime guide un peu mes histoires. J’ai besoin assez souvent d’être rassuré. » De cette expérience amoureuse, il a fait un livre dans lequel beaucoup de ses lecteurs se reconnaissent. « comme quand tu attends des textos et tu es tout seul chez toi alors que ta copine va faire la fête, tu es en même temps rongé par une sorte de jalousie et une inquiétude et ça c’est quelque chose qu’on a tous vécu. » Et s’il reconnaît qu’il « ne s’est pas donné le beau rôle », Elie Semoun souligne surtout que « cette histoire est le mélange des amours que j’ai vécus. » Et comme dans la chanson, les histoires d’amours des comiques finissent mal, en général.  

« Compter jusqu’à toi » d’Elie Semoun, Robert Laffont, 19 €


mardi 27 décembre 2022

Polar - Nouvelle oubliée

Enquête policière et littéraire que ce roman d’Adrienne Weick, lauréat du grand prix des enquêteurs 2022. La septième diabolique est la façon de désigner une nouvelle inédite de Barbey d’Aureville, écrivain normand. Il a publié en 1874 un recueil de six nouvelles titré Les Diaboliques. Or il existerait une septième histoire, dite de la femme recluse. Mais ce texte n’a jamais été retrouvé. Légende ou réalité ? 

C’est à cette question que vont tenter de répondre les personnages de ce roman policier érudit. Le plus impliqué est un romancier français. Anatole, fin connaisseur de l’œuvre de Barbey d’Aureville, il se retrouve en convalescence à Valognes, petite ville où l’écrivain aimait se réfugier. Aidé d’un étudiant, Aurélien, il va découvrir des indices sur l’existence de ce texte et des raisons de sa disparition ? Une affaire qui deviendra familiale avec l’arrivée dans le jeu d’Anne, bourgeoise normande. 

Ce récit, enquête dans le passé, conduit le lecteur dans les méandres de la bonne société de province, actuelle et passée, sur les barricades de la Commune et les censures du XIXe siècle. Une belle découverte qui donne une furieuse envie de lire les six Diaboliques. La 7e, elle est imaginée par Adrienne Weick dans ce présent roman.

« La septième Diabolique » d’Adrienne Weick, Robert Laffont, 17 €

jeudi 2 juin 2022

Un polar, deux intrigues dans « Au royaume des cris » de Mathieu Lecerf

Depuis son premier roman policier La part du démon paru en 2021 (disponible en poche chez Pocket), Mathieu Lecerf est régulièrement présenté comme une des valeurs montantes du polar français. Une écriture vive et directe, des intrigues originales, du réalisme : il a tout pour passionner les amateurs de ce genre de littérature. Avec le petit plus qui lui permet de se distinguer : ses héros sont particulièrement humains. Pas de flic à l’épreuve de toutes les situations dans le second roman, Au royaume des cris. Au contraire les deux policiers qui sont au centre de l’intrigue se révèlent de plus en plus fragiles. Manuel de Almeida, Manny pour les collègues, le plus âgé, d’origine portugaise, vient d’être papa pour la seconde fois mais rentre surtout d’une longue convalescence. Régulièrement, du bout des doigts, il touche la boursouflure formée par la cicatrice qu’il a à la tête.

La mort, il l’a frôlée. Sa coéquipière, Esperanza, d’origine espagnole elle, est encore plus mal en point. Cela fait sept mois que sa fillette de dix ans a été enlevée. Elle s’est mise en congé sans solde pour tenter de retrouver la fillette. Mais la jeune policière est désespérée car sans piste. Elle dépérit et croit devenir folle dans son studio : « Et subitement, Esperanza se mit à hurler, elle lâcha un cri puissant et déchirant ; si intense qu’elle s’accroupit en s’époumonant, avant de se laisser tomber sur le sol au moment où la plainte s’éteignait. » Finalement, elle reprendra le boulot, tout comme Manny, comme pour préserver ses dernières strates de santé mentale.

En plus de l’évolution de la vie des deux policiers, Mathieu Lecerf greffe une intrigue extérieure qui donne son originalité du roman. Au petit matin, un sniper caché sur le toit d’un immeuble de la rue de Rivoli à Paris fait un carnage dans le Jardin des Tuileries.

Six personnes sont abattues en quelques minutes. Clément Choisy est chargé de l’enquête. Le frère de Manny, Cristian, journaliste, y voit matière à un nouveau livre d’investigation. Tout le monde pense à un attentat terroriste (l’État islamique a revendiqué), mais le journaliste est persuadé qu’il y a une autre raison cachée à ce massacre. Car dans les six personnes assassinées, s’il y a une retraitée, un restaurateur chinois, une mère de famille et son fils et une employée de banque, il y a surtout un riche patron. Cristian va tenter d’en savoir un peu plus sur ce magnat de la presse et l’industrie pharmaceutique en interrogeant son épouse, une célèbre comédienne, à peine veuve et qui va craquer pour le beau reporter.

Une intrigue suivie par le lecteur en parallèle avec la recherche des ravisseurs de la fille d’Esperanza. Un rapt dont la scène finale se déroule à… Collioure.

« Au royaume des cris » de Mathieu Lecerf, Robert Laffont, 19 €