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mardi 18 février 2025

Cinéma - "Presence", vue fantomatique de Steven Soderbergh

Une famille américaine emménage dans une maison. Rapidement, la fille ressent une présence. Que veut ce fantôme ? Un film fantastique stylé signé Steven Soderbergh.
Éditeur de texte enrichi, editor1


Les vieilles maisons ont toute une histoire cachée. Des secrets servant à construire des légendes, rumeurs et autres histoires fantastiques traversant les siècles pour les plus anciennes. Le nouveau film de Steven Soderbergh, intitulé Presence, se déroule entièrement dans une maison cossue d'une banlieue sans nom de l'Amérique profonde.

Au début elle est vide. Et en vente. Une commerciale reçoit les premiers visiteurs. Une famille typique. La mère, Rebekah (Lucy Liu), cadre dans une grande entreprise, le père, Chris (Chris Sullivan), pédiatre et les deux enfants encore lycéens. Chloé (Callina Liang), est de plus en renfermée, surtout depuis que sa meilleure amie est morte d'une overdose. Tyler (Eddy Maday) aime faire la fête, briller auprès des filles et nager (sa mère  l'imagine déjà en champion olympique). Visite coup de coeur.

Suite du film quelques semaines plus tard. Ils ont emménagé. Tout se passe normalement jusqu'à ce que Chloé se persuade qu'on l'observe dans sa chambre. Elle sent comme une présence. C'est le début de la prouesse du réalisateur (également directeur de la photo et monteur du film) transformant ce huis clos en lent cauchemar de plus en plus terrifiant. 

Pour que le spectateur soit totalement immergé dans l'histoire, Soderbergh a fait le pari de tout raconter au niveau de la présence, du fantôme. Tout est filmé à hauteur d'homme, en longs déplacements dans la maison. Avec parfois, une Chloé qui se met à regarder fixement la caméra, comme si elle voyait le fantôme, le spectateur.

Tout en racontant le délitement de la cellule familiale, le film dresse le portrait de ces jeunes Américains d'aujourd'hui. Ils semblent si propres, si calmes et studieux. Et pourtant...

Une réalisation stylée, jouant à merveille sur l'ambiance et le POV (point of view). Une maison, un fantôme, un drame. On retrouve un peu du propos du très beau A ghost story de David Lowery.  

"Presence", film de Steven Soderbergh avec Lucy Liu, Chris Sullivan, Callina Liang, Eddy Maday

mercredi 20 décembre 2023

Cinéma - “Les colons” n’ont pas de pitié pour les « sauvages »

Film de Felipe Gálvez Haberle avec Sam Spruell, Mark Stanley, Camilo Arancibia, Benjamin Westfall


Le Chili, immense pays qui se cherche encore, n’a pas attendu Pinochet pour faire de la violence et la force ses principaux outils pour tenir sa population. Le film de Felipe Galvez Haberle, Les colons, raconte comment les gros propriétaires terriens ont décidé d’exterminer les Indiens pour permettre l’élevage intensif. Terre de Feu, début du XXe siècle. Quelques hommes travaillent comme des forçats. Ils posent des clôtures dans ces prairies infinies.

Bientôt, moutons et bovins vont occuper l’espace. Le problème ce sont les Indiens. Ils se moquent des clôtures. Et les animaux, même domestiques, restent des proies pour ces chasseurs-cueilleurs. Le problème peut être résolu par quelques mercenaires sans foi ni loi. 

Parmi eux le lieutenant MacLennan (Mark Stanley), ancien soldat anglais, Bill (Benjamin Westfall) un cow-boy américain et un métis, Segundo (Camilo Arancibia), choisi par le premier car il connaît le pays et tire bien au fusil. Un trio dépareillé, jamais d’accord, mais qui n’a qu’un objectif : faire place nette. Ils chevauchent les grands espaces, traversent vallées, cols et vastes plaines, pour traquer ces Indiens. Et les abattre. Comme des animaux nuisibles. 

Un film étouffant, malgré les décors naturels purs et gigantesques, car la sauvagerie n’est pas là où notre civilisation occidentale l’a placée. Les colons sont des prédateurs, jamais rassasiés, toujours affamés de sang frais. Seul Segundo a des scrupules, se pose des questions. Mais il est lui aussi asservi par la véritable sauvagerie du lieutenant. Il va laisser faire, complice passif d’un génocide qui ne semble avouer son véritable nom qu’aujourd’hui, un siècle après les faits. Ainsi va l’Histoire du Chili, comme de ses voisins américains.   


vendredi 17 novembre 2023

Cinéma - La nostalgie touchante du “Petit blond de la Casbah”

La reconstitution des derniers mois de la présence de la famille d’Alexandre Arcady à Alger, peu avant l’indépendance, raconte avec nostalgie le drame de tous les pieds-Noirs, notamment de la communauté juive.


Quand il reparle de l’immeuble de la rue du Lézard au cœur de la Casbah d’Alger, on sent une pointe d’émotion dans la voix d’Alexandre Arcady. Malgré le livre et le film, Le petit blond de la Casbah, qui raconte comment sa famille a fui face à la pression des attentats, une partie du gamin est restée dans l’appartement et les parties communes de ce bâtiment accueillant plusieurs familles de différentes origines. « Au 7 rue du Lézard, c’était la convivialité absolue, explique-t-il. Les portes étaient toujours ouvertes, on n’avait pas besoin d’invitation pour aller chez les uns ou chez les autres. Et les fêtes religieuses étaient les fêtes pour tout le monde. Mais ce n’était pas idyllique pour autant. Les communautés étaient cloisonnées, même si tous parlaient la même langue, l’arabe. »

Une entente cordiale racontée dans un film touchant, sensible et bourré de nostalgie. Antoine (Léo Campion), découvre le cinéma et décide à 10 ans qu’il en fera son métier. Il vit avec sa mère (Marie Gillain), sensible, attentive, parfois un peu trop protectrice, son père (Christian Berkel), ancien légionnaire, droit, rigide, désargenté et ses quatre frères. Il croise au quotidien Nicole (Iman Perez), jeune Algérienne adoptée par une cartomancienne, ses oncles et tantes plus ou moins fortunés et honnêtes (Pascal Elbé, Dany Brillant, Judith El Zein) et sa grand-mère Lisa, la mémoire algérienne de la famille, de l’immeuble, interprétée par un incroyable Jean Benguigui qui n’en est pas à son coup d’essai. Alexandre Arcady a pensé à lui en se souvenant d’un spectacle où il endossait les habits de sa mère et sa grand-mère pour raconter, déjà, l’Algérie d’antan.

Mais le véritable personnage principal du film reste la ville d’Alger. Reconstituée à l’identique des années 60, puis au début des années 2000, quand Alexandre Arcady est retourné de l’autre côté de la Grande Bleue pour présenter son film Là-bas mon pays, la ville bouillonne, resplendit, lumineuse et ensoleillée, culturelle et animée.

C’est ce Paradis perdu qu’Alexandre Arcady a voulu retrouver et offrir aux autres rapatriés, déracinés souvent inconsolables, en le reconstituant sur pellicule. Une nostalgie enfantine qui fait fi des décennies et de cette frontière de plus en plus infranchissable qu’est la Méditerranée.

Film d’Alexandre Arcady avec Léo Campion, Marie Gillain, Christian Berkel, Patrick Mille, Dany Brillant, Pascal Elbé, Jean Benguigui, Iman Perez

 

samedi 2 mai 2015

Cinéma - "Le labyrinthe du silence", un procès pour l'Histoire

Quinze ans après la fin de la 2e guerre mondiale, des juges allemands font le procès des tortionnaires d'Auschwitz. « Le labyrinthe du silence », un film contre l'oubli.


Au début des années 60, en Allemagne (de l’Ouest comme de l’Est), tout était fait pour oublier les horreurs de la folie nazie. Nuremberg a condamné quelques dignitaires, mais l’immense majorité des soldats, officiers et responsables SS a échappé à toute poursuite. Pire, leurs crimes sont systématiquement effacés de l’histoire officielle. Tout doit être fait pour la reconstruction du pays. Il y a eu trop de morts pour se passer des compétences d’hommes et de femmes qui ont pourtant activement participé au génocide. Alors que l’ennemi n’est plus que Bolchevique et qu’Israël se débat contre tous ses voisins, il reste cependant quelques rescapés des camps de la mort en Allemagne.

C’est le cas de Simon, un peintre qui croise un matin la route d’un de ses tortionnaires. Il est redevenu instituteur et parfaitement intégré dans cette nouvelle nation. Comment un ancien SS, qui a des centaines de morts sur la conscience, peut-il se promener en toute quiétude et être chargé de l’éducation des enfants ? Simon alerte un ami journaliste, Thomas Gnielka (André Szymanski) qui raconte cette histoire dans le journal de Francfort et va au parquet demander que des poursuites soient lancées contre ce criminel de guerre. Il apporte des preuves, mais cela n’intéresse personne. Le temps est au pardon. A l’oubli...

Petit procureur obstiné
Seul Johann Radmann (Alexander Fehling), jeune procureur à peine sorti de l’école, cantonné aux infractions routières, est interpellé. D’une rigueur absolue, il considère que tout meurtrier doit être poursuivi. Même s’il a commis ses meurtres en tant que soldat obligé d’obéir aux ordres de ses supérieurs. Il va tenter de retrouver le maximum de ces tortionnaires en recueillant le témoignage des rescapés. Mais le chemin est long, semé d’embûches, tel un véritable labyrinthe où il est vite fait de se perdre.
Basé sur une histoire vraie, ce film de Giulio Ricciarelli bénéficie d’une distribution de grande qualité. Alexander Fehling dans le rôle du petit juge entièrement dévoué à son métier rend parfaitement l’évolution de ce jeune homme, ce « blanc-bec » pour certains anciens déportés, qui va épouser cette cause après avoir pris conscience des horreurs d’Auschwitz. Une scène explique tout. Le journaliste Gnielka apostrophe Johann au début de l’enquête en lui demandant s’il sait ce qu’il s’est réellement passé en Pologne dans ce sinistre camp. Le procureur n’en a qu’une vague idée. Et c’est le cas de tous les jeunes gens qui l’entourent.
Ce devoir de mémoire, des Allemands envers les victimes de leurs parents, a sans doute permis que ces milliers d’histoires dramatiques ne disparaissent pas les limbes de la réécriture de l’histoire officielle. Et toute la force du film est de parler de déportation sans montrer la moindre image dure, insoutenable. Au contraire, rescapés et bourreaux se ressemblent étrangement une fois la paix retrouvée, comme s’il était facile d’endosser un costume d’homme respectable après avoir commis les pires ignominies. C’est aussi cette leçon que l’on retiendra de ce très édifiant « Labyrinthe du silence ».