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mardi 21 janvier 2025

En vidéo, “Le roman de Jim” des frères Larrieu

Cette histoire, d’un presque père ballotté par les sentiments et les événements, fait du bien. Adapté du livre de Pierric Bailly, Le roman de Jim des frères Larrieu dresse le portrait d’une génération sensible et à l’écoute. Un amant gentil, présent et dévoué interprété par Karim Leklou.

L’amour qu’il porte à sa compagne enceinte (Laetitia Dosch), va se communiquer à ce petit garçon qu’il va accompagner dans ses premières années de la vie. Un film d’une beauté absolue, parfois jubilatoire, parfois triste. Comme la vie. Juste la vie.

L’édition en vidéo chez Pyramide sortie cette semaine offre une profusion de bonus pour aller plus loin dont des entretiens avec Arnaud et Jean-Marie Larrieu (27 min), l’écrivain Pierric Bailly à propos des lieux du tournage (15 min) ou Karim Leklou (18 min)

dimanche 1 décembre 2024

Cinéma - Un “Diamant brut” inspiré par la télé réalité


Montrer qui on est véritablement. Et prendre sa revanche. Deux étapes essentielles pour tous ceux et celles qui espèrent devenir célèbres. De nos jours, le talent n’est plus important. Une personnalité originale, du bagout et surtout peu de pudeur et vous pouvez vous retrouver avec des milliers de followers, aussi renommé qu’un écrivain lauréat du Goncourt ou qu’un comédien primé aux Césars.

Cette exposition médiatique, synonyme de richesse instantanée, fait rêver Liane (Malou Khebizi). A 19 ans, elle rêve de strass, de paillettes et de luxe. Pour y arriver, elle compte sur sa volonté, sa plastique. Fausse poitrine, lèvres pulpeuses, ongles géants : elle travaille son look. Et sent qu’elle est à deux doigts d’y arriver quand une directrice de casting, les nouveaux faiseurs de rois et de reines, la recommande pour intégrer Miracle Island, l’émission de téléréalité qui cartonne. Deux mois au soleil de Miami et la fin de la galère, magouilles et petits vols dans les magasins ou prises de tête avec sa mère.


Le film d’Agathe Riedinger raconte ce temps figé de l’attente. On découvre sa prestation au casting puis comment elle s’occupe avec ses copines, de pures « cagoles » selon la terminaison un peu vulgaire de ce sud. On entre dans l’intimité de cette jeune fille, pas encore femme, mal dans sa peau, jouant un rôle en permanence. Obligée de se montrer forte face aux hommes qui la désirent, juste pour l’asservir. Le film, plongée dans la misère sociale de ce XXIe siècle, est très dur.

Car si la télé réalité est souvent sale, la vraie vie est parfois encore plus abjecte. Un Diamant brut qui permet aussi d’en découvrir un autre, Malou Khebizi, livrant une performance haut de gamme pour ses premiers pas à l’écran.

 Film d’Agathe Riedinger avec Malou Khebizi, Idir Azougli, Andréa Bescond



samedi 23 novembre 2024

Cinéma - Quand l’amour chamboule la vie des “Trois amies”

Plus compliqué que le ménage à trois, les trois histoires d’amour partagées et concomitantes de trois amies inséparables. Une comédie romantique douce-amère signée Emmanuel Mouret.


Joan, Alice et Rebecca sont amies. Trois jeunes femmes, enseignantes vivant à Lyon, qui se disent tout. Ou presque. Joan (India Hair) est la plus franche. Elle ne peut s’empêcher d’avouer à Alice (Camille Cottin) qu’elle n’est plus amoureuse de Victor (Vincent Macaigne), son compagnon et père de sa fille. Alice relativise : elle n’a jamais été follement amoureuse d’Éric (Grégoire Ludig), mais ne peut pas vivre sans sa présence quotidienne.

Rebecca (Sara Forestier) quant à elle est toujours célibataire. La plus fofolle du trio, vient de craquer pour un certain Monsieur X. Un homme marié dont elle cache soigneusement l’identité à ses deux amies. Logique, c’est Éric.

Quand Thomas (Damien Bonnard) est nommé dans le même collège que Joan et Alice, ces petites romances évoluent, mutent, se fracturent surtout.

Emmanuel Mouret est le cinéaste des amours compliquées. Il vient de placer la barre encore plus haut dans ce film où les sentiments perturbent le quotidien des trois protagonistes. En racontant en parallèle (mais aussi en les entremêlant) ces différentes rencontres et perceptions de l’attirance pour l’autre, il démontre brillamment qu’il n’y a pas un type d’amour, de coup de foudre ou de façon d’aimer mais une multitude. Autant que de personnes, voire de couples potentiels.

Si Vincent Macaigne, dans un rôle fantomatique étonnamment serein, semble être au final la voix de la raison, les trois femmes sont différentes et complémentaires. Joan, rongée par la culpabilité, refuse de se laisser guider par ses sentiments. Comme si elle portait en elle une sorte de malédiction. Alice, aux rêves étranges et prémonitoires, semble enfin rencontrer un homme qui la fait chavirer. Mais cela en vaut-il vraiment la peine quand le quotidien avec son premier compagnon est si doux ?

Reste le cas de Rebecca. La plus excentrique, aux sentiments les plus exacerbés. Sara Forestier, trop longtemps absente des écrans, revient avec un rôle en or. Obligée de mentir à ses amies après avoir trahi l’une des deux, elle ne sera jamais que la maîtresse qu’on cache. Celle qui enchaîne les déceptions, manque d’assurance et fait les mauvais choix. Sauf que, parfois, l’amitié est plus forte que l’amour et que ce dernier, comme la chance, frappe sans la moindre logique. Au final, Trois amies est un film universel d’une très grande finesse.

Film d’Emmanuel Mouret avec Camille Cottin, Sara Forestier, India Hair, Damien Bonnard, Vincent Macaigne, Grégoire Ludig.

dimanche 8 septembre 2024

Cinéma - “À son image” et les fractures de la lutte corse

En retraçant la vie d’Antonia, photographe corse d’un journal local, Thierry de Peretti filme l’évolution d’une jeunesse de plus en plus révoltée, de plus en plus violente. 

« Vie et mort d’un idéal » aurait aussi pu convenir comme titre au nouveau film de Thierry de Peretti. Après Une vie violente, sur la montée de la lutte armée radicale dans les milieux nationalistes corses, c’est de nouveau dans ce terreau fertile en tragédies que le réalisateur puise son inspiration pour A son image. Adapté du roman éponyme de Jérôme Ferrari, il propose une vision différente des événements. En racontant la vie d’Antonia (Clara-Maria Laredo), jeune corse devenue photographe de presse, il propose une lecture plus féminine. Antonia, à 18 ans, tombe follement amoureuse de Pascal (Louis Starace). Des allures de Jésus, mais avec une conscience politique très marquée.

Rapidement il passe à l’action violente. Premier séjour en prison. Antonia l’attend. Il revient. Replonge. Elle se résigne, vivote de ses reportages photos dans le journal local. Baigne dans ce milieu nationaliste, toujours remonté contre les « colonisateurs ». Mais jamais ne s’engagera. Par conviction, mais aussi car cela ne semble pas être dans la tradition corse.

En creux, dans ce film retraçant quinze années de la vie d’Antonia, on comprend que la lutte armée n’empêche pas le machisme. Quand Antonia annonce à Pascal, de nouveau en prison, qu’elle ne va plus l’attendre cette fois, il explose. Comme si elle devait pour toujours lui être fidèle.

Le film, de témoignage sur l’évolution de la mentalité de la jeunesse corse, bascule vers une charge contre de traditions patriarcales. Antonia, à qui l’on refuse de couvrir les événements liés au terrorisme dans son île, décide d’aller photographier la guerre des Balkans. Une grosse prise de risque, nécessaire si elle veut sortir de son marasme personnel, retrouver goût dans son métier. Ne pas se contenter de clichés d’assemblées générales ou de parties de pétanque. Elle reviendra très déçue de Belgrade, encore plus amère et désespérée de devoir admettre que ses photos ne servent à rien, même quand elles montrent toute l’horreur du monde.

Une constatation qui devrait faire parler dans les couloirs des expositions du festival Visa pour l’image qui se déroule actuellement à Perpignan.

La suite est encore plus sanglante. Le FLNC se divise. Les assassinats, à l’intérieur du mouvement, entre factions opposées, marque un tournant. Antonia s’éloigne encore plus de cette mouvance et semble s’épanouir en créant sa petite société. Mais à quel prix ?

Le film, lumineux par certains côtés (prise de conscience, émancipation…) est aussi profondément pessimiste face à une île et une jeunesse, perdant tout idéal, ne trouvant que la violence pour se faire entendre.

Film de Thierry de Peretti avec Clara-Maria Laredo, Marc’Antonu Mozziconacci, Louis Starace

jeudi 22 août 2024

Cinéma - Émotion garantie avec “Le roman de Jim”

Une maman et deux papas. Le film des frères Larrieu questionne sur la famille en dressant le portrait d’un père de substitution parfaitement interprété par Karim Leklou.

Le père parfait existe-t-il ? C’est en creux la question qui jalonne Le roman de Jim, nouveau film des frères Larrieu, adapté d’un roman de Pierric Bailly publié aux éditions P.O.L. Jim, c’est le prénom de ce gamin, élevé par un père de substitution, obligé de céder sa place au bout de quelques années. Un récit d’autant plus bouleversant que l’interprétation de Karim Leklou file des frissons tant il parvient à faire passer sentiments, frustration et résignation par un jeu d’une grande subtilité.

Si le film s’appuie sur le prénom de Jim, c’est avant tout le parcours chaotique d’Aymeric qui est raconté. Élève très moyen, rapidement habitué aux petits boulots de manutentionnaire, ce passionné de photo aime la musique et s’amuser. Mais c’est un grand timide, peu volubile, un suiveur.

L’amour et un presque fils 

C’est ainsi qu’il participe à quelques petits cambriolages à Saint-Claude, ville moyenne du Jura. Il tombe et, après quelques mois de prison, fait plus que profil bas. Il oublie de vivre presque. Comme recroquevillé dans une coquille, à l’abri du monde, des sentiments, de l’émotion. Il faut qu’il rencontre Florence (Laetitia Dosh) pour retrouver un but. Il l’aime. Même si elle est enceinte de 8 mois. D’un autre. Un collègue, marié, simple coup d’un soir de cette femme libre et audacieuse. A la naissance de Jim, ils vivent ensemble et l’enfant sera élevé par une vraie maman et un faux papa. Dans une narration parfaitement maîtrisée, comme souvent chez les frères Larrieu, on est le témoin de cette vie de province, simple et heureuse.

Mais tout lasse, tout passe et quand Jim a un peu plus de 10 ans, Christophe, le véritable père, réapparaît. Assez dépressif. Florence décide de l’héberger temporairement. Mais comment faire et que dire au gamin ? Pendant un temps Jim a trois parents, mais cela ne dure pas.Certaines vérités sont trop lourdes de conséquences.

La suite, inéluctable, fait partie de ces drames malheureusement plus fréquents qu’on ne le croit. Un déchirement pour Aymeric, un crève-cœur pour Jim, de mauvaises solutions pour Florence. Toute la réussite du film réside dans l’absence de pathos, de crises, de larmes. Hormis celles que vous verserez en regardant ce grand film, beau, réaliste et finalement plus optimiste qu’il n’y parait.

Film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu avec Karim Leklou, Laetitia Dosh, Eol Personne, Bertrand Belin, Sara Giraudeau

jeudi 15 août 2024

Cinéma - La vie imaginaire de “Mon parfait inconnu”

Introvertie, une jeune fille recueille un amnésique et s’invente une vie de couple. Film norvégien sur la mémoire, « Mon parfait inconnu » propose une belle réflexion sur la solitude.


Simple femme de ménage dans les vastes locaux du port d’Oslo, Ebba (Camilla Godø Kroh) n’est pas satisfaite de sa vie. Elle souffre de sa solitude affective. Pas de petit ami, malgré ses 17 ans, à cause d’une timidité maladive et d’un manque criant de confiance en soi dès qu’elle se retrouve en société. Le début du film de la cinéaste norvégienne Johanna Pyykkö prend le temps de plonger le spectateur dans cette vie morne.

Ebba voudrait faire mieux, s’imagine en train de discuter spirituellement avec ces étudiants en vacances autour d’une piscine. Mais cela ne dépasse jamais les limites de son imagination. Seule embellie dans sa vie, les propriétaires du sous-sol qu’elle loue, lui demandent de surveiller la villa durant leurs vacances au soleil.

Elle a presque l’impression d’habiter une demeure de riche, d’être cette jeune femme brillante et intelligente à qui tout réussit. Un assez long préambule pour comprendre pourquoi elle agit si étrangement quand elle découvre, une nuit en revenant du boulot, un homme blessé à la tête.

Au lieu d’appeler les secours, Ebba le ramène chez elle. Exactement dans la villa, pas dans son sous-sol sombre et riquiqui. Et quand il reprend ses esprits, constatant qu’il ne se souvient plus de qui il est, elle prétend être sa petite amie et vivre temporairement dans la villa de son oncle, architecte.

Du jour au lendemain, profitant de l’amnésie de ce Bulgare (elle a retrouvé ses papiers d’identité et les a cachés de même que son téléphone portable), elle réécrit sa vie en le rebaptisant Julian. Perdu, hagard, l’homme doute tout en profitant de cette convalescence. Un peu dans une histoire de la Belle et la Bête inversée, on assiste au prudent rapprochement entre Ebba la manipulatrice et Julian, l’innocent. Elle semble heureuse en sa présence. Lui, se laisse porter par cette jeune fille active et déterminée, sa petite amie donc, même si quelques flashes mémoriels instillent le doute.

Le film entre alors dans une construction de plus en plus proche du thriller. Julian tente de retrouver sa mémoire, sa vie d’avant. Ebba, discrètement, cherche elle aussi à comprendre qui il est véritablement. La confrontation avec la réalité va la replonger dans ce doute qui mine sa vie.
Mon parfait inconnu est un film multiple. Tout en étant complètement ancré dans la réalité norvégienne actuelle, il donne parfois l’impression d’être une expérience de réalité virtuelle dans le multivers. Et méfiance, s’imaginer une nouvelle vie n‘est pas sans risque quand on ne maîtrise pas tous les acteurs.


Film de Johanna Pyykkö avec Camilla Godø Krohn, Radoslav Vladimirov, Maya Amina Moustache Thuv

mercredi 31 juillet 2024

Cinéma - “Le moine et le fusil”, fable du Bhoutan sur la démocratie

Il paraît qu’on vote en France ce dimanche. Une habitude très récente au Bhoutan. Ce petit pays enclavé entre Inde et Chine a demandé pour la première fois à son peuple de se prononcer sur son avenir en… 2008. Le film Le moine et le fusil de Pawo Choyning Dorji raconte cette transition démocratique peu évidente. Car dans les campagnes, au fond des vallées coincées entre les sommets de l’Himalaya, le mot même d’élection est inconnu de la grande majorité de la population.

Alors pour lui expliquer, l’administration organise des élections blanches avec faux candidats. Une fonctionnaire est envoyée dans un petit village pour superviser cette répétition. Une localité qui recèle un véritable trésor, un fusil datant de la guerre de Sécession. Pendant que les villageois s’amusent à faire semblant de détester le camp adverse (en France, pas la peine d’entraînement, on atteint des sommets depuis quelques semaines) comme dans toute démocratie qui se respecte, un moine bouddhiste veut absolument ce fusil pour son supérieur, un lama, décidé à remettre le pays sur le bon chemin.

Arme également désirée par un riche Américain, collectionneur, fanatique des armes, riche à millions, déboussolé dans un pays qui ne mesure pas sa bonne santé démocratique aux indices économiques du produit intérieur brut mais à celui, plus poétique, de bonheur national brut. Un film malicieux, qui a le grand avantage d’ouvrir les yeux des Occidentaux que nous sommes.

Non, notre modèle de société n’est pas forcément le meilleur du monde. Oui, James Bond fait parfois rêver, mais cela reste un banal tueur. Oui, vous verrez un phallus de plus d’un mètre de long dans Le moine et le fusil et vous éclaterez de rire. Oui, au Bhoutan aussi, les gendres ont des problèmes avec leurs belles-mères. Non, contrairement à tout film américain, les armes à feu ne sont pas glorifiées, bien au contraire.

Et franchement, ça fait du bien un film apaisé, pacifiste et positif alors que partout ailleurs, même en France, on explique doctement que la solution est le réarmement…

Film de Pawo Choyning Dorji avec Tandin Wangchuk, Kelsang Choejay

mardi 14 mai 2024

Cinéma - Retrouvé, “Le tableau volé” sème la zizanie

 Film de Pascal Bonitzer avec Alex Lutz, Léa Drucker, Nora Hamzawi, Louise Chevillotte


Cela n’arrive qu’une fois dans la vie professionnelle d’un commissaire-priseur : redécouvrir le tableau disparu d’un grand peintre. André (Alex Lutz), est un jeune et ambitieux commissaire-priseur travaillant pour une grosse structure. Quand il reçoit l’appel d’une avocate de Mulhouse lui demandant si ce tableau a une quelconque valeur, il est sceptique.

La photo envoyée par portable est incomplète et mal éclairée. Ce serait un Egon Schiele. Selon André, cela ne peut qu’être un faux. Il va sur place avec son ex-épouse Bertina (Léa Drucker), experte, et tombe de haut. Car le simple ouvrier de 30 ans, vivant encore avec sa mère, a réellement en sa possession une authentique toile volée par les nazis au début de la guerre.

La trame générale du film de Pascal Bonitzer n‘est que le prétexte pour présenter les différents protagonistes de l’histoire. André, trop froid et impliqué dans son travail, multipliant les signes extérieurs de réussite (montres de luxe, voitures de sport). Bettina, volage, insatisfaite, mystérieuse. L’avocate (Nora Hamzawi), simple, toujours bienveillante pour son client, Martin (Arcadi Radeff), heureux au début puis désespéré quand il apprend la véritable histoire et provenance du tableau…

Reste la véritable vedette, la stagiaire, Aurore (Louise Chevillotte). Elle cherche une revanche sur la vie, sur les malheurs de son enfance. Une intrigue parallèle qui la rend, de loin, la plus humaine de toute la galerie brossée par Pascal Bonitzer, même si elle ment comme elle respire. L’ancien scénariste n’a rien perdu de son brio pour imaginer des vies, ciseler des dialogues et amener l’évidence dans une intrigue qui parfois part dans des méandres compliqués.

Le tableau volé décrit avec justesse le tableau des mœurs sociales de notre époque.

 

jeudi 21 septembre 2023

En vidéo, l’art contre l‘injustice

Certaines artistes contemporaines ont révolutionné notre vision de la société. Nan Goldin, photographe américaine est doublement concernée. En plus de son œuvre qui montre et explique l’évolution des mœurs et de la perception des genres ces dernières décennies, elle est une activiste infatigable contre la famille Sackler, des mécènes qui ont fait fortune en vendant des opiacés. Toute la beauté et le sang versé, documentaire de Laura Poitras, retrace ce combat interminable. 

Le film a remporté le Lion d’or à la Mostra 2022 et la sortie vidéo chez Pyramide s’accompagne  du reportage Histoire d’un regard, par Charlotte Garson (11 min) et d’un livret : Genèse / Entretiens avec Laura Poitras et Soundwalk Collective, un portfolio  de 24 pages.

mardi 19 septembre 2023

Cinéma - L’erreur de “L’été dernier”

"L'été dernier", film français de Catherine Breillat avec Léa Drucker, Samuel Kircher, Olivier Rabourdin, Clotilde Courau

Sujet hautement risqué que celui du nouveau film de Catherine Breillat et présenté en compétition officielle au dernier festival de Cannes. Alors que notre société se rigidifie de plus en plus en ce qui concerne les mœurs, L’été dernier aborde de façon très frontale la problématique de la différence d’âge entre deux amoureux. Avec un soupçon d’inceste virtuel dans le cadre d’une famille recomposée. 

Anne (Léa Drucker) est une avocate déterminée, très engagée dans la protection des mineurs victimes d’abus ou de violence familiales. Elle a presque tout pour être heureuse. Deux petites filles adoptées et adorables, une grande maison avec vaste jardin, un mari, Pierre (Olivier Rabourdin) cadre dirigeant d’une grosse société. 


Ce dernier a eu un fils d’un premier mariage. Un adolescent à problèmes. Théo (Samuel Kircher) vient d’être renvoyé de son lycée en Suisse où il vit avec sa mère. A 17 ans il rejette en bloc toute autorité. Pour le canaliser, Pierre décide de le faire venir en France. Premiers contacts compliqués, mais rapidement une attirance entre le presque adulte et la quadra active brouille les cartes. Et au cours d’un été particulier, Anne va céder au charme de la jeunesse. 

Belle histoire d’amour interdit ou vulgaire retour de sève ? Le film de Catherine Breillat reste assez brouillon donnant avant tout l’impression d’être un triste reportage voyeuriste sur les dérives d’un milieu bourgeois aisé s’affranchissant de certaines limites comme on s’achète une belle voiture. Léa Drucker livre une composition travaillée mais manquant un peu de passion. Le personnage du jeune amant, semble le moins abouti, trop clivant, trop arrogant, trop larmoyant et au final trop rancunier.

lundi 21 août 2023

Cinéma - “La voie royale” vers le pouvoir… ou le changement

"La voie royale", film de Frédéric Mermoud avec Suzanne Jouannet, Marie Colomb, Maud Wyler.


Film sur la fabrique de l’élite de la Nation, La voie royale de Frédéric Mermoud cache bien son jeu. On pense assister durant la première heure à un panégyrique de la culture de l’excellence, sélection naturelle qui permet aux plus brillants de suivre cette fameuse voie royale vers les grandes écoles, étape obligée pour toute personne qui rêve d’exercer le pouvoir.
D’autant que l’héroïne est une « campagnarde », une fille ayant un don pour les maths tout en aidant ses parents tôt le matin à donner à manger aux cochons et à charrier le fumier des vaches. Sophie (Suzanne Jouannet) est brillante. Son professeur de mathématiques voit en elle une pépite. Il fait tout pour qu’elle intègre une classe de prépa du lycée Descartes à Lyon pour tenter les concours.

Réticente au début, elle accepte finalement, avec le rêve a priori inaccessible d’intégrer Polytechnique, l’X. Ce chemin du combattant elle le partage avec Diane (Marie Colomb) et sous les encouragements (et brimades aussi) de sa prof Claire Fresnel (Maud Wyler). Travail intensif, intégration par les anciens, premières désillusions, amours impossibles : La voie royale est le portrait d’une jeunesse française qui oublie parfois de vivre. Sophie, avec son bon sens paysan, va tenter de s’intégrer. Mais elle découvre aussi qu’elle n’est qu’un quota. Une femme et boursière pour améliorer l’image du lycée.
Le film, dans sa seconde partie, prend le contre-pied et propose une autre vision de cette fabrique de l’élite. Élite plus humaine, responsable et au service de tous. Preuve que certains jeunes ambitionnent de prendre le pouvoir pour imposer un véritable changement en phagocytant l‘intérieur du système.
 

dimanche 30 juillet 2023

Cinéma - La Justice devient folle dans “Sur la branche”

Une avocate zinzin s’associe à un avocat dépressif. Un tandem explosif au menu de cette comédie déjantée de Marie Garel-Weiss portant sur la folie ordinaire.


Mimi (Daphné Patakia) souffre d’une maladie psychiatrique grave. C’est la version politiquement correcte. En réalité, Mimi est complètement zinzin. Pas folle à lier, mais sacrément dérangée. Sur l’autoroute, elle roule à 50 km/h pour ne pas risquer de se laisser griser par la vitesse. Quand elle est trop émue, immanquablement, elle en vient à penser au sexe. Une seule solution pour s’en sortir : céder à la tentation. Elle aime ranger les choses, s’oublier dans des tâches répétitives et croire qu’elle tombe amoureuse au moindre coup de téléphone d’un inconnu.

Mimi vient tout juste de sortir d’un long séjour en clinique psy. Normalement, elle aurait dû faire un stage d’insertion aux espaces verts d’un parc de la ville. Mais comme elle est avocate (même si elle n’a jamais eu l’occasion d’exercer…), elle postule dans un cabinet. Maître Claire Bloch (Agnès Jaoui) voudrait s’en débarrasser, mais son étrangeté lui donne l’idée de l’utiliser pour récupérer un dossier important chez son associé et ancien mari, Paul (Benoît Poelvoorde). Ce dernier, en plein burn-out, ne veut plus sortir de chez lui. Et ne plus voir personne. Il risque une radiation du barreau, après avoir escroqué quelques clients. Il a pourtant longtemps été un grand avocat, capable de faire « pleurer un procureur ». Contre toute attente, Mimi parvient à récupérer le dossier et se retrouve presque embauchée. Elle va devenir l’assistante officieuse de Paul, dénichant une affaire de vol de livre rare au fin fond de la Bretagne profonde.

Une comédie avec du fond 

Sur la branche, second long-métrage de Marie Garel-Weiss après La fête est finie, débute sur les chapeaux de roues. Le personnage de Mimi, déjanté, charmant et parfois inquiétant, apporte tout son sel à cette réalisation qui semble être une pure comédie. L’arrivée de Benoît Poelvoorde change un peu la donne. Blessé moralement, déprimé, il apporte un peu de profondeur dans un film qui, finalement, parle essentiellement de folie et de notre perception des différences des autres.


La suite, entre enquête policière, film d’action, et grande évasion surprend. Mais, reste Mimi dans toute sa folie et démesure, parfaitement incarnée par une Daphné Patakia (déjà vue dans la série OVNI(s) sur Canal + et le film Benedetta de Paul Verhoeven) particulièrement douée.

Film de Marie Garel-Weiss avec Daphné Patakia, Benoît Poelvoorde, Agnès Jaoui, Raphaël Quenard
 

vendredi 28 avril 2023

Cinéma - “Avant l’effondrement” personnel et de toute la société

L’effondrement dont il est question dans ce film de la romancière Alice Zeniter est personnel et sociétal. Tristan (Niels Schneider), est un jeune homme de gauche engagé pour changer la société. Directeur de campagne d’une candidate de gauche écologiste à Paris, il mène une vie trépidante.

Pourtant il a conscience que tout est fragile. Le réchauffement climatique semble incontrôlable. La société va mourir en suffoquant. Et personnellement, il a une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Sa mère est morte à 40 ans d’une maladie génétique rare. Héréditaire une fois sur deux. Il n’a jamais voulu se faire tester. C’est donc avec la peur de mourir dans quelques années et la crainte de transmettre cette malédiction qu’il survit.

Des états d’âme qu’il partage avec Fanny (Ariane Labed), sa colocataire, professeur de français. Quand il reçoit dans une enveloppe anonyme un test de grossesse positif, sa vie bascule. Il va mener l’enquête auprès des quatre femmes avec qui il a couché ces derniers mois.

C’est sans doute le gros bémol de ce film politique un peu brouillon. Car s’il avait véritablement une conscience politique responsable du futur, Tristan ne multiplierait pas les aventures d’un soir. Encore moins avec la jeune stagiaire qu’il a lui-même engagée dans le staff de la candidate. Moralité, on peut être de gauche et écolo et se comporter comme un macho sexiste réactionnaire…

Film d’Alice Zeniter et Benoît Volnais avec Niels Schneider, Ariane Labed, Souheila Yacoub

 

samedi 4 février 2023

DVD et blu-ray – Emmanuel Mouret le sentimental

Simon (Vincent Macaigne), est un homme marié. Quand il rencontre Charlotte (Sandrine Kiberlain) à une soirée, il lui parle essentiellement de son épouse et de ses enfants. Cela ne l’empêche pas de rappeler et de lui donner rendez-vous dans un bar, un soir. Ils boivent, discutent, boivent beaucoup, discutent encore plus et, comme une évidence, finissent dans le lit de Charlotte.

Une liaison passagère qui va durer et même se multiplier avec l’adjonction d’une troisième personne.

Le dernier film d’Emmanuel Mouret, en vidéo chez Pyramide, parle donc d’amour. Comme toujours. Un grand sentimental ce cinéaste.

Sensible et toujours à l’affût des nouvelles pratiques des couples de demain. En bonus, un long entretien avec le réalisateur ainsi que le court-métrage Un zombie dans mon lit.

lundi 23 janvier 2023

Cinéma - “Nos soleils” brillent en Catalogne

Tourné en Catalogne dans la région d’Alcarràs, avec des comédiens amateurs, souvent eux-même paysans, Nos soleils, film  de Carla Simón est reparti de la dernière Berlinade avec l’Ours d’or. Une consécration internationale méritée  pour cette jeune cinéaste catalane à la tête d’une œuvre (même si ce n’est que son second long-métrage) marquée par un réalisme et un ancrage dans le présent. Nos soleils (Alcarràs pour son titre original) a des airs de documentaire. Pourtant c’est bien une fiction, avec scénario et comédiens. Mais pour avoir ce côté vérité vraie, la réalisatrice a planté ses caméras sur une véritable exploitation fruitière d’Alcarràs et a confié les différents rôles des membres de la famille Solé a des non professionnels, souvent paysans et donc au fait du travail de cette terre nourricière. 

En plein été, sous une chaleur écrasante, la petite équipe composée de quelques ouvriers immigrés et de la famille ramasse des pêches dans les vergers entourant la maison. Un travail dur, Quimet (Jordi Pujol Dolcet), le père, a le dos en compote, son épouse, Dolors, (Anna Otín) tente de l’obliger à se reposer, en vain. Le fils Roger (Albert Bosch) essaie de bien faire, mais subit toujours les foudres du père. Alors pour décompresser, avec son oncle, il fait pousser quatre pieds de cannabis bien cachés dans un champ de maïs. Reste les plus petits, à peine âgés de 6 ou 7 ans, une fille et deux jumeaux, cousins, profitant de cet immense terrain de jeu que sont les vergers, la ferme et la garrigue alentour. 

Panneaux solaires

Un monde qui est sur le point de s’écrouler, de disparaitre. La faute au grand-père, celui qui a repris l’exploitation de son père après la guerre d’Espagne. Les terres ne lui appartiennent pas. A l’époque, on ne signait pas de contrat, on donnait sa parole. Or le descendant du propriétaire a décidé de récupérer les terrains. Pas pour continuer l’exploitation agricole, trop coûteuse et peu rémunératrice. Il compte couper les arbres et les remplacer par des panneaux solaires. 

Lumineux de bout en bout, ce film passe de la chronique intimiste et locale (querelle de famille, fête de village avec Correfocs, repas dominical et cargolade) à l’universel avec la disparition programmée de cette agriculture qui pourtant depuis la nuit des temps nourrit la population. Une réflexion que Carla Simón mène avec brio, sans jugement à l’emporte-pièce. Juste la volonté de témoigner et de graver sur pellicule cette vie paysanne en train de disparaitre dans une indifférence la plus totale. Dans 30 ans, Nos soleils aura la même résonance que le Farrebique de Georges Rouquier.

Film de Carla Simón avec Jordi Pujol Dolcet, Anna Otín, Xenia Roset

samedi 29 octobre 2022

Cinéma - “Les Harkis” abandonnés

Le film historique de Philippe Faucon aborde, avec une précision glaciale et très réaliste, le sort des harkis, supplétifs de l’armée française durant la guerre d’Algérie.


Un film choral, car au lieu de s’attacher à donner la vision d’un « héros » ou personnage principal, Philippe Faucon raconte les trois dernières années d’une harka, ces brigades chargées de traquer les indépendantistes. Parmi la douzaine de combattants, l’un s’engage juste pour subvenir aux besoins de sa famille, un autre pour venger son frère, exécuté par le FLN, un troisième, car il a craqué sous la torture. Il a dénoncé ses camarades indépendantistes et n’a pas d’autre choix que de passer dans le camp de la France.

Ils sont sous la responsabilité de sous-officiers français, souvent très jeunes, parfois très près de leurs préoccupations. C’est le cas du lieutenant Pascal (Théo Cholbi). Il s’appuie sur ces hommes qui connaissent parfaitement le terrain. La harka sillonne les montagnes de l’arrière-pays, cherchant les unités du FLN, des « résistants », ne peut penser parfois le lieutenant Pascal, trop souvent conscient qu’il fait partie du mauvais camp. Notamment quand il doit couvrir des interrogatoires où la torture est la seule technique utilisée. 

Quand les premières rumeurs du départ de la France d’Algérie bruissent, les harkis sont inquiets. Cet abandon est l’objet du dernier tiers du film, sans doute le plus poignant, car il exprime ce sentiment de trahison. Toujours avec une précision chirurgicale, le réalisateur montre l’abandon des supplétifs par l’armée française, le dévouement de certains sous-officiers (dont le lieutenant Pascal), risquant leur carrière pour tenter de sauver leurs hommes. Il n’est pas montré l’exil de certains vers la métropole, mais c’est une autre histoire qui nous touche directement dans la région.

Film de Philippe Faucon avec Théo Cholbi, Mohamed El Amine Mouffok, Pierre Lottin


vendredi 30 septembre 2022

Cinéma - Liaison passagère entre parenthèses

Le cinéaste Emmanuel Mouret poursuit son étude de l’amour dans cette « Chronique d’une liaison passagère ».

L’amour paraît si simple, si facile, quand Emmanuel Mouret en parle. Ce cinéaste de l’intime explore sans cesse les rapports si complexes et pourtant évidents entre hommes et femmes. Devenu spécialiste de la comédie romantique intellectuelle, il trouve toujours de nouveaux angles pour raconter cette fusion admirable, fruit d’un coup de foudre inattendu. Dans son nouveau film, Chronique d’une liaison passagère, il se frotte à l’adultère. Ce qui pourrait ressembler à un gros mot pour certains, est en réalité pour lui une forme comme une autre de ces relations amoureuses vieilles comme le monde.

Simon (Vincent Macaigne), est un homme marié. Quand il rencontre Charlotte (Sandrine Kiberlain) à une soirée, il lui parle essentiellement de son épouse et de ses enfants. Cela ne l’empêche pas de rappeler et de lui donner rendez-vous dans un bar, un soir. Ils boivent, discutent, boivent beaucoup, discutent encore plus et, comme une évidence, finissent dans le lit de Charlotte.

Clin d’œil à Bergman 

Malgré une culpabilité écrasante, Simon découvre un équilibre inattendu dans cette relation uniquement basée sur le sexe. Charlotte, plus mystérieuse (elle est divorcée et elle aussi a des enfants que l’on ne verra jamais), tente de dédramatiser la situation. Pour elle, il suffit de profiter de ces moments à deux. Sans se poser de questions, en admettant que ce n’est qu’une liaison passagère, une amourette entre parenthèses. Dans des dialogues enlevés, justes et de moins en moins théâtraux (gros défaut des premières réalisations d’Emmanuel Mouret), on suit la progression de cet amour, conscient que sa fin programmée risque de faire de gros dégâts.

A l’un comme à l’autre. Cette envie de plaisir différent pousse même le couple à s’inscrire sur un site pour tenter une expérience à trois. Ce sera avec Louise (Georgia Scalliet), petite épouse délaissée, fragile, qui va les émouvoir plus que de raison quand elle déclare avec sincérité au couple : « Vous êtes beaux ».

Ce film très abouti, permet aussi au spectateur de retrouver une ambiance à la Bergman, un extrait de Scènes de la vie conjugale venant rappeler que Charlotte et Simon, pour beaucoup, sont comme mari et femme. Et si l’amour dure trois ans selon certains spécialistes, combien dure un amour à trois ?

Film d’Emmanuel Mouret avec Sandrine Kiberlain, Vincent Macaigne, Georgia Scalliet

 

vendredi 12 août 2022

Cinéma - Un “Dodo” grec ébouriffant


Après avoir vu Dodo de Pános H. Koútras, vous pourriez regretter que le réalisateur n’ait pas eu l’envie de transformer ce scénario dense en une mini-série de 5 ou 6 heures. Les 2 heures et 15 minutes semblent un peu courtes pour explorer tous les personnages de ce film choral se déroulant sur les deux jours précédant un mariage dans la grande bourgeoisie grecque.

Exactement dans la bourgeoisie en partie ruinée. Car si Sofia s’apprête à épouser Aris, c’est essentiellement pour remettre sa famille en fonds. Le père, ancien député, affairiste, a tout perdu dans la crise. La mère, ancienne comédienne, ne tourne plus depuis des années. Dans leur luxueuse propriété, sans le moindre sou vaillant, ils préparent le mariage quand un étrange volatile fait son apparition. Un dodo, gros poulet originaire de l’île Maurice, normalement disparu depuis des siècles. D’où vient ce dodo, quel sera son rôle dans le mariage ou l’implosion de la famille ?


La comédie de Pános H. Koútras n’apporte pas de réponses directes mais étrille copieusement toute cette société où l’argent est roi, la magouille une religion et la trahison une sorte de prière quotidienne. De la fille qui hésite à se marier et se donne pour 50 euros à un ouvrier au père qui tente de rapatrier de l’argent sale placé dans une banque en Asie à la mère qui voudrait se racheter une conscience en aidant des réfugiés syriens, ils sont tous très détestables.

Pourtant on les comprend et on les excuse car malgré leur mauvais fond, ils ont conscience qu’il faut absolument aider ce dodo, sorte de miracle de la nature.

Le film est caustique, brillant, ébouriffant, parfaitement interprété. Au point qu’effectivement on aurait aimé passer un peu plus de temps dans cette propriété en compagnie de cette famille et de l’employée russe, de l’homme à tout faire albanais, de l’acteur oublié homosexuel ou du trans amoureux d’un redoutable escroc.

Film grec de Pános H. Koútras avec Smaragda Karydi, Akis Sakellariou, Natasa Exintaveloni

dimanche 15 mai 2022

Cinéma - Les belles années des “Passagers de la nuit”

À quoi ressemblait  la famille dans les années 80 ? Réponse avec "Les passagers de la nuit", très beau et très sensible film de Mikhaël Hers.


La nostalgie, camarade ! Les passagers de la nuit, film de Mikhaël Hers, s’ouvre le 10 mai 1981, soir de l’élection de François Mitterrand. Sans doute la dernière fois que le France, toutes origines confondues, était en fête. Depuis il y a eu d’autres victoires, mais pas de fête. Encore moins de grand soir. La politique est omniprésente dans cette histoire qui dépeint une famille parisienne dans ces insouciantes et très optimistes années 80. Pourtant, rien ne va plus dans la vie d’Élisabeth (Charlotte Gainsbourg), la mère de deux grands adolescents, Mathias (Quito Rayon Richter) et Judith (Megan Northam). 

Son mari vient de la quitter. Elle se retrouve seule dans cet immense appartement d’une encore plus grande tour du quartier de Beaugrenelle. Une mère au foyer qui va devoir rapidement trouver du travail. Grande insomniaque, elle va tout simplement solliciter Vanda (Emmanuelle Béart), l’animatrice de l’émission de confidences nocturnes “Les passagers de la nuit” qu’elle écoute régulièrement. C’est là, alors qu’elle filtre les appels au standard, qu’elle va rencontrer Talulah (Noée Abita), une jeune un peu paumée, allant de squat en squat. Elle va lui proposer une chambre et agrandir temporairement la famille. 

Après le très remarqué Amanda, avec Vincent Lacoste, Mikhaël Hers récidive dans la chronique sociale. Mais en plaçant son récit dans ces années 80 (de 1981 à 1988 exactement, un septennat…), il offre également à nombre de spectateurs une appréciable bouffée de nostalgie. Que la vie était simple et pleine d’opportunités à cette époque. Élisabeth, avec son don pour l’écoute des autres, va s’épanouir à la radio.  

Mathias peut se rêver en poète ou écrivain. Il a un emploi alimentaire mais propose toujours ses écrits aux maisons d’éditions, attendant avec impatience les réponses par courrier. Judith poursuit ses études et a envie de faire de la politique. A gauche évidemment. Quant à Talulah, petit oiseau fragile, elle va se reposer dans ce havre de paix, mais ses démons intérieurs la font culpabiliser de ce bonheur qu’elle estime ne pas mériter. Quatre parcours de vie typiques de ces années 80, libres et enthousiastes, une période que le réalisateur regrette tant de ne pas avoir vécu à l’âge de Mathias ou Judith. 

Film de Mikhaël Hers avec Charlotte Gainsbourg, Quito Rayon Richter, Noée Abita, Emmanuelle Béart

mercredi 30 mars 2022

Cinéma - “Le monde d’hier” face à la politique de demain

La présidente Léa Drucker. Photo Pyramide Films

À moins de deux semaines du premier tour de la présidentielle, Le monde d’hier, film politique de Diastème, fait froid dans le dos. Dans cette France imaginaire, l’Élysée est occupé, depuis 5 ans, par Isabelle de Raincy (Léa Drucker). Elle a décidé de ne pas se représenter. Officiellement, pour s’occuper de sa fille ado. En réalité, car elle est gravement malade et ne pourrait pas achever son second mandat. A quelques jours du second tour, entre le représentant de son parti et le candidat de l’extrême droite, son directeur de cabinet (Denis Podalydès), lui apprend qu’une vidéo compromettante allait annihiler toute chance de l’emporter pour le candidat républicain. Il faut, dans l’urgence, trouver une solution pour éviter que le pays ne tombe dans les mains d’un populiste. D’autant qu’au même moment un attentat terroriste à l’étranger provoque la mort de plusieurs Français et met la campagne entre parenthèse.

Présenté, en première mondiale, au festival international du film politique de Carcassonne, en janvier dernier, Le monde d’hier aborde, de façon très frontale, le problème de la montée des extrémismes dans une république.  Pour le réalisateur, le danger est très présent, aux portes du pouvoir. Il a bénéficié, pour écrire son scénario, des conseils avisés de Fabrice Lhomme et Gérard Davet, journalistes qui connaissent parfaitement les rouages de l’État. Le film, toujours très sombre, comme dans une nuit qui risque de s’abattre sur tout le pays, explique comment les politiques, parfois, doivent mentir, se renier, mentir et même trancher dans le vif pour éviter le pire. Une démonstration qui fait un peu froid dans le dos.

Film français de Diastème avec Léa Drucker, Denis Podalydès, Alban Lenoir