En Islande, la moindre parcelle de terre est habitée par des êtres minuscules et magiques. Une omniprésence du surnaturel sans doute pour compenser le climat si rude. Le nouveau roman noir de Lilja Sigurdardottir se déroule en été. Les températures ne sont donc pas glaciales. 10° en pleine journée. Mais le soleil ne se couche plus. Difficile dès lors de bien dormir.
C’est dans cette ambiance déstabilisante que débarque à Reykjavik Aurora. Elle est missionnée par sa mère pour obtenir des nouvelles de sa grande sœur, Isafold
Femme battue
Aurora et Isafold sont aussi différentes que leurs deux parents. Le père (mort depuis quelques années) était un pur Islandais, immense, blond et fier de ses traditions, la mère une écossaise qui n’a jamais su s’adapter à cette terre volcanique légendaire. Si Aurora, grande, musclée et sportive a le gabarit de l’Islandaise de base, elle vit pourtant en Écosse. Isafold, petite et fine, réside depuis quelques années avec Björn, un Islandais qui n’a jamais quitté son île. Le père des deux sœurs si dissemblables a théorisé ce grand écart. Aurora se souvient : « Les filles-elfes et les filles-trolls n’ont pas les mêmes besoins. Pour le petit-déjeuner il place deux toasts dans l’assiette d’Isafold et plusieurs tranches de bacon dans la mienne. Après le repas, elle ira courir et moi j’irai à la salle de musculation avec lui. » La même Aurora confesse à Daniel, un policier séduisant, « qu’elle se sentait parfois comme une sorte de pendule oscillant sans cesse entre la sage Grande-Bretagne et la folle Islande. »
Devenues adultes, l’entente entre les deux sœurs s’est détériorée. Isafold a souvent appelé à l’aide sa sœur car son compagnon la bat. Elle est toujours venue. Mais Björn arrivait toujours à la récupérer. Jusqu’à l’incartade suivante. Cela fait trois semaines qu’Isafold ne donne plus de nouvelles à sa mère. Aurora débarque et Björn prétend qu’elle est repartie en Grande-Bretagne. Où est Isafold ? Que lui est-il arrivé ?
Ces questions sont au centre de ce polar même si l’essentiel du récit n’est pas policier. On est surtout happé par les personnages secondaires du récit : Grimur, un homme étrange, visiblement dérangé, qui se rase l’ensemble du corps au moins trois fois par jour, voisin et amoureux transi d’Isafold, Olga, autre voisine d’Isafold, mère dévastée par la mort de son fils, qui revit depuis qu’elle héberge clandestinement un réfugié syrien, Hakon, un propriétaire d’hôtels, grand magouilleur devant l’éternel, expert en détournement de fonds et qui intéresse doublement Aurora, professionnellement et sexuellement. Et puis il y a bien évidemment l’Islande, ses ambiances si particulières, l’ensemble de ses habitants, uniques et aux mœurs incompréhensibles pour nous, Européens du sud. Des filles-trolls comme des filles-elfes.
« Froid comme l’enfer » de Lilja Sigurdardottir, Métailié Noir, 21 €

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