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jeudi 4 septembre 2025

Autobiographie - L'étonnante romance de Lydie Salvayre

En racontant son quotidien avec beaucoup d'humour, Lydie Salvayre parle aussi de ses parents, avec amour.

Il ne faut pas demander conseil à sa voisine quand on entreprend un travail d'écriture très personnel. Lydie Salvayre le constate dans les premières pages de cet « Autoportrait à l'encre noire », livre de commande dans lequel elle s'engage à satisfaire la curiosité de ses lecteurs. La romancière, prix Goncourt en 2014 avec « Pas pleurer » est devenue amie avec Albane, sa voisine de palier. Albane adore la lecture. Son genre préféré : la romance. Plus que préféré, exclusif. Donc quand Lydie Salvayre lui explique qu'elle est un peu bloquée dans la rédaction de son autoportrait, Albane, enthousiaste, lui conseille d'appliquer à ce texte les codes éprouvés de ces récits d'amour, toujours positifs, si beaux, si réconfortants... Si mièvres et mal écrits du point de vue de l'écrivain. Mais pourquoi pas ?

Sur la plage d'Argelès...

Véritable exercice de style, introspection comique mais aussi profonde, ce texte, si différent des autres signés Lydie Salvayre, oscille toujours entre farce assumée et révélations intimes douloureuses. Et avant d'oser évoquer son propre cas, elle se penche sur l'idylle entre ses parents. Drôle de romance. Notamment à cause du cadre. Andrés et Montserrat, tous les deux espagnols se sont rencontré en 1939 dans un « cadre de rêve : le camp de concentration d'Argelès-sur-Mer où ma mère vient d'arriver rompue de fatigue et blanche de la poussière des routes après des jours et des jours de marche sous les bombes pour atteindre la frontière française. » Lydia naîtra en 1946, dans cette famille pauvre, marquée par la Retirada. Elle deviendra Lydie et prendra vite le nom, français, de son premier mari, comme pour se défaire de cette peau de réfugiés espagnols, ce cette famille de miséreux. Et entre les interventions désopilantes d'Albane, toujours persuadée que seul l'amour, le vrai, l'unique, l'exceptionnel, est intéressant, elle raconte la vie entre une mère qu'elle adore et un père redouté. Le père deviendra d'ailleurs « le grand méchant », étape incontournable de toute romance digne de ce nom. Car pour connaître une fin heureuse, une histoire doit être contrariée par un personnage hostile.

Ce père détesté, elle va le raconter en explorant ses souvenirs, relativiser et finalement comprendre pourquoi il a tout le temps été si dur pour sa femme et ses filles. Comme si en faisant ce travail d'écriture, des années après sa disparition, Lydie Salvayre parvenait enfin à nouer un vrai dialogue avec cette figure intimidante, implacable, terrifiante. On retrouve alors la profondeur des romans de cette grande signature des Lettres françaises. Tout en souriant aux saillies d'Albane et aux répliques acerbes et pleines de mauvaise foi assumée de sa voisine, contrariée de ne pas réussir à boucler cet autoportrait comme une véritable romance.

« Autoportrait à l'encre noire », Lydie Salvayre, Robert Laffont, 224 pages, 20 €

jeudi 17 avril 2025

Biographie – Olympe de Gouges, visionnaire


Longtemps oubliée par les historiens, Olympe de Gouges est revenue sur le devant de la Révolution française ces dernières années quand un certain féminisme a de plus en plus eu l'occasion de se faire entendre. Cette année, la révolutionnaire, première à revendiquer l'égalité entre hommes et femmes, était doublement dans l'actualité. D'abord grâce au film de Julie Gayet, tourné en Occitanie et diffusé sur France Télévisions. 

Ensuite par cette biographie signée Florence Lotterie et Elise Pavy-Guilbert, deux historiennes qui ont tenté de raconter le combat et la vie (brève) de cette Montalbanaise devenue célèbre à Paris. On apprend notamment qu'Olympe ne se battait pas que pour les femmes. Elle était aussi du côté de tous les exclus, en raison de leur précarité ou de leur couleur. Elle tenait salon et placardait des journaux dans les rues de la capitale. 

Rapidement elle s'est retrouvée enfermée, victime des purges. Une fin de vie entre quatre murs, malade mais digne. Jusqu'à ce 3 novembre 1793 où elle est exécutée en place publique. 

Moins romantique que le film ou les célébrations féministes, la vie de cette lanceuse d'alerte avant l'heure prouve que les convictions payent. Même s'il faut attendre quelques siècles.

« Olympe de Gouges, une femme dans la Révolution », Flammarion, 176 pages, 22 €

dimanche 30 juin 2024

Une biographie : Elon Musk

 

Clairement à charge, cette biographie d’Elon Musk par Boris Manenti, journaliste au Nouvel Obs, ne devrait pas vous plaire si vous vous informez grâce à X (anciennement Twitter) et roulez en Tesla. Elon Musk fait partie de ces hommes de pouvoir qui ont visiblement oublié de garder les pieds sur terre. Il rêve de Mars, certes, mais un peu d’empathie ne fait jamais de mal.

Ses mensonges (ou arrangements avec l’histoire familiale) sont démasqués et ses idées novatrices ne sont pas toujours de lui. Mais cela n’empêchera pas à l’homme le plus riche du monde d’augmenter son pécule astronomique…

« Elon Musk, le bonimenteur » de Boris Manenti, Éditions du Rocher, 256 pages, 18,90 €

samedi 15 juin 2024

Une biographie : Jean Giraud alias Mœbius

La première biographie de Jean Giraud vient de paraître. Pourtant le dessinateur de Blueberry est mort en 2012. C’est Christophe Quillien qui s’est penché sur l’œuvre protéiforme de Jean Giraud alias Moebius.

De ses débuts à Pilote à la création de Métal Hurlant, de ses exils volontaires près de Pau, en Polynésie ou aux USA ou de ses attirances pour les mondes ésotériques, ce ne sont pas deux biographies qui sont compilées mais une multitude de vies, toutes plus riches et créatrices.

L’artiste a marqué des générations d’illustrateurs et aura fait rêver encore plus de lecteurs de BD. Une biographie qui ne publie pas de dessins mais de très nombreuses photos de Jean Giraud. Ou Mœbius.

« Jean Giraud alias Mœbius », Seuil, 608 pages, 26 €

dimanche 28 avril 2024

Biographie - Jean Cau, l’Audois réfractaire

 Ce fils d’ouvrier agricole audois a conquis les intellectuels parisiens dans le sillage de Sartre. Puis il les a vomis avec une rare méchanceté. Tel était « Jean Cau, l’indocile », sorti de l’oubli dans une nouvelle biographie. 


Né à Bram, enterré à Carcassonne, Jean Cau est le seul Audois à avoir remporté le prix Goncourt. C’était en 1961 avec La Pitié de Dieu paru chez Gallimard. Cet écrivain, surtout connu par ses articles polémiques quand il était journaliste à Paris Match, est un pur produit de l’école de la République.

C’est ce que rappelle dès les premières pages cette nouvelle biographie signée par Ludovic Marino et Louis Michaud. Issu d’un milieu excessivement modeste, son père a été ouvrier agricole dans le Lauragais puis homme à tout faire dans un hôtel de Carcassonne, sa mère simple femme de ménage, le jeune Cau a été repéré par son instituteur. Lycée, bac puis direction khâgne à Paris.

Mais il ne deviendra pas professeur. Trop attaché à la liberté. Il a aussi le désir de vivre de sa plume. Devenir écrivain pour multiplier les vies, les expériences. « Je me résignai définitivement, lorsque je compris que la littérature se suffisait à elle-même et que c’était elle, l’aventure, et pour un écrivain la vraie et profonde. » Une sacrée revanche pour le petit Audois moqué pour son accent rocailleux.

Un accent qu’il conservera, fier de ses origines. Les auteurs y voient les raisons de son intransigeance : « Cet orgueil, d’une terre si dense et d’une origine si marquée, Jean Cau s’y référa toute sa vie. Il lui attribue la source de sa pensée, et de son caractère. La longue lignée audoise et paysanne de sa famille, motive sa fierté et fonde sa morale. » Loin de sa famille, le jeune homme découvre l’indépendance dans ce Paris qui se réveille après les années d’occupation. Il doit absolument trouver un travail pour accomplir son but. Il se propose comme secrétaire à tous les écrivains de la place, de Montherlant à Mauriac en passant par Sartre. Et c’est ce dernier qui lui répond et l’engage.

Jean Cau, de 1946 à 1957, va être au plus près de l’intellectuel qui va révolutionner la pensée de gauche. Cau sera de toutes les soirées, de tous les débats, aura un bureau chez Gallimard dans les locaux réservés à la revue Les Temps modernes et va rapidement faire le nécessaire pour être publié. Il n’a que 23 ans quand sort Le fort intérieur, un recueil de poésies.

Quelques mois plus tard sort son premier roman, Maria-Nègre. Le premier d’une longue série dont le fameux prix Goncourt en 1961. Catalogué comme intellectuel de gauche durant plusieurs décennies, Jean Cau ne se reconnaît plus dans cette gauche d’intellectuels, toujours issue de milieux sociaux favorisés. Des bourgeois honteux qui veulent défendre ouvriers ou colonisés comme pour se déculpabiliser.

Lentement mais sûrement, Jean Cau change de camp, devient ouvertement gaulliste, fustige le gauchisme, rompt avec ses anciens amis et se rapproche de plus en plus de la droite nationaliste. Dans les années 70, il met sa plume au service de Paris Match, multipliant les reportages coup de poing. Il signe aussi des livres analysant cette décadence de l’Occident qu’il regrette mais estime inéluctable. C’est la dernière image qu’il laissera, celle d’un réactionnaire pur et dur.

Si Jean Cau était toujours de ce monde, il aurait certainement antenne ouverte sur CNews et une chronique dans le Journal du Dimanche, version Bolloré.


« Jean Cau, l’indocile » de Ludovic Marino et Louis Michaud, Gallimard, 21,50 €

samedi 21 octobre 2023

BD - Georges Lucas, le tenace


Leçon de ténacité et de cinéma, Les guerres de Lucas est un roman graphique d’une rare intensité. Laurent Hopman, le scénariste, raconte comment Georges Lucas, étudiant à peine sorti de la fac, se lance dans le plus grand projet de film de science-fiction jamais imaginé sur Terre. Renaud Roche, illustrateur reconnu dans le milieu de l’animation et du story-board, apporte son trait léger et précis pour donner du corps à ce qui ressemble à une longue bataille où l’inventeur de l’univers de Star Wars est seul face à une armée de sceptiques toujours prompts à dénigrer son « délire d’adolescent » et à faire capoter le projet.


Mais avant d’entrer dans le vif du sujet, les deux auteurs ont expliqué d’où vient le jeune Lucas, mauvais élève à l’école, tête brûlée, uniquement intéressé par les histoires qu’il s’invente à longueur de journée. Un doux rêveur, légèrement asocial aussi, mais qui est capable à tous les sacrifices pour arriver à son but. Surtout, il a une vision parfaite de ce qu’il désire obtenir au final.

Même s’il reprend, presque en intégralité et près d’une dizaine de fois le scénario de son film, il sait à l’avance qu’il est en train de construire une nouvelle mythologie, celle du XXIe siècle qui est désormais aussi connue que l’Odyssée ou la légende du Roi Arthur.

Truffé d’anecdotes, ce récit pourrait devenir un livre de chevet de bien des cinéastes ou créateurs en devenir. La preuve que l’obstination alliée au talent paye.

« Les guerres de Lucas », Deman Éditions, 208 pages, 24,90 €

lundi 8 mai 2023

Une biographie - Le cinéma de Tarantino


Immense cinéaste américain, Quentin Tarantino se livre avec beaucoup de franchise dans cette très grosse biographie intitulée Cinéma Spéculation. Il ne raconte pas sa vie, mais explique comment il est devenu passionné de 7e art et pourquoi il a décidé de révolutionner le genre. Il parle indirectement de son œuvre en commentant ses propres chocs comme Taxi Driver, La taverne de l’enfer ou Délivrance. 

Mais il se met à nu aussi quand il affirme à propos des décideurs dans l’industrie cinématographique : « Je n’ai jamais laissé ces gens m’empêcher de faire quoi que ce soit. Les spectateurs peuvent accepter mon travail ou le rejeter. Mais j’ai toujours approché mon cinéma avec intrépidité, sans me soucier de l’accueil qui lui serait réservé. »

« Cinéma spéculations » de Quentin Tarantino, Flammarion, 25 €

dimanche 16 avril 2023

BD - Poutine mis à nu

Depuis la tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie, un homme inquiète. Jusqu’où Vladimir Poutine est-il capable d’aller dans la mise en place d’un système de terreur et de mort ? Andrew Weiss est un des rares à comprendre ce qui se passe dans la tête du dictateur russe. Il l’a souvent croisé quand il travaillait pour la Maison Blanche du temps de Bill Clinton. Cette longue et minutieuse enquête, très documentée et dessinée par Brian Box Brown nous en apprend beaucoup. Sur son passé, ses rancunes, ses phobies.

On découvre notamment sa grande frustration quand il était membre du KGB en Allemagne de l'Est et qu'il a vu l'empire soviétique s'effondrer, perdant du jour au lendemain un statut et un petit pouvoir qu'il espérait faire prospérer. Il a ensuite patiemment placé ses pions, permettant l'enrichissement, sans trop regarder aux méthodes et à la légalité, d'amis qui aujourd'hui savent parfaitement qu'ils lui doivent tout.

Un quasi reportage historique malheureusement pas du tout rassurant pour l’avenir.

« Tsar par accident », Rue de Sèvres, 22 €

samedi 17 décembre 2022

BD et biographie - Manara grandeur nature

Génie du dessin réaliste, marchant souvent dans les pas d’Hugo Pratt, Milo Manara est un grand de la BD italienne. 

Une œuvre marquée par des séries érotiques mais aussi des romans graphiques entre philosophie et pure aventure.

Pour raconter cette carrière commencée durant les années 60, le dessinateur a préféré poser son pinceau et raconter lui-même, dans de courts chapitres, les grandes étapes de son parcours. On croise dans ces pages Dali, Moebius, Jodorowski et d’autres grands du 9e art. Le tout agrémenté de très nombreuses illustrations rares ou inédites.

« Milo Manara, grandeur nature », Glénat, 25 €


mercredi 30 mars 2022

Biographie - Avocat hors normes

Il est des hommes qui ne passent jamais inaperçus. Stephen Hecquet est de cette trempe. Cet avocat, mort à 40 ans, a obtenu la grâce présidentielle d’un condamné à mort qui, sous le nom de José Giovanni, deviendra un grand cinéaste. Ami de Roger Nimier mais aussi de Jean Genet, il a également été journaliste et écrivain. 

Un polémiste, doublé d’un pamphlétaire raconté sans jugement par Frédéric Casotti. Homosexuel revendiqué, il a toujours été très dur avec les femmes. En tant qu’avocat il a demandé à ce que ses consœurs soient congédiées et retournent à leur cuisine. Et dans la foulée publie son fameux Faut-il réduire les femmes en esclavage ? Tout sauf du politiquement correct ! 

« Stephen Hecquet, vie et trépas d’un maudit » de Frédéric Casotti, Séguier, 19 €

lundi 11 janvier 2016

BD : De Gainsbourg à Gainsbarre

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Compositeur génial, chanteur étonnant et provocateur impénitent, Serge
Gainsbourg est devenu après sa mort une sorte d'icône rock pour toute une génération. François Dimberton et Alexis Chabert signent une biographie dessinée de l'homme à la tête de choux. De l'arrivée de ses parents en France et sa naissance en 1928 à sa mort, dans son « hôtel particulier » parisien en 1991, on suit le parcours de ce surdoué, peintre puis musicien, devenu millionnaire après avoir découvert qu'une petite chanson pouvait rapporter beaucoup plus (et plus vite) que des passages dans des cabarets. Gainsbourg c'est aussi une passion pour les jolies femmes. La BD s'articule autour de ses nombreuses histoires d'amour, de sa première femme Lise à Bambou, la mère de Lulu, son fils adoré. Entre, il y a Brigitte Bardot et Jane Birkin. Ses deux égéries qu'il adore, mais pas autant que l'alcool. Le drame de ce touche-à-tout (il a également monté une comédie musicale, écrit un roman et tourné plusieurs films) c'est sa propension à se détruire. Il a collectionné les pépins de santé les dernières années, mais ne s'est jamais assagi, noyant ses chagrins dans des litres de Ricard et de champagne. Jusqu'à ce silence qui dure, dure...
« Gainsbourg », Jungle, 14,95

mercredi 22 décembre 2010

Récit - Genet et Sebhan : passions parallèles

Comprendre sa propre histoire d'amour en retraçant l'œuvre et la vie de Jean Genet. Gilles Sebhan s'interroge dans cette biographie mâtinée d'autofiction.

Abdallah et Majed. Jean Genet et Gilles Sebhan. Deux couples, deux histoires d'amour intenses et tragiques. Gilles Sebhan, qui avait exhumé le fantôme de Tony Duvert l'an dernier dans un récit remarquable, poursuit son exploration de littérature française sulfureuse en traçant un parallèle entre la relation de Jean Genet avec Abdallah et celle que l'auteur a entretenue avec Majed, un sans-papier rencontré à Amsterdam. Tout commence par un épisode rarement relevé de la vie de Jean Genet. Au printemps 1967, il a tenté de se suicider dans une chambre d'hôtel. C'était à Domodossola, une ville du nord de l'Italie.

Ce suicide raté, Gilles Sebhan va tenter d'en trouver la cause en retraçant les amours tumultueuses du grand écrivain avec son jeune amant, Abdallah, un funambule rencontré dans un cirque au milieu des années 50. Abdallah qui s'est suicidé à Paris en 1964.

Pieds péniches

Gilles Sebhan, alterne les scènes racontant Genet et ses propres soucis du quotidien : notamment l'emprisonnement de son jeune amant, Majed. Presque un SDF, regardant les passants, place Dam, fumant goulument des cigarettes, « essayant d'attirer par le regard des créatures qui viendraient l'aimer malgré la malédiction de ses pieds crevés. » . « Majed avec ses pieds condamnés, ses pieds d'ordures de puanteur de cadavre, ses pieds d'absent de contradiction de tristesse, ses pieds qu'il faut mettre à l'écart pour contempler sa beauté, ses pieds péniches pour ce grand garçon mince aux allures de fille et aux manières brusques. » Majed serait donc le miroir actuel d'Abdallah, l'amant de Jean Genet. Gilles Sebhan en décrivant leur rencontre et leur relation n'est pas tendre pour l'écrivain qui a passé sept années derrière les barreaux avant de connaître la gloire littéraire. Jean Genet « a hérité d'un lui-même qui a écrit les romans du début et qui a fini par lui causer une honte étrange, d'autant plus que c'est le meilleur de lui, ce moment où son écriture est déjà infiniment concertée et son désir encore brûlant et sa colère encore juvénile. On peut dire qu'ensuite, assez vite, Genet a viré au vieux con. » Genet insaisissable, « jouant au clochard céleste dans ses errances à travers l'Europe. » Un jour, il a voulu que cela s'arrête. A Domodossola, en Italie. Il s'est raté.

Retenu prisonnier

En se rendant dans la ville, pour en ressentir l'ambiance, Gilles Sebhan se souvient. De son amour fou pour Majed. Comment il a angoissé quand il a perdu sa trace durant des mois quand le SDF a été retenu prisonnier dans un bateau-prison. De la joie des retrouvailles, des longs moments passés l'un contre l'autre. Et du basculement, quand l'auteur est devenu méchant et que Majed a viré au vieux con. « Cette nuit-là, il a beaucoup remué dans son sommeil, je l'ai regardé dormir, j'ai décidé d'inverser le cours du monde. J'ai accompli cette folie. » C'est l'autre facette de ce texte brillant d'un écrivain ayant trouvé son style, un auteur à découvrir.

« Domodossola », Gilles Sebhan, Denoël, 13,50 €