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lundi 17 février 2025

Polar - Kalmann, simple d'esprit à la vie compliquée

Kalmann, pêcheur de requin dans un petit village du nord de l’Islande, a un léger handicap mental. Il voit la vie comme un enfant de 8 ans. Il est au centre de deux polars signés Joachim B. Schmidt, romancier allemand vivant à Reykjavik. 


Étonnant héros que ce Kalmann Odinsson, pêcheur de requin et aussi surnommé « shérif de Raufarhöfn », petit port dans le nord de la froide et glaciale Islande. Kalmann a commencé sa carrière de personnage principal dans le roman Kalmann, paru en 2023 et récemment repris au format poche dans la collection Folio policier. Kalmann de retour, toujours sous la plume de Joachim B. Schmidt, dans un second volume, suite directe du premier, intitulé Kalmann et la montagne endormie.
La principale originalité de Kalmann, c’est qu’il est atteint d’un léger handicap mental. Même s’il a 34 ans et qu’il vit seul dans sa petite maison héritée de son grand-père, Kalmann a des réactions d’un enfant de 8 ans. Il adore manger des hamburgers, engloutir des céréales au chocolat, regarder les émissions drôles à la télévision. Sa mère a quitté le village. Quant au père, c’est un mystère. Kalmann sait simplement que c’est un militaire américain qui a quitté précipitamment l’île glacée avec femme et enfants quand il a appris que sa maîtresse locale était enceinte. Il a juste laissé en héritage à ce fils qu’il n’a rencontré qu’une fois, un chapeau de cowboy, une étoile de shérif et un pistolet Mauser. La panoplie que Kalmann aime arborer quand il se promène dans le village, exactement comme s’il patrouillait pour protéger les habitants.


Un héros handicapé, c’est peu banal. Un handicapé qui raconte l’histoire à la première personne, c’est encore plus étonnant. Et assez déconcertant au début. Pourtant on se fait rapidement à ce raisonnement forcément un peu limité mais souvent plein de bon sens. Kalmann est un doux, un gentil garçon. Mais qui n’aime pas être contredit. Il peut alors entrer dans une colère noire.
Le premier roman est centré autour de la découverte par notre shérif en herbe d’une mare de sang dans la neige. Or, l’homme le plus riche du village, Robert, a disparu. Pas de corps, juste du sang. La police enquête, les sauveteurs cherchent et Kalmann élabore une théorie : Robert a sans doute été attaqué par un ours polaire venu à la nage depuis le Groenland.

Le second roman débute par l’interrogatoire de Kalmann par le FBI. Notre héros est à Washington et a été arrêté près de la Maison Blanche. Comment le shérif est il arrivé aux USA ? Quel rôle joue son père ? Une seconde partie un peu plus complexe, mais toujours racontée par cet esprit simple, dans une langue qui longtemps va résonner dans la mémoire du lecteur et lui permet d’avoir une vision très différente du quotidien de certains handicapés mentaux.

« Kalmann et la montagne endormie », Joachim B. Schmidt, La Noire - Gallimard, 320 pages, 22 €
« Kalmann », Folio policier, 368 pages, 9,50 €

mardi 14 janvier 2025

Polar - « Hildur », policière islandaise à l’épreuve du froid

S’il fait glacial en Islande, il fait extrêmement glacial dans la région des Fjords de l’Ouest., là où officie Hildur, policière imaginée par Satu Rämö.


Étrange parcours que celui de 
Satu Rämö, romancière finlandaise. Elle quitte son pays nordique très froid pour continuer ses études en… Islande, région encore plus glaciale. Passionnée de tricot, elle fonde une famille et vit depuis à Isafjördur, principale ville (mais 2700 habitants seulement) de la région isolée des Fjords de l’Ouest. Une Islande typique, tranquille, traditionnelle et rude. C’est là qu’elle a imaginé le personnage de Hildur. L’héroïne a une histoire familiale compliquée, passe par l’école de police, est affectée à Reykjavik dans l’unité chargée des enfants disparus avant un transfert comme enquêtrice (la seule en poste avec sa cheffe Beta) dans sa ville de naissance, Isafjördur.

Hildur est une force de la nature. Elle court tous les matins des kilomètres, même sous la neige, se muscle à la salle et fait du surf dans une mer déchaînée et glacée. On apprend que son prénom, dans l’imaginaire islandais, personnifie le « combat ». C’est une « Valkyrie au service d’Odinn. Fée de la guerre et esprit de la mort, dont la mission était, dans les batailles, de décider qui devait gagner et qui, mourir. » Habituée à travailler seule, elle doit faire équipe avec un stagiaire étranger dans le cadre d’un échange. Jakob, Finlandais fraîchement sorti de l’école de police, passionné de tricot, a choisi ce trou pour essayer d’oublier son divorce problématique.

La romancière, en plus de dresser le portrait de ces flics peu ordinaires, déroule une intrigue où les cadavres ne cessent d’augmenter. Un vieux pédophile, retrouvé égorgé dans son chalet submergé par une avalanche, un avocat d’affaires, volontairement écrasé…

Des meurtres inhabituels dans cette localité d’ordinaire si tranquille. Et qui pourraient avoir un lien avec la disparition, 25 ans auparavant, des deux petites sœurs d’Hildur. Plusieurs arcs de narration secondaires que l’on devrait retrouver dans la prochaine enquête de Hildur, la flic et surfeuse de l’extrême.

« Hildur » de Satu Rämö, Seuil, 448 pages, 22 €

dimanche 22 octobre 2023

Thriller - Des crimes islandais dans l’entourage de « La poupée », roman paru chez Actes Sud

La découverte d’une poupée dans la mer en Islande relance de vieilles enquêtes. Des affaires pour la psychologue Freyja et le policier Huldar, imaginés par Yrsa Sigurdardottir.


Une bonne série policière nordique passe souvent par l’invention de héros récurrents attachants. Yrsa Sigurdardottir maîtrise parfaitement le sujet quand elle lance son duo composé d’une psychologue, Freyja et d’un policier, Huldar. ADN, paru en 2018 en France, rencontre un succès immédiat. Résultat, le cinquième titre de la série vient de paraître.

Au centre de l’intrigue, une poupée. Elle est repêchée au large des côtes islandaises par un pêcheur amateur lors d’une sortie dominicale en compagnie d’une collègue et de sa fille, Rosa. Prise dans le filet, la poupée est assez effrayante : « La bouche était à peine entrouverte, les lèvres de plastique ne se touchaient pas. On aurait dit que le visage était resté figé pour l’éternité à l’instant où le bébé allait poser une question. […] Autour du cou, la poupée portait une fine chaîne dont le médaillon disparaissait sous une carapace de crustacés. »

Quelques mois plus tard, la mère de Rosa trouve la mort chez elle. Une nuit, alors que la poupée disparaît. La fillette va aller de foyer en famille d’accueil, persuadée que la poupée maléfique a tué sa mère. Le roman commence véritablement quand, de nos jours, Huldar et Freyja se retrouvent pour enquêter sur une possible affaire d’abus sexuels dans un foyer pour jeunes en difficulté. Foyer qui aurait accueilli récemment Rosa. Mais cette dernière a disparu depuis quelques semaines.

Où est-elle ? Quel rapport avec l’enquête ? Qui détient aujourd’hui a poupée ? Une multitude de questions que le duo, toujours aussi complice mais n’osant pas aller trop vite dans leur relation personnelle, va devoir résoudre. Non sans découvrir d’autres affaires suspectes comme l’assassinat d’un SDF ou la mort de deux touristes retrouvés en mer, exactement là où la poupée est apparue des années auparavant.

Un thriller tentaculaire, dressant un instantané criant de vérité d’une certaine Islande gangrenée par la drogue et les problèmes psychologiques de la jeunesse.

« La poupée » d’Yrsa Sigurdardottir, Actes Sud, 400 pages, 23,50 €

mardi 18 avril 2023

Thriller - L’Islande très sombre des « Garçons qui brûlent »

Dans le 3e roman dont elle est la vedette, Elma, policière islandaise, enquête après la mort d’un jeune garçon dans l’incendie de sa chambre.


Le polar islandais n’en finit plus de se renouveler. Petit pays, rude au niveau climat, mais véritable mine de talents littéraires. Dernière trouvaille en date : Eva Björg Ægisdóttir. Cette jeune romancière propose avec Les garçons qui brûlent, son troisième thriller se déroulant dans la petite ville d’Akranes. Une nouvelle enquête de l’inspectrice Elma à la vie suffisamment compliquée pour en faire le fil rouge de la série.

Elma découvre dans les premières pages qu’elle est enceinte. Un choc pour cette policière qui après un premier drame est revenue dans sa ville natale pour tenter de relancer sa carrière. Une information qu’elle préfère garder pour elles dans un premier temps, n’osant même pas l’avouer au père. Et puis le boulot vient lui permettre d’oublier ce bouleversement futur de sa vie. Un incendie se déclare dans une villa. Les pompiers, rapidement sur place, découvrent un jeune homme de 20 ans mort dans son lit. Le feu s’est limité à sa chambre. L’origine du feu est criminel. Reste à savoir s’il a tenté de se suicider ou été victime d’un assassin.

En explorant sa vie, Elma va déterrer bine des secrets du côté de ses amis (sa sœur jumelle, un futur footballeur, son meilleur ami habitué des mauvais coups, une jeune fille au pair hollandaise) ou des parents, entrepreneurs cupides, conseillère municipale trop lisse ou père un peu trop porté sur la boisson et les conquêtes féminines d’un soir. Eva Björg Ægisdóttir décrit une Islande un peu trop belle et lisse.

Derrière ce vernis nordique se cache une réalité plus complexe et sombre parfaitement décrite dans ce polar finalement plus social que criminel.

« Les garçons qui brûlent » d’Eva Björg Ægisdóttir, Éditions de la Martinière, 21,90 €

jeudi 21 avril 2022

Roman - La fille-troll cherche sa sœur

En Islande, la moindre parcelle de terre est habitée par des êtres minuscules et magiques. Une omniprésence du surnaturel sans doute pour compenser le climat si rude. Le nouveau roman noir de Lilja Sigurdardottir se déroule en été. Les températures ne sont donc pas glaciales.  10° en pleine journée. Mais le soleil ne se couche plus. Difficile dès lors de bien dormir. 

C’est dans cette ambiance déstabilisante que débarque à Reykjavik Aurora. Elle est missionnée par sa mère pour obtenir des nouvelles de sa grande sœur, Isafold

Femme battue

Aurora et Isafold sont aussi différentes que leurs deux parents. Le père (mort depuis quelques années) était un pur Islandais, immense, blond et fier de ses traditions, la mère une écossaise qui n’a jamais su s’adapter à cette terre volcanique légendaire. Si Aurora, grande, musclée et sportive a le gabarit de l’Islandaise de base, elle vit pourtant en Écosse. Isafold, petite et fine, réside depuis quelques années avec Björn, un Islandais qui n’a jamais quitté son île. Le père des deux sœurs si dissemblables a théorisé ce grand écart. Aurora se souvient : « Les filles-elfes et les filles-trolls n’ont pas les mêmes besoins. Pour le petit-déjeuner il place deux toasts dans l’assiette d’Isafold et plusieurs tranches de bacon dans la mienne. Après le repas, elle ira courir et moi j’irai à la salle de musculation avec lui. » La même Aurora confesse à Daniel, un policier séduisant, « qu’elle se sentait parfois comme une sorte de pendule oscillant sans cesse entre la sage Grande-Bretagne et la folle Islande. »

Devenues adultes, l’entente entre les deux sœurs s’est détériorée. Isafold a souvent appelé à l’aide sa sœur car son compagnon la bat. Elle est toujours venue. Mais Björn arrivait toujours à la récupérer. Jusqu’à l’incartade suivante.  Cela fait trois semaines qu’Isafold ne donne plus de nouvelles à sa mère. Aurora débarque et Björn prétend qu’elle est repartie en Grande-Bretagne. Où est Isafold ? Que lui est-il arrivé ? 

Ces questions sont au centre de ce polar même si l’essentiel du récit n’est pas policier. On est surtout happé par les personnages secondaires du récit : Grimur, un homme étrange, visiblement dérangé, qui se rase l’ensemble du corps au moins trois fois par jour, voisin et amoureux transi d’Isafold, Olga, autre voisine d’Isafold, mère dévastée par la mort de son fils, qui revit depuis qu’elle héberge clandestinement un réfugié syrien, Hakon, un propriétaire d’hôtels, grand magouilleur devant l’éternel, expert en détournement de fonds et qui intéresse doublement Aurora, professionnellement et sexuellement. Et puis il y a bien évidemment l’Islande, ses ambiances si particulières, l’ensemble de ses habitants, uniques et aux mœurs incompréhensibles pour nous, Européens du sud. Des filles-trolls comme des filles-elfes.  

« Froid comme l’enfer » de Lilja Sigurdardottir, Métailié Noir, 21 €

samedi 4 juillet 2020

Polar - Pouvoir islandais

 Plongée dans les arcanes du pouvoir en Islande. Trahison, nouveau polar de Lilja Sigurdardottir paru chez Métailié raconte les 15 premiers jours d’Ursula au poste de ministre de l’Intérieur en Islande, pays  exemplaire en ce qui concerne la démocratie mais pas exempt de magouilles politiques. Ursula est chargée par le Premier ministre de remplacer durant une année le ministre actuel trop affaibli par la maladie. La politique c’est tout nouveau pour cette quadra dynamique qui a fait sa carrière à l’étranger. Dans des instances internationales, elle a géré des crises majeures comme l’épidémie d’Ebola en Afrique ou les camps de réfugiés pendant la guerre de Syrie. 

De retour au pays, à la demande de son compagnon, Ursula s’attend à un quotidien plus tranquille. Pourtant elle va finalement encore plus risquer de perdre la vie pour une vieille histoire. Le roman est minutieusement construit. Chaque personnage important est au centre des différents chapitres. Ursula bien évidemment, mais aussi Stella, une femme de ménage du ministère, Gunnar, le chauffeur et garde du corps d’Ursula et enfin Pétrur, un clochard qui a reconnu Ursula. Tous les problèmes d’Ursula viendront de cet homme qui n’a plus sa tête. Alcoolique, asocial, il est persuadé qu’Ursula, qu’il a connue enfant, a passé un pacte avec le diable. Un homme de l’entourage de la ministre qui cache son jeu néfaste. 

Si l’intrigue au final n’occupe qu’une petite place dans le roman, c’est surtout pour la description des vies des sans-grade que ce roman vaut le détour. Notamment les galères de Stella, jeune femme perdue, persuadée que la magie peut résoudre ses problèmes. La drogue aussi… Et pour le volet politique, la démonstration de Lilja Sigurdardottir ne laisse que peu de doutes : en Islande comme ailleurs, les hommes politiques sont prêts à tout pour conserver le pouvoir. 

« Trahison » de Lilja Sigurdardottir, Métailié, 22 €

vendredi 27 mars 2020

Série Télé - Enquête sombre et froide dans le passé de l’Islande


L’avantage de Netflix, c’est que l’offre de série ne se limite pas aux productions US et tricolores. On peut aussi découvrir quantité de productions en provenance des quatre coins du monde. C’est parfois étonnant d’exotisme (Corée, Thaïlande, Turquie, Brésil) et puis il y a les pros du polar, généralement des pays nordiques. Suède et Danemark dominent mais il ne faut pas négliger l’Islande. Tout petit pays par sa population, immense par la superficie et la grandeur de ses paysages, l’Islande est le cadre des « Meurtres du Valhalla », imaginée par Ottar Nordfjord diffusée depuis peu sur Netflix. Huit épisodes de 45 minutes pour une série véritablement découpée en deux parties. Au début, Kara (Nína Dögg Filippusdóttir) se rend sur une scène de crime. Un homme a été poignardé en pleine nuit sur un quai de Reykjavik. Les yeux de la victime ont été lacérés après le meurtre. Quand un second cadavre est découvert, la police est sur les dents et Magnus (Sigurður Skúlason), le patron, demande l’aide d’un cador Danois, Arnar (Björn Thors). 
Enquête classique dans les cinq premiers épisodes avec assassin démasqué. Mais il y a encore trois épisodes, eux beaucoup plus sombres. Car derrière cette série de meurtres, il y a les agissements d’un autre « monstre dans la nuit » (titre du dernier chapitre). Les deux personnages principaux vont alors devoir aller bien au-delà de leurs prérogatives de policiers islandais pour le mettre hors d’état de nuire. 
La série, un peu longue et trop classique au début, devient brillante dans son final. Avec cerise sur le gâteau des décors enneigés d’un gigantisme qu’aucune major hollywoodienne ne pourrait reproduire.

mardi 30 mai 2017

Livres de poche : des héros à retrouver avec plaisir



On a raconté beaucoup de choses sur Ilya Kalinine. On a dit que c’était un monstre, un assassin de la pire espèce qui tirait son plaisir de la souffrance de ses victimes. On a dit aussi qu’un seul homme ne pouvait pas avoir tué autant de gens. D’autres ont prétendu qu’il n’existait pas. Et pourtant, Ilya Kalinine a existé. Nathalie Hug et Jérôme Camut offrent un ré- cit très sombre des origines d’Ilya Kalinine, le criminel qui hante la trilogie W3.
➤ « Ilya Kalinine », Le Livre de Poche (inédit), 6,60 €


Du monde d’hier, il ne reste rien, juste les armes, nécessaires à la survie. Alice, 15 ans, vit dans une communauté indépendante. Pour toute école, elle n’a connu que celle du combat. Et elle y excelle. Lors d’une patrouille, elle surprend un mort-vivant muni d’oreilles de lapin roses sortir subitement de terre, puis disparaître. Sans l’ombre d’une hésitation, elle s’engouffre à sa suite. Et chute... Mainak Dhar réinvente Alice au pays des Merveilles.
➤ « Alice au pays des morts-vivants », Pocket, 7,40 €



Le lagon bleu était un petit paradis avant qu’on y trouve un cadavre. Un ingénieur de la base américaine qui serait tombé d’un avion. Dans l’atmosphère de la guerre froide, la police s’intéresse à de mysté- rieux vols effectués entre le Groenland et l’Islande. En parallèle, l’inspecteur Erlendur (le héros créé par Erlendur Indridason) enquête sur une jeune fille disparue sur le chemin de l’école quarante ans plus tôt, à l’époque où la modernité arrivait clandestinement en Islande.
➤ « Le lagon noir », Points, 7,90 €


mardi 1 novembre 2016

De choses et d'autres : les pirates à fond de cale

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Abordage raté pour les Pirates islandais. Ce parti politique entre extrême gauche et anarchisme espérait entrer au gouvernement, les sondages avant les élections leur donnant plus de 20% des suffrages. Mais à l’issue du dépouillement, ils plafonnent à 14%. Terminés les rêves de pouvoir. Même si contrairement à tous leurs adversaires, c’est l’inverse qu’ils recherchent. Ces pirates d’un nouveau genre rêvent de discrétion. Davantage d’anonymat sur internet et des décisions prises par l’ensemble du peuple étaient leurs deux crédo. Au final les Islandais ont préféré accorder leur confiance à un vieux parti politique centriste, dirigé par le ministre des Finances dont le nom figurait en bonne place dans les listings des Panama Papers (scandale du blanchiment d’argent dans des paradis fiscaux).
L’échec des Pirates apparaît comme entièrement la faute des jeunes. Selon les sondages, une très grande majorité des moins de 30 ans les soutiennent. Mais ils ne sont pas allés voter. Comme si les élections étaient un concept dépassé, d’un autre âge. Voilà tout le paradoxe de ce parti d’un nouveau genre: tellement opposé au vieux système qu’il ne peut utiliser les mêmes armes pour y mettre fin…
La démocratie a bien des avantages mais manque cruellement de surprise. Trop souvent c’est le moins anxiogène qui l’emporte. Si les Pirates s’appelaient Bisounours, leur drapeau flotterait déjà au mât du pouvoir.

lundi 31 octobre 2016

Humour, polar et SF : toutes les émotions en poche


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À la veille d’un concours de sauce barbecue, Stanley Chipotle, célèbre cuisinier de la télévision, est assassiné à coups de hachoir dans un quartier louche de Trenton, sous les yeux de Lula. Qui de mieux que Stéphanie Plum pour se lancer sur la piste des tueurs avant que Lula ne se retrouve à son tour dans leurs filets ? Aventure inédite de la détective imaginée par Janet Evanovich.
➤ « Retour à la quinze départ », Pocket, 6,95 €

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En pleine ascension du glacier Vatnajökull, deux jeunes randonneurs sont brutalement précipités au fond d’une crevasse. Juste avant de disparaître, l’un d’eux parvient à contacter sa sœur Kristin. Il n’y a pas encore la noirceur et le pessimisme des romans suivants d’Arnaldur Indridason, mais on retrouve quand même son style, essentiellement dans la description du grand méchant, un certain Ratoff.
➤ « Opération Napoléon », Points, 8,10 €

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En 2009, lan McDonald a rassemblé, sous le titre « La petite déesse », les sept nouvelles et courts romans qu’il avait écrits sur cette Inde du futur imaginée dans « Le fleuve des dieux ». On y découvre un souscontinent où les hommes sont quatre fois plus nombreux que les femmes, où se côtoient des gens d’une extrême pauvreté et des stars virtuelles, tous confrontés à des menaces d’un genre nouveau.
➤ « La petite déesse », Folio SF, 8,20 €

lundi 4 avril 2016

Roman : Crime d'amour


La littérature islandaise est plus riche qu'on ne le croit. Si les auteurs de polar ont beaucoup fait pour sa reconnaissance en France, ils savent également aborder des sujets plus classiques. Arni Thorarinsson délaisse son héros récurrent de journaliste bourru pour raconter l'histoire tragique d'une famille. Tout commence comme un conte de fée. Une rencontre à la fac. Le coup de foudre. Une petite fille née. La mère, le père et l'enfant vivent heureux. Une dizaine d'années. Et puis un jour, la révélation, un secret de famille. Tout bascule. La mère devient alcoolique, la fille va vivre chez ses grands-parents, le père tente de survivre malgré la culpabilité. Le roman se passe le jour des 18 ans de l'enfant. Ses parents ont promis de tout lui expliquer. Mais comment faire sans la détruire elle aussi ? Laissez vous émouvoir par cette écriture aussi tranchante qu'un rasoir.
« Le crime, histoire d'amour » d'Arni Thorarinsson. Métailié, 17 euros

dimanche 13 décembre 2015

DE CHOSES ET D'AUTRES : Zu, le dieu des impôts


Allergique aux impôts ? J'ai une solution pour vous : convertissez-vous au "zuisme", une religion d'origine mésopotamienne qui vénère le dieu Zu. Vous serez ainsi remboursé d'une partie de vos impôts. Problème, cette jolie combine n'est valable qu'en Islande, joli pays pourtant très éloigné du Tigre et de l'Euphrate.
L'Islande a la particularité, depuis cette année, de faire payer à tous ses administrés un "impôt religieux" reversé ensuite intégralement aux différentes "chapelles". Il suffit de déclarer à quelle croyance vous vous adonnez (le luthérianisme est majoritaire avec 40 %). Environ 73 euros sont reversés à l'une des 40 religions recensées sur cette île couverte de glaciers et de volcans. Et si vous êtes athée, la somme est conservée par l'Etat. Avant la mise en place de cette dîme, le 1er janvier dernier, le zuisme, l'une des 40 reconnues, comptait royalement quatre adeptes. Ils sont aujourd'hui plus de 3 000 sur une population de 330 000 habitants. Le fisc islandais a rapidement compris la raison du succès de Zu, le dieu oublié de Mésopotamie. Les responsables de ce culte, qui a tout du paravent, s'engagent à rembourser les 73 euros aux futurs adeptes.
En clair, devenez zuiste et vous êtes exonérés de la taxe religieuse. Une opportunité pour les très nombreux Islandais qui avaient protesté lors de la mise en place de ce nouvel impôt. L'Etat cherche maintenant à retirer le zuisme de la liste des religions reconnues. Mais en attendant, Zu et ses disciples ont déjà touché pas moins de 225 000 euros de l'état islandais.

vendredi 2 janvier 2015

Roman - Scandales à la sauce islandaise

Sous prétexte d'une enquête policière classique, Arni Thorarinsson passe au scanner le fonctionnement de la presse en Islande et les jeux subtils des hommes politiques locaux.

Un roman policier d'Arni Thorarinsson est tout sauf simple. Il faut s'accrocher dans les premières pages de « L'ombre des chats » vu le nombre de personnages. Normal, l'action se déroule au cours d'un mariage où les deux-tiers des protagonistes du livre se retrouvent. En premier lieu Einar, le journaliste vedette du Journal du Soir. Cet enquêteur hors pair, limier implacable à la plume aussi acérée que libre, est un ami et collègue des amies des mariées. Deux mariées, car en Islande, beaucoup plus tôt qu'en France, le mariage entre personnes du même sexe est possible. Même devant les autorités religieuses, en l'occurrence un pasteur. 
Cela n'empêche pas les fâcheux de s'inviter à la noce. Quelques perturbateurs directs, non pas par idéologie, mais à cause de l'alcool, de vieilles rancunes ou simplement d'histoires d'argent. Einar regarde tout cela distraitement. Il est surtout tracassé par deux SMS qu'il vient de recevoir sur son téléphone. Des allusions graveleuses et bourrées de fautes d'orthographe. Qui a bien pu lui a envoyé ces horreurs ? Il aura la solution quelques jours plus tard, grâce à l'intervention de la responsable informatique du journal (on ne dira jamais assez de bien de ces hommes et femmes, toujours sur la brèche et pourtant disponibles pour dépanner ou aider ces écrivaillons handicapés du mégabit). Einar a donc subi des avances sexuelles de la part du numéro 2 du parti socialiste, futur numéro 1, possible Premier ministre. Un élu qui justement est au cœur d'une des enquêtes d'Einar, une tonitruante histoire de corruption. Le tout au moment même où la majorité du capital du Journal du Soir va peut-être changer de mains. Et comme par hasard c'est le pire ennemi du numéro 2 du PS qui ambitionne de contrôler l'influent quotidien...

Double suicide
N'importe quel auteur se serait largement contenté de cette intrigue pour boucler les 300 pages du polar. Arni Thorarinsson non. Il rajoute à cette histoire déjà passablement touffue un double suicide assisté par ordinateur (dont une des deux mariées du début du roman), le passage à tabac d'un employé modèle, la fuite en Europe de l'ancienne maîtresse d'Einar, toujours recherchée pour escroquerie et l'aménagement de nouveaux voisins dans l'immeuble du journaliste. Un couple victime de la crise qui a trois chats très indépendants, ces fameux chats qui donnent le titre au roman. Bref, impossible de s'ennuyer dans ce genre de livre. Notamment quand Einar juge ces hommes politiques magouilleurs et imbus de leurs personnalités. « Ces types se posent en hérauts de la liberté et de la vérité, mais uniquement quand ça les arrange. N'ont-ils pas conscience du paradoxe ? A moins qu'ils ne soient schizophrènes ? Je l'ignore. En revanche, je sais que ce genre d'hommes dirigent le pays et sans doute le monde entier. Pourquoi ? Justement parce qu'ils sont comme ça. »
Autant polar que roman social et politique, « L'ombre des chats » est une nouvelle preuve éclatante de l'incroyable richesse de la littérature islandaise, petit pays par le nombre d'habitants, géant des lettres par l'excellence de ses auteurs.
Michel Litout

« L'ombre des chats », Arni Thorarinsson, Métailié, 20 €

lundi 15 septembre 2014

BD : Magique Islande à travers la "Saga Valta"


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Le second album de la série « Saga Valta » de Dufaux et Aouamri s'ouvre sur une préface du scénariste. Jean Dufaux s'excuse auprès des lecteurs. Prévue en deux tomes, cette histoire de guerrier islandais en comptera finalement un peu plus... « Je crois dominer mon récit et c'est le récit qui s'ouvre, s'amplifie sans me demander mon avis. » Franchement, que Jean Dufaux se rassure : on ne lui en tient pas compte. Bien au contraire. Cette saga est de la veine des best-sellers et le lecteur ne sera jamais rassasié. D'autant que le dessin de Mohamed Aouamri est de plus en plus flamboyant et abouti. Valgar de Valta est donc vivant et son épopée pourrait se prolonger à l'image de son illustre ancêtre, Thorgal. Le second tome permet au lecteur de découvrir la sœur de Hildegirdd, la maîtresse de Valgar. Sosjia au noir manteau est une redoutable sorcière. Elle vit recluse dans un château au delà des terres mortes en compagnie de sa horde de chiens et de son fils, l'impétueux Hanserr. De son côté, Valgar poursuit toujours son but : récupérer la femme qu'il aime, la belle et jeune Astridr. Il va demander de l'aide à Njall-le-Brûlé, un valeureux chef. Valgar lui sauvera deux fois la vie, même si dans l'aventure il perd sa lance magique...

« La saga Valta » (tome 2), Le Lombard, 14,45 €

dimanche 15 juin 2014

Livre - "Étranges rivages" édité au format poche chez Points

Erlendur revient. Le héros policier d'Arnaldur Indridason est de retour. Une double enquête dans les fjords glacés de l'est de l'Islande. 
Une petite voiture rouge, une nécrologie dans le journal barrée du mot « ordure », une ferme en ruine. Ce sont quelques-uns des morceaux du puzzle de ce roman policier signé Arnaldur Indridason. 
L'écrivain islandais renoue avec son héros du début, le policier Erlendur. Un flic pragmatique, torturé de culpabilité, incapable d'être heureux, de vivre simplement en oubliant les fantômes du passé. 
Dans ces terres de l'est il va déterrer quelques cadavres, imagés ou bien réels... (Points, 7,60 €)


lundi 6 janvier 2014

DE CHOSES ET D'AUTRES - L'autoroute et les Elfes

La mise en chantier de certaines grosses infrastructures cause souvent des désagréments. On se souvient de la bataille des opposants à la ligne THT entre la France et l'Espagne. Une histoire de paysage.
En Islande, c'est une autoroute pour relier la péninsule d'Alftanes à la capitale Reykjavík qui pose problème. L'association Friends of Lava, mouvement proche des écologistes mène un combat sans précédent pour empêcher le début des travaux. La pollution n'est pas en cause. Ni l'argument économique. L'autoroute sera utile et certainement très fréquentée par les riverains. Non, le souci réside dans le tracé choisi. Il passe au cœur d'un territoire colonisé depuis des millénaires... par les Elfes.
Friends of Lava a pour but de préserver les habitats elfiques en Islande. Dans ce pays rude et sauvage, tout ce qui touche au peuple invisible est pris au sérieux. Conséquence, l'association a obtenu un sursis du gouvernement avant le début des travaux. Le projet d'autoroute n'est pas abandonné. Il est simplement mis en veille, le gouvernement acceptant de « laisser un peu de temps aux Elfes pour déménager ». Chez nous, certaines décisions politiques sont hallucinantes. Les Islandais font beaucoup mieux !
PS : pour se faire une idée de l'Islande sans se geler, lisez un roman d'Arnaldur Indridasson (aux éditions Métailié, n'importe lequel !) et vous serez conquis. Pour les paysages grandioses, allez voir « La vie rêvée de Walter Mitty » de Ben Stiller actuellement au cinéma.
PS bis : L'office de tourisme islandais peut me joindre à cette adresse mail : litout@gmail.com

samedi 4 janvier 2014

CINEMA - Ben Stiller, rêveur éveillé

  
Il réalise et interprète le rôle principal, Ben Stiller porte sur ses épaules « La vie rêvée de Walter Mitty », jolie parabole sur le dépassement de soi à l'affiche cette semaine.

La vie, la vraie, n'a souvent rien à voir avec un film d'Hollywood. Pas de héros intrépide, encore moins de jolie femme en détresse à sauver. L'existence de Walter Mitty est insipide : travail triste dans les archives photos d'un magazine, célibataire, timide et renfermé. Mais finalement Walter est heureux comme ça. Son secret ? La possibilité de déconnecter de cette morne réalité pour rêver une vie plus exaltante. Mais au lieu de le faire couché en plein sommeil, il a tendance à rêver sa vie dans des endroits publics comme le quai d'une gare ou un ascenseur. Au risque de rater son train ou son étage... Walter pourrait se contenter de ces escapades palliatives si la belle Cheryl ne déboulait pas dans son train-train. Elle vient d'être embauchée dans le service comptabilité du magazine. Walter la croise dans les couloirs, à la machine à café... Elle devient l'héroïne des rêves éveillés de Walter. Mais pour une fois, cela ne lui suffit plus. Walter, fou amoureux à la timidité maladive, n'ose pas déclarer sa flamme. Comme dans un de ses rêves incongrus, il décide de s'inscrire sur le même site de rencontre que Cheryl pour la séduire sans qu'elle sache qu'il est un collègue de travail. Encore faut-il qu'elle le remarque. Son profil manque de relief : voyages : néant, passions : néant...

Volcan et skate-board
Le film de Ben Stiller, son cinquième derrière la caméra, est ouvertement romantique. Le comique américain met un peu ses outrances en sourdine pour camper cet homme, anodin en surface, extraordinaire à l'intérieur. Une belle performance d'acteur, Walter se transformant par la force des choses en véritable aventurier. Le binoclard empoté des premières minutes devient, par amour du travail bien fait (et de la belle Cheryl interprétée par Kristen Wiig), un intrépide routard dévalant les volcans en skate-board ou plongeant dans les eaux glacées de l'Atlantique Nord depuis un hélicoptère.
Les véritables ennuis de Walter arrivent sous la forme de jeunes technocrates à la barbe parfaitement taillée. Le journal vient d'être racheté. Terminé la parution papier, il faut transformer la vieille institution en site internet. Pour le dernier numéro, la couverture sera signée de Sean O'Connell, archétype du reporter photographe. Mais le négatif choisi est introuvable. Ce sera le fil rouge du film : Walter, responsable de cette perte, va devoir le retrouver, quitte à mouiller sa chemise, voire à la déchirer par moments.
Le tournant du film est marqué par le morceau emblématique du groupe pop canadien Arcade Fire, « Wake Up ». Finis les rêves, Walter doit se réveiller et faire place à l'action. Une transition si spectaculaire que le spectateur est longuement persuadé qu'il s'agit d'une nouvelle séquence onirique qui n'en finit plus. Ben Stiller paye de sa personne, sillonnant le globe, du Groenland à l'Himalaya en passant par l'Islande aux paysages toujours aussi époustouflants. Les effets spéciaux du début (course poursuite dans les rues de New York à la Spiderman mâtinée de Surfer d'argent) ne sont plus nécessaires : la nouvelle vie de Walter Mitty lui donne l'opportunité de connaître enfin les poussées d'adrénaline des grands reporters. Autant d'expériences qui lui permettent d'étoffer sa page de profil sur le site de rencontres du début de film. Mais ça, c'était avant...

mardi 22 octobre 2013

"Je sais qui tu es", thriller islandais réfrigérant

Garoar, au chômage depuis quelques mois dans une Islande durement touchée par la crise, a investi ses dernières économies dans l'achat d'une maison à Hesteyri. Il a pour ambition de transformer la bâtisse en gîte. Idéalement située, loin de tout, au cœur du parc naturel, elle ne devrait pas désemplir en été. Il débarque à l'automne avec matériel et vivres pour une semaine de travaux intensifs. 
Il n'est pas seul, accompagné de sa femme, Katrin et de Lif, la veuve de son meilleur ami, associé mort d'une crise cardiaque avant l'aboutissement du projet. Mais le lieu, abandonné, semble même hanté. Le cadre majestueux et sauvage devient source inépuisable de terreur. 
Rarement un roman (signé Yrsa Sigurdardottir) aura suscité autant d'angoisse au lecteur. A ne pas lire seul dans sa maison de campagne. A moins de rechercher des sensations fortes. (Points, 7,70 €)

vendredi 24 mai 2013

Livre - "La muraille de lave", Indridason sans Erlendur...


Quand un de ses amis d'enfance lui demande d'intervenir discrètement dans une affaire de chantage, Sigurdur, policier, ne sait pas dire non. Il se rend au domicile d'une femme, une échangiste, bien décidée à rembourser ses dettes en faisant chanter la belle-sœur de l'ami de Sigurdur adepte de ces parties fines. Sur place, le policier découvre la femme le crâne fracassé. Visiblement, il a été précédé par quelqu'un qui a trouvé une solution plus expéditive.
Nature hostile, hommes refermés sur eux-mêmes... Ce polar islandais d'Arnaldur Indridason, au cours sinueux et multiple, débute avec la violence d'un torrent pour s'achever avec la force d'un immense fleuve emportant tout sur son passage. Notamment le secteur bancaire du pays. (Points, 7,90 €)

mardi 26 mars 2013

Polar - Dans la glace des souvenirs

Erlendur revient. Le héros policier d'Arnaldur Indridason est de retour. Une double enquête dans les fjords glacés de l'est de l'Islande.

Une petite voiture rouge, une nécrologie dans le journal barrée du mot « ordure », une ferme en ruine. Ce sont quelques-uns des morceaux du puzzle de ce roman policier signé Arnaldur Indridason. L'écrivain islandais renoue avec son héros du début, le policier Erlendur. Il ne va pas fort. Carrément dépressif. Il a pris des vacances et quitté la moderne Reykjavic pour les villages isolés de l'est du pays. Des hameaux blottis au fond de fjords majestueux. Au-dessus, la montagne et le froid intense.
Erlendur cherche à exorciser son passé. Enfant, ses parents ont possédé une ferme dans cette région sauvage. Une vie simple, proche de la nature. Jusqu'à cette nuit d'hiver. Une sortie dans la montagne, l'arrivée soudaine d'une tempête de neige. Le père laisse ses deux enfants pour chercher du secours. Erlendur tient fermement la main de son petit frère Beggi. Et puis le froid intense lui fait lâcher prise. Les secours retrouvent Erlendur, pas Beggi. Des décennies plus tard, le flic borné et têtu, torturé par la culpabilité, cherche encore la cadavre de son cadet.
Et pour ne pas devenir complètement fou, il se renseigne aussi sur les autres disparitions mystérieuses de la région. C'est comme ça qu'il fait connaissance de Matthildur. Cette jeune femme, en pleine tempête de neige dans les années 40, s'est évanouie dans la nature. Les secours, alertés par son mari Jakob, n'ont jamais retrouvé le corps. Erlendur va mener de front les deux recherches, arpentant la lande mais aussi les archives et les maisons de retraite de la région. Il va interroger les rares survivants, parents et amis de Matthildur. Et son instinct de limier va le persuader qu'il y a bien un mystère derrière cette disparition.

Espace infini
D'un côté une enquête classique, si ce n'est qu'elle est décalée d'un demi-siècle, de l'autre une quête personnelle qu'Erlendur ne peut partager avec personne. Le tout mené dans cette région d'Islande, sauvage et préservée. Erlendur a installé son camp de base dans l'ancienne ferme de ses parents. Ce n'est plus qu'une ruine aujourd'hui. Ouverte à tous les vents, froide, glaciale. Il dort sur une paillasse, dans un sac de couchage. Une lampe tempête pour s'éclairer.
Des conditions extrêmes qu'il s'impose, comme une pénitence pour avoir abandonné son petit frère. Et régulièrement, il va dans la montagne et dort à la belle étoile sur un tapis de mousse. « Il aimait s'allonger sur le dos, la tête posée sur son sac, les yeux levés vers les étoiles en méditant sur toutes ces théories qui affirmaient que le monde et l'univers étaient encore en expansion. Il appréciait de regarder le ciel nocturne et son océan d'étoiles en pensant à ces échelles de grandeur qui dépassaient l'entendement. Cela reposait l'esprit et lui procurait un apaisement passager de pouvoir réfléchir à l'infiniment grand, au grand dessein. » C'est cela Erlendur : un flic pragmatique, torturé de culpabilité, incapable d'être heureux, de vivre simplement en oubliant les fantômes du passé. Dans ces terres de l'est il va déterrer quelques cadavres, imagés ou bien réels...
Michel LITOUT
« Etranges rivages », Arnaldur Indridason, Métailié Noir, 19,50 € (également disponible au format poche chez Points)