Affichage des articles dont le libellé est calmann-levy. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est calmann-levy. Afficher tous les articles

mercredi 29 octobre 2025

Roman - Titaÿna, célébrité catalane oubliée

Découvrez dans le nouveau roman d'Hélène Legrais le destin et la chute d'une journaliste pionnière de l'entre deux guerres, Elisabeth Sauvy de Villeneuve-de-la-Raho en Pays Catalan, alias Titaÿna de son nom de plume.

Sujet brûlant d'actualité au centre du nouveau roman d'Hélène Legrais, écrivaine qui a toujours profité de l'histoire de son cher Pays Catalan pour signer des récits finalement universels. En décidant de remettre sur le devant de la scène la figure oubliée de Titaÿna, c'est tout un pan un peu honteux de l'histoire contemporaine française que l'ancienne journaliste de France Inter et Europe 1 sort des limbes de l'oubli. Mais ce n'est pas un hasard si elle raconte l'existence de cette femme indépendante, totalement effacée des radars après sa période, courte mais intense, de collaboration avec les journaux à la botte de l'occupant nazi. En fin d'ouvrage, elle s'en explique : « 85 ans après, crise économique, crispation sociale et montée des extrêmes semblent à nouveau se conjuguer pour nous mener dans la même funeste direction. L'Histoire bégaie et redonner vie à cette période ainsi qu'à la façon dont nos aïeux l'ont traversée, c'est un peu nous présenter un miroir pour nous regarder au fond de l'âme. Nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas... » 

Pour raconter Titaÿna et cette France déjà en plein recul dans le concert des Nations, Hélène Legrais utilise avec intelligence le contre-point. D'abord un ancrage local (collection Territoires oblige), la montée à Paris, en 1928, de Baptiste, le fils de l'épicier de Villeneuve-de-la-Raho, village près de Perpignan. Il veut voler de ses propres ailes, conquérir la capitale. Il va aller sonner chez une vague connaissance, Elisabeth Sauvy, de Villeneuve elle aussi, devenue une célèbre journaliste sous le nom énigmatique de Titaÿna. « Regard de braise, teint mat et menton pointu, volontaire. » « Une femme de trente ans sûre d'elle, enroulée dans une sorte de peignoir de soie brodé d'oiseaux exotiques qui ondulait autour de son corps mince et nerveux. » Baptiste aurait pu tomber amoureux. Mais c'est une autre femme, de son âge, qui va lui faire encore plus d'effet, Nicolette. Elle aussi est fascinée par Titaÿna, son métier, son indépendance. Nicolette veut devenir une grande et célèbre journaliste, comme son modèle. Le roman raconte cette double fascination pour Titaÿna la rebelle, du petit Catalan et de l'intellectuelle parisienne en mal d'émancipation. 

Titaÿna, au début de sa carrière, a beaucoup fait pour la cause des femmes et des peuples dits « primitifs » dans ses reportages autour du monde. Mais avec la célébrité, elle a oublié ses idéaux et quand les nazis déferlent sur la France et occupent Paris, elle accepte de signer dans des journaux collaborationnistes des articles violemment antisémites. Au grand dégoût de Nicolette qui elle préfère ne plus écrire une ligne et résister secrètement. Deux femmes, deux journalistes, une inventée, une très réelle pour permettre aux lectrices et lecteurs du roman de se demander quelle aurait été leur attitude. Un conditionnel qui n'est presque plus de mise tant les événements nous rattrapent à la vitesse d'un cheval au galop.   

« La fascination Titaÿna » d'Hélène Legrais, Calmann-Lévy, 368 pages, 20,90 €

mercredi 7 mai 2025

Thriller - Dans les bois du Vallespir, l'ours menace Angèle

Clinique psychiatrique, meurtriers jugés déments, fête de l'ours et femme à la dérive : tel est le cocktail gagnant de ce thriller se déroulant dans le Vallespir et signé Alexandra Julhiet.


Plus un personnage est dans le doute, au bord de la dépression voire de la folie, plus le thriller est généralement réussi. Angèle, la narratrice de ce roman d'Alexandra Julhiet est au bord du gouffre. Pourtant c'est une femme forte. Installée à Paris depuis des années, elle est analyste pour une société renommée. Donnez-lui de tonnes de documents sur un sujet précis, elle lit l'ensemble et en tire des conclusions que son patron vend à prix d'or. Rationnelle, efficace sans la moindre faille. Jusqu'à la fin de son couple. Trompée par un mari qui l'abandonne dès qu'il est démasqué. Seule dans son grand appartement, elle déprime. Cauchemarde. C'est un suicide (un homme saute du dernier étage d'un immeuble devant ses yeux) qui l'achève. Et un message retrouvé écrit sur la glace de sa salle de bains, « Va crever !». 

Son boss l'oblige à prendre quelques jours de repos. Elle va chez son père, psychiatre à la retraite. Ce dernier, qui perd un peu la tête, décide de profiter de la présence d’Angèle pour aller dans le Vallespir, assister à la fête de l'ours à Saint-Martin-d'Inferm, village fictif, sorte de contraction des trois cités qui célèbrent le plantigrade à la fin de l'hiver. C'est dans ce village, où son père possède une vieille maison, que le drame se noue. 

L'autrice, connue comme scénariste à la télévision, signe son second roman et parvient rapidement à passionner ses lecteurs. Certes l'intrigue semble un peu cousue de fil blanc, mais on tremble quand même pour cette femme, prête à tout pour découvrir la vérité sur son passé, son enfance, ses origines. 

Et puis il y a la description de cette fête de l'ours, folklorique mais aussi triviale, excessive. Angèle ne cache pas son malaise dans la foule avinée : « L'atmosphère semblait joyeuse et bon enfant, moi je la trouvais lugubre, comme si un désastre était sur le point d'arriver. L'un des ours, une masse de plus de deux mètres, tanguait dans la foule à la recherche  d'une bagarre. Un autre profitait de son anonymat pour mettre des mains aux fesses des jeunes filles qui réagissaient en gloussant, inconscientes du danger. » Angèle va subir les assaut d'un ours dans les bois, pas loin d'une clinique psychiatrique. Dans cet établissement, des meurtriers, jugés non responsables de leurs crimes en raison de leur démence, vivent en semi liberté. Le père d'Angèle y a travaillé quand elle était enfant. Du moins c'est ce qu'elle croit se souvenir. Une histoire sur la mémoire, le mal, l'hérédité et la famille. Sans oublier Angèle, lumineuse héroïne qui va enfin sortir des limbes de l'oubli.  

« La nuit de l'ours » d'Alexandra Julhiet, Calmann-Lévy, 380 pages, 20,90 € 

jeudi 20 mars 2025

BD - Une famille unie lancée dans "Le grand monde"

Roman paru chez Calmann-Lévy et vendu à des milliers d'exemplaires, Le grand monde de Pierre Lemaitre est adapté en BD. Toujours par Christian de Metter qui avait déjà proposé une version graphique de la précédente trilogie débutée par Au revoir là-haut. Pas toujours évident de proposer une version illustrée d'un texte si riche. Le dessinateur a pourtant trouvé les ressources pour transformer ce roman fleuve en passionnante saga familiale, aux décors multiples et rebondissements encore plus nombreux.

La famille Pelletier est au centre de ce témoignage du monde de la la fin des années 40. La guerre vient à peine de s'achever. La tension est encore palpable à Paris. C'est là que les ennuis débutent pour Jean, François et Hélène, trois des enfants du couple Pelletier connu pour sa prospère savonnerie installée à Beyrouth. Les trois enfants Pelletier, tous majeurs, sont arrêtés et interrogés par la police. Ils ont bien des choses à se reprocher. Mais ne savent pas exactement pourquoi ils se retrouvent en position d'accusés. 

Jean et sa femme magouillent dans le textile. Des tissus achetés à vil prix aux artisans juifs, quelques années plus tard, quand il fallait trouver de l'argent pour quitter cette France occupée de plus en plus antisémite. 

Hélène a des relations douteuses. Des drogués qui braquent des pharmacies. Quant à François, journaliste, il est sur le point de dévoiler un gros scandale financier lié à la piastre indochinoise. Trois histoires entrecroisées, parfaitement amenées et développées, de Paris au Liban en passant par l'Indochine, colonie en guerre où le quatrième fils Pelletier, Etienne, tente désespérément de retrouver le grand amour de sa vie. 

On ne doit pas en dire trop pour ne pas gâcher les rebondissements et liens entre les différentes affaires (et même romans de Pierre Lemaitre). D'ailleurs c'est le gros problème de ces adaptations dessinées. Ceux qui ont lu le roman sont toujours un peu désappointé. Et une fois l'album refermé, on a envie de lire le roman, tout en sachant à l'avance ce qu'il va se passer. Par chance, certaines oeuvres sont plus fortes que tout. Le grand monde en fait partie. 

"Le grand monde", Rue de Sèvres, 184 pages, 25 €

dimanche 30 octobre 2016

Roman : Sang, sexe et volupté dans «Trois gouttes de sang grenat » d'Hélène Legrais

Cinquante nuances de grenat, voilà le titre qu’Hélène Legrais aurait pu donner à son dernier opus très chaud.

hélène legrais,grenat,perpignan,calmann-levy
Dans ses remerciements en fin d’ouvrage, l’écrivaine catalane ajoute «un dernier mot pour mon fils Hadrien : j’espère que certaines scènes écrites par ta mère ne vont pas te choquer ! » Et en effet, elle prend un virage serré par rapport à ses précédents opus. Si l’action se déroule toujours à Perpignan et ses environs, on est très loin du classique roman de terroir avec ce héros, complexe, tourmenté, incapable depuis trois ans de consommer son mariage arrangé avec la pourtant charmante Suzanne. Fin des années 1880, rue de l’Argenterie, le joaillier Auguste Laborde fils prend la relève d’un père inspiré. Il n’est pas dupe : il manque du génie paternel et réussit à faire vivoter l’affaire sur sa réputation. Méprisé par son épouse, ignoré par sa sœur, brimé par sa mère, Auguste cherche l’ombre. Dans ce but, il achète une petite maison rue de l’Anguille. Et sa vie bascule.
■ Nuances sanglantes du grenat
hélène legrais,grenat,perpignan,calmann-levyLa porte en bois d’un réduit donne sur l’immeuble voisin, une maison close. Par l’interstice des planches, Auguste devenu voyeur compulsif, ressent des émotions charnelles inconnues devant le défilé des prostituées. Jusqu’au jour où il est témoin du meurtre de l’une d’elles. Il n’aura alors de cesse de démasquer le meurtrier dont il n’a vu que les mains. Hélène Legrais a visiblement décidé de pimenter son récit. Elle transforme son héros en bête de sexe, parsème le roman de passages débridés. Preuve en est avec de nombreux succès de librairies ces dernières années, voilà un créneau qui rapporte.
On se laisse happer par l’intrigue, on apprécie un livre bien documenté, historiquement irréprochable, on regrette néanmoins l’énumération inutile et trop fréquente des nombreuses rues de Perpignan (Google Street permet aujourd’hui même aux Esquimaux de le visualiser d’un clic). Mais comme le prouve Hélène Legrais, seuls les imbéciles ne changent pas d’avis. Et on apprécie cette nouvelle facette d’une écrivaine autrefois un peu trop lisse.
Fabienne Huart
➤ «Trois gouttes de sang grenat », Hélène Legrais, Calmann- Lévy, 19,90 €

vendredi 8 avril 2016

Polar : Ancestrales vengeances


Étrange roman policier que ce livre signé Bernard Simonay. Si les héros récurrents semblent un peu fades, les personnages secondaires au contraire sont toujours dans l'excès. En Touraine, des spéléologues amateurs découvrent un cadavre au fond d'une caverne. Premier édifice d'une intrigue s'étirant sur plus de 70 ans. Karine Delorme, héroïne de la série, aide son ami Marc, commissaire.
Ils croisent la route d'une riche propriétaire, Eugénie Varney, surnommée la mère grippe-sou. Personnage pivot du roman, elle a bien des secrets à cacher et une fortune à préserver. Quelques meurtres plus tard, la sarabande des suspects ne cesse de s'amplifier. La faute au supérieur de Marc, le très réussi Dessartines, chef du SRPJ de Tours.
"Meurtres d'outre-tombe" de Bernard Simonay. Calmann-Lévy. 20,50 euros

mercredi 11 novembre 2015

Cinéma : James Bond, 007 à jamais



L'espion le plus célèbre de la planète est de retour dans "Spectre", superproduction avec Sam Mendès derrière la caméra, Léa Seydoux et Monica Bellucci dans les rôles des femmes fatales et Daniel Craig, pour la quatrième fois dans le costume de James Bond. Retour sur un phénomène.


De Londres à Tanger en passant par Mexico, le nouveau James Bond permet au héros interprété par Daniel Craig de beaucoup voyager. Il y affronte le chef de "Spectre", une organisation mondiale, le mal incarné par un homme froid et calculateur qui a les traits de Christoph Waltz. Pour adoucir ce face-à-face mouvementé, rythmé par des explosions, des combats et des courses-poursuites (dans les rues de Rome cette fois), deux femmes sont en vedette. Une veuve, rapidement consolée par le bel anglais, Monica Bellucci, et une orpheline, tout aussi rapidement réconfortée par Bond qui n'a pas l'empathie sélective, Léa Seydoux. Le film de plus de 2 h 20, le 24e de la série, ne souffre pas du moindre temps mort. Passée la scène d'ouverture (plan séquence virtuose dans des rues de Mexico noires de monde), on retrouve tout l'univers créé par Ian Fleming dans les années 50 et perpétué depuis sur grand écran.

Modernes contre anciens
Le nouveau M (Judy Dench n'est plus de la partie depuis la fin dramatique de Skyfall) pique une grosse colère. Les écarts de Bond nuisent au service. D'autant qu'un certain C, politicien ambitieux, veut le moderniser, voire le démanteler. Heureusement il reste toujours l'adorable Moneypenny (Naomie Harris) et l'ingénieux Q (Ben Whishaw) pour prêter main-forte à l'espion de plus en plus isolé. Sam Mendès, après le formidable succès de Skyfall, a longtemps hésité avant de signer pour un nouvel opus. Daniel Craig semble avoir mis tout son poids dans la balance pour convaincre le réalisateur qu'il pouvait encore apporter quelque chose à la franchise. Le résultat est époustouflant, du début à la fin. Tout en conservant cette dimension humaine insufflée au personnage depuis "Casino Royale". "Spectre" s'annonce comme un des plus gros succès de cette année 2015, "Daniel Craig paraît à son apogée. Il maîtrise le rôle à la perfection. Pour bon nombre d'amateurs, il est désormais le chaînon manquant entre Sean Connery et Timothy Dalton. À la fois, violent et tourmenté, cynique et vulnérable", souligne Guillaume Evin, spécialiste du personnage de Bond. Le film met une nouvelle fois une actrice française en vedette, Léa Seydoux, interprète de Madeleine Swann (clin d'œil des scénaristes à la littérature française, preuve qu'il n'y a pas que des incultes à Hollywood). Si dans un premier temps, elle rejette violemment l'espion anglais responsable de la mort de son père, elle va vite découvrir un homme déterminé à la protéger quoi qu'il arrive. Menacée par les sbires de Spectre, elle échappe à une tentative d'enlèvement en pleine montagne et montre des talents étonnants à la bagarre dans un train marocain. Elle finira dans les bras de James après cette jolie réplique : "Et maintenant, qu'est ce qu'on fait ?" Comme si ce n'était pas évident. Enfin, saluons le petit rôle, mais très lumineux, de Monica Bellucci. Celle qui a été auditionnée mais non retenue pour "Demain ne meurt jamais", est totalement irrésistible en veuve de 50 ans. Car Bond séduit toutes les générations.

_________________

"Spectre", paroles des comédiens

Lors d'une conférence de presse récemment à Paris, les principaux acteurs de ce 24e James Bond se sont confiés.

Daniel Craig : "Je suis prêt à tourner de nouveau avec Sam Mendès"
"Quand j'ai accepté d'interpréter James Bond, je savais que c'était un rôle difficile à jouer. J'ai demandé aux producteurs si je pouvais participer au processus, à donner mon avis et à être vraiment présent. Ils ont accepté et très généreusement ils m'ont également crédité du titre de coproducteur de ce dernier Bond. Tourner un James Bond est un immense défi, c'est quand même huit mois de tournage. Mais je suis entouré de gens extrêmement talentueux et je ne suis qu'une toute petite partie de cette équipe. Je suis un grand fan de Léa Seydoux et dès que je l'ai vue, j'ai voulu jouer avec elle. Nous avons eu beaucoup de chance car quand on prépare un James Bond, on fait des listes d'acteurs et ils ont tous accepté. Je suis évidemment prêt à retourner avec Sam Mendès. Mais actuellement, ce n'est pas d'actualité. En ce moment, tous, nous n'avons qu'une envie : ne plus penser à James Bond".

Léa Seydoux : "Loin du cliché de la femme objet"
"Lorsqu'on a un appel pour passer un casting pour James Bond, on n'y croit pas, on se dit que ça ne marchera jamais, c'est comme le loto, on joue mais on sait qu'on ne gagnera jamais. D'ailleurs, j'ai totalement raté mon premier essai. Mais ensuite, mon agent m'a dit que Sam Mendès m'avait beaucoup appréciée et au rendez-vous suivant, il m'a accueillie les bras ouverts en me disant 'bienvenue dans la famille'. En lisant le scénario j'ai constaté que c'était une James Bond's girl plus moderne, qu'ils voulaient s'éloigner du cliché de la femme objet. Madeleine est un vrai personnage, qui a un trajet émotionnel et qui va devoir affronter son passé. Et finalement, elle a beaucoup de points communs avec le James Bond actuel". La suite ? Je n'ai pas de projet en ce moment, mais j'adorerais interpréter une super-héroïne !".

Monica Bellucci : "Une femme mûre et féminine"
"J'ai été très surprise de l'appel de Sam Mendès car je me suis dit : 'Qu'est ce que je fais à 50 ans dans un James Bond ?'. Mais lui cherchait une femme mûre à mettre à côté de James Bond. Lucia, la veuve, n'a plus la jeunesse mais elle a une féminité encore vivante qui lui sauve la vie. Que l'on fasse les méchantes ou les gentilles, il y a toujours quelque chose de magique à interpréter une James Bond's girl. Ce sont des rôles objet, mais peu importe... Je ne suis restée qu'un mois sur le plateau de "Spectre", ce qui est peu quand on pense que je tourne depuis trois ans dans le prochain Kusturica".

___________________

Encyclopédie et roman

 Présenté comme le spécialiste français de James Bond, Guillaume Evin a de nouveau mis tout son savoir à la disposition de ceux qui auraient quelques lacunes. "James Bond, l'encyclopédie 007", soit 224 pages richement illustrées avec une multitude d'anecdotes et la présentation chronologique des 24 films composant la saga. Ce beau livre qui sera du plus bel effet sous les sapins de Noël, est une mine d'informations. En plus de longs articles sur la production des films, le choix des acteurs pour le rôle-titre et celui des James Bond's Girls, indispensables au succès des films, des éclairages plus anecdotiques vous permettront de tout savoir sur les différentes voitures conduites (et parfois massacrées) par l'espion ou des armes qu'il a utilisées pour faire un sort aux méchants. On apprécie particulièrement les nombreuses photos des tournages, pour mieux comprendre l'ambiance qui régnait sur les plateaux. Tel Sean Connery, endormi sur relax, quelques bouteilles de bière vides abandonnées par terre ou Roger Moore au volant du bolide le plus étonnant de la saga : une 2CV jaune, criblée de balles. Au rayon des méchants, à côté des grandes légendes que représentent Donald Pleasance, Christopher Lee ou Christopher Walken, les Français ne sont pas en reste avec Michaël Lonsdale, Louis Jourdan et plus récemment Mathieu Amalric.
"James Bond, l'encyclopédie 007", Hugo Image, 24,95 €.
En roman aussi....
Avant de s'animer sur grand écran, James Bond est un héros de romans. Ian Fleming a signé une quinzaine de titres avant de mourir en plein succès au milieu des années 60. Depuis, l'espion a déserté les librairies. Mais fort du succès des derniers films, notamment depuis que Daniel Craig a repris le rôle, l'idée de nouveaux romans a titillé les héritiers. Une nouvelle fois, Anthony Horowitz s'est mis derrière la machine à écrire. Après avoir ressuscité Sherlock Holmes, l'écrivain anglais a plongé dans l'univers de Ian Fleming. Pour être le plus fidèle possible, il s'est appuyé sur des notes originales censées être le support d'un épisode des aventures de 007 dans le milieu de la course automobile. Un roman qui file à toute vitesse, avec cette pointe de nostalgie si agréable.
"Déclic Mortel", Anthony Horowitz, Calmann-Lévy, 18 €.


dimanche 30 novembre 2014

Livre : N'ouvrez jamais les yeux !

Dans un monde futuriste, plongé dans l'obscurité par nécessité, Josh Malerman fait trembler ses lecteurs sans jamais décrire la menace qui anéanti la planète.

malerman, bird box, calmann-levyLe premier incident est apparu en Russie. Un homme est pris de folie subite. Il tue plusieurs de ses proches et se suicide. Des phénomènes qui se reproduisent et se propagent. Comme une épidémie. Un premier cas est signalé en Alaska. Puis ce sont les autres états d'Amérique qui sont touchés. Les tueries suicidaires sont localisées puis généralisées. En quelques semaines il n'est plus question que de cela partout dans les médias. Après bien des suppositions erronées, il semble que les crises sont déclenchées par la vue de quelque chose. Certains parlent de « créatures » qui seraient en train d'envahir la planète. Mais cela reste en l'état de supposition. En fait, personne ne peut témoigner après avoir été touché par l'épidémie. Alors certains se disent que la meilleure façon de survivre reste de ne plus regarder dehors, de ne plus jamais ouvrir les yeux et de rester cloitré dans sa maison en espérant que cela va passer.
Ce préambule est expliqué dans les premières pages très percutantes et angoissantes de « Bird Box », premier roman de Josh Malerman, auteur américain également chanteur et parolier d'un groupe rock. La situation est décrite par l'intermédiaire de Malorie. Quand les premières crises sont apparues, elle vient d'apprendre qu'elle est enceinte. Elle n'a pas le temps de prévenir le père, rapidement le pays se met à l'arrêt. Plus de téléphone, de télévision, réseau internet coupé. Elle s'enferme dans la maison avec sa sœur, son seul soutien. Mais cette dernière, supportant moins bien la claustration volontaire, craque et regarde par la fenêtre. Elle finira deux heures plus tard dans la baignoire, totalement vidée de son sang après s'être tailladée les veines.

Voyage à l'aveugle
Malorie, paniquée à l'idée de se retrouver seule, va oser s'aventurer dehors et rejoindre une maison servant de refuge pour les derniers humains doués de raison. Elle y restera quatre ans.
Le roman est en fait scindé en deux parties, se déroulant en parallèle. Les scènes flashback où Malorie raconte son arrivée dans la maison, sa rencontre avec les autres survivants, comment ils ont mis au point une technique pour ne jamais plus prendre le risque de voir la cause de leur malheur. L'autre partie du roman se déroule quatre ans plus tard, Malorie doit quitter la maison avec deux enfants, une fille et un garçon sans prénoms, les yeux recouverts d'un bandeau, totalement aveugles dans un environnement hostile, pour descendre la rivière sur une barque rejoindre une hypothétique communauté à l'abri.
Entre paranoïa et survie, l'avenir de l'humanité semble sérieusement compromis. Il y a pourtant encore de l'espoir puisque Malorie attend un enfant. Mais la jeune fille ne peut s'empêcher de paniquer en imaginant ce que sera leur avenir. « L'accouchement auquel Malorie s'attend désormais ressemble à celui d'une mère louve : bestial, douloureux, inhumain. Il n'y aura pas de docteur, pas de sage-femme. Pas de médicaments ». Dans les faits, ce sera pire et constitue peut-être le passage le plus marquant de ce roman d'anticipation aux multiples scènes d'anthologie.

« Bird Box » de Josh Malerman, Calmann-Lévy, 20,90 €




lundi 25 avril 2011

Polar - Lennox au coeur de Glasgow la sombre

Lennox, ancien militaire canadien, est devenu détective privé en Écosse. Il collabore avec la police, mais ses clients sont souvent des malfrats.


Au début des années 50, en Écosse, la victoire sur l'Allemagne c'est presque du passé, mais les conséquences de l'effort de guerre sont toujours présentes. Par exemple Lennox, détective privé, ancien militaire canadien, a toutes les difficultés du monde pour trouver du bon café à Glasgow, la capitale économique de l'Écosse. Par contre, pour s'attirer les ennuis, il semble être un expert.

Craig Russell, l'auteur de ce roman policier aux délicieux airs rétro (l'action se déroule en 1953), prend son temps, avant de mettre en place l'intrigue, de bien dresser le portrait de ce cabossé de la vie. Célibataire, vivant dans un petit appartement, Lennox tente de faire des économies pour se payer un hypothétique billet de retour pour le Nouveau Monde. Reste à retrouver l'envie. Pas évident quand on a perdu toute estime de soi : « La mauvaise graine. La guerre n'avait fait que la nourrir. Il existait nombre d'adjectifs pour décrire l'état dans lequel les hommes revenaient de la guerre : changés, désabusés, morts. L'adjectif que j'utilisais, moi, pour me qualifier était « sale ». J'étais revenu sale de la guerre et je ne voulais pas retourner au Canada avant de me sentir de nouveau propre. Sauf que, plus le temps passait, et plus les gens que je fréquentais devenaient sales. » Parmi ces clients, un certain John Andrews. Cet industriel a demandé à Lennox de retrouver sa femme, Lillian, disparue depuis quelques jours. Lillian qui se révèlera être beaucoup plus complexe qu'une simple femme au foyer.

Lennox est également sollicité par un des jumeaux McGahern, petite frappe tentant de se faire une place dans le milieu écossais. Frankie veut savoir qui a descendu son frère Tam. Lennox décline l'offre. Et pour bien se faire comprendre, donne une trempe à Frankie. Problème, ce même Frankie McGahern est retrouvé assassiné le lendemain. La police soupçonne Lennox. Les véritables ennuis vont alors aller crescendo pour le héros. Après un tabassage en règle par des policiers pas tendres et une nuit au poste, il doit rendre des comptes aux trois « rois » de Glasgow. Ce sont les parrains de la mafia locale. Il parvient tant bien que mal a se dédouaner. En contrepartie, il doit découvrir qui a descendu les jumeaux McGahern...

« Je suis un connard cynique »

Le lecteur, en suivant Lennox dans ses recherches, visite Glasgow, ses bordels, ses bars, ses quartiers résidentiels et ses quais. Il apprend aussi à mieux connaître le personnage principal et narrateur. C'est un drôle d'oiseau. Rarement de bonne humeur, toujours sur le fil du rasoir. Avec une méchante aptitude à se fâcher avec tout le monde à force de mettre son nez où il ne faut pas et à faire du mauvais esprit. Il en a parfaitement conscience : « Je suis un connard cynique. Je l'admets. Je ce que j'ai vu, ce que j'ai fait m'a transformé en un être que je n'aime vraiment pas et ma façon de gérer tout cela consiste souvent à commencer la journée avec un air méprisant ou une blague aux dépens de quelqu'un d'autre. » Pas facile de vivre avec Lennox. Même lui a des difficultés...

Virage en épingle à cheveux et changement radical de style pour Craig Russell avec ce premier roman de la série de Lennox-Glasgow. Il laisse l’Allemagne de Hambourg et son personnage fétiche Jan Fabel pour passer à l’Écosse, et plus précisément à la Glasgow des années 50. C'est un peu l'archétype du roman noir. Pas grand monde ne sort indemne de ce polar publié dans la remarquable collection : Robert Pépin présente...

« Lennox », Craig Russell, Calmann-Lévy, 20,50 € (également disponible au Livre de Poche)

jeudi 25 juin 2009

Roman - Le jade et le rubis


Kate Furnivall, pour son premier roman, signe un pavé de près de 500 pages alliant souffle historique, dépaysement et amour impossible. Chassée de Russie par les Bolchéviques, Valentine se réfugie en Chine en compagnie de sa fille Lydia. Une belle adolescente de 15 ans qui va rencontrer l'amour dans une venelle des bas-fonds de la ville. Coup de foudre pour Chang An Lo, révolutionnaire intrépide ayant choisi le camp de Mao. Sur fond de révolution, les deux amoureux vont devoir choisir entre leur conscience de classe et cet amour absolu.

L'extrait : « D'un geste de la main, Lydia repoussa une mèche de cheveux qui avait glissé de sous son chapeau et, ce faisant, elle notait que l'étranger retenait son souffle et esquissait un sourire. Il tendit la main et elle crut qu'il allait passer les doigts dans sa chevelure flamboyante, mais il désigna simplement le vieil homme qui avait rampé jusqu'au seuil d'une habitation. » (Calmann-Lévy, 20,90 €) 

jeudi 21 juin 2007

Polar - Crimes campagnards en Angleterre

Un médecin de campagne anglais participe à l'arrestation d'un serial killer diabolique. Un roman policier très british de Simon Beckett


Si vous avez la phobie des mouches, asticots et autres insectes participant à l'ultime étape de la chaîne de la vie, évitez ce roman où la description des cadavres en décomposition avancée sont légion. Dès la première scène, dans le cadre bucolique d'une campagne anglaise sous le soleil estival, deux gamins, des frères, tombent nez à nez avec une procession de vers, des larves exactement. C'est en cherchant d'où elles viennent qu'ils découvrent le cadavre. « Nue, méconnaissable sous le soleil, Sally Palmer n'était que mouvements, vagues de vermine ondoyant sous la peau s'échappant de son nez, de sa bouche, ainsi que les autres ouvertures moins naturelles sur son corps. » Les enfants prennent la fuite et vont racontent tout à leur mère. Qui le dira au docteur David Hunter, le médecin de famille qui se chargera de prévenir la police.

Suspect puis auxiliaire de la police

David Hunter, le narrateur de ce polar de Simon Beckett, fait la description de la ville de Manham, petite bourgade perdue du Norfolk. Depuis quelques années il s'y est installé. Pour oublier un drame. La mort de sa femme et de sa petite fille dans un accident de la circulation. Il tente de se reconstruire, en vain, en soignant les bobos de cette communauté repliée sur elle même et très méfiante.

La découverte du cadavre de Sally Palmer va bousculer la quiétude des villageois. Et David Hunter va se retrouver, malgré lui, impliqué dans l'enquête. Le policier chargé des premières constatations découvre par hasard que le docteur du village était il y a encore quelques années un médecin légiste réputé, spécialiste en anthropologie. Le meilleur du Royaume. Pour tenter de dénouer les fils de l'enquête, il demande à Hunter de lui donner un coup de main. Ce dernier accepte à la condition que cela soit dans le secret le plus total. Une volonté de discrétion qui va se retourner contre lui car les commères vont rapidement jaser. Prétendre que le docteur est soupçonné puisqu'il n'assure pratiquement plus ses consultations et qu'on le voit souvent au commissariat...

La belle institutrice

La première partie de ce roman de Simon Beckett, journaliste spécialisé dans les faits-divers, s'attarde sur la description des mœurs, parfois rétrogrades et légèrement arriérés, de Manham. Ainsi que sur la personnalité du docteur, cœur blessé, rejetant son ancienne spécialisation, comme s'il ne voulait jamais plus avoir affaire avec la mort et le langage des cadavres. Rebondissement quand une seconde femme est enlevée, torturée et retrouvée assassinée dans des marécages, la paranoïa gagne le village. C'est le moment que choisit le docteur Hunter pour remarquer une jeune institutrice. Elle aussi s'est réfugiée à Manham pour oublier un traumatisme subit à Londres. Les deux solitaires vont se trouver.... Et le tueur va lui aussi jeter son dévolu sur la belle et fragile enseignante. Palpitant, très bien renseigné, dans un décor original, de thriller se révèle être mené de main de maître, avec comme il se doit de nombreuses fausses pistes sont données en pâture au lecteur avant de découvrir qui est le tortionnaire, véritable malade mental vivant caché au sein de la population du village anglais.

« La mort à nu », Simon Beckett, Calmann-Lévy, 19,90 €

lundi 11 juin 2007

Roman - Réunion de famille, mort et nostalgie

Maggie, héritière d'une riche famille d'industriels, revient passer l'été à Sand Island, dans la maison de son enfance. Un roman anglais de Terry Gamble.

Onze ans déjà que Maggie n'a pas mis les pieds dans la maison de famille située sur les rives du lac Michigan. Riche héritière, elle fuit les rencontres avec ses cousins et autres membres de la famille et réalise des documentaires aux quatre coins du monde avec Ian, son inséparable partenaire et ami, qu'elle appellera d'ailleurs à la rescousse, étouffée qu'elle est par la pesanteur familiale.

Mais cette fois, elle ne peut décemment pas fuir parce que sa mère, victime d'une attaque cérébrale, est entre la vie et la mort. Soignée avec amour par Miriam, son infirmière, Madame Addison, muette et paralysée, ne semble plus communiquer qu'avec celle qui prend soin d'elle jour et nuit. Et laisse Maggie, dont les rapports avec sa mère ont toujours été « difficiles », reste complètement démunie face à cette vieille dame que plus rien ne semble atteindre. « Je m'arrête en chemin rendre visite à maman. Vêtue de son négligé, elle se tient adossée aux oreillers face à la fenêtre. L'un de ses yeux est fermé, l'autre ouvert. Son profil reste majestueux malgré son visage décomposé. Je voudrais remettre ses traits en place puis m'installer auprès d'elle, un verre et une cigarette à la main, le temps de bavarder un peu. Ma mère a toujours savouré les anecdotes sur le compte des autres. »

Le clan Addison

Toute la famille s'est rassemblée pour un été qui sera peut-être le dernier dans la maison de leur enfance. Dana, la sœur de Maggie, fait un peu office de pilier de la famille, son mari Philippe suit le mouvement, tandis que toute la bande de cousins, Sedgie, acteur alcoolique, Derek, sculpteur de talent, Adèle qui cherche sa voie dans le mysticisme, Jessica, fille adoptive de Dana, qui en est à la période piercings et tatouages et Beowulf, seul cousin de la même génération que Jessica. La tribu se réunit au cours des repas mais le reste de la journée, se forment des petits groupes ou des couples (fraternels, quoique...), qui se remémorent les bêtises et les joies de leur enfance et abordent souvent des sujets beaucoup plus intimes, voire sérieux, qui remettent en question la façon de vivre de chacun. Par exemple, Jessica et Maggie parlent d'enfants qu'elles n'ont pas (encore). « Nous sommes tous convaincus de notre supériorité – persuadés que le fruit de nos entrailles échappera Dieu sait comment à la banale réalité des autres. On se croit digne d'enfanter un être supérieur, transcendant. Pas une once de trivialité dans notre couple. Rien de superficiel chez nos enfants. Notre œuvre aura un impact, du sens. »

Terry Gamble, bien qu'Américain, nous régale avec une délicatesse très « british » de ces conversations sans fin, les unes teintées de nostalgie des étés enfuis, d'autres portant sur le sens de la vie de chacun, ce qui n'est pas toujours une découverte facile à avaler. Et passe d'un personnage à l'autre, d'une situation à une autre avec une dextérité que peuvent lui envier bon nombre d'écrivains. Les étés de Sand Island vous plongeront dans une vie familiale riche et dense. Vous vous délecterez de jongler avec le présent et le passé et vous vous sentirez des atomes crochus avec au moins un des personnages, trouvant dans chacun des côtés profonds, enthousiastes, d'une pure gentillesse, sympathiques, chaleureux et toujours attachants. Liste non exhaustive pour un roman délicieux.

« Les étés de Sand Island », Terry Gamble, Calmann-lévy, 20,90 euros

lundi 1 janvier 2007

Thriller - Six « Transgressions » de très grands écrivains

Sous l'égide d'Ed McBain, ces six grosses nouvelles réunies en deux tomes offrent le meilleur de la littérature anglo-saxonne contemporaine.


Donald E. Westlake, Anne Perry et Joyce Carol Oates pour le volume 1, Walter Mosley, Sharyn McCrumb et Ed McBain pour le second : la fine fleur de la littérature de genre anglo-saxonne est au sommaire de ces "Transgressions" qui annoncent pour les tomes suivants la participation de Stephen King et de John Farris. Un peu plus que des nouvelles, ces six textes ont été "commandés" et réunis par Ed McBain. Il raconte dans la préface qu'à ses débuts, il écrivait beaucoup de ces "nouvellettes" qui lui étaient payées 500 dollars. Moins long qu'un roman, mais necessitant quand même une bonne intrigue et de nombreux personnages, ce genre est un peu tombé en désuétude. C'était donc souvent un véritable exercice de style pour plusieurs de ces auteurs contemporains. Totalement libres (en dehors de la longueur), ils ont concocté des histoires tragiques, comiques, haletantes ou fantastiques, au gré de leurs humeurs.

Véritables faux billets

Premier à entrer en scène, Donald Westlake. Il a naturellement choisi son héros préféré, Dortmunder, pour cette histoire intitulée « Des billets sur la planche ». Le petit truand new-yorkais est contacté par un ancien taulard qui projette un coup en or. Reconverti dans une imprimerie en province, il peut, en une nuit, imprimer des milliers de billets d'une monnaie d'Amérique centrale. Des billets vrais puisque le marché est soustraité par son entreprise. Cela semble effectivement un bon plan, mais Dortmunder, sceptique et pragmatique, cherche quand même le détail qui pourrait transformer la belle occasion en entourloupe. Un premier récit qui vaut surtout par sa description des moeurs de cette Amérique provinciale, avec quelques personnages hilarants comme le mari, complètement paranoïaque, de la directrice d'une petite agence de voyage. Un texte appréciable également par sa morale finale très éloignée d'une certaine pensée unique...

Anarchiste et pasteur

Vous trouverez également dans ces deux livres de près de 400 pages un anarchiste totalement délirant. Archibald Lawless est sorti de l'imagination de Walter Mosley, reconnu comme l'un des artisans de la renaissance de la littérature noire américaine. Felix, un étudiant en quête d'un petit boulot, va découvrir un univers insoupçonné où la maxime « sans foi ni loi » a toute sa valeur. De foi par contre il en est beaucoup question dans la nouvelle « Otages » d'Anne Perry. Un pasteur irlandais, leader du camp protestant, se retire une semaine avec sa femme dans une maison isolée en bord de mer. Une semaine de vacances, une semaine pour décompresser. Mais le couple est pris en otage par des activites modérés. Qui a trahi ? Comment réagir face à leurs propositions parfois pleines de bon sens ? Anne Perry a beaucoup soigné l'ambiance et le portrait psychologique de la femme du pasteur.

La contribution d'Ed McBain est plus classique. Avec New York pour scène principale, un tueur en série s'attaque aux chauffeurs de taxis. Et il signe ses crimes d'une étoile de David peinte sur le capot des véhicules.

Au final, la formule de ces « Transgressions » est idéale pour les lecteurs amateurs de diversité rechignant à se plonger dans de trop gros romans semblant parfois sans fin.

« Transgressions », tome 1 et 2, éditions Calmann-Lévy, 22 euros chaque volume.


vendredi 28 juillet 2006

Roman - "Sur ses traces", thriller on the rocks

Un tueur en série, une medécin légiste, un policier en plein doute, un maire prêt à tout pour garder le pouvoir : ce thriller d'Elizabeth Becka se distingue par la complexité de la psychologie des personnages.


Elle même médecin légiste dans la police de Floride, Elizabeth Becka sait de quoi elle parle dans ce roman policier. Seule différence, son héroïne, Evelyn James, officie à Cleveland, ville froide et sinistre du nord des USA. L'action se déroulant en hiver, en plus des forces du mal, elle devra en permanence lutter contre le froid, la neige et le verglas. Evelyn est appelée un matin de novembre sur la scène d'un crime. Au bord de la rivière charriant ses eaux glacées, des promeneurs ont découvert le corps d'une jeune femme. Les deux pieds pris dans un seau rempli de ciment, elle est en plus enchaînée. Sur place, Evelyn va rencontrer un nouveau policier, David, et rapidement comprendre que la victime n'était pas morte quand elle a été précipitée dans l'eau. Commence alors le travail long et fastidieux des enquêteurs scientifiques. En plus de l'autopsie, Evelyn va relever les différentes fibres encore collées aux vêtements de la morte, tenter de découvrir la provenance du ciment et des chaînes. Mais tout va s'accélérer quand un second corps est découvert trois jours plus tard à proximité du premier. Et si la première victime est encore une inconnue, la seconde est beaucoup plus connue : Destiny Pierson est la fille du maire. Ce maire noir très ambitieux qui a été également le premier amour d'Evelyn il y a une vingtaine d'années. Les personnages principaux sont en place, le grand bal des apparences peut débuter.

Une lente agonie
Si Elizabeth Becka concentre son roman autour de l'enquête d'Evelyn, elle décroche parfois pour raconter avec un luxe de détails les affres des victimes. Un long chapitre est ainsi consacré à la captivité de Destiny et son agonie. Car la jeune fille, consciente alors que le ciment est en train de prendre autour de ses pieds, parviendra à se défaire de ses liens alors quelle est plongée dans l'eau glacée. Parvenue sur la berge au prix d'un effort surhumain, elle se croira sauvée avant de croiser une nouvelle fois le tueur. Un tueur mystérieux et aux pratiques d'un rare sadisme. Evelyn, qui a elle aussi une fille, Angel, âgée de 16 ans, ne peut que trembler pour sa progéniture. Et en pratiquant ses examens sur les cadavres en compagnie de David, elle s'interroge : « Je ne cesse de me demander ce que l'on peut ressentir, à voir ce ciment sur ses pieds, à entendre le bruit de l'eau et savoir qu'on n'a plus que quelques minutes à vivre. Ce n'est pas seulement la noyade, mais le fait de geler et de se noyer. L'eau doit donner l'impression d'être poignardée par des glaçons, et en même temps pas assez froide pour vous faire mourir instantanément, ni vous engourdir suffisamment pour ne pas ressentir la douleur lorsqu'on ne peut plus retenir sa respiration. »

Personnages complexes
Ce premier roman d'Elizabeth Becka, sans sombrer dans la complexité des enquêtes scientifiques, se distingue surtout par les interrogations des protagonistes, jamais manichéens, chose assez rare dans la littérature américaine. Evelyn, divorcée, tentant d'éduquer au mieux sa fille adolescente, aime son travail mais risque à tout moment de le perdre. Son chef, fonctionnaire installé, menace sans cesse de la remplacer par un jeune étudiant plus ambitieux. David, le policier, célibataire lui aussi, oublie son mal de vivre dans son travail, préférant aller interroger des proches des victimes tard le soir que de rentrer dans son appartement vide. Des personnages torturés, perfectibles et humains, confrontés à l'abomination au quotidien. Le lecteur se surprend à penser comme eux, à comprendre leurs doutes et à espérer un jour meilleur. Mais ne rêvons pas, nous sommes aux USA...

« Sur ses traces », Elizabeth Becka, Calmann-Lévy, 20,50 €