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mercredi 18 mars 2020

VOD. La nouvelle misère anglaise sous la caméra de Ken Loach




Ceux qui pensaient que la vente à distance allait profiter du confinement se sont trompés. Il apparaît que la Poste et les points de retrait, souvent des petits commerces non alimentaires, sont plus que perturbés. Difficile donc de récupérer livres ou DVD achetés sur les plateformes. Une mauvaise nouvelle pour tous les indépendants qui triment comme des esclaves afin livrer chez vous ce que vous avez acheté 48 heures plus tôt.
Ces nouveaux boulots (de merde) sont décortiqués ou plutôt autopsiés par Ken Loach dans « Sorry we missed you », film disponible en DVD depuis trois semaines mais aussi visionnable immédiatement en VOD.
Ricky (Kris Hitchen) cherche du boulot. La quarantaine, il se sent trop vieux pour travailler en hiver sur les chantiers. Il aimerait être son propre boss. Justement il postule pour devenir livreur de colis indépendant. Le dernier adjectif n’est que virtuel. Il bosse pour une seule société qui ne paye que le colis livré, à l’heure et au bon endroit.
Habitué aux films à forte valeur sociale, Ken Loach s’attaque dans cette œuvre à l’ubérisation du travail en Grande-Bretagne. Nous écrivions lors de la sortie du film en salles « Si vous avez l’habitude de commander des produits sur internet de vous faire livrer à domicile, ce film risque de vous dégoûter d’une pratique finalement très insidieuse. Certes vous n’avez plus à vous déplacer, mais dans la chaîne, les quelques euros supplémentaires servent en réalité à maintenir dans la précarité, presque la servilité, des dizaines d’hommes et de femmes qui n’ont plus de vie. » Mais ça, c’était avant le confinement.

« Sorry we missed you », film de Ken Loach disponible en DVD et sur toutes les plateformes de VOD (vidéo à la demande). 

mardi 25 octobre 2016

Cinéma : Misère d’une Angleterre à l’agonie

ken loach, daniel blake, chômage, angleterre
Ken Loach, Palme d’or au dernier festival de Cannes, titre à boulets rouges sur le système social britannique dans "Moi, Daniel Blake, histoire du crépuscule d’une société solidaire.

Si les Français se plaignent souvent de l’inefficacité de leur administration, ils feraient mieux avant de vouer tous les fonctionnaires aux gémonies d’aller voir « Moi, Daniel Blake », film de Ken Loach lauréat de la palme d’or au dernier Festival de Cannes. La situation de Daniel Blake (Dave Johns), menuisier de 59 ans, est digne d’un roman à la Kafka. Victime d’une crise cardiaque, il a du cesser de travailler. Il se remet lentement sur pied. Le temps est venu de revoir sa situation. Il doit répondre à un long questionnaire pour savoir s’il bénéficie toujours de l’aide spécifique. Des dizaines de questions absurdes comme « pouvez-vous vous mettre un chapeau sur la tête ? » Et quand le verdict tombe, il découvre qu’il n’a pas obtenu assez de « points » (12 alors qu’il en faut au minimum 15) pour conserver son allocation.
■ Une belle amitié
Sans ressource, il n’a plus qu’à contester la décision (et rester des mois sans aucune rentrée d’argent) ou s’inscrire au chômage, tout en sachant parfaitement que les médecins ne lui permettront pas de travailler... Résigné, il joue le jeu, malgré la mauvaise volonté des fonctionnaires qui ne cessent de le menacer de sanction s’il ne fait pas les choses exactement comme il faut. Une « sanction » consistant à suspendre son chômage durant quelques semaines. Dans les faits, d’anonymes serviteurs de l’état ont droit de vie ou de mort sur d’honnêtes travailleurs. Toute la révolte de Ken Loach est contenue dans ce rapport de force entre un système toujours plus in- égalitaire et des victimes qui n’ont plus que leur bonne foi pour tenter de survivre. La situation de Daniel Blake pourrait faire rire au second degré. Tant de bêtise, de rigorisme. Reste que ce n’est pas gratuit. Ce harcèlement moral a pour but de faire craquer les demandeurs. Il ne leur reste plus qu’à rejoindre les hordes de pauvres dans les files d’attente des banques alimentaires. Daniel y va finalement, pas pour lui mais pour donner du courage à sa voisine, Katie (Hayley Squires), mère isolée de deux enfants. Il va l’aider, oublier sa propre misère pour tenter de lui redonner cette envie de vivre, de s’en sortir, même si l’on a l’impression que tous les dés sont pipés. La belle amitié entre Daniel et Katie apporte une belle lumière à cette histoire austère. Mais le monde étant celui que l’on connaît, la fin du film nous replonge dans la réalité, la dure et triste réalité d’un quotidien devenu inhumain. 
Ken Loach : « Le peuple contre les puissants »

Lors de la remise des trophées en mai dernier à Cannes, le réalisateur de « Moi, Daniel Blake » a profité de cette mise en lumière pour répéter son crédo. Un discours politique, résolument à gauche, comme pour se prévenir des risques de dérives vers l’extrême droite. « Le cinéma est porteur de nombreuses traditions, l’une d’entre elles est de présenter un cinéma de protestation, un cinéma qui met en avant le peuple contre les puissants, j’espère que cette tradition se maintiendra » a-t-il notamment expliqué.
Dans son film il dresse un constat alarmant sur la paupérisation de toute une classe ouvrière anglaise, souvent qualifiée, mais trop âgée pour remettre en cause son fonctionnement. Au moindre problème de santé, c’est la dégringolade. Pour Ken Loach, « Le libéralisme favorise le maintien d’une classe ouvrière vulnérable et facile à exploiter. Ceux qui luttent pour leur survie font face à la pauvreté ». Conséquence, « les pauvres doivent accepter qu’on les tienne pour responsables de leur pauvreté. C’est ce qu’on constate à travers toute l’Europe et dans le reste du monde ».
Depuis, le Brexit est passé par là, Trump est candidat aux USA et en France, la présidentielle risque de se jouer au second tour entre la droite extrême et la droite forte.