Affichage des articles dont le libellé est Jean-Pierre Darroussin. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Jean-Pierre Darroussin. Afficher tous les articles

lundi 10 février 2025

Cinéma - « La pie voleuse » : petits larcins contre grande bonté

Pour aider sa famille, une aide à domicile dérobe des petites sommes à des personnes âgées. Le nouveau film de Robert Guédiguian, tourné dans le quartier de l’Estaque à Marseille, est profondément humain.


Bienvenue à l’Estaque, quartier de Marseille. Ses petites maisons typiques, sa population chaleureuse, sa vue imprenable sur la Méditerranée. L’Estaque, décor toujours aussi éblouissant de plusieurs films de Robert Guédiguian dont le dernier, La pie voleuse. Une histoire simple, de gens sans prétention, tentant de vivre dignement dans un monde de plus en plus dur et exigeant. Maria (Ariane Ascaride) est aide à domicile. Elle s’occupe du quotidien de quelques personnes âgées. Son mari, Bruno (Gérard Meylan), est au chômage et passe trop de temps au bistrot à jouer aux cartes. Et à perdre de l’argent.

Alors Maria pioche parfois dans les réserves de ses « petits vieux » pour renflouer le ménage qui croule sous les dettes. Et puis elle détourne aussi quelques chèques de M. Moreau (Jean-Pierre Darroussin) pour payer la location d’un piano pour son petit-fils qu’elle rêve de transformer en grand interprète. Petits larcins sans grandes conséquences, qui passent inaperçus.

L’art de joindre les deux bouts

Un bête concours de circonstances fait s’écrouler l’édifice mis en place par cette gentille pie voleuse, si dévouée pour ses « victimes » qu’elle considère comme sa seconde famille. La mésentente entre Laurent (Grégoire Leprince-Ringuet) le fils de M. Moreau, va pousser ce dernier à s’intéresser à ses comptes. Et découvrir qu’il loue un piano depuis quelques mois. Piano qui n’a jamais été installé chez lui mais chez une certaine Jennifer. Qui est cette femme ? La maîtresse du vieil homme qui ne se déplace plus qu’en fauteuil roulant ?

La chronique sociale aurait pu virer au fait divers. C’est sans compter avec l’incorrigible optimisme du réalisateur. Et à la force de l’amour. Un coup de foudre (superbement interprété par Marilou Aussilloux, comédienne originaire de Narbonne de plus en plus en vue et Grégoire Leprince-Ringuet) va bousculer l’ordre établi, rapprocher les contraires, permettre à la raison de l’emporter.

Un film résolument positif, sur la difficulté de rester dans les « clous » quand on est acculé financièrement. Mais que représente une petite pie voleuse face au hold-up (toujours très légal…) de certains milliardaires ?

Film de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Gérard Meylan, Marilou Aussilloux, Grégoire Leprince-Ringuet

 

vendredi 5 juillet 2024

Cinéma - “Juliette au printemps” retrouve sa famille

Film tout en finesse que ce « Juliette au printemps » de Blandine Lenoir. Le portrait d’une famille foutraque, celle de Juliette, de sa mère artiste à la sœur adultère et au père rongé par un deuil. 

Adapté d’une BD de Camille Jourdy parue chez Actes Sud BD, Juliette au printemps, film de Blandine Lenoir, est idéal pour retisser des liens avec votre famille s’ils se sont un peu délités au fil du temps. La famille de Juliette est spéciale. Comme elle d’ailleurs. Juliette (Izïa Higelin), est dessinatrice. Elle illustre des livres pour enfants. A quitté la région mais en ce printemps, elle reprend le train et revient chez son père passer quelques jours. Pour se remettre d’une dépression avoue-t-elle d’entrée.

Léonard (Jean-Pierre Darroussin), le père, est un peu démuni face au blues de sa fille. Lui-même n’est pas au mieux de sa forme. Aigri, vivant seul dans son appartement depuis le départ de Nathalie (Noémie Lvovsky), il demande à Juliette de l’aider pour vider la maison de sa mère, Nona (Liliane Rovère).

Juliette qui va aller voir sa sœur aînée, Marylou (Sophie Guillemin), puis assister au vernissage de la nouvelle exposition de sa mère.

Une fois tous les membres de la famille présentés, Blandine Lenoir peut dérouler son intrigue. Rien d’exceptionnel. Juste la vie quotidienne des millions de familles françaises. Mais c’est tellement bien écrit, filmé et joué que l’on prend un plaisir étonnamment simple mais fort à partager les doutes, étonnements ou espoirs de Juliette. Son rôle est central, mais ce sont les personnages secondaires qui apportent tout son seul au film.

Notamment la sœur qui confirme le talent sans limite de Sophie Guillemin. Cette coiffeuse à domicile, mariée et mère de deux enfants, vit dans un stress permament. Toujours rabaissée par sa mère, elle ne trouve son salut qu’en prenant pour amant un gros nounours, patron d’un magasin de farces et attrapes, venant à ses rendez-vous galants déguisés en perroquet ou en fantôme.

Noémie Lvovsky, en mère fofolle, collectionneuse d’amants depuis son divorce, est une incroyable tornade. Pourtant il suffit d’un mot, d’un seul, pour qu’elle tombe dans une profonde mélancolie, comme si elle passait son temps à faire semblant.

Comme Jean-Pierre Darroussin qui fait semblant de la haïr alors qu’il est toujours follement amoureux d’elle et de ses excès. Pour couronner le tout, Juliette croise le chemin de Pollux, le locataire de Nona, grand cœur sensible qui va lui redonner un peu d’espoir grâce à un… caneton. Un film choral sans la moindre fausse note. Un bijou de résilience et d’optimisme à ne pas rater.

Film de Blandine Lenoir avec Izïa Higelin, Sophie Guillemin, Jean-Pierre Darroussin, Noémie Lvovsky, Salif Cissé, Liliane Rovère

 

mardi 14 novembre 2023

Cinéma - “Et la fête continue !” pour Robert Guédiguian


Le nouveau film de Robert Guédiguian parle de misère sociale à Marseille, d’hôpitaux débordés, d’immeubles vétustes qui s’écroulent, de guerre en Arménie… Et pourtant, le titre transpire l’optimisme : Et la fête continue ! Explications du scénariste et réalisateur dans ses notes d’intention : « Le titre a existé tout de suite. Nous avions pris la décision irrévocable de faire un film qui se terminerait bien. » Un parti pris assumé avec un final digne d’une love story, avec belles promesses de partages et de découvertes. Mais ne vous effrayez pas, le réalisateur qui a fait de Marseille et de l’Arménie son terrain de prédilection ne s’est pas reconverti dans les sirupeux téléfilms de Noël. Au contraire, cette opposition permet de mieux faire ressentir la force de la mobilisation populaire après le drame du 5 novembre 2018.

Le film débute par les images des journaux télévisés montrant cette montagne de gravats. Deux immeubles vétustes viennent de s’écrouler, 8 personnes sont retrouvées mortes. Dans un grand méli-mélo de ses sujets d’inspiration, Robert Guédiguian filme la mobilisation des habitants du quartier, menée par Alice (Lola Naymark). Une intermittente du spectacle qui est amoureuse de Sarkis (Robinson Stévenin), patron d’un bar arménien et fils de Rosa (Ariane Ascaride), infirmière à l’hôpital, engagée à gauche avec les écolos et candidate aux municipales.

Des vies de lutte (contre l’insalubrité, le génocide arménien, l’abandon du secteur de la santé) qui n’empêchent pas l’amour de tout bousculer. Notamment quand Henri, le père d’Alice (Jean-Pierre Darroussin), jeune retraité, s’invite dans la vie de Rosa, veuve depuis trop longtemps. Un film revigorant, qui redonne foi en l’avenir, fait passer des messages avec intelligence et se termine bien dans cette ville de Marseille filmée avec amour.

 Film de Robert Guédiguian avec Ariane Ascaride, Jean-Pierre Darroussin, Lola Naymark


mercredi 8 mars 2023

Cinéma - "Je verrai toujours vos visages" ou quand la justice aide à réparer les âmes


Extraordinaire film témoignage sur la justice restaurative. Un casting prestigieux au service d’une démarche qui redonne foi en l’Humanité.

Film choral maîtrisé de bout en bout, Je verrai toujours vos visages de Jeanne Herry fait partie de ces œuvres qui, en plus de bouleverser le spectateur sur le moment, va longtemps rester présent dans sa mémoire, comme une étincelle de vie et d’espoir indestructible qui redonne foi en l’avenir face aux errements de notre époque.

Pourtant le sujet n’est pas des plus folichon. La justice restaurative propose à des victimes de dialoguer dans des conditions sécurisées avec des auteurs d’infraction en train de purger leur peine de prison. Des rencontres au long cours, préparées en amont par des encadrants, souvent des bénévoles.

Le film de Jeanne Herry suit deux dossiers. Le premier, classique, permet à trois victimes (Miou-Miou, Gilles Lellouche et Leïla Bekhti) de demander des explications à trois agresseurs (Birane Ba, Fred Testot et Dali Benssalah) qui eux tentent de prendre conscience des dégâts causés par leur violence. Des face-à-face longuement préparés et encadrés par Fanny et Michel (Suliane Brahim et Jean-Pierre Darroussin).

Du chef d’entreprise cambriolé et saucissonné chez lui à la caissière de supermarché menacée durant un braquage ou du toxico prêt à tout pour se payer sa dose au jeune de banlieue persuadé que la manière forte permet d’avoir réponse à tout, l’incompréhension, au début, est totale. On subit d’ailleurs des silences pesants ou des colères homériques. Avec cependant toujours présente cette volonté d’écouter l’autre.

Ces scènes, de témoignages puis de confrontations, sont d’une incroyable force. On se croirait dans un documentaire. Les comédiens gomment complètement leurs tics ou artifices du métier pour jouer une partition d’une exceptionnelle justesse et vérité. Avec au final une ultime rencontre qui explique toute la finalité et surtout l’utilité de ces démarches.

L’autre dossier du film concerne Chloé (Adèle Exarchopoulos). Elle veut mettre les choses au point quand elle apprend que son demi-frère, qui l’a agressée sexuellement quand elle était enfant, est sorti de prison et vit de nouveau dans la même ville qu’elle. Judith (Élodie Bouchez), de la justice restaurative, va jouer les intermédiaires pour leur permettre de trouver un terrain d’entente.

Là aussi, la scène finale, la rencontre entre la victime et son bourreau, ne peut laisser personne indifférent. Un très grand film qui devrait faire date dans le cinéma français de qualité.


Film français de Jeanne Herry avec Adèle Exarchopoulos, Dali Benssalah, Leïla Bekhti, Jean-Pierre Darroussin, Suliane Brahim, Miou-Miou, Gilles Lellouche, Élodie Bouchez, Fred Testot, Birane Ba