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lundi 23 octobre 2023

Rentrée littéraire - L’amour sera toujours l’amour grâce à Dominique Barbéris et François Bégaudeau

Deux romans français présentent des histoires d’amour quelconques mais aussi remarquables, au final, que les grandes romances. Amour contrarié avec Dominique Barbéris, amour simple et linéaire selon François Bégaudeau.


Ecrire sur l’amour en 2023 ! Quelle drôle d’idée alors que les actualités ne nous parlent que de guerre, massacres, génocides, enlèvements, attaques au couteau et exécutions sommaires. Pourtant on a trop tendance à oublier le formidable pouvoir de l’amour sur l’équilibre de nos sociétés. Aimez et vos envies de meurtres, ou de vengeances, passeront au second plan. Saluons donc ces deux écrivains qui pour la rentrée littéraire française consacrent l’entièreté de leurs ouvrages à ce thème sans doute rebattu mais essentiel qu’est l’amour. Un amour impossible avec Dominique Barbéris, un amour simple et linéaire sous la plume de François Bégaudeau.

À Douala, Madeleine n’arrive pas à l’intégrer dans la communauté des colons français. Nous sommes au début des années 60, le Cameroun est sur le point d’accéder à l’indépendance. Madeleine, Nantaise, mère d’une petite fille, mariée à un Breton travailleur et taciturne, croise la route d’Yves Prigent, un aventurier, séducteur, un peu espion et homme de main de la Françafrique. C’est la nièce de Madeleine, Dominique Barbéris, qui tente dans ce roman intitulé Une façon d’aimer (toujours dans la dernière sélection du Goncourt), qui tente de comprendre pourquoi ce coup de foudre, évident, n’a pas eu de suite.

Car à cette époque, rares étaient les épouses qui osaient tromper leur mari.
Alors Yves se contentera d’une cour assidue et respectueuse, Madeleine profitera de quelques moments en sa compagnie, mais au final la passion ne sera pas au rendez-vous. Un roman nostalgique sur les relations entre hommes et femmes. L’occasion aussi de faire revivre les colonies françaises dans leur crépuscule.

Amour compliqué d’un côté, amour simple et linéaire de l’autre. François Bégaudeau, en signant L’amour (présent dans la seconde sélection du Renaudot), court roman percutant, a voulu raconter une histoire qui arrive à des milliers de Français chaque année, et ce depuis presque la nuit des temps. Un homme, une femme, une rencontre, une union et une vie passée à se côtoyer, pour le meilleur comme le pire. Jacques Moreau séduit Jeanne au début des années 70.
Après quelques baisers furtifs au cours des fêtes de village, ils passent aux choses sérieuses dans la chambre de l’hôtel où travaille, de nuit, Jeanne. Enceinte, elle décide de se marier avec Jacques

. Ce dernier est tout content. Et c’est parti pour cinquante ans de vie commune racontée avec humour et lucidité par un François Bégaudeau toujours aussi parfait quand il faut décrire la vie simple des gens d’aujourd’hui.
On rit des manies de Jeanne et des défauts de Jacques. Eux, font des efforts pour les supporter. Et finalement sont heureux dans leur vie que certains qualifieraient d’étriqué, mais qui est en réalité pleine et épanouissante. Il y aura des crises, des remises en question mais ils seront ensemble jusqu’au bout.
L’émotion fait une arrivée remarquée dans la dernière partie du roman, quand seule la mort parvient à les séparer temporairement. Juste temporairement.

« Une façon d’aimer » de Dominique Barbéris, Gallimard, 208 pages, 19,50 €
« L’amour » de François Bégaudeau, Verticales, 92 pages, 14,50 €

 

samedi 28 janvier 2023

Cinéma - Amour fou à “16 ans”

Il existe des histoires éternelles adaptables à toutes les époques. Roméo et Juliette est un bon exemple ce ces récits simples, dramatiques et qui malgré tout semblent se répéter au fil des siècles. Un amour fou, des querelles de famille, le drame… Philippe Lioret avait depuis longtemps envie de transposer cette trame de nos jours. La guerre entre les Capulet et les Montaigu prend un peu des airs de lutte des classes dans « 16 ans ». 

Dans une ville de province proche de Paris, banlieue sans nom où cohabitent difficilement cités HLM et quartiers résidentiels, les antagonismes sont forts. Quand une bouteille de vin (un très grand cru) disparaît dans un rayon du supermarché local, Tarek (Nassim Lyes), employé en CDD est immédiatement accusé et licencié. Un délit de sale gueule évident. Pourtant il veut s’en sortir. Comme sa sœur Nora (Sabrina Levoye) qui est encore au lycée. 

Bonne élève, concentrée sur le bac, elle est la fierté de cette famille d’immigrés. à la rentrée, elle croise la route de Léo (Teïlo Azaïs), qui débarque du privé. Entre les deux adolescents c’est le coup de foudre immédiat. Mais quand Tarek découvre cette amourette, il explose : Léo est le fils du patron du magasin qui l’a licencié sans le moindre état d’âme. Pour lui, pas question qu’elle fréquente ce garçon. D’autant qu’elle est mineure. Rapidement la tension monte entre les deux familles. Un engrenage fatal, de la violence, amplifiée par les différences sociales. Mais entre temps, Nora et Léo tentent de continuer de se voir, de s’aimer, simplement, loin de préjugés. 

Ce film ancré dans la réalité française actuelle, dresse un constant un peu caricatural des relations entre milieux aisé et défavorisé. Il faut tout le talent des deux jeunes comédiens pour donner de la consistance à ce drame qui expose un constat de difficulté du vivre ensemble, sans véritablement proposer de solution.

Film de Philippe Lioret avec Sabrina Levoye, Teïlo Azaïs, Jean-Pierre Lorit

mercredi 15 juillet 2020

Cinéma - La danse macabre d’Été 85

 Alex (Félix Lefebvre) et David (Benjamin Voisin), un amour évident dès la première rencontre.  Photo Jean-Claude Moireau

Qui aurait cru que François Ozon réalise un film d’amour de vacances ? Le réalisateur de drames psychologiques souvent torturés (Une nouvelle amie, L’amant double) précise dans le dossier de presse du film Été 85 qu’il a assumé « les codes d’un teen movie. J’ai filmé une romance entre garçons de façon très classique et sans ironie, pour rendre cette histoire d’amour universelle. » Mais cela reste du Ozon malgré tout. Et d’entrée, le narrateur parle de cadavre et de la mort d’une façon plus générale. Amour et mort, la vie quoi… 

Au Tréport, station balnéaire populaire de Normandie, en ce début d’été 85, les jeunes hommes et filles veulent oublier l’année scolaire. Même s’ils sont encore en pleine orientation. Alex (Félix Lefebvre), fils de docker, a des talents littéraires. Son professeur de français (Romain Duris) va tout faire pour qu’il continue afin de décrocher ce Bac A qui lui tend les bras.  Ses parents, préféreraient qu’il trouve un travail. Nous sommes au début des années 80, le chômage de masse pointe son nez, l’inquiétude des «pauvres» est palpable. 

David le sauveur 

Avant de décider, Alex emprunte un petit bateau à un ami et va en mer. Un orage gronde, la coque de noix chavire. Panique sous les embruns. Heureusement, David (Benjamin Voisin) arrive, fendant les flots à la barre de son voilier baptisé Calypso, et le sauve. La suite, c’est effectivement une belle histoire d’amour que François Ozon raconte dans le détail, mais avec pudeur. David, fils d’une commerçante (Valeria Bruni Tedeschi), a un an de plus qu’Alex. Lui, contre son gré, a arrêté les études pour reprendre la boutique créée par son père décédé brutalement un an plus tôt. Les deux jeunes adultes passent la soirée ensemble. Ciné, virée à moto, boîte de nuit. Tout ce qu’il faut pour faire fonctionner la fabrique aux souvenirs. Le spectateur de plus de 50 ans apprécie. François Ozon, lui, se fait plaisir. Il a reconstitué le décor et l’ambiance de ses 17 ans. 


Pressé de choisir son avenir, Alex coupe la poire en deux. Il continue ses études, mais cet été il va travailler. Chez David. Durant six semaines, c’est le bonheur le plus complet pour ce couple lumineux et rayonnant. Cependant cette bluette entre deux jolis garçons ne suffit pas pour retenir l’attention des spectateurs. Le film de François Ozon a parlé de cadavre. Qui est mort ? Dans quelles circonstances ? Pas Alex en tout cas, puisqu’il est dans peau du narrateur et que le film débute par son procès. 

Loin donc d’être un simple film à l’eau de rose, Été 85 nous parle aussi de promesse, d’engagement et de folie. Pas la folie dévastatrice mais celle consciente, qui nous permet, parfois, de dépasser les limites et de se sentir un peu plus vivant que le reste de nos connaissances. Alex, au cours de cet été 85, avait vraiment besoin de se sentir vivant, quitte à réaliser la pire folie que même ses romanciers préférés n’auraient pas osé imaginer. Un film qui aurait certainement brillé au dernier festival de Cannes si un certain coronavirus n’avait pas confisqué le tapis rouge.

Film français de François Ozon avec Félix Lefebvre, Benjamin Voisin, Philippine Velge


samedi 1 septembre 2018

BD - L’amour est à la ferme


La misère sexuelle des agriculteurs. On a beaucoup écrit sur le sujet et une chaîne de télévision en a même fait une émission très rentable. Mais dans « Didier, la 5e roue du tracteur », Rabaté (scénario) et Ravard (dessin) racontent surtout l’amour à la ferme. Ces coups de foudre improbables entre traite matinale des vaches et soirée télé soporifique. Didier, 45 ans, en net surpoids, adepte de la bibine et souffrant de cruelles crises d’hémorroïdes (la poésie de la campagne) exploite sa ferme avec sa sœur, Soizic, un peu plus jeune, responsable et active. Deux cœurs solitaires. Si elle se contente de travailler tentant d’oublier sa vie sexuelle mise sous l’éteignoir, lui voudrait absolument tenir une femme dans ses bras. Pour la vie. Ou au moins une fois... 

Avec l’aide d’un voisin ruiné qui a trouvé refuge dans leur ferme, il s’inscrit sur un site de rencontre. « Coquinette » répond. Le début des ennuis. On pourrait se moquer de ces paysans, l’obèse, le moche aux oreilles décollées et la vilaine au gros nez. Mais rapidement on se prend d’affection pour eux, on découvre qu’ils ont beaucoup de cœur et de tendresse. Et pas que pour leurs vaches. Un petit bijou de sensibilité qui sent bon le foin coupé, le lait fraîchement tiré et le purin. La vie, quoi ! 
« Didier, la 5e roue du tracteur », Futuropolis, 17 €

lundi 30 juillet 2018

Roman : Amours et mystères gardois


Envie de soleil, de fêtes de village, d’amours et de mystère ? Ouvrez « L’été retrouvé » de Dany Rousson, vous trouverez votre bonheur. Un roman de terroir selon l’acceptation officielle du genre, se déroulant essentiellement dans le Gard.

Lazare, célibataire, travaille dans le bois, ébéniste passionné par son métier. Il bénéficie de l’attention particulière de sa voisine, la jolie Séraphine. Elle aussi vit seule, mais avec sa petite fille Pia. Deux cœurs brisés qui se cherchent et se trouveront, ces romans se terminent toujours bien. Mais avant cela les épreuves seront nombreuses. Et débuteront par l’arrivée chez Lazare de Gérald. Un ami d’enfance. Mais une femme les a mis en concurrence. Depuis, ils ne se parlent plus. Pourquoi Gérald revient-il voir Lazare ? Qu’est devenue la belle Elisa, l’objet de leur brouille ? Comment va réagir Séraphine en découvrant une personnalité nouvelle de son si charmant voisin ?

L’autre intérêt du roman, en plus d’une description minutieuse de ce Gard profond des années 90 ; réside en un long passage se déroulant à Collioure. La ville catalane servira d’écrin pour la concrétisation du bel amour: « Le soleil était déjà radieux sur Collioure. Lazare s’appuya au balcon pour admirer la vue. Elle était magnifique. On apercevait la baie déjà occupée par des baigneurs matinaux. (...) Tout était encore paisible. Lazare ferma les yeux un instant, soulagé d’avoir parlé à Séraphine. »


➤ « L’été retrouvé », Dany Rousson, Presses de la Cité, 19 €

samedi 11 mars 2017

BD : Enfants tolérants, adultes hargneux



Dans l’Amérique des années 30, la ségrégation raciale est toujours très forte. Certes les Noirs ne sont plus esclaves, mais ils sont ostracisés par les Blancs et surtout, la nuit venue, chassés comme du bétail par les membres du Ku Klux Klan. Stéphane Louis (également dessinateur de Tessa) a imaginé cette histoire d’amitié et l’a confiée au dessinateur Lionel Marty. William, fils d’un riche patron, est costaud mais pas futé. Abelard, petit Noir vivant dans la misère, est au contraire très intelligent. Loin des clichés colportés par les adultes (selon les Blancs, les Noirs n’ont pas d’âme et sont des animaux, selon les Noirs tous les Blancs sont des esclavagistes haineux), ils vont devenir amis et s’entraider. Mais en cachette. Des années plus tard, William est à la tête de l’entreprise familiale. Abelard son employé. En réalité c’est ce dernier qui mène la barque. Toujours en cachette. Un modus vivendi acceptable jusqu’à l’apparition d’une jolie blonde qui tape dans l’œil de William. Amitié contre amour, la lutte sera violente.
➤ « L’amour est une haine comme les autres », Bamboo Grand Angle, 16,90 €

dimanche 15 janvier 2017

BD : Cache-cache amoureux

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Après Marcel Aymé, Cyril Bonin adapte une nouvelle fois un romancier français. Il se penche cette fois sur « La délicatesse », best-seller de David Foenkinos. Une histoire toute simple, d’amour éternel et de renaissance. Pas évident du tout à retranscrire en images : beaucoup de dialogues, décors inexistants. Alors le dessinateur va particulièrement soigner ses deux personnages principaux. La belle Nathalie et l’atypique Markus. La première, mariée à François assez jeune, travaille dans une entreprise suédoise. Un travail que l’on imagine austère, sans grand intérêt. Pas grave, l’amour permet de tout faire passer. Mais François meurt, écrasé par une voiture lors de son jogging. Nathalie déprime. Mais au bout de quelques mois devient une proie pour les « mâles » du boulot. Elle écarte le directeur mais tombe sous le charme du pâlot Markus. C’est simple et beau comme une histoire d’amour, idéale et délicate.
➤ « La délicatesse », Futuropolis, 17 €

jeudi 22 décembre 2016

DVD et blu-ray : "Equals" ou l'amour devenu maladie contagieuse


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Aimez-vous tant qu’il est temps. Le film « Equals » de Drake Doremus a un peu le rôle d’un lanceur d’alerte pour les générations futures. Cette histoire de science-fiction, dans un avenir proche, fait froid dans le dos. En quelques scènes explicatives, les spectateurs comprennent que rien n’est plus comme avant. Une guerre mondiale a éradiqué la majorité de la population. Les survivants se classent en deux catégories. Ceux vivant dans une enclave sécurisée et travailleuse et les autres, retournés à l’état sauvage dans une zone laissée à l’abandon. « Equals » se déroule dans une ville totalement aseptisée. Toute personne participe à l’effort collectif. En oubliant ses désirs et plaisirs personnels. Un monde terrifiant, fait de routine et d’absence d’émotion. Silas (Nicholas Hoult) est dessinateur. Il a pour mission d’imaginer les images de la conquête spatiale, grand projet censé cimenter le collectif. Il vit seul dans un appartement impersonnel. Ses seules relations extérieures ont lieu lors de son travail. Le soir, avant de se coucher, il joue à construire des puzzles en 3D, comme la majorité de ses collègues. Une vie morne. Sans émotion.


Car c’est là la véritable différence avec notre monde actuel. Personne ne doit avoir d’émotion. Si vous rêvez, pleurez ou souriez, c’est que vous êtes malade, porteur d’un virus qui ne serait pas contagieux mais qui touche de plus en plus de monde. Tout simplement. Dans un premier temps on vous donne des inhibiteurs. Puis, si cela persiste, vous êtes conduit dans un centre, sorte d’hôpital prison où vous aurez tout loisir de vous suicider. À moins que le collectif ne décide tout simplement de vous euthanasier.
Le jeune homme sent sa vie basculer quand il remarque une collègue, Nia (Kristen Stewart), chargée d’écrire les textes allant avec ses dessins. Nia, jeune et jolie, semble diffé- rente. Silas, de plus en plus attiré par elle, se décide, malgré le danger, à l’approcher, la toucher, lui parler. Elle explique alors être une « cacheuse », ces hommes et femmes qui seraient atteints du virus mais qui ne se dénoncent pas aux autorités. Elle joue l’indifférence. Mais elle aussi est attirée par Silas. Ils s’aiment.
Le film, sorti en e-cinéma en France, est d’une esthétique parfaite.Le monde futuriste dé- crit, immaculé, décrit des humains marchant comme des fourmis. Silas et Nia, en redé- couvrant leur humanité, en s’aimant, vont prendre tous les risques. Lassés de se cacher, ils prennent la décision de rejoindre les zones sauvages, là où l’entraide et la solidarité ont encore cours. 
Le film repose en grande partie sur les épaules de Nicholas Hoult (acteur britannique déjà vu dans Kill your friend), celui par lequel on perçoit l’éveil des sens. 
➤ « Equals », Orange Studio, 16,99 € le DVD et 19,99 € le bluray

mercredi 16 novembre 2016

Cinéma - "Tanna", Roméo et Juliette de la jungle



Extraordinaire film que ce « Tanna » de Bentley Dean et Martin Butler, deux documentaristes australiens.


Entièrement tourné sur l’île de Tanna au Vanuatu, avec des acteurs amateurs interprétant souvent leur propre rôle (le chef, le chaman...), il raconte la bouleversante histoire d’amour entre Wawa et Dian. Une romance qui a été plus forte que les lois ancestrales qui imposent les mariages arrangés entre tribus.
Kastom, ombre agissante
L’action se déroule sur une des îles de ce petit archipel mélanésien entre NouvelleCalédonie et Papouasie, au cœur de l’océan Pacifique. La vie s’écoule paisiblement dans le village de Yakel, quelques cases dans la forêt tropicale, avec le volcan Yahul a proximité, considéré comme la mère spirituelle de la tribu. Les hommes chassent et cultivent, les femmes nettoient des nattes dans la rivière, les enfants jouent, libres et insouciants. Durant la première partie du film on suit à la trace la jeune Selin (Marceline Rofit, formidable de spontanéité et de fraîcheur). Moins de dix ans, espiègle, têtue et déjà très intéressée par les choses de la vie. Elle observe notamment sa grande sœur Wawa (Marie Wawa) qui vient de devenir femme. Wawa sait qu’elle va être mariée avec un homme d’une autre tribu. Pourtant elle est irrésistiblement attirée par Dain (Mungau Dain), le petit-fils du chef. Mais selon les traditions édictées par la Kastom, (la cosmologie traditionnelle du Vanuatu, elle comprend un système de lois et de croyances, des chants et des danses, et une structure sociale patriarcale) Wawa ne peut pas s’unir à Dian.
■ Mariage arrangé
Les choses se compliquent quand les Imedin agressent le chaman des Yakel. La guerre menace. Pour apaiser les esprits, il est décidé que Wawa sera la femme du fils des Imedin. Rage de Dain. Désespoir de Wawa. Les deux amoureux partent dans la forêt, consomment leur union et iront clamer leur amour au sommet de Yahul. Le film, inspiré d’une histoire vraie, a des airs de Roméo et Juliette. Un amour impossible, deux clans, du poison... Mais il permet surtout de dé- couvrir les rites et le mode de vie de ces tribus mélanésiennes préservées.
Œuvre de fiction, « Tanna » s’apparente aussi à un documentaire car tout est authentique, des cases aux habits en passant par les danses rituelles. Film de témoignage, il est d’une réelle beauté. Beauté pure et immaculée des acteurs amateurs, des paysages et de certaines prises de vue comme les courses dans la forêt, la lave en fusion ou les méditations des chefs, la nuit devant un feu au pied d’un immense arbre. De la poésie à l’état pur, un voyage intemporel à ne pas manquer.

mardi 4 octobre 2016

Rentrée littéraire : Envoûtante histoire d'amour sous la plume de Serge Joncour

À Paris, l'amour peut frapper partout, à tout moment. Dans 'Repose-toi sur moi' Serge Joncour raconte l'histoire de Ludovic et Aurore.

Provincial, ancien joueur de rugby, Ludovic en impose. Racée et raffinée, Aurore est une créatrice qui a réussi. Ils vivent à Paris. A la même adresse. Un immeuble symbole de cette différence de milieu qui normalement devrait inexorablement les éloigner l'un de l'autre. Aurore, mariée, mère de deux adorables enfants, a emménagé dans un immense appartement rénové avec vue sur la cour arborée. Un luxe dans la capitale. Ludovic occupe un studio dans le bâtiment du fond, vétuste, mal isolé. Lui aussi a vue sur la cour, les arbres et l'appartement d'Aurore. Serge Joncour, avec une patience infinie, plante le décor et modèle le caractère de ses deux personnages principaux. Il y en a pour tous les goûts. Aurore, créatrice d'une ligne de vêtements, est une de ces executive woman symbole de la réussite de la France. Mariée à un Américain gravitant dans la finance, elle devrait être pleinement épanouie. Mais sa société, après de belles années prospères, rencontre quelques difficultés. Son associé et ami semble jouer un double jeu. Cela la tracasse au plus haut point. Et surtout, le soir, quand elle rentre chez elle, deux corbeaux la narguent. Ils ont pris possession de la cour et des arbres, chassant les gentilles tourterelles. Ludovic la voit paniquer dans le noir.
Aide mutuelle
La peur, Ludovic connaît. Ce trentenaire, originaire des Pyrénées, a laissé la ferme de ses parents à sa jeune sœur pour tenter sa chance à Paris. Pas par ambition. Juste pour oublier sa femme, son seul amour, emportée par un cancer. Sa carrure, sa sérénité et son calme lui permettent de faire un métier difficile. Il est chargé d'aller réclamer une ultime fois, avant poursuites judiciaires, des dettes auprès de débiteurs indélicats. Entre compassion et intimidation, il utilise toute son énergie. Le soir, il tente de tout oublier dans ce studio impersonnel. Et remarque Aurore. Pour elle, pour cette femme qu'il voit vivre dans son grand appartement, il va tuer les deux corbeaux. Et lui offrir une plume des victimes. Choc de culture, de civilisations, de sensibilités dans cette histoire d'amour peu banale. Un romancier quelconque aurait transformé cette idylle en un roman sirupeux, profitant des passages au "pays" pour décrire cette campagne si belle et des scènes susceptibles d'être racontées avec luxe de détails comme la beauté des tissus chamarrés.... Mais Serge Joncour aime le réalisme. L'exploitation agricole est en pleine mutation, les pesticides tuent toute vie. L'entreprise d'Aurore est un nid de crabes, la patronne doit sans cesse se battre contre ses fournisseurs, français et asiatiques. En les faisant s'aimer, l'auteur transpose un peu de leur monde dans celui de l'autre. Ils peuvent ainsi s'aider et dire à tour de rôle cette phrase qui résume le roman et toute vie à deux épanouie : "Repose-toi sur moi".
"Repose-toi sur moi" de Serge Joncour, Flammarion, 21 €

mercredi 3 août 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Lettre du passé (3/3)

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Messieurs, je suis en rage. La leçon racontée dans le récit fantastique que m'a consacré Prosper Mérimée en 1837 ne vous a donc rien appris ? Clairement écrit sur le socle, l'avertissement ne prête pas à confusion : "Prends garde à toi si elle t'aime." Oui, toute femme amoureuse est redoutable. Et jamais au grand jamais vous ne devrez le perdre de vue. Un engagement, on le prend pour la vie. Et en cas de rupture, la mort est au rendez-vous. Nous sommes ainsi, nous, les œuvres d'art : excessives et possessives.
Certes il est difficile de ne pas tomber sous le charme. Presque nue, je dévoile fièrement ma poitrine, des siècles avant la mode du monokini sur les plages de Méditerranée et d'ailleurs. Un simple drap cache le reste de ma nudité. J'attire les regards et ensorcelle. Mérimée le premier a compris la fascination exercée par mes courbes mais aussi mon visage : "Il y a dans son expression quelque chose de féroce, et pourtant je n'ai jamais rien vu d'aussi beau."
Vous savez messieurs que les femmes ne sont pas partageuses. Et malgré tout vous continuez à nous considérer comme des objets, corvéables à merci, carrément jetables après "utilisation".
N'oubliez pas que toute femme est une déesse, ses pouvoirs sont immenses, bien supérieurs à votre stupide force physique. Ne nous faites pas souffrir au risque de tout perdre. Non je ne suis pas de marbre. Au contraire ma chair est de bronze. Ce métal lourd et sombre dont on fabrique aussi les canons. Pas de beauté, mais de destruction massive.
La Vénus d'Ille (P. P. Michel Litout)
Chronique parue en dernière page de l'Indépendant du Midi le mercredi 3 août.

vendredi 12 février 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Amour, toujours

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La Saint-Valentin, jolie fête des amoureux, pâtit d'une image par trop commerciale. Tout est bon pour faire du chiffre, l'amour comme la mort. Dans mon village, la Saint-Valentin a conservé sa raison d'être. Pas de repas en amoureux à vendre ni de séance au spa et encore moins de jouets sexuels à petits prix (bien que ma commune soit la mieux achalandée de la région en matière de boutique plaisir, j'y reviendrai certainement un jour ici même).
Non, chez moi, la fête des amoureux se transforme en printemps des poètes. Sur chaque lampadaire, un gros cœur rouge est accroché quelques jours avant le fameux 14-février et des maximes, aussi belles que romantiques, sont proposées aux regards des passants curieux. Juste pour le plaisir, la beauté des mots. Ainsi, de la fenêtre de ma cuisine, depuis mardi, je peux lire de jour comme de nuit, "Je ne sais où est mon chemin, mais je marche mieux quand ma main est dans la tienne."
A trois mètres de la porte du garage, j'apprends que "Dieu a créé la nuit pour que je puisse rêver de toi".
On pourrait rire de cette poésie un peu simpliste. Mais franchement, entre ces petites phrases pleines de douceur et de tendresse et les tags incompréhensibles, insultants, orduriers voire racistes qui fleurissent sur le mobilier urbain, le choix est vite fait. D'ailleurs, les cœurs "vierges" installés de ci de là à l'intention des poètes amateurs sont chaque année respectés. Aucun détournement ni vandalisme. Nouvelle preuve que l'amour restera toujours une valeur sûre des fondements de notre société.

mercredi 6 janvier 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : L'amour gagne toujours

L'intrigue de Roméo et Juliette a encore de beaux jours devant elle. Indémodable. Depuis toujours et pour longtemps encore, l'amour s'affranchit des races, clans, religions et autres différences.
Dernier exemple en date en Israël. A la nuance près qu'il ne s'agit pas d'un véritable amour mais d'une simple histoire, un roman. Dans le rôle de l'empêcheur de roucouler en paix on trouve le ministère de l'éducation. Le roman, intitulé Borderlife en anglais, vient d'être exclu du programme de littérature des lycéens israéliens. En cause les sentiments partagés entre Liat, une traductrice israélienne et Hilmi, un artiste palestinien. Ils tombent amoureux à New York. Une love story banale jusqu'au moment où ils doivent rentrer à Tel-Aviv et Ramallah, en Cisjordanie occupée. Selon la presse israélienne "la peur de l'assimilation entre juifs et Palestiniens" aurait poussé les responsables éducatifs à prendre cette décision.
Paradoxe car tout le monde souhaite la paix dans cette région du monde et l'amour a toujours été le meilleur vecteur de la bonne entente entre les peuples. Même en plein apartheid sud-africain, toute la propagande gouvernementale ne parvenait pas d'empêcher (en cachette bien sûr) la formation de couples "dominos".
En occultant le roman des programmes scolaires, les technocrates ont tout faux. Car si les romans parviennent parfois à édulcorer la vie, ils reflètent surtout la réalité. Et des histoires d'amour entre une Liat et un Hilmi, il y en a tous les jours de nouvelles. Ainsi va la vie.

samedi 11 juillet 2015

Roman - Simonetta Greggio nous donne des nouvelles de nos amours

Simonetta Greggio se livre en partie dans cette douzaine de nouvelles allant de la confession très personnelle à l'histoire ample et détaillée que d'autres auraient délayé pour en faire des romans.


Une écriture sensuelle permet à Simonetta Greggio d'aborder tous les sujets de la vie d'une femme sans jamais flirter ni avec le scabreux et encore moins la vulgarité. Même si elle dévoile ses amours dans certaines des nouvelles composant ce recueil, elle y insuffle une grande poésie. On fait donc connaissance avec Abraham, un 
« homme café au lait – plus café que lait - » mais aussi Antoine avec qui « nous nous étions si bien mélangés dans les quelques semaines de notre histoire que j'avais du mal à retrouver l'usage de moi-même. » Dans la nouvelle « Il pleuvait quand je suis partie », elle écrit, durant le trajet Paris Avignon en TGV, la fin de cette belle rencontre, de ces jours fusionnels, de ces nuits torrides. Un parmi d'autres. Mais toujours dans le même style. Constante dans ses amours multiples, l'auteur en donne la raison. « Je n'aime que les anomalies et les fêlures chez les êtres, les déchirures et les failles, car c'est par là que s'engouffre la vie, que la lumière passe. Ce qu'on appelle normalité me fait peur. (…) Il y a une droiture chez les fêlés, ils ne font que chercher dans le quotidien ce qui n'est pas visible à l'œil nu. C'est un sacerdoce, une mission, j'en sais quelques chose, moi qui ne peut vivre que comme ça. » Beauté d'un texte lumineux qui reste longtemps imprégné dans la mémoire.

Le prisonnier et le chien
Les autres nouvelles sont plus classiques, moins personnelles, comme de grandes respirations. « Os de lune » est de loin la plus aboutie, la plus marquante. Sur une trentaine de pages pleines de bruit et de fureur, on écoute le récit d'un violoniste rescapé des camps de la mort. Déporté avec un ami musicien, il n'a jamais voulu se défaire de son instrument. A l'arrivée à Auschwitz, ce violon lui a sauvé la vie. Repéré par un officier, il est intégré à l'orchestre du camp. Car dans ces antichambres de l'enfer, les bourreaux aussi sont parfois mélomanes.
Le musicien, grâce à son statut particulier, échappe à la mort. Il parvient même à se faire un ami dans le camp : le chien d'un garde SS. Quelques mois avant la libération du camp, il réussit à s'échapper, accompagné de son fidèle compagnon. Cette errance dans l'Europe du Nord, à feu et à sang laissera des traces indélébiles. D'autres romanciers auraient trouvé là matière à un gros pavé assuré de confortables ventes en ces temps de commémoration. Simonetta Greggio se contente d'une nouvelle, incisive et directe, comme si cette histoire était trop forte pour être source d'exploitation. Il en est de même avec le récit du mafieux qui va abattre un juge sicilien ou l'embryon de biographie de Romain Gary. Courts et percutants, ces textes n'en sont que plus marquants.
« Femmes de rêve, bananes et framboises », Simonetta Greggio, Flammarion, 17 €

vendredi 8 mai 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Billet doux

Chaque matin, je promène ma chienne le long de jardins potagers. Hier, un bout de papier m'attire l'œil. Une demi-feuille de cahier d'écolier grands carreaux couverte de quatre lignes de texte. Je comprends vite qu'il est adressé à une jeune fille par un garçon : Cédric (1). Un billet doux comme il en a été écrit des milliards depuis que l'homme a inventé l'écriture.
« Si je sors avec toi, je changerai et je ne me comporterai plus comme un gamin » explique l'amoureux en préambule. « Je te promets, tu peux me faire confiance, je ne te ferai plus galérer. » Les grandes promesses, classique. « Moi, je t'aime », la belle déclaration. « Après je te laisse réfléchir », la balle est dans le camp de la belle.
Une bouffée de romantisme m'étreint en découvrant ces lignes. Mais mon scepticisme cartésien reprend vite le dessus. Étonnant qu'à l'heure de Facebook et des messages privés, de Snapchat et de tous les autres réseaux sociaux si prisés des ados, le dénommé Cédric utilise ce moyen de communication antédiluvien. 
Et pour quel résultat ? Si ce petit mot traîne sur le chemin entre herbes folles et crottes de chien, c'est qu'il n'a pas véritablement conquis le cœur de la dulcinée. J'imagine qu'elle l'a lu, en a rigolé avec sa meilleure amie et l'a dédaigneusement jeté sur le chemin de l'école. A moins que Cédric ne se soit ravisé et ait préféré abandonner au vent sa prose romantique. Les histoires d'amour commencent mal, en général.
(1) : prénom d'emprunt, ne prenons pas le risque que Robert Ménard l'incorpore dans un de ses fichiers fantômes...

lundi 27 avril 2015

BD - Amour d'enfance


Daniel Pennac ouvre sa boîte aux souvenirs. Gamin, il passait ses vacances d'été chez ses grands-parents dans l'arrière-pays niçois. C'est là qu'il a vécu sa première histoire d'amour. Il décide donc de la raconter à sa copine Florence Cestac pour qu'elle la dessine. L'album mélange véritables souvenirs et élaboration de l'album dans une brasserie parisienne. Un récit double qui amène encore plus de fantaisie à l'ensemble. Car Pennac n'est pas tombé amoureux d'une petite Provençale typique. Non, il a succombé au charme de Germaine et Jean Bozignac, couple improbable (il est grand et laid, elle est petite et rigolote) vivant dans un petit cabanon. 
Le garçonnet adore écouter ces vieilles personnes raconter comment elles se sont rencontrées, ont quitté leurs familles respectives pour se marier en cachette et ont survécu en revendant l'immense collection de livres de Jean, des éditions rares et originales. 
Une belle histoire, loufoque et étrange, qui devient encore plus fantaisiste sous la plume de Cestac. Elle aussi est séduite par Germaine et Jean. Au point qu'elle accepte, pour la première fois de sa carrière, d'abandonner son traditionnel nez rond en forme de pomme au four pour un tarin « en quart de brie », plus ressemblant à celui du véritable Jean. Bourré de poésie (et de grande littérature), cet album regonfle le moral du lecteur sensible aux vies bien remplies.

« Un amour exemplaire », Dargaud, 14,99 euros

mardi 6 janvier 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES - Vrais et faux défauts

Séduire une femme (ou un homme, tout dépend du sexe et de l'orientation sexuelle), est certainement le plus grand défi que l'on puisse se lancer. Grâce à internet, les agences matrimoniales se sont dématérialisées pour se transformer en sites de rencontres. Terminée la cour galante, place au rentre-dedans.

Et surtout vive les arrangements avec la vérité. Tout est une question de plus ou de moins. Plus grand, moins vieux, plus riche, moins gros... Quelques ajustements sur les curseurs et on passe d'insignifiant à intéressant. Problème, l'étape de la rencontre en tête-à-tête ruine tous ces beaux mensonges. Les petits malins de « Settle for love » ont eu l'idée de créer un site de rencontres où les membres ne sont pas obligés de tricher pour se présenter.
Votre profil se compose de deux colonnes : vos qualités et vos défauts. Souvent, cette seconde catégorie constitue la dominante de votre personnalité. Quelques exemples. Il s'affirme très patient, mais n'aime pas les chiens. Il adore les ours, mais passe son temps à jouer aux jeux vidéo. Les créateurs du site affirment que certaines personnes verront dans ces inconvénients de réelles qualités. Le fameux « qui se ressemble s'assemble ».
Attention cependant, certains défauts sont réellement rédhibitoires. « Je pue des pieds » reste un répulsif total et définitif dans toute relation amoureuse normale. A l'opposé, mesdames, vous n'obtiendrez aucune réponse à votre annonce si vous avouez « ne pas supporter les hommes qui laissent systématiquement les lunettes des WC relevées. » Arrêtez de vous bercer d'illusion, cet oiseau rare n'existe pas...

lundi 13 janvier 2014

Roman - De la courtoisie à l'amour dans "Les amants" de Joël Schmidt

Le roman « Les amants » de Joël Schmidt est une transposition de l'amour courtois moyenâgeux à notre époque.

Roman érudit mais dérangeant, « Les amants » de Joël Schmidt a pour but de faire découvrir les richesses de l'amour courtois du Moyen âge. L'originalité du propos tient dans le fait que le texte n'est pas historique. Il se passe de nos jours et montre toute la difficulté d'être différent dans un monde moderne. Le narrateur, Johann, médiéviste émérite, débarque dans une petite ville de province. Nommé professeur de lettres dans un khâgne, il est toujours célibataire malgré sa cinquantaine bien tassée. Il a eu des compagnes, des maîtresses, des conquêtes... mais jamais l'amour absolu dont il rêve. Johann est un romantique éthéré. Il se réserve pour la Belle qui comprendra sa démarche. Coup de foudre à la rentrée scolaire. Ce sera Aurore, une de ses étudiantes. 19 ans, fille de très bonne famille, intelligente et vierge. Quand elle quitte la classe, Johann a « le temps d'admirer la blancheur de sa peau, ses jambes élancées et moulées dans des bas résille noirs dont une jupe courte dévoile les cuisses. » L'amour courtois et ses 31 codes est à l'opposé de l'amour platonique. Il y a certes toute une partie de cour chaste et respectueuse, mais c'est aussi l'occasion de pleinement profiter des joies de la chair, de tous les excès des sens et du corps.
Le roman de Joël Schmidt, comme le code ancestral, est très progressif. Le professeur va mettre en place toute une stratégie pour conquérir la jeune fille. « Je sais que c'est par ces codes que j'atteindrai le cœur d'Aurore, que c'est le première étape pour l'entraîner avec moi, après l'avoir capturée dans la nasse de mon imaginaire. » Malgré la différence d'âge, Johann va se faire aimer d'Aurore et accepter par des parents trop modernes pour être honnêtes. Ils se marieront et pourront alors consommer cet amour.

Jusqu'à la mort
Le malheur de Johann, c'est qu'il sait parfaitement que cela ne peut que mal finir. Il existe un code qu'il ne faut jamais respecter, un code rajouté par l'Église pour détruire le bel ensemble. Il fait tout pour l'éviter, mais Aurore cède au besoin impérieux de respecter l'ordre, d'aller au bout du bout. Il la perd. Mais va pouvoir la reconquérir. Cela se passera dans des caves, hors du temps, des bas-fonds de Nuremberg. Là, il va participer à une de ces orgies signe de la grande liberté des codes, « mélange de douleur et de plaisir qui nous ont tant frappé Aurore et moi au cours de tous les avatars de notre amour. » Pour l'auteur l'amour courtois est le symbole malheureusement oublié de cette renaissance médiévale « où la femme prend des droits qu'elle n'a jamais eus et où l'homme accepte de souffrir pour elle jusqu'à la mort. » Un amour fou qui conduit inéluctablement à la folie.
Michel LITOUT

« Les amants » de Joël Schmidt, Albin Michel, 16 €

jeudi 2 mai 2013

Billet - L'amour au bureau avec "Beautiful Bastard"


Les timides adorent les nouvelles technologies. Avant, impossible de déclarer sa flamme à la plus belle fille de la classe, la prof captivante ou sa collègue si professionnelle. Aujourd'hui les voies numériques permettent de toucher le cœur désiré sans risquer l'évanouissement. Le phénomène Spotted sur Facebook, si l'on oublie les rares dérapages, est une solution vraiment géniale pour les coincés. Un petit message énigmatique et romantique constitue un immense pas pour les grands timides. Mais pourquoi réserver ce service aux plus jeunes ? En entreprise aussi certains se morfondent d'amour pour un ou une collègue. Comment le lui dire ? Les éditions Hugo, à l'occasion de la sortie du roman « Beautiful Bastard » de Christine Lauren (17 euros) proposent un petit jeu qui risque de rendre très chaudes les relations humaines au sein des entreprises. Dans ce roman, le patron noue une relation torride avec une de ses employées. Comme dans le livre, vous pouvez envoyer par mail une déclaration fougueuse à un ou une collègue. Il suffit de se rendre sur une page de e.card et de cocher la case (en l'occurrence un cœur...) la mieux adaptée. Cela va du plus édulcoré « En réunion j'ai tellement envie de te prendre dans mes bras » au plus direct « Je voudrais que tu me rejoignes au parking à 19 h... Capot ou banquette arrière ? » Attention, à utiliser avec parcimonie. Si dans les romans on appelle ça « coup de foudre », dans la vraie vie on le traduit vite par « harcèlement ».


Chronique "ÇA BRUISSE SUR LE NET" parue ce mercredi en dernière page de l'Indépendant. 

jeudi 16 avril 2009

BD - De gros câlins très torrides et à fleur de peau


Arthur et Janet sont jeunes, s'aiment et se le prouvent sans cesse. N'importe où, n'importe comment. Arthur et Janet pourraient être les doubles de Cornette (scénario) et Karo (dessin). Cet bel album d'histoires courtes raconte au lecteur (ou lectrice) le quotidien assez chaud de ces deux tourtereaux. Cela commence par une balade dans une grande ville d'une ancienne dictature communiste de l'Est. Aujourd'hui, les mœurs des habitants sont plus libres. 

Arthur et Janet en profitent pleinement, faisant l'amour dans le couloir d'un grand hôtel, puis dans un jardin public et dans une grange. Une très bonne façon de découvrir un pays sous un jour différent. Les autres récits mettent en vedette soir d'autres partenaires (homme ou femme) voire des ustensiles détournés comme ces ingrédients d'un cake à la banane joyeusement gâchés dans une cuisine. Au final, ce sera salade de fruit car « seule la banane était plus ou moins récupérable... » 

Cette BD, pour un public averti, va au-delà de l'érotisme. Mais si certaines scènes peuvent être qualifiées de pornographiques, elles restent avant tout sensuelles, pleine de désir partagé et d'écoute du partenaire. Et jamais vulgaires.

« Arthur et Janet à fleur de peaux », Drugstore, 13 €