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samedi 28 octobre 2023

Cinéma - Peut-on rire des drames après “Une année difficile” ?

Eric Toledano et Olivier Nakache signent une love story entre surendettement et activisme écologiste. Un regard tendre et réaliste sur les « perdants » et ceux qui ne se résignent pas.


En ouvrant leur film avec une compilation d’extraits des vœux des présidents de la République (de Macron à Pompidou) soulignant que les Français venaient de vivre « Une année difficile », Éric Toledano et Olivier Nakache ne se doutaient pas que 2023 ferait partie elle aussi ces années compliquées. On ne parle pas de rugby mais plutôt d’inflation et de violence.

Alors une comédie pour se moquer de ces malheurs qui frappent le pays, est-ce bien raisonnable, moral surenchériraient même certains invités permanents aux émissions polémique des chaînes d’info ? La réponse est évidente : oui, il faut rire de nos tracas, se moquer de nos travers et aller au cinéma pour profiter de cette pépite d’humour noir, non dénuée cependant d’une grande sympathie envers les deux losers, grandioses d’idées foireuses, et les militants écologistes, utopistes plus bruyants que violents mais qui pourraient être fichés S dans la vraie vie.

Un gouffre et des ponts

Un des passages du film explique que des ponts illustrent tous les billets en euros. Des ponts comme autant de liens entre des pays ou des humains que tout opposent. Ainsi un gouffre sépare Poussin (Pio Marmaï) et Cactus (Noémie Merlant). Même le viaduc de Millau serait trop petit, pas assez ambitieux.

Pourtant, entre le surendetté chronique et la militante pour le climat, une étincelle électrise leurs deux regards quand ils se croisent à l’ouverture des portes d’un magasin pour le Black Friday. Pourtant le premier guigne un écran plat à prix bradé alors que la seconde veut bloquer les portes du temple de la surconsommation. Finalement Poussin (surnom qu’il s’est trouvé pour intégrer l’organisation écologiste de Cactus) va trouver dans ces actions médiatiques l’occasion de se donner bonne conscience mais aussi de renflouer un peu ses comptes en mettant au point quelques combines peu reluisantes avec la complicité de son ami de galère financière, Lexo (Jonathan Cohen).

Le film, tout en montrant l’action des militants, n’hésite pas à les moquer à travers les réflexions sardoniques des deux escrocs à la petite semaine. Ils restent cependant tous sympathiques, exploit de ce film qui parle de la probable fin du monde mais sans clouer au pilori le moindre coupable. On rit, notamment aux exploits des Pieds Nickelés Pio Marmaï et Jonathan Cohen, au fort potentiel comique, et on est ému par le final, souvenir d’un temps pas si lointain où tout semblait possible dans un nouveau monde. Une année qui finalement, n’était pas aussi difficile que les suivantes.

Film d’Éric Toledano et Olivier Nakache avec Pio Marmaï, Noémie Merlant, Jonathan Cohen, Mathieu Amalric

 

dimanche 18 juin 2023

Cinéma - « Vers un avenir radieux » de Nanni Moretti, le cinéma de l’utopie

Le grand réalisateur italien Nanni Moretti se raconte dans ce film gigogne sur le cinéma, ses travers, sa force, sa poésie.


Plus qu’une simple leçon de cinéma, Vers un avenir radieux de Nanni Moretti est un film qui respire la joie de filmer, de créer, d’imaginer et de faire rêver. Une œuvre à part, où le 7e art est le véritable héros, n’en déplaise à certains producteurs grossiers qui n’imaginent pas un film sans un moment « what the fuck ? » Présenté en compétition à Cannes et revenu bredouille, le film a sans doute souffert de son côté trop léger et optimiste. Étrange paradoxe de notre époque où le cinéma ne peut qu’être noir et sombre, alors qu’il compte, avant tout, dans la vie des gens pour les divertir, les faire s’évader.

Pour parler de son art, Nanni Moretti interprète Giovanni, un cinéaste (sans doute inspiré de son propre parcours), qui se lance dans le tournage d’un film sur la position du parti communiste italien lors de l’insurrection de Budapest en 1956. Un sujet hautement politique, alors que Giovanni rêve de tourner un film d’amour truffé de chansons italiennes.

Netflix, violence gratuite

Produit par sa femme, Paola (Margherita Buy), et Pierre (Mathieu Amalric), un Français un peu mythomane, le film avance lentement. Car Giovanni est exigeant. Il supervise tout, des titres des journaux de l’époque aux fausses bouteilles d’eau minérale utilisées par les acteurs. Ces derniers doivent suivre ses dialogues à la lettre et ne pas improviser « à la Cassavettes », comme tente de le faire la vedette féminine Vera (Barbora Bobulova). Le tournage est de plus en plus laborieux et plus rien ne va dans la vie privée de Giovanni. Sa femme décide de le quitter. L’argent arrive à manquer, la production s’arrête à mi-chemin.

Alors, il ne reste plus qu’une solution à Giovanni : accepter de rencontrer les nouveaux rois de la production audiovisuelle : Netflix. Une scène hilarante, où les technocrates de la plateforme de streaming n’ont de cesse de faire remarquer que le film, s’ils acceptent de l’acheter et de le produire, sera diffusé dans 190 pays. 190 pays ! Vous vous rendez compte, 190 pays…

On appréciera aussi la séquence où Giovanni débarque sur le tournage d’une comédie d’action d’un jeune cinéaste prometteur et va dynamiter l’ultime scène, trop violente à son goût. Entre petits tracas quotidiens, éclairs de génie d’un grand cinéaste, négociations avec les comédiens et les fournisseurs, lubies et rituels à la limite de la superstition, on en apprend beaucoup sur le quotidien d’un réalisateur. Mais que cela ne vous empêche pas d’apprécier, à sa juste mesure, le très joli final de Vers un avenir radieux, film d’une utopie qui redonne foi dans la vie.

Film de et avec Nanni Moretti et aussi Margherita Buy, Silvio Orlando, Mathieu Amalric