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mardi 15 novembre 2022

DVD et Blu-ray - Peter Von Kant, double halluciné de Fassbinder par François Ozon

Librement inspiré de la pièce de théâtre Larmes amères de Petra Von Kant de Fassbinder, ce film sur le cinéma et les affres de la création est un manifeste d’amour à ce milieu par un François Ozon très inspiré. Il offre de plus un rôle fantastique à Denis Ménochet qui interprète le personnage principal, Peter Von Kant (Diaphana Vidéo). 

Peter Von Kant est un réalisateur allemand, sorte de double de Fassbinder. Dans ces années 60, il multiplie les projets sans véritablement se décider à se lancer dans un tournage. Dans son grand appartement, il reçoit sa mère (Hanna Schygulla) ou son actrice fétiche (Isabelle Adjani). Mais c’est surtout un jeune apprenti comédien, Amir (Khalil Gharbia) qui va lui causer bien des tourments. Peter Von Kant est amoureux. Peter Von Kant veut mourir si Amir l’abandonne. 

Peter Von Kant va renaître car la vie est faite de hauts et de bas, l’inspiration prenant souvent la suite du désespoir. Un film parfois déroutant par sa grandiloquence, mais il ne faut pas oublier que c’est à la base une pièce de théâtre, que l’espace est réduit et que le corps de Peter (Denis Ménochet) Von Kant prend beaucoup de place dans cet appartement où l’amour semble tourner en rond infiniment. 

mercredi 15 juillet 2020

Cinéma - La danse macabre d’Été 85

 Alex (Félix Lefebvre) et David (Benjamin Voisin), un amour évident dès la première rencontre.  Photo Jean-Claude Moireau

Qui aurait cru que François Ozon réalise un film d’amour de vacances ? Le réalisateur de drames psychologiques souvent torturés (Une nouvelle amie, L’amant double) précise dans le dossier de presse du film Été 85 qu’il a assumé « les codes d’un teen movie. J’ai filmé une romance entre garçons de façon très classique et sans ironie, pour rendre cette histoire d’amour universelle. » Mais cela reste du Ozon malgré tout. Et d’entrée, le narrateur parle de cadavre et de la mort d’une façon plus générale. Amour et mort, la vie quoi… 

Au Tréport, station balnéaire populaire de Normandie, en ce début d’été 85, les jeunes hommes et filles veulent oublier l’année scolaire. Même s’ils sont encore en pleine orientation. Alex (Félix Lefebvre), fils de docker, a des talents littéraires. Son professeur de français (Romain Duris) va tout faire pour qu’il continue afin de décrocher ce Bac A qui lui tend les bras.  Ses parents, préféreraient qu’il trouve un travail. Nous sommes au début des années 80, le chômage de masse pointe son nez, l’inquiétude des «pauvres» est palpable. 

David le sauveur 

Avant de décider, Alex emprunte un petit bateau à un ami et va en mer. Un orage gronde, la coque de noix chavire. Panique sous les embruns. Heureusement, David (Benjamin Voisin) arrive, fendant les flots à la barre de son voilier baptisé Calypso, et le sauve. La suite, c’est effectivement une belle histoire d’amour que François Ozon raconte dans le détail, mais avec pudeur. David, fils d’une commerçante (Valeria Bruni Tedeschi), a un an de plus qu’Alex. Lui, contre son gré, a arrêté les études pour reprendre la boutique créée par son père décédé brutalement un an plus tôt. Les deux jeunes adultes passent la soirée ensemble. Ciné, virée à moto, boîte de nuit. Tout ce qu’il faut pour faire fonctionner la fabrique aux souvenirs. Le spectateur de plus de 50 ans apprécie. François Ozon, lui, se fait plaisir. Il a reconstitué le décor et l’ambiance de ses 17 ans. 


Pressé de choisir son avenir, Alex coupe la poire en deux. Il continue ses études, mais cet été il va travailler. Chez David. Durant six semaines, c’est le bonheur le plus complet pour ce couple lumineux et rayonnant. Cependant cette bluette entre deux jolis garçons ne suffit pas pour retenir l’attention des spectateurs. Le film de François Ozon a parlé de cadavre. Qui est mort ? Dans quelles circonstances ? Pas Alex en tout cas, puisqu’il est dans peau du narrateur et que le film débute par son procès. 

Loin donc d’être un simple film à l’eau de rose, Été 85 nous parle aussi de promesse, d’engagement et de folie. Pas la folie dévastatrice mais celle consciente, qui nous permet, parfois, de dépasser les limites et de se sentir un peu plus vivant que le reste de nos connaissances. Alex, au cours de cet été 85, avait vraiment besoin de se sentir vivant, quitte à réaliser la pire folie que même ses romanciers préférés n’auraient pas osé imaginer. Un film qui aurait certainement brillé au dernier festival de Cannes si un certain coronavirus n’avait pas confisqué le tapis rouge.

Film français de François Ozon avec Félix Lefebvre, Benjamin Voisin, Philippine Velge


vendredi 9 septembre 2016

Cinéma : "Frantz" ou la quête d'un pardon impossible

Frantz__1.jpg
Un an après la fin de la grande guerre, un soldat français tente de se faire pardonner. "Frantz", film très esthétique et en noir et blanc de François Ozon sur la résilience.

Tourné en grande partie en noir et blanc dans une petite bourgade allemande, "Frantz" de François Ozon fait partie de ces films au fort pouvoir de rémanence. Pris par l'histoire, on n'est pas sensible immédiatement à la beauté des images. Puis, une fois sorti de la salle, des flashs picturaux nous reviennent en mémoire. Les gros plans sur le visage lumineux de l'actrice principale, ces branches d'arbres qui bruissent dans le vent, les ambiances des cafés en Allemagne comme en France, avec en toile de fond une fierté nationale qui appelle à de nouveaux combats, le cimetière, calme et reposant. Une époque reconstituée, sans beaucoup de moyens, mais avec toute son âme.
Mensonge pieu
D'âme, il en est beaucoup question dans ce film sur le pardon. Adrien Rivoire (Pierre Niney), jeune soldat français fraîchement retourné dans le civil après l'Armistice, se rend dans cette petite ville allemande qui accueille la tombe de Frantz. Lui aussi soldat. Dans l'autre camp. Et moins chanceux puisqu'il est mort au combat. Il croise dans le cimetière Anna (Paula Beer), la fiancée inconsolable de Frantz. Entre ces deux jeunes que tout oppose, une complicité, une amitié, voire plus, va se nouer. Malgré l'ambiance générale qui pousse la majorité des Allemands à cracher au passage d'Adrien. Adrien prétend avoir connu Frantz avant la guerre, quand ils étaient étudiants à Paris. Il raconte à Anna et aux parents du jeune Allemand disparu leurs visites au Louvre, les soirées dans les cafés animés, leur passion pour la musique, le violon en particulier. Le père (Ernst Stötzner), après avoir rejeté violemment Adrien, accepte de l'écouter et va éprouver beaucoup de plaisir à retrouver une partie de la vie de son fils. Mais tout n'est que mensonge. La relation entre Adrien et Frantz est tout autre.
Longtemps durant la première partie du film on suspecte une relation homosexuelle. Il n'en est rien, François Ozon a respecté le scénario original du film de Lubitsch. Adrien est simplement le meurtrier de Frantz, croisé dans une tranchée sous la mitraille des deux camps. Il veut se faire pardonner, tout dire aux parents. Anna l'en dissuade, veut se raccrocher désespérément à ce bel inconnu si charmeur qui lui rappelle tant son amour. Frantz, omniprésent au début du film, va peu à peu s'effacer des mémoires et Adrien comme Anna vont enfin accepter de tourner la page.
François Ozon, sans la moindre ostentation, raconte comment un mensonge peut parfois être plus constructif que la cruelle vérité. Même si vivre avec ce secret est une souffrance de tous les jours pour les initiés.
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Radieuse Paula Beer
Frantz__2.jpgUn amateur éclairé du cinéma de François Ozon souligne combien le réalisateur sait mettre en valeur les actrices qu'il choisit. Après Ludivine Sagnier ou Marine Vatch, il braque son objectif sur la belle Paula Beer. Jeune actrice allemande pleine d'avenir, elle endosse le rôle d'Anna avec une grâce touchante. Belle, elle se dissimule derrière des habits de veuve, elle qui pourtant n'était que fiancée. Elle refuse les avances d'un notable persuadé qu'il saura lui faire oublier son malheur. Par contre elle se trouve toute tourneboulée quand Adrien évoque ces poèmes français que Frantz aimait plus que tout. Sa tristesse initiale va lentement s'estomper pour laisser place à une joie de vivre qui lui manquait tant.
Remarquable en veuve éplorée, Laura Beer l'est encore plus quand elle enfile une robe vaporeuse pour aller au bal au bras du "Français", malgré les regards désapprobateurs de ses amis allemands, torturés, déjà, par l'envie de revanche. Certes elle est belle, bonne actrice, tant en allemand qu'en français, mais cette joliesse, ce mignon minois, doit aussi beaucoup à la délicatesse de François Ozon. Il filme ce visage avec une rare intensité, comme si Paula Beer portait en elle toute la finalité du film : le malheur, la résilience, l'espoir d'une vie meilleure, la décision de vivre, malgré la peine. Seule une grande actrice peut relever un tel défi.

dimanche 9 novembre 2014

Cinéma : Toutes les facettes de la féminité dans le film de François Ozon avec Romain Duris et Anaïs Demoustier


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François Ozon aborde un sujet sensible dans son film « Une nouvelle amie » ou comment un veuf fait revivre son épouse, pour leur bébé et sa meilleure amie.


François Ozon n'a pas la réputation d'être un réalisateur consensuel. Au contraire, il aime déranger, interpeller, faire réagir son public par des sujets complexes voire tabous. Il ne déroge pas à ses bonnes habitudes dans « Une nouvelle amie », histoire d'un triangle amoureux joué à deux. Claire (Anaïs Demoustier) et Laura (Isild Le Besco) se connaissent depuis l'école élémentaire. Amie de classe, de cour de récréation, de vacances... Deux fillettes, l'une blonde l'autre rousse, inséparables qui se jurent une amitié éternelle. Devenues adultes et étudiantes, c'est ensemble qu'elles font tourner la tête des hommes. Quand Laura se marie avec David (Romain Duris), Claire est témoin. Elle échangent leur rôle quand la rousse se marie avec Gilles (Raphaël Personnaz). Laura tombe enceinte, donne naissance à une petite fille. Mais la grossesse se passe mal, la jolie blonde, malade, ne survit pas à ces neuf mois de douleur. Le film débute par l'oraison funèbre de Laura par Claire. La voix tremblante, l'amie de toujours réitère la promesse faite à la mourante : elle serait toujours présente pour aider sa fille et son mari.

Qui manipule qui ?
Après ce rapide résumé en images d'une amitié forte, François Ozon prend plus de temps pour planter l'ambiance. Claire n'arrive pas à surmonter son chagrin. Elle pose des congés, reste à traîner dans sa grande maison. Surtout, elle n'ose pas reprendre contact avec Gilles. Trop peur de raviver des plaies. Ce sont ses jambes lors d'une footing qui la conduisent inconsciemment devant la maison de Gilles. Claire hésite. Et finalement décide d'entrer. Sans frapper. Presque en intrus. Ce qu'elle découvre la fige sur place. Une certaine Virginia donne le biberon au bébé. Claire la connaît parfaitement tout en la voyant pour la première fois. Cette nouvelle amie, si différente, rencontrée par l'entremise de Gilles, va servir de factotum pour remplacer Laura. Ce sera le secret du veuf et de la meilleure amie. Un lourd secret qui va considérablement compliquer leur vie mais aussi leur permettre, à tous les deux, à sortir de la dépression et, qui sait, permettre à l'enfant de vivre avec une présence féminine forte malgré la mort de sa mère.
Une nouvelle fois François Ozon fait un film autour de la manipulation. Si au début, on a l'impression que c'est Romain Duris qui tire les ficelles, plus l'intrigue progresse et devient complexe, plus on se doute que Claire n'est pas la simple oie blanche du début. Chaque personnalité dévoile sa complexité et toutes ses facettes de sa féminité. Un film au sujet par excellence casse-gueule, mais parfaitement maîtrisé en ces temps obscurs de chasse à la théorie du genre.

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La promesse d'un César pour Romain Duris

ozon, duris, demoustier, isild le besco, nouvelle amie, travestiLa performance de Romain Duris dans ce film de François Ozon lui permettra certainement de décrocher un César lors de la prochaine cérémonie.
L'acteur fétiche de Cédric Klapish (lancé dans le Péril Jeune et personnage récurrent dans la trilogie de l'Auberge espagnole), intègre pour la première fois l'univers de François Ozon. Il abandonne donc sa peau de jeune minet, bourreau de coeurs et parfait pote, pour une composition beaucoup plus complexe. Un pari osé qu'il remporte haut la main en épousant parfaitement le corps et l'esprit de Gilles. Amoureux fou de sa femme, il sombre dans la dépression quand elle meurt après la naissance de leur premier enfant. Pourtant il faut bien s'occuper de ce bébé braillard. Et trouver des solutions pour le contenter, l'éduquer, lui offrir une vie normale. En homme torturé, écartelé entre raison et folie, image du père omniprésent et de la mère absente, Romain Duris marque les esprits. Nommé quatre fois aux Césars (deux fois en tant que meilleur espoir puis meilleur acteur dans « De battre mon coeur s'est arrêté » et « L'arnacoeur »), il n'a jamais remporté la moindre statuette symbole de l'excellence du cinéma français. Sa composition dans « Une nouvelle amie » pourrait enfin rendre justice à son immense talent. Reste à savoir dans quelle catégorie...