Grosse déferlante Bodin’s au rayon DVD en ce mois d'octobre. M6 Vidéo propose en DVD et Blu-ray « Les Bodin’s enquêtent en Corse ».
Après le succès du film voyant ce couple infernal de bouseux (mère et fils) dynamitant la Thaïlande, les voilà sur l’île de Beauté. N’en demandez pas trop au scénario, contentez-vous de situations aussi grotesques que comiques. Un téléfilm qui avait cartonné lors de sa diffusion.
Et si vous en redemandez, cassez votre tirelire pour faire l‘acquisition du coffret de 4 DVD proposant l’intégralité des spectacles de ces humoristes (Vincent Dubois, Jean-Christian Fraiscinet) de ces dernières années.
Film social sur l’accomplissement de la famille, Le retour de Catherine Corsini est un brûlot mettant en opposition deux mondes que tout oppose, le prolétariat d’origine immigrée en provenance de banlieue à la haute bourgeoisie, pétrie de bons sentiments de gauche mais première à afficher condescendance envers « ses » pauvres tout en faisant le maximum pour figer la situation.
Le fait que l’action se passe en Corse, l’été, ne fait qu’ajouter le côté brûlant et urgent du sujet de société encore plus d’actualité de nos jours que du temps des premières escarmouches entre ces deux planètes que tout éloigne.
Le retour c’est celui de Khédidja (Aïssatou Diallo Sagna) dans l’île où sont nées ses deux filles, Jessica (Suzy Bemba) et Farah (Esther Gohourou). Il y a quinze ans, elle a littéralement fui son foyer pour refaire sa vie en région parisienne. Assistante maternelle au service d’un couple aisé, elle est sollicitée pour s’occuper des trois jeunes enfants du couple durant leurs vacances dans une superbe maison qui domine un paysage de rêve. Les ados sont invitées aussi. Elles traînent sur la plage du camping où elles sont hébergées. Jessica, brillante, prépare Science-Po.
Farah, provocatrice et bercée par les paroles du rap, traîne sans but si ce n’est de voler quelques sacs et un pain de cannabis pour le revendre à la sauvette sur la plage. Le début du film se concentre sur la vie des jeunes. Mais petit à petit le passé revient sur le devant de la scène. On découvre les failles de la mère, les raisons de sa fuite, son mal-être, ses mensonges répétés pour protéger ses filles. Une décomposition familiale inéluctable, comme si les liens entre ces trois femmes pourtant unies malgré leurs différences, fondaient littéralement au soleil cuisant de la Corse.
Et quand la problématique de classes s’invite dans ce jeu de chamboule tout, le trio explose.
Un film d’une efficacité et d’un réalisme absolus. Porté par l’interprétation d’un trio magique. Très étonnant qu’il n’ait pas reçu, ex æquo, le prix d’interprétation féminine, tant cette prestation d’ensemble est aboutie.
« Le retour », film de Catherine Corsini avec Aïssatou Diallo Sagna, Suzy Bemba, Esther Gohourou
Olivier Bal quitte les USA de son héros récurrent Paul Green pour l’Europe. "Roches de sang", un thriller entre Londres, La Haye, la Suisse, Belgrade et la Corse en bouquet final.
Excellent pour raconter l’Amérique contemporaine, Olivier Bal se révèle encore meilleur pour décrire cette terrible histoire de vengeance à travers les décennies et l’Europe. Un auteur qui ne cesse d’étonner par sa capacité à se renouveler et à aborder tous les genres avec brio.
Roman gigogne, Roches de sang propose deux récits en parallèle. Un premier se déroule l’été 1993 en Corse et suit les retrouvailles des frères Biasini, le second est contemporain et va de Londres à Belgrade en passant par La Haye, siège d’Interpol où travaille Marie Jansen. En 1993, Ange Biasini, en rupture familiale, tente de se faire oublier sur le continent. Mais les démêlés de sa famille avec la pègre ruinent ses envies de discrétion. Pour aider Théo, son jeune frère aux prises avec un parrain local, Venturi, Ange revient donc en Corse.
Pour un dernier coup tonitruant. Avec ses amis d’enfance, il va braquer des yachts de luxe. Cette partie du roman, la plus copieuse, plante le décor de ce qui va devenir une tragédie et entraîner cette vengeance sanglante des années plus tard. Entre les deux frères, traumatisés par les violences du père, assassiné par un inconnu quelques années plus tôt, c’est une histoire compliquée qui se noue. L’un veut protéger l’autre qui cherche de son côté à se valoriser. Des non-dits qui vont entraîner leur chute.
Le destin des frères Biasini
Mais avant de connaître le dénouement de 1993, le lecteur est régulièrement replacé dans notre époque contemporaine. Marie Jansen, policière à Interpol, cherche à faire tomber Horvat, un riche gangster serbe. Mais alors que le piège se referme sur ce monstre de cruauté, il est retrouvé mort dans son appartement luxueux. Douze coups de couteau et la gorge tranchée. Avec en plus un message sur les murs. Une phrase en corse qui dit : « Que ma blessure soit mortelle ».
Quel rapport entre le Serbe et la Corse, qui est ce tueur invisible ? Marie, sans doute le personnage le plus torturé du roman (elle est jeune maman mais n’a aucune fibre maternelle et délaisse son mari au profit de son enquête), va suivre la piste de l’assassin en Suisse et en Serbie. Pour finalement se retrouver en Corse, là où des années auparavant les frères Biasini ont vu leur destin basculer.
Un thriller très réaliste, qui plonge le lecteur dans cette mafia corse si particulière, entre tradition à respecter, honneur à préserver et intransigeance mortelle. Le roman aborde aussi quelques thèmes typiques de notre époque comme la spéculation immobilière, la traite des êtres humains ou la corruption qui gangrène la société. Reste les doutes de Marie et surtout l’amitié fraternelle indestructible entre Théo et Ange, malgré les erreurs et mauvaises décisions de l’un comme de l’autre.
Qui n’a pas rêvé un jour de tout plaquer et de fuir cette vie stressante moderne ? Oublier voiture, appartement, boulot, famille et se retirer tel un ermite au plus profond de la montagne. Le narrateur de ce premier roman de Paul-Bernard Moracchini a osé. On suit sa « Fuite » de la réalité insupportable. Son arrivée en train dans cette région reculée, qui a des airs de Pyrénées. Dans un bar de village, il croit de nouveau pouvoir supporter les gens. Erreur. « Plus je fuis et plus j’ai besoin de fuir plus loin encore. Mon seuil de tolérance envers mes semblables et au plus bas. Il ne s’agit plus de quitter le quotidien morne d’un carcan social, c’est au-delà...» Le récit se poursuit, raconte la progression dans la montagne, la forêt, pour rejoindre une cabane de chasseur perdue dans les bois. Plus de présence humaine, juste un chien recueilli en chemin et la faune sauvage. Une thérapie efficace : « La boule de fiel qui roulait au creux de ma panse quelques semaines auparavant, se résorba. Je vivais en bon sauvage oublié de mondes que rien ne semblait vouloir me rappeler ». La suite est un peu plus compliquée. Vivre est aisé, survivre moins évident. La solitude est aussi une épreuve qu’il est parfois difficile de surmonter sans tomber dans la folie. Un roman initiatique fort et prenant d’une voix survivaliste singulière. ➤ « La fuite » de Paul-Bernard Moracchini, Buchet Chastel, 14 €
UNE VIE VIOLENTE. L’indépendantisme entre lutte armée, théorie politique et pratique mafieuse.
Paradoxe du cinéma, parfois en avance sur la société, d’autres fois en parfait décalage avec l’actualité. « Une vie violente » de Thierry de Peretti se trouve à mi-chemin entre ces deux concepts. Ce biopic romancé d’une certaine jeunesse corse rebelle et violente, sort au moment même où les Insulaires ont porté au Palais Bourbon, à la représentation nationale, deux élus nationalistes. De ceux qui gravitaient peut-être à l’époque dans les milieux décrits dans le film.
La violence dans le film n’est pas montrée de façon ostentatoire. Pourtant elle est bien présente dès la première scène. Deux voitures s’arrêtent au bord d’un verger où s’activent des travailleurs immigrés. Deux hommes descendent de la seconde, prennent place à l’avant de la première pour être abattus à bout portant. Un jerrycan d’essence et une allumette plus tard, les deux hommes ne sont plus que des cadavres méconnaissables. Deux morts de plus dans la guerre que se mènent les différentes factions d’indépendantistes, souvent alliés avec des mafieux eux-mêmes en concurrence.
■ Engrenage de la violence
Pour les obsèques à Bastia, Stéphane décide de revenir au pays. Depuis des années il vit loin de cette agitation, à Paris, en sécurité. Car Stéphane sait qu’avec son retour, il signe presque son arrêt de mort. Le film, d’une précision clinique, uniquement interprété par des acteurs corses, pour la plupart amateurs, raconte comment Stéphane en est arrivé là. Il profite de la vie, fait la fête avec des amis et parle politique. Il voudrait que les choses changent.
Étudiant, il accepte de convoyer sur le continent des armes pour des nationalistes amis. Pris, il passe quelques mois en prison, découvrant la politique et se mettant au service d’un leader qui prône plus de fermeté. Un engrenage de la violence sur fond de pression de la mafia et d’argent facile.
Aujourd’hui, les armes se sont tues en Corse. Les bombes n’explosent plus. Les nationalistes ont évolué et rejettent la violence. Ils ont une partie du pouvoir. Thierry de Perretti n’en parle pas dans son long-métrage, le second de sa carrière après « Les Apaches ». Il préfère voir dans « Une vie violente » un « hommage à tous ces jeunes gens perdus ou assassinés ». Un constat. Sans jugement. Pour un film plus historique que naturaliste mais d’une puissance politique redoutable.
➤ Thriller de Thierry de Peretti (France, 1 h 53) avec Jean Michelangeli, Henry-Noël Tabary, Cédric Appietto.
'Le temps est assassin', nouveau thriller de Michel Bussi se déroule en Corse, île du silence et des secrets. Michel Bussi est le premier à tirer. Dans la catégorie "thriller pour l'été", son nouveau titre, "Le temps est assassin" part avec une longueur d'avance. Il n'en a pourtant pas besoin tant ce roman haletant et plein de rebondissements a toutes les chances de plaire à des milliers de lecteurs et de lectrices avides de suspense et de dépaysement. L'action se déroule en Corse, dans la presqu'île de la Revellata, à quelques encablures de Calvi. Une zone protégée, sauvage et authentique. Il n'y a qu'un camping dans cette nature préservée. La famille Idrissi y a ses quartiers d'été. Paul, originaire de la région, y passe son mois de vacances en compagnie de sa femme et de ses deux enfants adolescents, Nicolas et Clotilde. Ce 23 août 1989, au soir, ils partent assister à un concert de polyphonies corses. Sur les routes en lacets, la Fuego rouge faut une embardée. La famille est décimée. Seule Clotilde s'en sort. 27 ans plus tard, la même Clotilde revient au Camping. Mariée, fille d'une adolescente, elle ose enfin revenir sur les lieux du drame. Mais rapidement elle va retrouver quelques fantômes qu'elle pensait oubliés. Le roman alterne entre cet été 2016 et celui de 1989. Le lecteur découvre le drame qui s'est joué à l'époque en lisant le journal intime de Clotilde, 15 ans à l'époque. Les amours de vacances, le charme du beau Natale, pêcheur ami des dauphins, la beauté effrontée de l'Italienne de la bande, l'Allemand introverti, le jeune Corse prétentieux. Flirts de jeunesse mais aussi grandes tromperies autour du couple des parents. Rapidement Clotilde a la certitude que ce n'était pas un accident. La voiture a été sabotée. Le roman devient vite addictif grâce à l'excellente description des doutes de Clotilde. Tant l'adolescente, rebelle, gothique que la mère de famille, désormais assagie mais toujours prête à tenter l'impossible pour retrouver les frissons de son amour de jeunesse. En y rajoutant un peu de préservation du patrimoine et de tradition, Michel Bussi signe un grand roman, à la chaleur moite et très sombre, malgré le soleil éblouissant de l'île de Beauté. "Le temps est assassin" de Michel Bussi, Presses de la Cité, 21,50 euros