dimanche 8 septembre 2024

Cinéma - “À son image” et les fractures de la lutte corse

En retraçant la vie d’Antonia, photographe corse d’un journal local, Thierry de Peretti filme l’évolution d’une jeunesse de plus en plus révoltée, de plus en plus violente. 

« Vie et mort d’un idéal » aurait aussi pu convenir comme titre au nouveau film de Thierry de Peretti. Après Une vie violente, sur la montée de la lutte armée radicale dans les milieux nationalistes corses, c’est de nouveau dans ce terreau fertile en tragédies que le réalisateur puise son inspiration pour A son image. Adapté du roman éponyme de Jérôme Ferrari, il propose une vision différente des événements. En racontant la vie d’Antonia (Clara-Maria Laredo), jeune corse devenue photographe de presse, il propose une lecture plus féminine. Antonia, à 18 ans, tombe follement amoureuse de Pascal (Louis Starace). Des allures de Jésus, mais avec une conscience politique très marquée.

Rapidement il passe à l’action violente. Premier séjour en prison. Antonia l’attend. Il revient. Replonge. Elle se résigne, vivote de ses reportages photos dans le journal local. Baigne dans ce milieu nationaliste, toujours remonté contre les « colonisateurs ». Mais jamais ne s’engagera. Par conviction, mais aussi car cela ne semble pas être dans la tradition corse.

En creux, dans ce film retraçant quinze années de la vie d’Antonia, on comprend que la lutte armée n’empêche pas le machisme. Quand Antonia annonce à Pascal, de nouveau en prison, qu’elle ne va plus l’attendre cette fois, il explose. Comme si elle devait pour toujours lui être fidèle.

Le film, de témoignage sur l’évolution de la mentalité de la jeunesse corse, bascule vers une charge contre de traditions patriarcales. Antonia, à qui l’on refuse de couvrir les événements liés au terrorisme dans son île, décide d’aller photographier la guerre des Balkans. Une grosse prise de risque, nécessaire si elle veut sortir de son marasme personnel, retrouver goût dans son métier. Ne pas se contenter de clichés d’assemblées générales ou de parties de pétanque. Elle reviendra très déçue de Belgrade, encore plus amère et désespérée de devoir admettre que ses photos ne servent à rien, même quand elles montrent toute l’horreur du monde.

Une constatation qui devrait faire parler dans les couloirs des expositions du festival Visa pour l’image qui se déroule actuellement à Perpignan.

La suite est encore plus sanglante. Le FLNC se divise. Les assassinats, à l’intérieur du mouvement, entre factions opposées, marque un tournant. Antonia s’éloigne encore plus de cette mouvance et semble s’épanouir en créant sa petite société. Mais à quel prix ?

Le film, lumineux par certains côtés (prise de conscience, émancipation…) est aussi profondément pessimiste face à une île et une jeunesse, perdant tout idéal, ne trouvant que la violence pour se faire entendre.

Film de Thierry de Peretti avec Clara-Maria Laredo, Marc’Antonu Mozziconacci, Louis Starace

Aucun commentaire: