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samedi 25 février 2023

De choses et d’autres - Ritournelle obsédante

Hier matin, aux aurores, j’ai immédiatement eu la certitude que la journée serait mauvaise en lisant la page de Prades de l’Indépendant Catalan. Mon rituel du matin est assez rodé et très cadré. Une fois avalées les premières gorgées de café, je parcours les éditions du journal où je sévis depuis une bonne paire de décennies.

Et hier, arrivé à la section Conflent, c’est le drame…

Je tombe sur cet article titré « Et si on chantait de la variété française ? » Un article de quelques lignes annonçant un concert du groupe Les Chœurs d’artichaut le 12 février au Foirail à 15 h 30.

Dès que j’ai lu « Si on chantait », la voix de Julien Clerc s’est mise à chevroter dans mon cerveau. J’ai su que le refrain de ce tube écrit par Étienne Roda-Gil n’allait pas me quitter de la journée, voire de la semaine. Je ne suis certainement pas le seul à souffrir du syndrome dit de la « ritournelle obsédante ».

On ne sait pas pourquoi, une chanson, souvent un tube de la variété française dans mon cas - alors que c’est loin d’être ma tasse de thé - en étant entendu une seule fois par hasard, est répétée à l’infini dans son subconscient. Comme si nos neurones se comportaient à l’image d’un disque rayé. Si on chantait a commencé à résonner dans ma tête très tôt et, à l’heure où je rédige ces lignes, 12 heures plus tard, la crise n’est pas passée. Forcément, écrire dessus ne va pas arranger les choses.


Mais je ne devrais pas me plaindre car parfois je suis hanté par des airs encore plus horripilants. Le gros problème de la « ritournelle obsédante » : on ne choisit pas.

Parfois cela tombe sur un chef-d’œuvre qui vous donne la patate pour toute la journée, mais trop souvent on doit ânonner intérieurement un tube des années 70 ou 80 trop entendu à la radio à l’époque ou pire, une daube commerciale actuelle. Je m’abstiendrai de citer le moindre titre ou nom d’artiste.

Trop peur de vous l’imposer, juste en le lisant, comme ça m’est arrivé en découvrant la page de Prades. Même à mes pires ennemis je ne souhaite pas un tel châtiment.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le mardi 7 février 2023

jeudi 12 juin 2014

Cinéma - "La Ritournelle" ou l'écart de la « petite bergère »

Le monde rural s'émancipe dans « La ritournelle », fable amoureuse de Marc Fitoussi avec Isabelle Huppert et Jean-Pierre Darroussin.


De la Normandie très british au Paris plus cosmopolite, « La Ritournelle » de Marc Fitoussi propose au spectateur un grand écart intellectuel réjouissant. Un film sur les affres amoureux d'un couple de ruraux à des années lumière des paysans solitaires et frustrés des émissions de téléréalité en vogue. A la campagne aussi on s'aime, on s'éloigne et parfois on est tenté par faire un accroc à son contrat de mariage. Une histoire universelle dans un milieu en pleine révolution, servi par deux acteurs d'une rare conviction.

Xavier Lecanu (Jean-Pierre Darroussin) est éleveur de charolaises. Ces vaches destinées à la viande sont dociles et robustes. Elle ont la belle vie dans les vertes prairies de son exploitation en Normandie. Régulièrement il participe à des concours où ses taureaux reproducteurs récoltent nombre de prix. Il s'occupe de ses bêtes avec sa femme, Brigitte (Isabelle Huppert). La cinquantaine, ses deux enfants hors du nid (et pas intéressés par la reprise de l'exploitation familiale), elle aimerait un peu plus de fantaisie dans une vie qui ronronne trop à son goût. Elle repousse cette envie, cette démangeaison qui prend physiquement la forme d'une plaque d'eczéma sur la poitrine. Mais quand des jeunes viennent fêter un anniversaire dans la maison d'à côté, Brigitte se surprend à rêver danse, musique, joie et émancipation. Un songe qui prend forme avec la visite de Stan (Pio Marmai), étudiant loin d'être insensible à la beauté de cette femme mûre et mystérieuse. Mais Brigitte n'ose pas. Et elle quitte la soirée avant de commettre l'irréparable.
Deux jours à Paris
Le lendemain, elle regrette et invente une consultation à Paris chez un dermatologue pour tenter de retrouver Stan. Avec sa petite valise cabine elle va passer deux jours dans la capitale entre rendez-vous ratés avec Stan et rencontre inopinée de Jesper (Michael Nyqvist), dentiste norvégien peu motivé par le congrès international motif de son séjour en France mais très barbant. Pendant que Brigitte se laisse faire la cour, Xavier découvre que le prétendu dermatologue a pris sa retraite. Soupçonneux il confie ses bêtes à son ouvrier agricole et rejoint Paris.
Cette histoire d'épouse lassée et de mari jaloux est beaucoup plus subtile qu'un banal marivaudage. Notamment dans les réactions du mari. Xavier a pour habitude d'appeler sa femme « Petite bergère ». Elle n'aime pas trop mais c'est toute la marque de l'amour fort et entier entre ces deux êtres qui se sont rencontrés à l'école d'agriculture. Le grand risque de Marc Fitoussi était de rendre crédible ses acteurs en ruraux. Jean-Pierre Darroussin, cela n'étonnera personne, est parfait dans ses habits de gentleman farmer. Isabelle Huppert réussi l'exploit de rendre son personnage de bergère rêveuse aussi désirable qu'attachant, malgré des habits qui ne la mettent jamais en valeur. Et en une scène muette, vers la fin, elle donne toute sa profondeur à ce personnage en quête de meilleur tout en conservant l'acquis. Belle et émouvante. Elle mérite son bonheur.
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Jean-Pierre Darroussin gentleman farmer

Acteur tout-terrain, habitué des petits rôles, fidèle à une bande, Jean-Pierre Darroussin éclabousse le film de son talent. Il porte cette histoire de Marc Fitoussi du début à la fin. Que cela soit dans la peau d'un paysan un peu rétrograde (en mode Jean-Pierre Bacri), du petit garçon encore amoureux de sa bergère, en mari jaloux espionnant sa femme ou en grand seigneur à la Raimu, il passe par tous les états avec une facilité et une authenticité déconcertantes. 
Ce n'est certainement pas le comédien le plus « bankable » du cinéma français, mais il est depuis longtemps dans le Top 5 des plus doués. Il sera de nouveau à l'affiche la semaine prochaine pour la sortie de « Au fil d'Ariane », dernière fantaisie de Robert Guédiguian. Il y interprète cette fois un chauffeur de taxi.