Le 19 juillet 1938, à Londres, Stefan Zweig, écrivain autrichien en exil, a organisé la rencontre entre Sigmund Freud et Salvador Dalí. Durant quelques heures, trois génies du XXe siècle ont discouru sur le devenir du monde, des arts ou de la politique.
C’est Clémence Boulouque qui a imaginé ce conclave de grands esprits si dissemblables. Freud est lui aussi en exil. Chassé de son pays par les nazis. Dalí, qui est accompagné de Gala, semble vénérer l’inventeur de la psychanalyse. Même si le peintre catalan, fidèle à son credo, est incapable d’apprécier autre chose que sa propre personne. La romancière joue parfaitement de l’incongruité du conclave.
Freud, vieillissant, malade, semble s’amuser des saillies de ce fou. Ce dernier, avant même de pénétrer dans le salon de Freud, a une révélation : « Voilà ma prophétie : le cerveau de Freud a la forme d’un escargot. Une sorte de spirale que l’on pourrait extraire avec une fourchette. » Escargots contre anguilles, c’est un des passages, succulents, de ce texte.
Reste les considérations de Zweig sur la situation de l’Europe, la persécution des Juifs, la montée du fascisme. Des passages graves, très éloignés des excentricités de Dalí, comme pour rappeler que rares sont ceux qui arrivent à deviner les catastrophes avant qu’elles ne soient inéluctables. Il suffit de savoir lire le langage des ombres. « Le sentiment des crépuscules », Clémence Boulouque, Robert Laffont, 176 pages, 19 €
Confiné dans notre logement, en regardant « Freud », nouvelle mini-série de Netflix, on risque de se retrouver confiné dans notre subconscient. Et là, c’est une autre affaire. Car si l’enfermement dû au Covid19 prendra forcément fin, pas évident de sortir des méandres de notre esprit. Mais n’ayez pas peur, cette série allemande réalisée par l’Autrichien Marvin Kren avec Robert Finster dans le rôle-titre est avant tout un thriller ésotérique palpitant.
Dans la Vienne de la fin du XIXe siècle, Sigmund Freud est un jeune médecin tentant de révolutionner son art. Mais il s’oppose à ses collègues qui le traitent de « charlatan juif ». Freud, sans le sou, fêtard, accro à la cocaïne et qui va se retrouver mêlé à une enquête menée par l’inspecteur Alfred Kiss (Georg Friedrich). Le policier tente de démasquer un tueur en série qui mutile et tue des jeunes femmes. L’aide de Freud, pour pénétrer dans l’esprit du monstre, va être déterminante. La série, à l’esthétique très soignée, est placée aussi sous le signe du fantastique avec l’intervention d’une médium, Fleur Salomé (Ella Rumpf) et des séances d’hypnose menées par le futur maître de la psychanalyse. On en apprend aussi beaucoup sur les mœurs de l’époque, la folie de certains militaires, les combats au sabre en aveugle ou les duels au petit matin. Une réussite indéniable, prouvant que même les sujets a priori les plus rébarbatifs peuvent se transformer en histoire passionnante si l’on s’accommode un peu avec la réalité.
LOU ANDREAS-SALOMÉ. Biopic de la psychanalyste qui a connu Nietzsche, Rilke et Freud.
Certaines vies sont plus passionnantes que des scénarios recherchés et originaux mais qui manquent de ce petit plus qu’est la réalité. Lou Andreas-Salomé était une femme en avance sur son temps. Une intellectuelle qui durant toute sa vie a tenté de mettre en accord ses convictions philosophiques avec sa vie quotidienne. Mais s’il n’existe quasiment plus d’interdit pour les femmes de nos jours dans nos civilisations occidentales, ce n’était pas du tout le cas il y a encore un siècle.
Ce sont ces obstacles à une vie choisie qui sont racontés dans le film de Cordula Kablitz-Post. Née à Saint-Pétersbourg en 1861 dans une famille bourgeoise et aisée, seule fille au milieu de plusieurs garçons, elle a rapidement voulu être l’égal de ses frères. Premier symbole avec l’ascension d’un cerisier couvert de fruits. Ses petites ballerines et sa robe ample l’empêchent de cueillir les fruits défendus. Elle tombe alors qu’elle veut atteindre le sommet de l’arbre. Mal préparée et peu équipée dans ce monde d’hommes, elle prend conscience de la difficulté de sa tâche. Adolescente, son père meurt. Elle renie sa foi et se lance dans des études philosophiques. Obligée de s’exiler en Suisse, seul pays qui autorise les femmes à mener des études universitaires, elle prolonge son périple vers l’Italie. ■ Nietzsche amoureux
C’est là qu’elle rencontrePaul Rée, étudiant en philosophie comme elle, et surtout un certain Nietzsche. Fascinée par ce grand esprit, elle va le persuader d’étudier et de vivre avec lui. Mais en toute amitié. Car Lou a décidé,très tôt, qu’elle ne se marierait pas, n’aurait pas d’enfant et resterait chaste pour ne pas distraire son esprit. Une situation qui rendra à moitié fou Nietzsche, amoureux de la femme dont il a toujours rêvé, alliant beauté et intelligence.
L’essentiel du film se déroule quand Lou est adulte.Elle est interprétée par Katharina Lorenz, actrice qui a compris toute la fougue de cette femme. La pression de la société devenant trop forte, elle accepte d’épouser un homme de 15 ans son aîné,Friedrich Carl Andreas. Un mariage blanc qui ne sera jamais consommé.
Devenue reconnue et célèbre, elle découvre les poèmes d’un jeune auteur: Rainer Maria Rilke. Pour la première fois, à 35 ans révolus, elle tombe amoureuse et cède aux plaisirs physiques dans les bras du poète. Son seul amour, suivi de plusieurs rencontres, uniquement sexuelles.Quand elle tombe enceinte, c’est à nouveau vers un arbre qu’elle se tourne. Elle grimpe à son sommet et saute. Un tournant dans sa vie qui correspond à sa rencontre avec le Dr Freud. De philosophe, elle va devenir psychanalyste jusque dans les années 30.
Sans doute la partie la plus troublante du film. Lou, âgée de 72 ans et interprétée par Nicole Heester, raconte son incroyable vie à un biographe. Et décide de brûler une bonne partie de ses manuscrits et journaux intimes avant les Nazis. Nous sommes en 1933 et les autodafés se multiplient, notamment contre la psychanalyse considérée comme une « science juive ». Ce film, basé sur ses écrits, extrapole aussi certains passages définitivement perdus dans les flammes de la folie du XXe siècle.
Il fallait y penser : si Dracula est si méchant, c'est qu'il a été victime d'un traumatisme dans son enfance. Cette évidence, c'est tout simplement Sigmund Freud qui la formule, dans son bureau à Vienne, en 1899, face à Bram Stoker et Van Helsing... L'idée de base de « Dracula, l'ordre des dragons » était trouvée par Corbeyran, le scénariste de cette série dessinée par Fino. Dracula est à Venise.
Chaque nuit il assassine quelques amoureux venus roucouler sur les canaux. Van Helsing et ses amis vont tenter de le mettre hors d'état de nuire en remontant jusqu'à cette nuit où le jeune Vlad a été enfermé dans une grotte dans les bas-fonds du château du Sultan Murad II. L'horreur qu'il verra le transformera à jamais.
Une variation intéressante qui ne pouvait que venir du scénariste des Stryges...