Affichage des articles dont le libellé est guerre. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est guerre. Afficher tous les articles

dimanche 2 février 2025

BD - Charleroi résiste aux Nazis avec les Amis de Spirou


Le scénariste Jean-David Morvan, longtemps cantonné à la science-fiction, a élargi sa palette en explorant le passé, notamment la période de la seconde guerre mondiale. Il a raconté la vie de résistante de Madeleine Richaud, celle d’Irena face à Klaus Barbie et aborde désormais la Résistance aux Nazis en Belgique.

Il a confié à David Evrard le dessin de l’histoire romancée des amis de Spirou, un club de lecteurs de l’hebdomadaire BD de Marcinelle, près de Charleroi en Belgique, créé par Jean Doisy. Les membres du club vont participer à la lutte contre l’occupation allemande. Comme Jean Doisy, le créateur de la rubrique du Fureteur, grand résistant belge devant l’éternel.

Dans cet album, basé sur de véritables personnages mais avec de jeunes héros imaginaires, la petite bande de lecteurs des aventures du groom de Valhardi ou de Tif et Tondu, va affronter un officier nazi spécialisé dans les animaux.

L’occasion pour Morvan d’utiliser un personnage emblématique des éditions Dupuis. Un superbe hommage, à la jeunesse qui ne se résigne pas, qui a des valeurs et prend tous les risques pour la liberté.
« Les amis de Spirou » (tome 2), Dupuis, 72 pages, 15,95 €

vendredi 24 janvier 2025

BD - La fin du Duce racontée en détail


La dernière photo de Mussolini, le Duce, est terrible. Le dictateur est exhibé, pendu par les pieds après son exécution. Il est accroché à côté de sa maîtresse, Clara Petacci, elle aussi fusillée quelques heures auparavant sur les bords du lac de Côme. Une ultime photo qui résume La dernière nuit de Mussolini racontée par Jean-Charles Chapuzet, scénariste et historien, et dessinée par Christophe Girard.


Ce sont exactement les trois derniers jours de fuite dans la région qui sont détaillés dans ce roman graphique historique. Et pour mieux comprendre, les auteurs proposent des retours en arrière, expliquant l’évolution politique du Duce (de socialiste à fasciste) et son arrivée au pouvoir après une alliance avec Hitler. Grand séducteur, il a multiplié les conquêtes et les enfants, souvent illégitimes.

Rien ne l’arrêtait. Du moins jusqu’à l’avancée des troupes alliées et la volonté de vengeance des compagnons de ces milliers d’opposants assassinés lors de son règne.

Le destin tragique d’un homme présenté comme profondément patriote, parfois un peu lâche, totalement dépassé par les événements à la fin de sa vie.
« La dernière nuit de Mussolini », Glénat, 128 pages, 21,50 €

samedi 18 janvier 2025

BD - La Marne en 1918, première véritable bataille de chars

Nouvel opus de la collection lancée par Glénat retraçant « Les grandes batailles de chars ». C’est à l’origine de ce type de combat que Brugeas et Bianchini (scénario et dessin) convient le lecteur amateur de faits militaires et de mécanique. Alors que les poilus meurent par milliers dans les tranchées, les gradés tentent de trouver des solutions pour enfoncer les lignes ennemies.

Les blindés (avec l’aviation), font leur première apparition. Lourds, fragiles, peu maniables, ils ne pèsent pas sur les combats. Jusqu’à l’apparition, début 1918, du char Renault FT. Un conducteur, un mitrailleur, une tourelle qui pivote à 360 degrés, des chenilles capables de franchir des tranchées : ces engins vont peser sur les ultimes attaques allemandes.

Les chars vont participer à la défense des positions des alliés, puis servir de pointe acérée pour lancer des contre-attaques payantes. Pour raconter le parcours de cette machine révolutionnaire, qui a inspiré tous les autres blindés, les auteurs se penchent sur le parcours d’un officier français, mécanicien, concepteur dans les usines Renault du FT et ensuite courageux combattant de la bataille de la Marne.

C’est très patriotique, un peu fleur bleue mais cela illustre parfaitement le fonctionnement de ces équipages, véritables cobayes et indirectement inventeurs de la guerre moderne.
« Les grandes batailles de char : la Marne », Glénat, 64 pages, 15,50 €

dimanche 27 octobre 2024

BD - Oradour, village martyr


Sorti en mai dernier mais toujours d'actualité, cet album raconte le martyr du village français d'Oradour-sur-Glane. Dessinée par Bruno Marivain, au trait réaliste digne d'un William Vance ou de Philippe Jarbinet, cette histoire a été voulue par Robert Hébras, rescapé d'Oradour. Mort le 11 février 2023, il n'a pas pu voir l'histoire achevée mais n'avait pas caché sa satisfaction en découvrant le scénario de Jean-François Miniac et les premières pages dessinées.

L'histoire d'Oradour-sur-Glane, village martyr, est connue de tous. Notamment grâce au travail de mémoire effectué par Robert Hébras et l'Association nationale des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane qui a soutenu ce projet édité par la jeune maison d'édition belge Anspach.

Le 10 juin 1944, la division Das Reich arrive dans ce gros bourg du sud-ouest, rassemble les hommes dans des grandes et les fusille froidement. Femmes et enfants sont enfermés dans l'église et brûlés vifs. 643 victimes, le plus important crime de guerre commis sur le territoire national. Heure par heure le drame est retracé.

Montrant comment quelques villageois sont parvenus à s'échapper en faisant croire qu'ils étaient morts. Un témoignage essentiel alliant la force de la narration au choc des dessins.
« Oradour, l'innocence assassinée », Anspach, 88 pages, 20 €

samedi 26 octobre 2024

BD - Résistants en culottes courtes


L'occupation de la France par l'envahisseur allemand durant le seconde guerre mondiale a durablement marqué toute une génération. Les plus jeunes aussi ont voulu participer à la Résistance. Le Réseau Papillon s'inspire de cette bravoure à toute épreuve pour raconter le destin de quelques gamins, fiers d'être Français, déterminés à récupérer leur liberté.

Une série écrite par Franck Dumanche et dessinée par Nicolas Otéro. Feuilleton historique, plus le temps passe, plus la fin de la guerre approche et plus les enfants deviennent de grands adolescents. Presque des adultes. Ainsi Edmond, Doc de son nom de code, a rejoint l'Angleterre et participe à l'effort de guerre dans la cellule communication des forces françaises libres.

Si François et Elise sont toujours chez leur parents, le reste de la bande (le réseau papillon), a rejoint le maquis. Arnaud et Gaston vivent cachés et montent des opérations de sabotage contre l'occupant. Dans le 9e titre de la série, « A l'aube du débarquement », tout s'accélère en ce printemps 1944. Les maquisards intensifient leurs actions pour empêcher l'arrivée des troupes allemandes en Normandie.

Parmi les soldats de la division Das Reich, Karl décide de déserter. C'est un Alsacien, enrôlé de force pour aller combattre sur le front de l'Est et rapatrié après la déroute dans le sud-ouest de la France. Il fait partie des « Malgré-nous », ces Alsaciens obligés de rejoindre l'armée d'Hitler. En cas de refus ou de désertion, les nazis exécutaient le reste de la famille. Blessé, il est soigné par Elise, devenue une belle jeune femme, intrépide et déterminée.

Il sera caché par le réseau, en même temps que trois aviateurs anglais dont l'appareil a été abattu lors du parachutage d'armes aux Résistants.

Beaucoup d'action dans cet album, qui annonce une suite encore plus mouvementée : l'opération Overlord et le débarquement de 195 000 soldats alliés en Normandie.

« Le Réseau Papillon » (tome 9), Jungle, 56 pages, 12,95 €
 

vendredi 25 octobre 2024

BD - Quand Paris se soulève


« Paris outragé, Paris brisé, Paris martyrisé ! Mais Paris libéré
! » Cette célèbre tirade du Général de Gaulle le 25 août marque la fin d'une des grandes batailles de l'Histoire de France (nom de la collection), la libération de Paris. Jean-François Vivier et Denoël ont retracé ces quelques jours avec la méticulosité des historiens. Dans un prologue, ils présentent les forces en présence.

Car les libérateurs n'arrivent pas forcément unis. D'un côté les communistes, de l'autre les Gaullistes. La libération de Paris est avant tout une affaire politique franco-française.


L'album raconte comment les Gaullistes tentent de temporiser pour permettre à la 2e DB de Leclerc de rejoindre la capitale et d'arriver en triomphateur avec De Gaulle. Les communistes sont au contraire déterminés à en finir le plus vite possible. Ils sont persuadés que les forces intérieures seront assez fortes pour repousser l'envahisseur. Alors qu'une trêve est négociée, les barricades communistes dans divers quartiers parisiens viennent provoquer l'armée allemande.

Surtout, les résistants du colonel Rol-Tanguy harcèlent les SS, mènent des raids contre les colonnes de l'armée d'occupation, n'ont qu'un seul mot d'ordre « A chacun son boche ». Par chance, dans les derniers jours, tous se retrouvent et participent, unis à la libération de la ville.

Mais au final c'est de Gaulle qu'un million de Parisiens acclament le 26 aout 1944 sur les Champs-Elysées. L'histoire alterne tractations politiques et coup de force armée avec aisance. Le dessin de Denoël, réaliste et fidèle, permet au lecteur de plonger au cœur de l'action, de l'Histoire.

« La libération de Paris », Plein Vent, 48 pages, 15,90 €
 

jeudi 24 octobre 2024

BD - Madeleine, l'indestructible


Remarquable travail de mémoire que celui entrepris par Morvan (scénario) et Bertail (dessin) en compagnie de Madeleine Riffaud. Cette dernière leur a ouvert son coeur, sa mémoire et ses archives pour raconter comment, étudiante à Paris, elle n'a pas hésité à rejoindre la Résistance à l'occupant nazi. Dans cette troisième partie, Madeleine est en très mauvaise posture. Alors que les Alliés viennent de débarquer en Normandie, elle vient de tuer un soldat allemand sur le pont de Solférino.

Capturée par la milice, elle est confiée aux bons soins de la police française. Celle qui collabore. Plus que de raison. Au commissaire divisionnaire Fernand David, surnommé « Les mains rouges ». Madeleine va comprendre d'où vient son surnom après être passée dans sa poigne de fer. Tabassée, torturée, Madeleine ne dira rien. Pas question qu'elle dévoile aux traîtres les noms de ses camarades. Une obstination, un courage, qui poussent à bout le commissaire. Il la livre à la Gestapo.


Durant de longues semaines Madeleine sera torturée, frappée, affamée. Mais jamais elle ne pliera. Elle aurait pu car elle sait parfaitement que trois jours après son arrestation, tous ses compagnons de Résistance auront fait le nécessaire pour disparaître. Mais c'est plus fort qu'elle, elle ne lâche pas le moindre nom. Après des jours de privation dans un cachot, le verdict tombe : fin des interrogatoires, dans une semaine elle sera passée par les armes.

Pourtant cette trompe-la-mort va s'en sortir et pourra même participer, à peine remise sur pied, à la libération de Paris et célébrer ses 20 ans en même temps que le départ des Allemands. Aujourd'hui Madeleine Riffaud vient de fêter ses 100 ans.

Une vie extraordinaire pour une femme d'exception. En plus des BD, elle continue à témoigner, notamment dans les écoles. Car si jamais elle ne s'est déclarée vaincue, elle sait aussi que la victoire s'oublie trop facilement. Les derniers événements en Europe prouvent que les générations futures n'apprennent pas assez des précédentes.

« Madeleine, Résistante » (tome 3), Dupuis Aire Libre, 128 pages, 23,50 €
 

lundi 19 août 2024

Roman français - Le « manque » perpignanais de Jean-Noël Pancrazi


L’arrivée des rapatriés d’Algérie est une étape importante dans l’histoire de la région. Beaucoup de romanciers (ou de cinéastes) ont profité de cette matière pour signer des œuvres importantes. Dans Les années manquantes qui viennent de sortir en poche, Jean-Noël Pancrazi rajoute une bonne dose d’autobiographie.

Il raconte Perpignan et ce Roussillon que le jeune Algérien découvre, contraint et forcé dans les années 60. Il a rebaptisé ces souvenirs Les années manquantes, comme s’il avait en partie cessé d’exister durant cette période bouleversée. Dans ces années 60, les parents du petit Jean-Noël, après avoir quitté l’Algérie, décident d’y retourner. Mais par prudence décident de laisser leur fils en métropole.

Pas dans la famille corse du père mais celle, catalane, de la mère. Jean- Noël découvre alors l’immense et silencieuse maison de sa grand-mère Joséphine. À Thuir, pas loin de cet asile des fous qui va marquer la famille. La première partie du roman est un long portrait de Joséphine, femme très pieuse, comme figée dans un passé, incapable d’aimer ce petit-fils. Un second traumatisme associé à ce département : le divorce de ses parents.

Ce livre, à l’écriture fulgurante, prouve que les pires épreuves peuvent se transformer en œuvre d’art.

« Les années manquantes », Folio, 128 pages, 6,90 €

dimanche 5 mai 2024

BD - Dragons au combat contre les avions allemands


 Étonnante uchronie que cette nouvelle série de fantasy imaginée par Nicolas Jarry et David Courtois : Si l'Allemagne a bien déclaré la guerre au monde libre en 1939, la bataille dans les airs est encore plus spectaculaire. En plus des Spitfire face aux Messerchmitt 109, des dragons s'affrontent pour les deux camps.

Le premier tome de cette série qui en comptera quatre se penche sur le destin d'une famille britannique. Le père est un as de l'aviation. Il a des dizaines de victoires à son actif. Il forme par ailleurs son fils, l'aîné, qui sera son coéquipier. A terre, la mère s'inquiète pour ses deux plus jeunes enfants. Alexandra, à peine adolescente et Michaël, le petit dernier.

Alexandra, la narratrice, explique son premier contact avec une femelle dragon. Elle est liée à la bête fabuleuse. Elle devrait pouvoir devenir la « pilote » de cette redoutable machine de guerre. Mais sa mère refuse et l'envoie se réfugier avec son frère, aux USA. Pile au moment où les Allemands déclenchent leur grande offensive aérienne. L'avion du père est abattu, le bateau des enfants coule.
Par chance, ils arrivent à se réfugier sur un phare isolé. C'est de là qu'Alexandra va apprendre à maîtriser son compagnon ailé. Dessiné par Vax, cet album, histoire complète qui présente la série, mélange combats aériens de fer, de feu et d'écailles. Des compositions graphiques époustouflantes. Comme quoi la guerre, parfois, c'est presque joli...

«Guerres et dragons» (tome 1), Soleil, 64 pages, 15,95 €

mercredi 25 octobre 2023

En vidéo, “Sisu” le soldat immortel


Tel un western lapon, Sisu, de l’or et du sang de Jalmari Helander, propose une longue vengeance. Un chercheur d’or (Jorma Tommila), ancien soldat finlandais, est aux prises avec un commando nazi qui en veut à ses pépites. 

Sur la steppe déserte, le vieux combattant va méticuleusement éliminer les méchants. Si le scénario n’a rien d’extraordinaire, ce film de série finlandais vaut surtout pour les effets spéciaux et l’interprétation. Jorma Tommila, sans le moindre dialogue, campe un Rambo nordique à la puissance mille. Face à lui, un officier nazi (Aksel Hennie) odieux, qu’on adore détester. 

La sortie en vidéo chez M6 s’accompagne d’un long making of et d’un reportage très complet sur la fabrication des effets spéciaux. 

mercredi 20 septembre 2023

Littérature - Nicolas Le Nen, soldat et écrivain, signe « Armistice »

Plongée dans l’enfer de la guerre d’Indochine avec ce roman de Nicolas Le Nen, Perpignanais, breveté de l’Ecole de guerre et ancien patron du service action de la DGSE.


S’il est beaucoup question d’honneur, de sacrifice et de patrie dans Armistice, roman de Nicolas Le Nen, ce récit prenant pour cadre la fin de la guerre d’Indochine (du moins pour l’armée française), aborde d’une façon plus générale et universelle la vengeance et l’oubli. Un roman cependant qui fait la part belle aux combats, notamment ceux qui ont précédé la chute de Diên-Biên-Phu. Ils sont trois, rescapés de l’armée française, à s’entraider et raconter leurs derniers mois dans cet enfer. Trois perdants, prisonniers des Viets, maltraités par des vainqueurs arrogants.

Mais comme le fait remarquer le principal narrateur, Constant Jalaire, jeune Lieutenant engagé pour contrarier son père, notable resté planqué (pour ne pas dire plus) durant l’occupation allemande, « Nous autres, soldats, savons bien que seules les armées victorieuses font des guerres justes et belles. » Avec un légionnaire d’origine allemande et un fils de paysan du Massif central, Jalaire va tenter de survivre malgré les brimades. Il se confiera à ses compagnons, comme pour expier ses mortelles erreurs de commandement. 

Nombre de ses hommes sont tombés  au combat. Exactement dans des guets-apens au cœur de la jungle. Et de constater qu’au « combat, la mort saisissait les soldats dans des attitudes grotesques, comme si la guerre n’était qu’une farce tragique dans laquelle mourir n’était pas si grave. »

Dans un style marqué par un réalisme sans fioritures, Nicolas Le Nen raconte cette débâcle française tout en intégrant à l’intrigue une dimension historique Car loin de cette France métropolitaine, le trio aura l’occasion de solder des comptes, lourds de conséquences, qui ont pris naissance à la fin de la seconde guerre mondiale. Deux guerres, deux vainqueurs différents, mais des horreurs tout à fait semblables.

« Armistice » de Nicolas Le Nen, 320 pages, éditions du Rocher, 19,90 €

lundi 18 septembre 2023

Roman - « Post frontière », après la tragique partition de l’Allemagne

Maxime Gillio romance la vie de trois femmes, trois Allemandes de trois générations différentes pour embrasser toute l’histoire contemporaine de ce pays meurtri par la guerre et la partition.


Anna, Inge et Patricia. Trois femmes au centre de ce roman signé Maxime Gillio. Un titre à double sens. Post frontière sonne comme ces postes-frontières qui empêchaient, du temps du Mur et de la partition de l’Allemagne en deux pays antagonistes, de simplement rejoindre sa famille à quelques kilomètres de distance. Post frontière comme ces souvenirs d’un temps par chance révolu, mais qui hante bien des consciences. 

Pour embrasser toute cette période, l’auteur tisse une toile subtile entre trois femmes. On en découvre le destin, le passé ou la vie actuelle (le roman se déroule en 2006) dans des chapitres courts, comme autant de taches de couleur trop souvent ternes comme les événements tragiques qui ont façonné l’Allemagne actuelle. 

Nouveaux camps

En 1945, la jeune Anna fait partie de ces Sudètes chassés de Tchécoslovaquie tels des pestiférés. Il est vrai que quelques années auparavant, le régime nazi a envoyé des familles allemandes s’approprier les meilleures terres pour « germaniser » ces régions.  

En 2006, Patricia, journaliste, tente de gagner la confiance d’Inge. Cette retraitée d’un peu plus de 60 ans est atypique. Dans les années 60 elle a risqué sa vie pour rejoindre l’Ouest. Mais au bout de quelques années, elle a fait le chemin inverse et préféré la RDA, socialiste et totalitaire à la RFA, capitaliste et démocratique. Patricia aimerait écrire un livre sur ce parcours différent. Mais pas facile de trouver un terrain d’entente avec l’acariâtre vieillarde. D’autant que Patricia, célibataire en mal d’enfant, alcoolique et désespérée, semble cacher le véritable motif de cette rencontre. 

En progressant dans les rapports entre les deux femmes, on découvre, en plus de personnalités fortes malgré d’importantes fissures, tout un pan de l’histoire allemande. Comment, par exemple, les Sudètes, renvoyés en Allemagne par les vainqueurs, ont été parqués dans des camps. Les femmes, exploitées, humiliées, souvent violées, y ont perdu leurs derniers espoirs. Sauf Anna qui, après un terrible viol collectif, « sent une force nouvelle l’envahir, un instinct de survie bestial l’a réveillée. Elle qui était entrée fantôme dans le camp, décidée à se laisser mener à la mort, a désormais l’intention de survivre. » Cela permettra à Inge de naître quelques mois plus tard et de passer une enfance presque heureuse et normale dans une famille d’accueil. 

Inge, qui rêvera de liberté avec son premier amour, Christian, tué en tentant de franchir le mur. Inge, boule de rancœur, capable de tout pour se venger. Tout comme Patricia aux blessures tout aussi profondes. Toute la force du roman est de finalement redonner de l’espoir aux survivants, prouver que comme les hommes, une nation est toujours capable de se relever et de repartir de l’avant.   

« Post Frontière » de Maxime Gillio, Talent Éditions, 21,90 €

dimanche 27 août 2023

Roman français - L’âne et le déserteur


Mathias Enard a déjà remporté le Goncourt en 2015 pour son roman Boussole. C’est regrettable car il aurait mérité aussi le prix suprême de la littérature française avec son nouveau roman, Déserter (Actes Sud, 254 pages, 21,80 €). Mais on ne peut pas remporter deux fois le Goncourt ! Une règle immuable…

Composé de deux récits parallèles, le roman explore deux facettes de l’âme humaine. L’intelligence et la bestialité. L’intelligence avec la vie de Paul Heudeber, mathématicien allemand, rescapé des camps de la mort (Buchenwald exactement). Sa vie est racontée par sa fille qui se souvient de l’hommage avorté au génie de son père le 11 septembre 2001 à Berlin. La bestialité c’est celle qui a longtemps habité ce soldat déserteur. Il erre, sale, puant, fourbu dans la montagne. Il se dirige vers le nord, la frontière, pour fuir son passé, ses exactions. Sans que cela soit dit explicitement, on comprend que le soldat était un Franquiste. Qu’il a tué et violé.
Quand il croise le chemin d’une jeune femme, elle aussi en fuite accompagnée d’un âne, il va enfin renaître et résister à sa violence intrinsèque. Sans doute la meilleure partir du roman, offrant les plus belles descriptions de la nature sauvage méditerranéenne de la littérature française. Sans oublier l’âne, symbole de cette bestialité que le déserteur veut effacer de sa nouvelle humanité.

mardi 13 juin 2023

BD - Bombardiers de légende durant la seconde guerre mondiale


Après les chars ou les batailles navales, ce sont les avions de guerre qui ont leur propre collection de BD. Avec Nolane au scénario, après le Stuka allemand, c’est au tour du B-25 Mitchell américain d’être glorifié dans cet album dessiné par Aleksic.

Ce bombardier, encore en phase de test lors de l’attaque de Pearl Harbor, a servi de couteau suisse tout au long de la guerre du Pacifique. Mais il a surtout permis aux Américains de reprendre un peu confiance en frappant le Japon quelques semaines après l’attaque surprise. Avec réservoirs supplémentaires, moins d’armes pour alléger et des bombes puissantes, une vingtaine de ces avions ont décollé d’un porte-avions pour déverser un déluge de feu sur les installations militaires nippones.

C’est cette expédition, risquée, totalement folle, qui est racontée dans cet album héroïque. Notamment après l’attaque, quand les avions ont rejoint vaille que vaille la Chine pour sauver les équipages. Une BD à conseiller aux amateurs de batailles aériennes réalistes.

« Warbirds » (B-25 Mitchell – Tonnerre sur Tokyo), Soleil, 15,50 €

samedi 10 juin 2023

BD - Un témoignage dans le "Journal d’une invasion"


Igort, dessinateur italien, a déjà signé deux ouvrages sur la Russie et l’Ukraine. Quand il apprend l’attaque russe contre Kiev, il décide de raconter cette invasion sous forme de BD.

Marié à une Ukrainienne, il connaît parfaitement les lieux. Il ne peut pas s’y rendre mais recueille de nombreux témoignages au téléphone.


Dans ces 168 pages, on découvre le quotidien de simples civils, de militaires ukrainiens mais aussi de jeunes Russes, embarqués avec leur unité dans une guerre qui semble partie pour durer encore de trop longues années. Des témoignages essentiels alors que cela fait plus d’un an que le pays est pris en tenaille par les forces russes, qu’il résiste et envisage même de lancer une contre-offensive.

« Journal d’une invasion », Futuropolis, 24 €

vendredi 7 avril 2023

Biographie - Dominique Bona dans les pas de Joseph Kessel et Maurice Druon, « Les Partisans »

 Auteurs du Chant des Partisans, l’hymne des Résistants, Joseph Kessel et Maurice Druon sont au centre de cette biographie parue chez Gallimard et signée Dominique Bona.

S’ils ne sont que deux dans le titre et la photo illustrant la couverture du nouveau livre de Dominique Bona, c’est en réalité l’épopée d’un trio qui est racontée dans cette somme de plus de 520 pages. Car en plus de Joseph Kessel et de son neveu Maurice Druon, l’académicienne met la lumière sur le rôle de Germaine Sablon, chanteuse, maîtresse de Kessel, combattante de la France Libre et première interprète de cette chanson devenue symbole national.

Originaire des Pyrénées-Orientales, Dominique Bona n’en oublie pas son pays catalan et y trouve le début très épique de cette triple biographie. Fin décembre 1942, ils sont trois à se rendre à Perpignan pour rencontrer un passeur. Un certain José, Catalan du cru chargé de conduire en Espagne ces Français désireux de rejoindre le général De Gaulle à Londres. De nuit, dans le froid, ils vont passer le col au niveau du Perthus, parvenant à éviter les patrouilles allemandes.

Un long et dur périple très inhabituel pour ces trois habitués au confort et au luxe. Joseph Kessel est un journaliste et écrivain reconnu. Il a longtemps pu continuer à travailler dans la France occupée par l’armée allemande malgré ses origines juives. Mais le durcissement du régime de Vichy l’oblige à faire un choix. Il décide de quitter ce pays qu’il a déjà servi lors de la première guerre mondiale. Direction Londres. Il emmène Maurice Druon, son neveu, fils caché de son défunt petit frère. Pour compléter l’attelage, Germaine Sablon. Une des nombreuses maîtresses de Kessel, chanteuse et comédienne célèbre, au franc-parler redoutable. Une fois à Londres, ils se mettent au service de la France Libre.

« Un feuillet dans l’Histoire » 

C’est dans ce cadre que Kessel et Druon, en une journée (le 30 mai, jour de la sainte Jeanne d’Arc), écrivent le texte du Chant des Partisans. « Il faut à la Résistance un symbole fort et un repère unificateur. Les maquis de France en ont besoin. […] Kessel a le don de parler à tous, sa prose est simple et vivante. » Il sera aidé par Maurice Druon pour la mise en vers, la musique sera tirée d’une chanson russe et c’est Germaine Sablon qui l’enregistrera la première, le 31 mai aux studios d’Ealing. Les deux écrivains, l’oncle et le neveu, ont conscience de l’importance de cette chanson, « C’est peut-être tout ce qui restera de nous » dira Kessel à Druon. Lequel réplique, plus solennel, « Nous venons de glisser un feuillet dans l’Histoire. »

Si la création du Chant des Partisans est au centre de cette biographie, Dominique Bona n’occulte pas le reste de la carrière du trio. On redécouvre un grand écrivain en la personne de Joseph Kessel, homme fougueux, habitué aux esclandres, capable de menacer de jeter sa maîtresse par la fenêtre, gaulliste convaincu.

Maurice Druon, après un Goncourt à 30 ans, est devenu célèbre avec sa saga des Rois maudits. Devenu ministre des Affaires culturelles, il a par la suite marqué l’Académie française, même « s’il échoue à faire élire le chanteur Charles Trenet. »

Mais la plus belle découverte de ces Partisans reste le parcours de Germaine Sablon. Une femme forte, capable de résister à De Gaulle, libre et indépendante, follement amoureuse de Kessel et de son pays.

« Les partisans, Kessel et Druon une histoire de famille » de Dominique Bona, Gallimard, 24 €

samedi 4 mars 2023

BD - Cocteau et Marais : deux Jean et un amour

Dans le Paris de 1937, l’amour frappe chez Jean Cocteau. Le dramaturge, toujours attiré par la beauté, la poésie et les excès, déclare sa flamme au jeune éphèbe, apprenti comédien, Jean Marais. Débute une relation houleuse entre ces deux monstres sacrés du théâtre français. Un récit raconté par Isabelle Bauthian est mis en images par Maurane Mazars.

Loin de se contenter de dérouler les faits de façon trop chronologique, les deux autrices aiment à brouiller les pistes, mélangeant faits historiques et scènes intimes. On découvre comment Jean Marais, beau mais encore peu sûr de son art, a été encouragé par un Jean Cocteau visionnaire. 

Car si au début c’est l’écrivain qui est le plus connu du couple, au fil des ans, le comédien, notamment quand il acceptera de faire du cinéma, deviendra une véritable star, multipliant les tournages, subissant de plein fouet sa popularité grandissante et l’assaut de groupies déchaînées. Jean Marais qui va tout faire pour tenter de sauver Cocteau de ses addictions aux drogues. En vain.

L’album, raconte aussi comment ces intellectuels ont dû composer avec la censure de l’occupant. Le passage où ils tentent de sauver Max Jacob est terrible. Les diatribes de certains journalistes collaborateurs contre ces « dépravés » sont d’une incroyable violence.

Et même le moment où Cocteau, sans doute pour sauver Jean Marais de l’emprisonnement pour avoir molesté une de ces plumes fielleuses, a dressé des éloges au sculpteur Arno Breker, qui réalisa plusieurs œuvres en hommage au IIIe Reich. Un pan de l’Histoire culturelle française trop souvent méconnue par les jeunes générations.

« Les choses sérieuses », Steinkis, 20 €


mardi 10 janvier 2023

BD - Les Amis de Spirou résistent

Plus ancien hebdomadaire de bande dessinée pour les jeunes, Le Journal de Spirou a une très longue histoire derrière ses plus de 4400 numéros hebdomadaires. Lancée en 1938 sur une intuition par Jean Dupuis, un imprimeur de Marcinelle près de Charleroi en Belgique, cette revue se voulait une concurrence directe aux titres français qui inondaient le marché outre-Quiévrain.

A sa tête Jean Doisy, journaliste regorgeant d’idées. Il a inventé l’interactivité avant l’heure en proposant aux jeunes lecteurs de lui poser des questions sur tout et n’importe quoi. Il donnerai les solutions dans sa rubrique du Fureteur. Un Fureteur qui rapidement devient une des vedettes du journal avec Spirou, bien évidemment mais aussi Tif et Tondu ou Valhardi. Et à la demande des lecteurs, dès la fin de la première année de parution, il met en place une structure ressemblant à une organisation scout, Le club des Amis de Spirou. Des milliers de membres, une charte ou code d’honneur, un langage codé et la volonté d’inculquer des valeurs à cette jeunesse pleine de vitalité. Cette belle aventure, lancée en août 1938 arrive alors que l’Europe plonge dans la guerre.

La Belgique, rapidement occupée par l’armée allemande, vit sous la coupe des nazis. La collaboration bat son plein avec l’apparition du parti Rexiste.
Mais la Résistance n’est pas en reste avec l’union des communistes et de certains groupe catholiques. Le Club des Amis de Spirou, par sa philosophie altruiste trouve toute sa place, même si ses membres ne sont que des enfants. C’est cet engagement qui est au centre de cette nouvelle série écrite par Jean-David Morvan et mis en images par David Evrard. Un duo qui connaît parfaitement cette période sombre de l’Europe après le succès de leurs séries Irena et Simone (chez Glénat, ce dernier titre remportant le prix des collèges ce week-end à Angoulême).

Ce premier gros album de 72 pages raconte la formation de cette bande de six jeunes Belges de Marcinelle, privés de leur magazine à cause de la censure allemande. Ils décident d’entrer dans la clandestinité et d’imprimer eux aussi des feuilles volantes de gags se moquant des occupants. Un récit humoristique devenant grave quand Jean Doisy prononce l’oraison funèbre de deux des six Amis de Spirou, morts au combat une année plus tard.

Entre humour, pédagogie et émotion, cet album exemplaire est capital pour que les générations futures n’oublient pas le sacrifice de certains jeunes capables de dépasser leur propre petite personne pour oeuvrer en faveur de l’intérêt général, de la liberté et d’un idéal égalitaire. Et pour bien s’imprégner de l’époque, un poster est offert en fin de volume reprenant les 9 préceptes du code d’honneur dont le premier donne son titre à l’album : Un ami de Spirou est franc et droit.

« Les amis de Spirou » (tome 1) de Jean-David Morvan (scénario), David Evrard (dessin) et Ben BK (couleurs), Dupuis, 14,95 €


samedi 29 octobre 2022

Cinéma - “Les Harkis” abandonnés

Le film historique de Philippe Faucon aborde, avec une précision glaciale et très réaliste, le sort des harkis, supplétifs de l’armée française durant la guerre d’Algérie.


Un film choral, car au lieu de s’attacher à donner la vision d’un « héros » ou personnage principal, Philippe Faucon raconte les trois dernières années d’une harka, ces brigades chargées de traquer les indépendantistes. Parmi la douzaine de combattants, l’un s’engage juste pour subvenir aux besoins de sa famille, un autre pour venger son frère, exécuté par le FLN, un troisième, car il a craqué sous la torture. Il a dénoncé ses camarades indépendantistes et n’a pas d’autre choix que de passer dans le camp de la France.

Ils sont sous la responsabilité de sous-officiers français, souvent très jeunes, parfois très près de leurs préoccupations. C’est le cas du lieutenant Pascal (Théo Cholbi). Il s’appuie sur ces hommes qui connaissent parfaitement le terrain. La harka sillonne les montagnes de l’arrière-pays, cherchant les unités du FLN, des « résistants », ne peut penser parfois le lieutenant Pascal, trop souvent conscient qu’il fait partie du mauvais camp. Notamment quand il doit couvrir des interrogatoires où la torture est la seule technique utilisée. 

Quand les premières rumeurs du départ de la France d’Algérie bruissent, les harkis sont inquiets. Cet abandon est l’objet du dernier tiers du film, sans doute le plus poignant, car il exprime ce sentiment de trahison. Toujours avec une précision chirurgicale, le réalisateur montre l’abandon des supplétifs par l’armée française, le dévouement de certains sous-officiers (dont le lieutenant Pascal), risquant leur carrière pour tenter de sauver leurs hommes. Il n’est pas montré l’exil de certains vers la métropole, mais c’est une autre histoire qui nous touche directement dans la région.

Film de Philippe Faucon avec Théo Cholbi, Mohamed El Amine Mouffok, Pierre Lottin


vendredi 28 octobre 2022

Cinéma - Des bières contre la guerre


Boire moins et réfléchir plus. Telle est la résolution prise par Chickie Donahue à la fin de son incroyable périple raconté dans le film The Greatest Beer Run Ever de Peter Farrelly mis en ligne sur la plateforme d’Apple + TV. 

Ce film ambitieux est basé sur une histoire vraie. En cette année 1967, la guerre du Vietnam fait rage. Et divise les USA. Chickie Donohue (Zac Efron) ne semble que peu concerné par ce débat. Mécanicien dans la marine marchande, entre deux embarquements, il vit chez ses parents et se contente de dépenser sa paye en tournées au bar tenu par un ancien militaire surnommé Le Colonel (Bill Murray). Un soir de beuverie, accusé de ne rien faire pour soutenir les gars du quartier qui tombent au combat, Chickie décide d’aller leur porter des bières du pays pour leur remonter le moral. Promesse d’ivrogne ? Et si pour une fois Chickie faisait ce qu’il promettait ? Contre toute attente, le jeune inconscient va partir, un sac rempli de canettes, pour tenter de les distribuer à ses amis. 

Ce périple débute comme une comédie. Tout sourit à Chickie. Il parvient même à rejoindre le nord en se faisant passer pour un agent de la CIA venu incognito. Mais une fois sur le front, la réalité va le rattraper. Et il va comprendre que son idée, en plus d’être idiote, est très dangereuse. En changeant de registre, le film de Peter Farrelly, en pensum pro américain du début, se transforme en documentaire implacable contre la guerre, l’impérialisme, la manipulation de l’opinion. Et Chickie deviendra adulte, s’en titrera par miracle et tiendra sa nouvelle promesse : moins boire, plus réfléchir.