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jeudi 23 mars 2023

Thriller - Deux îles, deux types d’angoisse

 Un duo de policières suédoises et un trio de françaises animent ces deux thrillers qui ont pour point commun de se dérouler en grande partie sur des îles lugubres.


Pour mettre en place un huis clos angoissant, rien de tel que des îles. Les romancières Maria Grund et Sonja Delzongle ont parfaitement maîtrisé ce fait en plantant l’intrigue de leurs derniers thrillers sur des bouts de terre isolés où personne ne vous entendra hurler de peur. La première est au large de la Suède, la seconde au milieu du lac Léman.L’autre point commun de ces deux romans, ce sont les failles psychologiques des différentes protagonistes. 


Le duo suédois est composé de Sanna et Eir. La première, en poste depuis toujours sur cette île où personne ne veut aller, vit depuis quelques mois dans un garage. Elle n’ose plus retourner dans sa maison depuis qu’un pyromane y a mis le feu. Dans les flammes, son mari et son fils ont trouvé la mort. Dépressive, elle se raccroche à son boulot. Et aux médicaments. Elle change de partenaire. L’habituel, qui veille sur elle, prend sa retraite. A la place c’est Eir qui va l’aider. Une ambitieuse. Un peu trop sanguine. Sa mutation est une sanction, elle qui avait intégré le service le plus côté de la police suédoise à la capitale. Ensemble, elles vont apprendre à se connaître, s’apprécier et se lancer dans une enquête qui débute par la découverte d’une adolescente dans un lac. Elle se serait suicidée, avec le masque d’un renard sur le visage.

Une mort rapidement éclipsée par d’autres cadavres. Un tueur semble vouloir faire le ménage dans un groupe qui a pour point commun d’être très croyant et qui a animé un camp pour des enfants il y a sept ans. La fille renard, premier roman de Maria Grund, est dense et violent. Malgré les errances de Sanna et l’impatience d’Eir, on suit la lente progression de l’enquête jusqu’à la conclusion finale, très sombre comme souvent dans les polars nordiques.


Tout aussi sombre le nouveau roman de Sonja Delzongle, Thanatea. Thanatea c’est le nom de cette petite île nichée au centre du lac Léman. Une société l’a transformée en temple de la mort. Un endroit pour dire adieu à ses proches, dans le luxe et la discrétion. C’est là qu’Esther va entamer la seconde partie de sa vie professionnelle. Cette policière lyonnaise, traumatisée après la mort de sa petite fille d’un cancer, devient préposée au café dans ce bunker angoissant. On suit son adaptation en parallèle au quotidien de ses deux meilleures amies, toujours flics, Layla et Hélène. Le roman débute par des obsèques. De l’une des trois. Laquelle ?

Après quantité de rebondissements, le lecteur ne l’apprend que dans les dernières pages, après avoir découvert les pratiques étranges de ces nouvelles entreprises de pompes funèbres. Un roman qui fait la part belle aux errements des trois héroïnes. Esther, toujours dépressive, Layla, mère courage qui affronte le mari de sa fille, de venu violent et Hélène, abandonnée par son compagnon pour une plus jeune.

Ces deux romans, dans des styles différents, s’articulent autour d’amitiés fortes, d’histoires de famille compliquées et de décors parfaitement adaptés aux deux intrigues principales.

« La fille renard » de Maria Grund, Robert Laffont, 21,90 €

« Thanatéa » de Sonja Delzongle, Fleuve Noir, 20,90 €

lundi 24 janvier 2022

De choses et d’autres - De l’avantage de devenir une femme en Suisse

 


Les questions de genre n’ont pas terminé de faire débat. Pour de bonnes et mauvaises raisons. En Suisse, le législateur a décidé de simplifier au maximum le changement de sexe au niveau de l’administration.

 

Depuis le 1er janvier dernier, il n’en coûte plus que 75 francs pour modifier sexe et prénom sur ses papiers d’identité helvètes. En plus d’un bref entretien pour s’assurer que vous êtes bien sûr de votre décision. Voilà comment un habitant de Lucerne, âgé d’un peu plus de 60 ans, a décidé de devenir une femme. Après avoir réglé ses 75 francs et répondu à quelques questions d’un employé communal, il est ressorti en tant que femme.

Mais ce revirement n’avait rien à voir avec un quelconque mal-être dans son statut d’homme. En réalité, le petit filou (ou la petite…) a fait cette démarche à quelques années de sa retraite. Visiblement bavard, il a expliqué à ses proches que ce changement de sexe n’est justifié que par l’appât du gain.

Car en Suisse, les femmes peuvent profiter d’une retraite complète à 63 ans, soit une année avant les hommes. Il gagne ainsi 12 mois de farniente pour la modique somme de 75 francs, soit un peu moins de 73 euros.

Espérons que cette entourloupe ne donne pas des idées à d’autres vieux messieurs proches de la fin de leurs activités professionnelles. La Suisse se retrouverait d’un coup d’un seul avec beaucoup plus de femmes que d’hommes.

Chronique parue en dernière page de l’Indépendant le lundi 24 janvier 2022

dimanche 14 octobre 2018

Livre - Anarchie, nom féminin

Si aujourd’hui l’anarchie est considérée comme une dérive politique dangereuse, essentiellement liée historiquement à des actions violentes, à l’origine cette façon de penser et de vivre en communauté était pacifique et séduisante.

Daniel de Roulet, écrivain suisse, a retrouvé dans les archives des traces de cette utopie si belle. Il raconte dans ce roman la vie de « Dix petites anarchistes ». Elles viennent toutes de Saint-Imier, petit bourg helvète où les habitants vivotent entre élevage et travail dans l’horlogerie de précision. Les mouvements ouvriers ont le vent en poupe. Avant que Marx n’impose sa vision du collectivisme anticapitaliste, d’autres prônent une autre voie : l’anarchisme. Les bourgeois et leur autorité, dans leur envie de maintenir leur pouvoir, ne font pas la différence et répriment sévèrement les deux camps.

Traversée avec Louise Michel  
Au point que dix jeunes femmes du village envisagent de créer une communauté anarchiste aux antipodes : en Patagonie. Du rêve à la réalité, ce sont ces aléas de la vie qui forment l’essentiel du roman battit comme le témoignage de la dernière survivante. Les deux premières petites anarchistes, parties en exploratrices, seront assassinées dans la ville chilienne de Talcahueno.

Cela ne décourage pas leurs amies qui prennent le bateau en France pour Punta Arenas. Le même qui conduit les condamnés communards dont Louise Michel, vers le bagne de Nouvelle-Calédonie. Elles partent à huit (avec une ribambelle d’enfants) mais n’arrivent qu’à sept, Émilie meurt en couches en pleine traversée. Durant dix ans elles vont survivre dans des conditions climatiques effroyables. Mais elles mettent leur projet en partie à exécution et gagnent suffisamment d’argent pour se lancer dans une seconde migration.

Elles comptent rejoindre l’île de Robinson Crusoé dans le Pacifique où s’épanouit une communauté anarchiste appelée « l’expérience ». C’est la partie la plus heureuse de ces vies même si ce n’est pas la plus importante du récit. «Difficile de raconter notre vie sur l’île : le bonheur se passe d’un récit, les anecdotes s’estompent ou deviennent ridicules quand le temps s’est écoulé ».

La fin du périple se passe en Argentine au début du XXe siècle. Les jeunes anarchistes, devenues vieilles militantes, croient toujours à leur rêve. Même si depuis les actions pacifiques de Saint-Imier, les faits ont donné raison aux tenants de la manière forte. Un témoignage important, prouvant que l’envie de liberté des femmes ne date pas de ces dernières décennies, bien au contraire. 

➤ «Dix petites anarchistes» de Daniel de Roulet, Buchet-Chastel, 14 €

mardi 25 septembre 2018

De choses et d'autres - Aux urnes citoyens helvétiques

En Suisse, le vote s’apparente presque à une activité hebdomadaire. Dimanche dernier par exemple, plusieurs sujets étaient proposés aux citoyens helvétiques. Avec parfois des particularismes par canton. On a beaucoup parlé de la dé-cision de celui de Saint-Gall d’interdire la burqa. La question sera mise aux voix au niveau national l’an prochain.

Néanmoins la véritable révolution de ce dimanche soulève beaucoup moins de polémique. La réforme proposée a été adoptée à plus de 73%. Il s’agissait purement et simplement d’inscrire la pratique du vélo dans la Constitution. En clair, les pistes cyclables seront encouragées (et donc financées) par le gouvernement fédéral sur le même principe que les chemins pédestres. Un véritable plébiscite en faveur de la petite reine.

Pourtant, contrairement aux Pays-Bas, pédaler en Suisse implique une condition physique parfaite. Passer d’une vallée à l’autre nécessite des mollets en béton. Des pistes skiables, je comprendrais, mais des pistes cyclables, je me demande encore ce qui leur est passé par la tête.

Écologistes les Suisses ? Oui, mais pas trop. Car dans le même temps, deux autres projets pourtant louables pour la santé et la culture des citoyens ont été rejetés. Il y était question d’imposer la souveraineté alimentaire et de favoriser les aliments équitables. Que les Suisses se rassurent, ils conserveront le droit de manger des hamburgers de mauvaise qualité avec du succédané de fromage sous film plastique, alors qu’ils disposent de vaches et de fromages d’exception.

Les Zurichois ont également voté massivement contre les subventions aux producteurs de cinéma. De crainte sans doute que Depardieu se lasse de la Corée du Nord et décide de s’offrir une cure de jouvence en gravissant les alpages. À vélo.

Chronique parue en dernière page de l'Indépendant le mardi 25 septembre 2018

samedi 8 juillet 2017

Bd : Stéphane Clément et l’art vivant



Daniel Ceppi, après des années de silence éditorial, a repris sa plume et lancé une série policière suisse. Pour cet album grand format, il a la bonne idée de ressusciter son personnage emblématique de Stéphane Clément. Le voyageur baroudeur s’est posé en Irlande avec sa compagne Cynthia. Mais lors d’un séjour à Genève, il se trouve mêlé à une série de crimes mystérieux. Le tueur semble mener une vengeance et transforme ses victimes en représentations de chair et de sang de peintures célèbres. D’où le titre de l’album, Lady of Shalott, toile de John William Waterhouse. Une intrigue pleine de références et de rebondissements pour un auteur qui n’a rien perdu de son talent.
➤ « Lady of Shalott », Le Lombard, 14,99 €

dimanche 28 décembre 2008

BD - Nom de code : Mata-Hari

Les délinquants, en Suisse, n'ont pas la même envergure que dans nos banlieues. Quand ils décident de se lancer dans une magouille financière, l'unité est le million d'euros. Pour contrer ces voyous en col blanc, la brigade des enquêtes réservées a de très larges possibilités. 

Dans cette troisième enquête imaginée par Daniel Ceppi, c'est Zoé Zemp qui est la première sur le coup. Elle est contactée par un banquier qui s'inquiète d'une récente demande d'un ministre d'Azerbaïdjan : faire transiter par son compte bancaire la coquette somme de 49 millions d'euros. 

Un pactole accumulé par le ministre depuis quelques années en détournant une partie de la vente du pétrole du jeune pays issu de l'ancienne union soviétique. Va débuter un jeu du chat et de la souris, chacun se méfiant de l'autre, la victime pouvant se révéler aussi vicieuse que son bourreau. La démonstration technique des malversations est d'autant plus simple que c'est la très belle Zoé qui s'en charge.

« CH Confidentiel » (tome 3), Le Lombard, 10,40 euros 

dimanche 7 octobre 2007

BD - Experts helvètes


La nouvelle série de Ceppi c'est un peu « Les experts à Genève ». La brigade des enquêtes réservées (BER) entre en action quand le délit semble dépasser les frontières de la confédération. Par exemple, quand le personnel d'un hôtel de luxe découvre dans une chambre une prostituée tuée par balle et son client, à côté, visiblement suicidé. Mais la mise en scène est sommaire, d'autant qu'une cliente révèle qu'elle a fait entrer dans l'hôtel, quelques minutes avant le crime, un homme suspect. Une affaire relevant d'autant plus de la BER que les deux morts sont Italiens. 

Une rapide enquête conduit les policiers vers le siège d'un parti d'opposition à un pays africain. La prostituée était chargée d'empoisonner le leader politique, l'Italien se révèle être un agent américain... Cela se complique sérieusement quand un ordre venu de très haut demander de lever le pied sur l'enquête. Avec, cerise sur le gâteau, un trafic d'armes. 

Les policiers imaginés par Ceppi sont très réalistes. Sérieux mais désabusés, ils savent que la plupart du temps, leur enquête butera sur la raison d'Etat. Une certaine vision du monde, certainement très proche de la réalité.

("CH Confidentiel", Le Lombard, 9,80 €) 

jeudi 15 juin 2006

BD - La Suisse inconnue


Daniel Ceppi, 55 ans, est une valeur sûre de la BD suisse. Son héros, Stéphane, bourlingue depuis des années en Asie. Cet auteur exigeant, et donc rare, aurait pu se contenter de ce filon. Mais c’est mal connaître Ceppi qui vient de changer d’éditeur et de se lancer dans une nouvelle série, beaucoup plus dans l’air du temps, "CH Confidentiel". La brigade des enquêtes réservées est un peu l’élite de la police suisse. Petite structure placée sous la responsabilité de Louis Noverraz, un politicien assez cynique, les trois principaux membres de ce groupe sont Zoé Zemp, Etan Loeffel et Mathéus Rime. Un trio sachant utiliser tout l’arsenal informatique pour résoudre ses enquêtes, sans négliger le travail sur le terrain. 
Dans ce premier tome, ils vont être plongés dans une affaire de trafic d’armes lourdes, prenant sa source en Italie et devant finir par un attentat retentissant contre un des symboles de la diplomatie helvète. Narration très hachée, multitude de personnages : d’un premier abord assez austère, cet album se révèle au fil des pages passionnant et bénéficiant d’une intrigue très soignée. (Le Lombard, 9,80 €)