samedi 7 mai 2016

Cinéma : Tu ne seras pas un vendeur mon fils !

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Premier film de Sylvain Desclous, "Vendeur" permet au spectateur de plonger dans le monde impitoyable de la vente de cuisines. Présenté comme ça, le film n'est pas très alléchant. Et pourtant il ne manque pas d'intérêt grâce à ce décalage entre un sujet peu vendeur (justement !) et une réflexion beaucoup plus profonde sur le monde du travail et la transmission de père en fils. Comme pour "La loi du marché", il s'agit d'un long-métrage social, entre dénonciation et résignation d'un modèle économique aliénant, tant pour les vendeurs que les acheteurs. On n'en sort pas indemne, plein de questionnement sur sa propre utilité (ou nuisance) dans ce monde à bout de souffle et totalement dénué d'humanité.

Serge (Gilbert Melki) est le meilleur. Ce vendeur fait exploser les chiffres. Il propose ses services aux plus offrants, allant de magasin en magasin, au volant de sa voiture sportive, comme une légende transformée en réalité. La journée il cajole les clients, les persuadant d'acheter des cuisines forcément trop chères pour leur budget. Mais le crédit à taux variable n'a pas été inventé pour les chiens. Les pigeons par contre...
Le soir, il brûle son pactole dans des bars huppés, en champagne et cocaïne, fréquentant des prostituées qui lui donnent un semblant d'amour. Pourtant Serge a dû avoir une vie normale dans le passé. Il a un fils, Gérald (Pio Marmai) qu'il voit occasionnellement. Gérard n'a pas suivi les traces de son père que l'on devine très absent dans sa jeunesse. Il a ouvert un restaurant avec sa compagne. Mais l'Urssaf l'a rattrapé. Criblé de dettes, il doit fermer son établissement et demande à son père de le recommander pour devenir, comme lui, vendeur dans un magasin de cuisines.
Vendre ou ne pas vendre ?
Autant Serge n'a aucun scrupules à gruger ses clients, autant Gérald refuse de vendre pour vendre. Conséquence, ses résultats sont mauvais et le patron (Pascal Elso) le vire. Serge intervient pour lui sauver la mise, donne des conseils et le fils, excellent comédien, se met dans le rôle du vendeur, multipliant les contrats. Avec les dérives classiques : alcool, filles faciles et perte de la notion de réalité. Serge, malade, se désespère de voir son fils devenir, comme lui, un bloc d'égoïsme et d'arrivisme. Mais comment empêcher la mauvaise graine de pousser quand c'est soi-même qui l'a semée et renforcée à grands coups de conseils comme de l'engrais puissant ?
Bourré d'anecdotes sur ce monde très particulier de la vente, le film est parfois un peu lent. Par contre il n'est jamais manichéen. S'il y a des vendeurs, c'est qu'il y a des acheteurs. Les dérives ne sont que les conséquences de patrons avides de chiffres d'affaires, de records et autres "performances" pour plastronner dans les foires et salons. Le film dénonce ces pratiques, mais se penche surtout sur l'incompréhension entre un père et son fils. Sa force est de ne pas faire la morale ni l'apologie d'une pratique contre une autre. Chacun est libre. La rédemption, si elle existe, n'est que le fruit d'une prise de conscience personnelle.
La fin du film est optimiste. Elle aurait tout aussi bien pu être dramatique.

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