Affichage des articles dont le libellé est madagascar. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est madagascar. Afficher tous les articles

lundi 19 août 2024

Roman noir – Madagascar, la mort en rouge


Antonin Varenne fait partie de ces romanciers qui ont beaucoup voyagé avant de se lancer dans l’écriture. Mexique, Islande. Dans des emplois exotiques comme alpiniste de bâtiment. Son dernier roman noir, La piste du vieil homme se déroule à Madagascar. Une île encore pauvre et sauvage.

Le narrateur, Simon, septuagénaire, vivote en proposant des circuits de découverte en buggy à des touristes occidentaux. Il a longtemps été entrepreneur en France. Spécialiste en faillite. Sa maigre retraite lui permet de vivre presque dans l’opulence dans ce pays corrompu où le salaire minimum est ridiculement bas. Il doit cependant tout plaquer pour tenter de retrouver son fils Guillaume, 40 ans, perdu de vue depuis des années et qui serait actuellement au fin fond de la brousse.

On accompagne Simon au volant de son buggy jaune rafistolé sur les routes défoncées, avec des dealers et des voleurs de zébus aux trousses, ayant pour seule passagère une bonne sœur qui arrive au bout du rouleau (ou aux portes du Paradis selon ses croyances).

C’est violent et désespéré. Comme cette réflexion de Simon : « Maintenant que je suis vieux, je sais pourquoi l’avenir m’inquiète de moins en moins : parce qu’il y en a de moins en moins. »

« La piste du vieil homme », Gallimard, 240 pages, 18 €

mardi 30 mai 2023

Cinéma - “L’île rouge” ou les souvenirs de colonie

Robin Campillo puise dans ses souvenirs pour filmer la vie dans une base militaire française à Madagascar.


L’armée française a fait de la résistance une fois l’indépendance obtenue par les anciennes colonies africaines. Preuve que les gouvernements, trop souvent, étaient mis en place par le pouvoir parisien pour préserver ses intérêts économiques et géo-stratégiques. Ce fut le cas à Madagascar jusque dans les années 70. Cette présence militaire française est racontée dans L’île rouge, film de Robin Campillo. 

Un film en grande partie autobiographique. Fils de militaire, le réalisateur de 120 battements par minute a passé son enfance au Maroc, en Algérie et à Madagascar. Le jeune Thomas (Charlie Vauzelle), c’est lui. Un gamin timide, un peu introverti, qui regarde la vie avec de gros yeux écarquillés, aimant rêver, palpiter en lisant les aventures de Fantômette. Une héroïne de papier qui revient régulièrement dans le film, Robin Campillo adaptant certaines scènes des romans de la petite justicière dans un style mêlant décors miniatures, masques de carton et véritables acteurs, dans le style de la télévision française de l’époque. 

Révolte malgache

Thomas est couvé par sa mère (Nadia Tereszkiewicz), moins ménagé par le père (Quim Gutiérrez), militaire de carrière, radio sur les avions qui larguent les paras dans le ciel de l’île paradisiaque. Car c’est aussi une vision magnifiée de Madagascar qui sert de toile de fond à ce film de souvenirs d’enfance. Un petit paradis pour Thomas qui ne comprend pas le colonialisme mais a cette bizarre impression qu’il n’est pas à sa place. 

Le volet politique du film est porté par Miangaly (Amely Rakotoarimalala). Cette jeune Malgache, salariée à la base pour plier les parachutes des militaires français, n’est au début qu’une jolie femme, séduite par un jeune soldat fraîchement débarqué. Mais son personnage est plus complexe, il donne à comprendre l’état d’esprit de la population locale vis-à-vis de cette ultime présence de l’occupant qui restera à jamais coupable des massacres de 47 (près de 100 000 morts). La veille du départ de la famille de Thomas pour la Métropole, Miangaly va quitter son « amoureux » pour rejoindre le peuple en liesse. Le film, avec des yeux d’enfants, dans une réalisation très aboutie et maîtrisée, raconte un Madagascar paradisiaque, dépolitisé. Reste que les ultimes scènes permettent au spectateur de saisir la réalité et de prendre conscience de cette presque seconde indépendance en marche.

Film franco-malgache de Robin Campillo avec Nadia Tereszkiewicz, Quim Gutiérrez, Charlie Vauselle

dimanche 26 avril 2020

Chansons, BD, roman : un chanteur perdu multimédia


 Didier Tronchet, avant d’être le créateur à succès de Jean-Claude Tergal, héros de BD qui restera dans les annales comme un des plus débile et donc marrant des personnages de papier, a fait dans le journalisme. Il sait donc ce que c’est que d’enquêter pour découvrir la vérité. Ou retrouver des personnes disparues. Son dernier album paru, « Le chanteur perdu », se lit comme une enquête journalistique sur la disparition d’un interprète pourtant prometteur. Mais Tronchet, qui est déjà passé derrière la caméra pour réaliser un film, a voulu aller un peu plus loin dans cette démarche et propose en plus de l’album classique de 160 pages paru aux éditions Dupuis dans la collection Aire Libre, des compléments sur son site internet. 

Compléments audio

Sur Tronchet.com vous pourrez en plus découvrir avec vos oreilles après avoir fait fonctionné vos yeux le seul et unique album du chanteur perdu sorti au début des années 70, l’enregistrement de son dernier concert à la Réunion et bonus exceptionnel les maquettes de nouvelles chansons, enregistrées avec les moyens du bord, sur une petite île de l’Océan indien, sur un ponton. De plus, Tronchet a transformé le scénario de sa BD en véritable roman, téléchargeable sous forme de PDF sur son site, toujours dans l’onglet « Le chanteur perdu ». 



Mais à la base, donc, c’est une BD. Un roman graphique mêlant fiction et réalité. Tronchet s’est appuyé sur ses propres recherches sur le destin de Jean-Claude Rémy, chanteur à texte, disparu de la circulation après un seul et unique album de 13 chansons. L’auteur devient Jean, Bibliothécaire victime d’un burn-out. Il décide de se délecter de tout l’inutile (télévision, livres, revues) pour tenter de retrouver l’envie. Et bizarrement, ce qu’il en ressort, c’est qu’il est de plus en plus obsédé par les chansons d’un certain Rémy Bé, chanteur découvert quand il était à la fac, jeune lettré révolutionnaire, grâce à un voisin étudiant en gestion. Les textes de ces chansons l’obsèdent. Il décide de le retrouver. 



Seul indice : sur la pochette, le jeune chanteur aux yeux bridés, pose devant le viaduc de Morlaix. Le viaduc des suicidés. Il part donc à Morlaix, sans but précis, sans le moindre indice. Il a un mois de maladie, un mois au cours duquel il entend retrouver le chanteur perdu. 

Comme souvent dans ses œuvres plus sérieuses, Tronchet met beaucoup de lui-même dans cette histoire de quête un peu folle. Folle mais pas impossible pour ce vernis des indices. Un mot dans une chanson lui permet de découvrir quel était le métier du chanteur avant ses débuts sur scène. Une exploration du passé qui va le conduire jusqu’à la sœur de Rémy Bé et finalement son fils qui lui révélera enfin où il s’était retiré. La seconde partie de l’album se déroule donc sur cette minuscule île paradisiaque au large de Madagascar, entre un Jean incognito en vacances dans un des bungalows de la pension du chanteur oublié. 

Beaucoup d’émotion dans cette histoire, sur la difficulté d’oublier ses idoles ou de tourner la page. Mais comme c’est Tronchet qui est aux manettes, cela reste vif et intelligent. Une expérience de vie inoubliable à prolonger avec le dossier en fin d’album et surtout ces chansons, anciennes et actuelles de ce chanteur perdu. 

« Le chanteur perdu » de Didier Tronchet, Dupuis, 23 € (disponible en numérique). Suppléments gratuits sur le site tronchet.com