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lundi 30 décembre 2024

Cinéma - Sarah Bernhardt et Lucien Guitry, la divine romance

La grande comédienne Sarah Bernhardt n’a eu qu’un seul véritable amour : Lucien Guitry. Guillaume Nicloux en fait un film brillant avec un rôle époustouflant pour Sandrine Kiberlain.


Monstre sacré du théâtre, première star mondiale française, Sarah Bernhardt était aussi surnommée « La Divine ». C’est ce dernier terme que Guillaume Nicloux a retenu pour le titre de son film. Mais en ces temps où les biopics sont de plus en plus nombreux, il a choisi de ne pas raconter toute la carrière de la comédienne (interprétée par Sandrine Kiberlain) mais la grande histoire d’amour de sa vie.

Femme éprise de liberté, elle faisait partie de ces esprits ouverts qui vivaient au jour le jour, jamais avare de plaisir. Elle a eu des dizaines, des centaines d’amants. Certains très célèbres comme Edmond Rostand. Pourtant, le film explique qu’elle n’en a aimé qu’un seul et unique : Lucien Guitry (Laurent Lafitte). Comme elle, c’est une gloire du théâtre français de cette fin du XIXe siècle. Ils ont joué ensemble La dame aux camélias. Sandrine Kiberlain, au début du film, rejoue la scène finale avec Laurent Lafitte qui lui tient la main.

Amants sur et en dehors des planches, ces deux surdoués vont se découvrir, se perdre puis se retrouver. Une romance au cœur du film de Guillaume Nicloux, racontée par une Sarah Bernhardt, affaiblie après son amputation, à Sacha, le fils de Lucien et futur grand auteur de théâtre et de cinéma. Plusieurs flashbacks jusqu’à la pire journée vécue par l’actrice, celle au cours de laquelle l’amant rompt officiellement avec sa maîtresse car il désire épouser une jeune comédienne.

Avant cela, on découvre leur relation libre et assumée, dans ce Paris en train de se dévergonder et véritable capitale culturelle mondiale. Sarah Bernhardt sublime ses rôles. Certains écrits pour elle. D’autres issus de grands classiques, de Racine à Shakespeare. Dont certains d’hommes, preuve que la grande dame du théâtre a très rapidement trouvé un peu étriqués les personnages féminins proposés.

Féministe avant l’heure, elle s’affiche avec la peintre Louise Abbéma (Amira Casar), collectionne les animaux (du boa au lynx en passant par les rapaces), et on apprend également qu’elle combat l’antisémitisme et pousse Émile Zola à prendre position dans l’affaire Dreyfus.

Personne complexe, torturée par une enfance malheureuse, toujours sur la brèche, exubérante et cherchant sans cesse la lumière, Sarah Bernhardt a marqué son époque. Le film de Guillaume Nicloux la ressuscite en grande amoureuse, capable du pire comme du meilleur pour conserver les faveurs de son amant.

Biopic de Guillaume Nicloux avec Sandrine Kiberlain, Laurent Lafitte, Amira Casar, Pauline Étienne, Laurent Stocker.

mardi 30 mai 2023

Cinéma - “L’île rouge” ou les souvenirs de colonie

Robin Campillo puise dans ses souvenirs pour filmer la vie dans une base militaire française à Madagascar.


L’armée française a fait de la résistance une fois l’indépendance obtenue par les anciennes colonies africaines. Preuve que les gouvernements, trop souvent, étaient mis en place par le pouvoir parisien pour préserver ses intérêts économiques et géo-stratégiques. Ce fut le cas à Madagascar jusque dans les années 70. Cette présence militaire française est racontée dans L’île rouge, film de Robin Campillo. 

Un film en grande partie autobiographique. Fils de militaire, le réalisateur de 120 battements par minute a passé son enfance au Maroc, en Algérie et à Madagascar. Le jeune Thomas (Charlie Vauzelle), c’est lui. Un gamin timide, un peu introverti, qui regarde la vie avec de gros yeux écarquillés, aimant rêver, palpiter en lisant les aventures de Fantômette. Une héroïne de papier qui revient régulièrement dans le film, Robin Campillo adaptant certaines scènes des romans de la petite justicière dans un style mêlant décors miniatures, masques de carton et véritables acteurs, dans le style de la télévision française de l’époque. 

Révolte malgache

Thomas est couvé par sa mère (Nadia Tereszkiewicz), moins ménagé par le père (Quim Gutiérrez), militaire de carrière, radio sur les avions qui larguent les paras dans le ciel de l’île paradisiaque. Car c’est aussi une vision magnifiée de Madagascar qui sert de toile de fond à ce film de souvenirs d’enfance. Un petit paradis pour Thomas qui ne comprend pas le colonialisme mais a cette bizarre impression qu’il n’est pas à sa place. 

Le volet politique du film est porté par Miangaly (Amely Rakotoarimalala). Cette jeune Malgache, salariée à la base pour plier les parachutes des militaires français, n’est au début qu’une jolie femme, séduite par un jeune soldat fraîchement débarqué. Mais son personnage est plus complexe, il donne à comprendre l’état d’esprit de la population locale vis-à-vis de cette ultime présence de l’occupant qui restera à jamais coupable des massacres de 47 (près de 100 000 morts). La veille du départ de la famille de Thomas pour la Métropole, Miangaly va quitter son « amoureux » pour rejoindre le peuple en liesse. Le film, avec des yeux d’enfants, dans une réalisation très aboutie et maîtrisée, raconte un Madagascar paradisiaque, dépolitisé. Reste que les ultimes scènes permettent au spectateur de saisir la réalité et de prendre conscience de cette presque seconde indépendance en marche.

Film franco-malgache de Robin Campillo avec Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle

dimanche 19 décembre 2021

Cinéma - "Un héros" raconte l’Iran en pleine psychose

Pour sortir de prison, un homme va profiter de l’emballement des réseaux sociaux avant d’en être une nouvelle victime.


Si pour les Occidentaux l’Iran est un pays dominé par la religion et ses chefs, en réalité ce sont plutôt les réseaux sociaux qui dictent désormais la pensée du peuple. En racontant l’histoire simple et tragique de Rahim (Amir Jadidi), Asghar Farhadi, réalisateur iranien du film Un héros, ausculte la psychose de son pays, sa paranoïa omniprésente entretenue par un soupçon permanent. Ce film majeur, thriller psychologique angoissant, a remporté le Grand Prix au dernier festival de Cannes. Un héros est aussi l’histoire de la réhabilitation ratée d’un homme sans doute bon au fond de lui.

Le soupçon permanent

Rahim est en prison depuis quelques mois. Il a tenté de créer sa propre petite entreprise. Il a emprunté une grosse somme à un usurier. L’associé est parti avec l’argent. Le beau-père a remboursé, mais a dénoncé son gendre qui est en prison tant qu’il ne peut pas rembourser. Au cours d’une sortie, Rahim, toujours souriant, annonce qu’il va pouvoir rembourser sa dette. La nouvelle femme de sa vie a trouvé un sac à main dans un abribus. Dedans des pièces en or. Presque de quoi rembourser. Presque seulement. Le beau-père refuse cette avance.

Rahim, rongé par la culpabilité, décide alors de retrouver la propriétaire du sac et de lui rendre. La transaction se déroule par l’intermédiaire de la sœur du prisonnier. Mais quand les autorités pénitentiaires l’apprennent, Rahim, détenu honnête, est propulsé sur le devant de la scène.

Un mouvement de sympathie va dès lors naître dans cette ville de province par l’intermédiaire des réseaux sociaux pour obtenir la libération de ce "héros" du quotidien. Rahim, toujours souriant, va alors un peu trop embellir son histoire, mais toujours le sourire aux lèvres.

Pris au piège de sa propre histoire

Malheureusement pour lui, en Iran comme en Occident, les sceptiques sont aussi nombreux que les enthousiastes. Et qu’est ce qui prouve que cette histoire de sac rendu n’est pas une combine inventée pour être élargi ? La rumeur enfle, alimentée par le créancier et d’autres détenus. Et quand Rahim tente de retrouver la propriétaire du sac, il va se retrouver face à une impasse.

Ce film, implacable, montre toute la mécanique de la rumeur et de la médisance. Rahim, malgré sa bonté, son sourire et sa volonté de s’en sortir pour refaire sa vie et aider son fils handicapé, va se retrouver pris au piège de sa propre histoire.

Film iranien d’Asghar Farhadi avec Amir Jadidi, Mohsen Tanabandeh, Sahar Goldust