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samedi 6 mai 2023

Un essai - Le parti de l’anarchie

Le parti communiste a eu son manifeste, pourquoi pas le parti anarchiste ? Cette interrogation est à la base de la rédaction de ce petit livre édifiant signé Léo Scheer. L’éditeur explique immédiatement qu’il n’y a pas de parti anarchiste. Car « l’anarchisme, c’est d’abord une chose vécue par un individu depuis l’intériorité de sa propre histoire. » 

Léo Scheer a compris l’anarchisme en 1968. Tout en explorant le prisme politique, il retrace dans ce texte les grandes étapes de la vie de sa famille et de ses engagements multiples et variés. 

Ce n’est le manifeste d’un parti mais le parcours de vie d’un homme dans son siècle.

« Le manifeste du parti anarchiste » de Léo Scheer, éditions Léo Scheer, 17 €

lundi 24 avril 2023

BD – Mario Marret et Albert Algoud : deux existences bien remplies

Média très efficace, la bande dessinée peut également servir à raconter la vie de personnages d’exception. Deux exemples avec Mario Marret, militant de gauche qui a marqué le XXe siècle, de la Résistance à l’exploration du Pôle Sud ou Albert Algoud, connu pour ses émissions sur Canal+ mais qui a débuté comme professeur en Haute-Savoie.


De Mario Marret, chacun conserve le souvenir qu’il désire. Car ce militant de gauche a traversé le XXe siècle en multipliant les vies. Quatre exactement si l’on en croit cette grosse biographie écrite par Nina Almberg et dessinée par Laure Guillebon. Ouvrier anarchiste, il a commencé sa carrière de militant en se dirigeant vers l’Espagne au moment de la Guerre d’Espagne. Mais il n’a pas le temps de franchir la frontière, se contente d’aller aider les milliers de réfugiés parqués sur la plage d’Argelès après la Retirada.


Rapidement, ses connaissances en radio lui permettent de se rendre utile au sein de la Résistance. Repéré, il devient un espion… pour les USA. D’Algérie puis dans la région de Lyon, il va participer activement à la Libération de la France. C’est ce statut de spécialiste radio qui lui donne l’occasion de rebondir dans les années 50. Il va participer à des expéditions au Groenland puis en Antarctique sur la base française de Terre Adélie.

C’est dans le froid qu’il change à nouveau de métier : cinéaste. Il filme cette vie extrême et ses deux premiers films documentaires remportent des prix à Venise. Il va poursuivre dans cette veine, témoignant des grèves en France ou des guerres d’indépendance en Afrique. Enfin sur la fin de sa vie, il deviendra un psychanalyste renommé. Pourtant, cette BD très politique montre combien Mario Marret est de nos jours complètement oublié. Un album qui va réparer cette regrettable erreur.

Le prof devenu comique 


Albert Algoud lui est toujours connu. L’amuseur public, plume de nombreux comiques, animateur sur Canal+ et diverses radios, continue à écrire. Son dernier sujet ? Lui, tout simplement. Il signe le scénario de cette BD racontant ses débuts dans la vie active, quand il a révolutionné l’enseignement dans un collège de Haute-Savoie. L’homme qui a sauvé sa vie est dessiné par une amie, Florence Cestac qui s’était déjà essayée au genre avec la vie de Charlie Schlingo. Sans compter les titres où elle raconte en détail sa jeunesse ou la création de Futuropolis.


À la fin des années 70, Albert Algoud débarque au collège de Roc-les-Forges avec l’envie de faire le maximum pour ses élèves. Ce fan de littérature populaire et de Tintin va vite comprendre que pour capter l’attention d’une trentaine d’ados, mieux vaut sortir des sentiers battus. Séance cinéma, sorties, constructions, expériences : il multiplie les initiatives.

Trois années de bonheur total mais qui deviennent répétitives. Et puis arrivent les années 80, la libération des ondes et ses premières armes à la radio. Repéré pour son humour dévastateur, il va durant quelques mois mener de front les deux carrières. Mais entre l’Éducation nationale et la célébrité à la télévision, Albert Algoud va choisir les paillettes face à l’abnégation. Même si en lisant ces pages, on a la bizarre impression qu’il regrette un peu. Ou du moins qu’il a été aussi heureux, voire plus, dans sa classe que sur les plateaux de télévision.

«Quatre vies de Mario Marret», Steinkis, 24 €
«Le prof qui a sauvé sa vie», Dargaud, 15 €

dimanche 14 octobre 2018

Livre - Anarchie, nom féminin

Si aujourd’hui l’anarchie est considérée comme une dérive politique dangereuse, essentiellement liée historiquement à des actions violentes, à l’origine cette façon de penser et de vivre en communauté était pacifique et séduisante.

Daniel de Roulet, écrivain suisse, a retrouvé dans les archives des traces de cette utopie si belle. Il raconte dans ce roman la vie de « Dix petites anarchistes ». Elles viennent toutes de Saint-Imier, petit bourg helvète où les habitants vivotent entre élevage et travail dans l’horlogerie de précision. Les mouvements ouvriers ont le vent en poupe. Avant que Marx n’impose sa vision du collectivisme anticapitaliste, d’autres prônent une autre voie : l’anarchisme. Les bourgeois et leur autorité, dans leur envie de maintenir leur pouvoir, ne font pas la différence et répriment sévèrement les deux camps.

Traversée avec Louise Michel  
Au point que dix jeunes femmes du village envisagent de créer une communauté anarchiste aux antipodes : en Patagonie. Du rêve à la réalité, ce sont ces aléas de la vie qui forment l’essentiel du roman battit comme le témoignage de la dernière survivante. Les deux premières petites anarchistes, parties en exploratrices, seront assassinées dans la ville chilienne de Talcahueno.

Cela ne décourage pas leurs amies qui prennent le bateau en France pour Punta Arenas. Le même qui conduit les condamnés communards dont Louise Michel, vers le bagne de Nouvelle-Calédonie. Elles partent à huit (avec une ribambelle d’enfants) mais n’arrivent qu’à sept, Émilie meurt en couches en pleine traversée. Durant dix ans elles vont survivre dans des conditions climatiques effroyables. Mais elles mettent leur projet en partie à exécution et gagnent suffisamment d’argent pour se lancer dans une seconde migration.

Elles comptent rejoindre l’île de Robinson Crusoé dans le Pacifique où s’épanouit une communauté anarchiste appelée « l’expérience ». C’est la partie la plus heureuse de ces vies même si ce n’est pas la plus importante du récit. «Difficile de raconter notre vie sur l’île : le bonheur se passe d’un récit, les anecdotes s’estompent ou deviennent ridicules quand le temps s’est écoulé ».

La fin du périple se passe en Argentine au début du XXe siècle. Les jeunes anarchistes, devenues vieilles militantes, croient toujours à leur rêve. Même si depuis les actions pacifiques de Saint-Imier, les faits ont donné raison aux tenants de la manière forte. Un témoignage important, prouvant que l’envie de liberté des femmes ne date pas de ces dernières décennies, bien au contraire. 

➤ «Dix petites anarchistes» de Daniel de Roulet, Buchet-Chastel, 14 €