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lundi 24 septembre 2012

Roman - Jim Harrison lance un flic retraité sur les traces d'un gourou

Un policier à la retraite prolonge sa dernière enquête : mettre hors d'état de nuire le gourou d'une secte. Roman américain typique de Jim Harrison.

Une nouvelle fois, Jim Harrison met la vieillesse au cœur d'un roman. Le personnage principal, l'inspecteur Sunderson, vient de prendre sa retraite. Un flic de 65 ans, tenace et opiniâtre. Pourtant « Grand Maître » n'est pas un polar. Au contraire, Jim Harrison a tenu à préciser que c'était un « faux roman policier ».
Cela commence pourtant un peu comme un de ces textes sur l'Amérique profonde et ses dérives. Un gourou a installé une secte aux abords de Marquette dans le Michigan. Comme c'est le secteur de Sunderson, il prend en grippe ce fameux Grand Maître. Mais au moment de le coffrer pour pédophilie, il parvient à s'enfuir. Sunderson, bien qu'il soit à la retraite depuis quelques jours, décide de le retrouver et de l'arrêter. Il n'est pas complètement dupe et sait parfaitement que cette décision est surtout la conséquence de sa peur de l'inaction.

Mona, le matin
Et avec douceur on entre dans la partie psychologique du roman. C'est du Jim Harrison. C'est donc un peu égrillard. On découvre le petit plaisir de Sunderson du matin. Plaisir et culpabilité. La fenêtre de son salon donne directement sur la chambre de sa jeune voisine, Mona, 16 ans. Le matin, en petite culotte, elle fait ses exercices de yoga. Sunderson n'en perd pas une miette. Et se le reproche, encore et encore. « La sexualité ressemblait parfois à un sac à dos bourré de bouse de vache qu'on devait trimbaler toute la journée, surtout pour un senior qui s'accrochait désespérément à ses pulsions déclinantes. » Mona, parfaitement au courant de son petit manège, ne lui en veut pas. Au contraire, elle prend elle aussi beaucoup de plaisir. Normal, l'adolescente est quasiment seule chez elle (mère représentante de commerce) et Sunderson fait un peu office de père de substitution.
Grâce à Mona et sa science de l'informatique (du piratage informatique exactement...) il retrouve la trace du gourou au Nevada. Il décide sur un coup de tête de plaquer le climat rude du Michigan pour la canicule du désert. Cela tombe bien, sa mère s'y est installée pour passer une retraite au chaud. Il retrouve la nouvelle base de la secte. Mais n'est pas très bien accueilli. Caillassé, laissé pour mort, il est sauvé in extremis. Ce n'est que partie remise. Sunderson est vraiment tenace.

Le chant des oiseaux
Durant sa convalescence, il campe plusieurs fois au cœur du désert. C'est une autre constante des romans de Jim Harrison : un rapport quasi charnel avec les éléments. Ainsi, ce réveil au petit matin : « Une profusion de chants d'oiseaux faisait vibrer l'air liquide de l'aube et il eut l'illusion de pouvoir comprendre ce dont ces oiseaux parlaient à travers leurs chants. Les paroles, d'une grande banalité, évoquaient la nourriture, le foyer, les arbres, l'eau, le guet des corbeaux ou des faucons. Il n'y avait là rien d'extraordinaire, et il continua de comprendre les oiseaux jusqu'à ce qu'il tisonne les braises et prépare son café. » D'autres descriptions, tout aussi poétiques, racontent la neige et le blizzard sur les rives du Lac Supérieur.
Alors c'est vrai qu'on est loin du roman policier pur et dur. Certes l'enquête reste en fil rouge mais, à choisir, les rapports compliqués entre Sunderson, son ex-femme et Mona sont beaucoup plus passionnants que cette chasse au gourou.

« Grand Maître » de Jim Harrison, Flammarion, 21 € (Disponible en format poche chez J'ai Lu. Vient de paraître également un recueil de poèmes inédits, « Une heure de jour en moins », Flammarion, 19 €)


mercredi 29 avril 2009

Littérature américaine - Refaire sa vie à 60 ans dans les pas de Jim Harrison

Jim Harrison revient à ses premières amours : un road-movie plein de vigueur avec pour héros un sexagénaire meurtri mais plein d'ardeur.

Si vous avez un petit coup de blues, notamment en constatant que vous vous faites vieux, précipitez vous sur ce roman de Jim Harrison. Vous retrouverez l'allant de vos vingt ans. Quel que soit votre parcours auparavant, vous ressortirez de ces 300 pages, lues forcément trop vite tant elles sont passionnantes, avec une pêche d'enfer et un maximum de projet.

Cliff, le héros de ce roman, avant de se lancer dans sa folle odyssée, est passé par une période noire. A 60 ans passé, il découvre que sa femme le trompe, qu'elle a décidé de vendre la ferme familiale (en ne lui laissant que 10 % du prix de vente) et pour couronner le tout il découvre sa chienne Lola, morte derrière son pick-up. Il croit l'avoir écrasée en revenant d'une de ses beuveries. Un ami lui prouve le contraire, Lola est simplement morte de vieillesse.

D'agriculteur à voyageur

Il va alors changer d'attitude. Après 25 années passées à vivre au rythme des saisons, à surveiller ses bovins et ses cerisiers, il va tenter de réapprendre à être libre comme l'air. Il monte dans sa voiture et décide de traverser les 49 états des USA en une année. Il part du Michigan et met le cap à l'ouest. Le lecteur embarque donc avec ce vieil Américain ayant décidé de remonter la pente de la plus simple des manières : toujours aller de l'avant. Cliff ne part pas complètement à l'aventure. Il a un peu d'argent de côté sur son compte en banque, l'adresse d'une fille facile et aussi celle d'une ancienne élève car avant de retourner cultiver ses terres, il a été prof de littérature.

Le premier choc pour Cliff c'est de se retrouver sans tâche à réaliser sur une ferme qui n'existe plus. Habitué à se lever aux aurores, il s'ennuie un peu le matin. Des heures immobiles durant lesquelles il réfléchit beaucoup sur son sort actuel et sa vie passée. Il découvre ainsi que la météo devient « le cadet de mes soucis ». « Une partie de l'esclavage mental qu'est l'agriculture tient au fait qu'on se dit toujours qu'il fait trop chaud ou trop froid, trop humide ou trop sec, ou qu'une tempête risque d'abîmer les fruits. »

Insatiable Marybelle

L'autre nouveauté pour Cliff, c'est de redécouvrir qu'il peut réaliser des prouesses au lit. Son ancienne élève, Marybelle, la quarantaine, typique desperate housewife, semble insatiable côté sexe. Il n'a pas une minute de repos. Sauf quand elle se met à téléphoner à ses amies. Pourtant Cliff ne supporte pas les téléphones portables. C'était déjà une pomme de discorde avec son ancienne femme, commerciale dans l'immobilier. Même quand ils faisaient l'amour, elle refusait de l'éteindre lui expliquant : « à quoi bon rater une commission de dix mille dollars afin de me faire baiser pour la cinq millième fois ? » Résultat, Cliff, après avoir jeté dans la cuvette des WC le portable offert par son fils, lâche cette sentence définitive : « L'usage du téléphone était bien pire que de marcher sur une crotte de chien ou, la nuit, dans une bouse de vache fraîche. »

Le périple de Cliff sur les routes américaines va se prolonger quelques semaines, le temps de rencontrer, entre autres, un éleveur de serpent à sonnettes, une serveuse gagnant plus en se transformant en modèle pour peintre du dimanche ou un docteur passionné de pêche (et encore plus de femmes infidèles).

Le héros va redécouvrir cette Amérique immortelle, humaine, presque légendaire. Il va se retaper le moral au gré des rencontres et cette embellie va être contagieuse pour le lecteur qui refermera ce livre avec petit pincement au cœur à l'idée de quitter cet homme et cet univers.

« Une odyssée américaine », Jim Harrison, Flammarion, 21 €