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samedi 26 août 2023

Roman français - Souvenirs amoureux de Chloé Delaume


Autofiction mon amour ! Chloé Delaume aurait aussi pu donner ce titre à son roman, sorti ce vendredi dans le cadre de la rentrée littéraire. Ella a préféré Pauvre folle (Seuil, 236 pages, 19,50 €), description assez convaincante de l’état d’esprit de son double de papier, Clotilde, écrivaine bipolaire, dite la Reine.

La narratrice égrène ses souvenirs. D’enfance ou amoureux. Elle se souvient pourquoi elle aime la poésie, comment son père a tué sa mère qui voulait simplement divorcer (le terme de féminicide n’était pas inventé), avant de se faire sauter le caisson avec le même fusil… Avec ses copines, elle découvre que les hommes sont tous des gros connards, détaillant les différentes catégories où messieurs vous pourrez tous vous reconnaître du « réactionnaire en sandales » au « verrat visibilisé ».

Mais elle change quand elle tombe amoureuse de Guillaume dit le Monstre et tente de le séduire. Problème, Guillaume est gay et en couple depuis des années. On rit parfois aux remarques de Clotilde, on s’énerve aussi avec elle quand elle fustige les modes comme la résilience : « Ça arrange bien tout le monde cette histoire de résilience, on peut broyer les êtres puisqu’ils s’en remettent toujours. »

jeudi 15 décembre 2011

BD - Pauvre Lampil : un chef-d'œuvre de la BD franco belge signé Lambil et Cauvin


L'autofiction n'est pas une invention des romanciers des deux dernières décennies. L'autofiction, Raoul Cauvin et Willy Lambil l'ont testée dès 1973. Le héros de cette nouvelle série destinée à animer les pages de Spirou s'appelle Lampil. Il est dessinateur de BD et a nombre de déboires. Notamment en raison de ses rapports souvent conflictuels avec son scénariste, un moustachu aimant imaginer ses histoires allongé dans un canapé. 

Pauvre Lampil n'est que la mise à plat des rapports entre ce couple peu banal constitué de Lambil et Cauvin... Rattrapés par le succès des Tuniques Bleues, ils ont abandonné leurs doubles de papier depuis très longtemps, trop longtemps. Oublié, le Pauvre Lampil se retrouve de nouveau sous le feu des projecteurs avec cette intégrale luxueuse. Une occasion à ne pas manquer pour redécouvrir un monument de la BD franco-belge.

« Pauvre Lampil », Dupuis, 360 pages, 39 € 

mercredi 22 décembre 2010

Récit - Genet et Sebhan : passions parallèles

Comprendre sa propre histoire d'amour en retraçant l'œuvre et la vie de Jean Genet. Gilles Sebhan s'interroge dans cette biographie mâtinée d'autofiction.

Abdallah et Majed. Jean Genet et Gilles Sebhan. Deux couples, deux histoires d'amour intenses et tragiques. Gilles Sebhan, qui avait exhumé le fantôme de Tony Duvert l'an dernier dans un récit remarquable, poursuit son exploration de littérature française sulfureuse en traçant un parallèle entre la relation de Jean Genet avec Abdallah et celle que l'auteur a entretenue avec Majed, un sans-papier rencontré à Amsterdam. Tout commence par un épisode rarement relevé de la vie de Jean Genet. Au printemps 1967, il a tenté de se suicider dans une chambre d'hôtel. C'était à Domodossola, une ville du nord de l'Italie.

Ce suicide raté, Gilles Sebhan va tenter d'en trouver la cause en retraçant les amours tumultueuses du grand écrivain avec son jeune amant, Abdallah, un funambule rencontré dans un cirque au milieu des années 50. Abdallah qui s'est suicidé à Paris en 1964.

Pieds péniches

Gilles Sebhan, alterne les scènes racontant Genet et ses propres soucis du quotidien : notamment l'emprisonnement de son jeune amant, Majed. Presque un SDF, regardant les passants, place Dam, fumant goulument des cigarettes, « essayant d'attirer par le regard des créatures qui viendraient l'aimer malgré la malédiction de ses pieds crevés. » . « Majed avec ses pieds condamnés, ses pieds d'ordures de puanteur de cadavre, ses pieds d'absent de contradiction de tristesse, ses pieds qu'il faut mettre à l'écart pour contempler sa beauté, ses pieds péniches pour ce grand garçon mince aux allures de fille et aux manières brusques. » Majed serait donc le miroir actuel d'Abdallah, l'amant de Jean Genet. Gilles Sebhan en décrivant leur rencontre et leur relation n'est pas tendre pour l'écrivain qui a passé sept années derrière les barreaux avant de connaître la gloire littéraire. Jean Genet « a hérité d'un lui-même qui a écrit les romans du début et qui a fini par lui causer une honte étrange, d'autant plus que c'est le meilleur de lui, ce moment où son écriture est déjà infiniment concertée et son désir encore brûlant et sa colère encore juvénile. On peut dire qu'ensuite, assez vite, Genet a viré au vieux con. » Genet insaisissable, « jouant au clochard céleste dans ses errances à travers l'Europe. » Un jour, il a voulu que cela s'arrête. A Domodossola, en Italie. Il s'est raté.

Retenu prisonnier

En se rendant dans la ville, pour en ressentir l'ambiance, Gilles Sebhan se souvient. De son amour fou pour Majed. Comment il a angoissé quand il a perdu sa trace durant des mois quand le SDF a été retenu prisonnier dans un bateau-prison. De la joie des retrouvailles, des longs moments passés l'un contre l'autre. Et du basculement, quand l'auteur est devenu méchant et que Majed a viré au vieux con. « Cette nuit-là, il a beaucoup remué dans son sommeil, je l'ai regardé dormir, j'ai décidé d'inverser le cours du monde. J'ai accompli cette folie. » C'est l'autre facette de ce texte brillant d'un écrivain ayant trouvé son style, un auteur à découvrir.

« Domodossola », Gilles Sebhan, Denoël, 13,50 €

dimanche 10 octobre 2010

Roman - Robert Goolrick raconte sa famille féroce

Roman extrême, « Féroces » de Richard Goolrick plonge le lecteur dans une famille américaine des années 50. Famille aux secrets sordides.

Il est des romans qui vous laissent des souvenirs profonds, comme des blessures qui mettront des semaines à cicatriser. Et des années plus tard, vous aurez toujours cette marque superficielle, réminiscence de l'histoire vous ayant touché. « Féroces » de Richard Goolrick est ce ces œuvres. On ne sort pas intact de ce récit, apparemment décousu, de son enfance et sa vie d'adulte, avant que l'écriture ne le libère de tous ses démons.

Pour se raconter, Robert Goolrick commence par présenter ses parents. Ce qu'ils sont devenus. Notamment les obsèques de son père. Un vieux monsieur, alcoolique, sale, dont la maison était infestée de rats. Sa femme était morte six années auparavant. Elle aussi « parce qu'elle buvait trop. »

Beaux et intelligents

L'auteur se souvient ce son enfance. Quand ses parents étaient littéralement adulés dans cette petite ville du sud profond des USA, dans les années 50. « Non seulement mon père et ma mère étaient doués pour l'organisation des fêtes, avec leur générosité et leur intelligence, mais ils étaient aussi doués pour aller aux fêtes. On les adorait pour leur sens de l'humour et leur charme, pour leur beauté et leur minceur. » Richard aurait donc tout eu pour vivre une enfance heureuse en compagnie de son frère et de sa sœur. Mais les membres de sa famille étaient « féroces ».

C'est un jeune adulte traumatisé, profondément dépressif, qui tente de s'émanciper. Sans détour, il explique comment la vie lui est devenue impossible. « Je vivais seul. Je m'étais toujours senti seul, isolé des gens réels, même lorsque j'étais impliqué dans l'une de mes histoires d'amour chaotiques, des histoires qui échouaient du fait de ma propre lassitude, des cruautés ineptes des hommes et femmes que j'avais choisi d'aimer. »

La lame du salut

Il passe son temps à faire semblant, cherchant un échappatoire. Il croit le trouver en faisant l'acquisition d'une lame de rasoir. Et de se faire mal pour faire baisser la pression : « La peau céda facilement, et le sang s'écoula le long de mon bras jusque dans ma main repliée, puis sur les draps. La douleur était atroce. » Il recommencera, jour après jour, jusqu'à l'obsession. « Mon bras gauche était saturé. Il n'était plus que de la viande hachée. J'attaquais le bras droit, avec le vertige de la chair neuve. Mes bras n'étaient qu'un entrelacs de blessures. Une toile d'araignée sanguinolente. »

Des passages difficiles qui ont pourtant le pouvoir de nous envoûter. Robert Goolrick, a froid, se met à nu et amène le lecteur vers ce qui a tout déclenché dans sa petite enfance. Un traumatisme donnant une dimension supplémentaire à ce roman déjà exceptionnel. Et d'y consacrer tout un chapitre intitulé « Comment j'ai pu continuer ? ». Finalement il a survécu. Et un écrivain majeur est né.

« Féroces », Richard Goolrick, Anne Carrière, 20,50 €