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vendredi 31 janvier 2025

Cinéma - “Maldoror” : gendarme idéaliste face à l’horreur

Librement inspiré de l’affaire Marc Dutroux en Belgique, ce thriller de Fabrice du Welz mélange quête personnelle de justice, guerre des polices et soupçons sur un réseau de pédophiles.

Pour aborder l’affaire du pédophile Marc Dutroux qui a bouleversé la Belgique (et au-delà), Fabrice Du Welz a beaucoup gambergé. Il avait 20 ans quand l’homme le plus recherché de Belgique a été arrêté après une succession invraisemblable d’erreurs et d’errements sur fond de guerre des polices. Profondément marqué par le climat de l’époque, le cinéaste qui a fait ses premières armes dans l’horreur, a trouvé la solution quand il a envisagé de raconter les faits à travers les actions d’un « homme traumatisé par la culpabilité » et d’en modifier l‘épilogue en écrivant une « uchronie, jusqu’au fantasme de justice dont nous avons été privés par ses nombreux dysfonctionnements ».

Paul Chartier (Anthony Bajon), est un jeune gendarme en poste à Charleroi. Ses collègues, prototypes des fonctionnaires sans illusion, évitant les ennuis quitte à laisser les délinquants en liberté, pensent qu’il fait du zèle. En fait, Chartier cherche à racheter les fautes de son père. Devenir exemplaire pour faire oublier le passé de son géniteur, braqueur incarcéré pour meurtre.

Dans cette Belgique ouvrière, en pleine crise sociale, la disparition de deux fillettes est à la une de tous les journaux. Chartier veut les retrouver. Il va chercher la moindre piste et se focaliser sur un certain Marcel Dedieu (Sergi Lopez), déjà condamné et surveillé par une petite cellule nommée Maldoror. Chartier la rejoint, tente de trouver des preuves mais est rapidement freiné par sa hiérarchie (Laurent Lucas). Il va dès lors la jouer solo, oubliant les procédures, mettant son emploi, sa vie et sa famille en danger.

Très long pour un film européen (2 h 35 mn), Maldoror est construit comme une tragédie. Au début, tout sourit à Chartier. Il se marie, a une petite fille et un boulot a priori exaltant. La réalité de la Belgique, pays où tout est toujours plus compliqué qu’ailleurs, lui revient tel un boomerang en pleine tête. Son intime conviction de la culpabilité de Dedieu l’entraîne dans une chute inéluctable.

Finalement, le pédophile sera arrêté, mais l’histoire de Chartier ne s’arrête pas là. Qui a protégé cet homme ? Fournissait-il des personnalités en « chair fraîche » par l’intermédiaire d’un notable (exceptionnelle composition de Jackie Berroyer, méconnaissable) ? Comment a-t-il pu s’évader quelques heures ? Beaucoup de questions sans réponses et de soupçons planent encore sur le Royaume de Belgique. Le film, Maldoror, n’apporte pas de solution. Sauf sur un point précis. Mais cela reste de la pure uchronie.

Film de Fabrice Du Welz avec Anthony Bajon, Alba Gaia Bellugi, Alexis Manenti, Sergi Lopez, Laurent Lucas, Béatrice Dalle

 

mercredi 8 juin 2022

Cinéma - “Petite fleur”, sanglant éloge de la routine mortifère


Adapté d’un roman argentin par Santiago Mitre, le film Petite fleur a été presque entièrement tourné à Clermont-Ferrand. Ville de province manquant singulièrement de charme, elle a semblé parfaite au metteur en scène pour faire passer ce sentiment de déracinement du personnage de José (Daniel Hendler).

Marié à Lucie (Vimala Pons) avec qui il vient d’avoir une petite fille, ce dessinateur de BD argentin a accepté un boulot alimentaire pour redessiner le personnage symbole d’une société de pneumatiques. Mais il se fait virer et finalement Lucie doit trouver du boulot et José s’occuper du bébé. Le début du film a tout d’une purge, d’un téléfilm de France 3, si l’on oublie la présence et le potentiel comique de Vimala Pons. Car José est un taciturne. Il parle peu, intériorise beaucoup et limite ses interactions sociales. Il doit se faire violence pour aller sonner chez le voisin afin de lui emprunter une simple pelle pour creuser un trou dans le jardin. 

Un voisin qui fait basculer le film dans la satire, le fantastique, l’absurde et le grand guignol. Jean-Claude (Melvil Poupaud) est le parfait bourgeois prétentieux. Il est riche, étale son luxe et ne sait parler que de sa passion : le jazz. José va subir sa logorrhée avec patience. Mais, finalement, il n’en peut plus et va utiliser la pelle tant espérée en objet contondant et tranchant pour rabaisser le caquet au pédant. S’ensuivent quelques jours d’angoisse... Mais, une semaine plus tard, en sortant promener sa fille, il croise Jean-Claude, vivant, toujours aussi lourd. Qui invite José. Le jeudi suivant, il retourne chez le voisin et à la faveur de la répétition d’un élément déclencheur (qui donne son nom au film), il trucide une seconde fois le raseur. Puis une troisième…

Le film va alors se transformer en éloge de la routine du meurtre. Car depuis qu’il tue son voisin, chaque jeudi, José est plus heureux, plus ouvert et épanoui. Reste que Lucie s’interroge et le pousse à aller voir un psy (Sergi Lopez), seconde pierre d’un film où l’irrationnel est omniprésent.

Comédie romantique sanguinolente et iconoclaste, Petite fleur laisse des traces dans l’esprit du spectateur. Qui va s’interroger, lui aussi, sur ses routines, ses trucs et astuces répétitifs qui finalement donnent de la saveur à des existences qui parfois ne semblent même pas mériter d’être vécues.

Film de Santiago Mitre avec Daniel Hendler, Vimala Pons, Melvil Poupaud, Sergi Lopez