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jeudi 6 octobre 2016

Cinéma : "Le ciel attendra", réquisitoire contre Daech, virus pour la jeunesse

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Marie-Castille Mention-Schaar, réalisatrice du film « Le ciel attendra », signe une œuvre essentielle pour comprendre comment les islamistes de Daech embrigadent les jeunes Françaises.

Itinéraires de jeunes filles influençables. Alors que la menace de Daech à l'intérieur de nos frontières est toujours aussi importante, "Le ciel attendra" est un film à montrer à tous les jeunes Français. Sans exception. Marie-Castille Mention-Schaar a monté ce film dans l'urgence. Car le mal est profond dans notre société. Aidée d'Emilie Frèche au scénario, elle a imaginé le parcours de deux jeunes filles, embrigadées dans les rangs de Daech. Une œuvre de fiction entièrement inspirée de parcours réels. Sonia (Noémie Merlant) et Mélanie (Naomi Amarger) n'ont absolument rien en commun. La première a un père d'origine maghrébine. L'islam elle en a beaucoup parlé avec son grand-père quand elle était enfant. La seconde est élève en seconde S, brillante, investie dans une association humanitaire, musicienne dans l'âme (le violoncelle). Le film raconte leur quotidien. La première, on le devine, est déjà complètement radicalisée. Dans cette famille mixte et ouverte, elle refuse en bloc ce mode de vie occidental. Elle prie dans les toilettes, refuse de sortir si elle n'est pas couverte de la tête aux pieds.
  • Prince pas charmant
Surtout elle a communiqué par internet et messagerie avec des activistes qui voulaient l'utiliser pour faire un attentat en France. Mineure, elle échappe à la prison, placée sous la surveillance stricte de ses parents (Sandrine Bonnaire et Zinedine Soualem). La première héroïne illustre la phase de déradicalisation. La seconde incarne celle de la victime tombant dans les griffes des islamistes. Pourtant rien ne la prédispose, à part une adolescence compliquée entre deux parents séparés dont une mère (Clotilde Courau), simple coiffeuse pas armée intellectuellement pour comprendre les interrogations de sa fille un peu trop idéaliste. Tout se passe par internet au début. Sur son profil Facebook elle devient amie avec un "prince", qui sous couvert de vouloir le bien de l'Humanité, dénonce les Grands de ce monde. Puis la persuade de véracité de la théorie du complot. Une fois sensibilisée à ces problématiques, il joue de son charme. Elle tombe amoureuse et perd toute raison. En secret, elle va se convertir et croire au paradis promis par son prince. Pour cela elle devra le rejoindre, là-bas, en Syrie. La construction du film est implacable. Avec ces deux cas particuliers, la réalisatrice balaie tout le prisme du problème. Avec Mélanie elle raconte comment une jeune fille trop influençable peut se métamorphoser, souvent sans signe apparent. De l'autre côté, on voit le long travail de déradicalisation de Sonia. Elle a failli commettre l'irréparable et n'a pas encore coupé toutes les entraves dans son esprit, mais l'espoir est là. Une famille à l'écoute, l'aide de spécialiste comme Dounia Bouzar (lire ci-dessous) et finalement la sortie du tunnel est possible. C'est ce message optimiste qui fait aussi que ce film est essentiel en cette époque très trouble.

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 Une dose de réalité
Film de fiction, « Le ciel attendra » ressemble parfois à un documentaire. Marie-Castille Mention-Schaar est une réalisatrice du réel. Déjà dans « Les héritiers », elle faisait intervenir un véritable rescapé des camps de la mort. Cette fois c'est Dounia Bouzar qui apporte une dose de réalité. Cette anthropologue de formation, femme de terrain engagée contre le radicalisme islamiste a publié plusieurs livres sur le sujet. Elle a fondé le Centre de prévention, de déradicalisation et de suivi individuel avec lequel elle accompagne des familles de jeunes tombés sous l'emprise djihadiste. Sa parole apaisée, compréhensive, pleine d'empathie tant pour les jeunes radicalisés que les parents déboussolés prouve qu'il existe une solution. Elle donne surtout une autre image de l'islam, beaucoup plus tolérant et attaché à la liberté individuelle. Avant d'écrire le scénario, la réalisatrice a suivi Dounia Bouzar dans plusieurs de ces rencontres avec des familles. Elles ont servi de base pour de nombreux dialogues. Et quand le moment est arrivé de tourner ces scènes, la présence de la véritable Dounia s'est imposée. Elle est une lumière rassurante dans ce film sombre sur les dérives de l'adolescence aux prises avec des « recruteurs » capables de tout pour endoctriner, brimer et rendre dociles des jeunes filles livrées comme de la chair fraîche aux « combattants » de l'État islamique. Des pratiques racontées dans plusieurs livres par Dounia Bouzar dont le dernier, « La vie après Daech », paru l'an dernier aux éditions de l'Atelier.

jeudi 10 mars 2016

DVD : Une "Dernière leçon" à fort potentiel émotif

chatelet, bonnaire, pouzadoux, mort, suicide, dernière leçon, wildsidePréparez les mouchoirs. Impossible de rester insensible à cette histoire de fin de vie racontée avec pudeur et sensibilité par Pascale Pouzadoux.
À la base "La dernière leçon" est un livre témoignage écrit par Noëlle Chatelet. La romancière y raconte les derniers jours de sa mère. Une femme forte qui a décidé d'en finir avant qu'il ne soit trop tard. Le problème du choix de la mort dans la dignité est au centre du livre et du film, qui adapte assez fidèlement l'œuvre originale. Il est vrai que Noëlle Chatelet a régulièrement séjourné sur le tournage (on le voit dans la making of proposé en bonus du DVD) et conseillé les acteurs. Les actrices surtout, Sandrine Bonnaire joue le rôle de Diane, la fille, Marthe Villalonga celle de Madeleine, la mère. Le film débute par un constat d'échec. Madeleine, au volant de sa vieille Renault 5, panique dans la circulation urbaine. Incapable de passer les vitesses. Comme paralysée. De retour chez elle, elle prend un carnet et note "Conduire" et le raye rageusement. Ce journal minimaliste liste les actions qu'elle n'est plus en état de réaliser.
À 92 ans, cette féministe convaincu, ancienne sage-femme, est aussi et surtout une tête de mule. Pas question pour elle de finir impotente dans une maison de retraite. Lors de son repas d'anniversaire, en présence de ses deux enfants, Pierre et Diane, et de ses petits-fils, elle donne, solennellement, la date prochaine de son décès. Dans deux mois. Dès lors ses enfants seront partagés. Si Diane envisage petit à petit cette fin inéluctable, comprend sa mère et ses arguments, Pierre refuse cette hypothèse.
Contrairement au livre, les deux avis sont apportés sur ce problème de société. On peut être pour ou contre le droit de mourir dans la dignité. Diane, malgré son chagrin immense, son impression d'être le soldat qui appuie sur la gâchette dans le peloton d'exécution, va laisser le libre choix à sa mère. Un formidable acte de tolérance porté par une Sandrine Bonnaire exceptionnelle. Avec justesse, elle joue cette prise de conscience, cette évolution face à un problème inéluctable.
Marthe Villalonga interprète une femme amoureuse de la vie mais usée par cette dernière. Un beau film, à voir en famille pour en parler tant qu'il est temps.
"La dernière leçon", Wild Side Vidéo, 14,99 euros le DVD

jeudi 3 avril 2014

Cinéma - Claude Lelouch au tournant de sa vie

44e film de Claude Lelouch, Salaud, on t'aime parle de vie, d'amour et de mort. Le cinéaste admet avoir beaucoup mis de lui dans le personnage interprété par Johnny Hallyday.


Claude Lelouch l’admet bien volontiers : « j’avais très envie de faire ce film. Mais j’ai mis 50 ans à le préparer. » 50 ans, soit la carrière d’un réalisateur français que l’on adore ou que l’on déteste, pas de demi-mesure avec Lelouch. Le personnage principal, Jacques Kaminsky (Johnny Hallyday), reporter de guerre à la retraite retiré dans une immense maison isolée dans la montagne, est miné par l’absence de ses filles.

Lors de la présentation de son 44e film à la presse aux Rencontres cinématographiques du Sud à Avignon fin mars, le réalisateur d'« Itinéraire d’un enfant gâté » a fait un parallèle avec son succès des années 80. « Jean-Paul Belmondo cherchait à fuir sa famille alors que Johnny Hallyday cherche à la réunir. Il achète cette maison pour donner l’occasion à ses filles de venir le voir. La maison est quelque chose d’essentiel dans la famille. J’en ai acheté une en Normandie pour que mes enfants continuent à venir. » Dans le film, le photographe achète la maison et garde au passage l’agent immobilier, Nathalie (lumineuse Sandrine Bonnaire). Une nouvelle histoire d’amour pour ce baroudeur au cœur cabossé.

Chanteurs de canapé
Là aussi, Claude Lelouch a mis un peu de son histoire personnelle dans le scénario. « J’ai eu sept enfants de cinq femmes différentes... Je me suis dit que cela pourrait faire un bon scénario. Je n’ai pas été un bon papa. Pendant 50 ans j’ai terriblement souffert d’aimer plus la caméra que mes proches. J’avais envie de régler un compte avec moi-même. » Pour Claude Lelouch, au-delà de la famille, «mes emmerdes préférées», le sujet du film est la mort, « sur la force de la mort, de l’importance de réussir sa mort. La mort est la plus belle invention de la vie » explique le réalisateur qui parvient une nouvelle fois à nous étonner dans ce film aux multiples rebondissements.
Un film qui repose beaucoup sur un casting alléchant. En plus de Johnny Hallyday, Lelouch a retenu Eddy Mitchell pour le rôle du vieux copain. Le duo marche merveilleusement bien. Ils font une scène d’anthologie quand ils reprennent la chanson d’un vieux western qu’ils regardent ensemble une énième fois dans le canapé.
Côté personnages féminins, outre Sandrine Bonnaire, on retrouve une pléiade d’actrices, de la confirmée Irène Jacob à la jeune et prometteuse Jenna Thiam, sans oublier Valérie Kaprisky méconnaissable. Un film plein de symboles, l’aigle qui scrute l’agitation des humains, le réveillon dans une étable, la collection d’appareils photos, dont la dernière scène, belle et harmonieuse mais qui risque d’en faire tousser certains.
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Johnny est-il bon ?

Une grande partie de la promotion du film est basée sur la présence de Johnny Hallyday au générique. Le choix n’a pas été facile pour Claude Lelouch. Force est de constater que le vieux rocker, s’il n’est pas excellent au niveau du jeu (contrairement à son vieil ami Eddy Mitchell, parfait dans le rôle du médecin confident), apporte un ton particulier à l’ensemble.
« Johnny, c’est la révélation du film » affirme le réalisateur. « Tout le monde avait peur de lui, notamment les assureurs, mais je sais qu’il était le personnage du film. En réalité, c’est lui le gamin de l’histoire. Sandrine Bonnaire tombe amoureuse de lui car c’est ce qu’elle aime dans cet homme. Elle ose se lancer car le fond est bon, le cœur est bon. » 
Reporter de guerre, baroudeur, intrépide, dans la réalité « il a peur des femmes, il a peur de ses filles. » Pour obtenir le meilleur résultat possible, Claude Lelouch a utilisé quelques subterfuges. Comme le premier baiser entre Sandrine Bonnaire et Johnny Hallyday. « Il ne savait pas qu’elle allait l’embrasser. Ainsi j’ai pu filmer la surprise dans son regard. ». Une scène spontanée comme Lelouch sait si bien les distiller dans ses films. Johnny a même improvisé cette réplique à la fin d’un repas de famille tendu « Putain, mais j’ai raté ma vie ! » A méditer par tous les pères distants avant qu’il ne soit trop tard.