Affichage des articles dont le libellé est olivier truc. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est olivier truc. Afficher tous les articles

jeudi 7 novembre 2024

Polar - « Le premier renne », âme de la toundra

Découverte de terres rares, élevage de rennes et attaques de loups : trois facteurs qui risquent de mettre le feu à la région où patrouillent Klemet et Nina, membres de la police des rennes. 


On pourrait penser que dans la toundra, au cœur de ce grand nord, terres froides entre Suède, Norvège et Finlande, la nature a encore tous ses droits. En lisant le nouveau polar d’Olivier Truc, journaliste français vivant à Stockholm, on comprend que là-bas aussi l’environnement est en grand danger.

On retrouve avec un réel plaisir ses deux héros récurrents de la police des rennes : Nina Nansen et Klemet Nango. Le second est à moitié Sami, cette ethnie qui peuple la toundra depuis des siècles et des siècles. Une société en harmonie avec l’énergie vitale du lieu : les rennes. Ces mammifères vivent en harmonie avec leurs éleveurs, broutant le lichen, circulant librement de prairie en pâturage en été.

Un mode de vie qui perdure. Mais pour combien de temps encore ? C’est l’interrogation, l’inquiétude, qui reste en filigrane de ce texte. Les nomades éleveurs ont d’abord dû céder du terrain quand du fer a été découvert à Kiruna en Suède. Une mine toujours en exploitation, qui charrie des milliers de tonnes de minerai vers la côte, en train. Convois qui traversent les chemins de transhumance des troupeaux de rennes.

Nina et Klemet sont sollicités quand un train tue plusieurs dizaines de bêtes arrêtées sur les voies. Les éleveurs sont furieux. Le lendemain une bombe fait exploser le chemin de fer. La tension est forte. D’autant que l’été est là, avec un ensoleillement dépassant les 23 heures, et beaucoup de travail pour les éleveurs qui doivent marquer les faons. Une pratique ancestrale.

Chaque famille Sami a une marque propre, faite sur les oreilles des jeunes animaux. On découvre cette pratique avec Anja, fille d’éleveur, une rebelle. « Jamais Anja n’avait marqué un faon avec tant de difficulté. […] Elle reposa un instant sa main droite qui tenait le petit couteau à la lame effilée. […] Le cœur du faon battait, résonnait dans son propre crâne. Elle prit à nouveau la fine oreille entre ses doigts, retins sa respiration, l’œil démesuré du faon figé sur elle, trancha la pointe de biais. Pour sa marque, il fallait encore cinq coups de couteau. » Le texte d’Olivier Truc nous permet de plonger dans ce mode de vie si particulier ; ancestral tout en étant moderne, les jeunes Sami utilisant des drones pour localiser et guider les rennes de la toundra vers la zone de marquage.

Anja est au centre de l’intrigue. Spoliée de ses droits, elle veut avoir sa place dans le groupement d’éleveurs, le sameby. Mais en secret, elle a une autre utilité : c’est elle, tireuse d’élite, qui est chargée d’éliminer les loups et autres gloutons, prédateurs des rennes.

L’occasion pour l’auteur de faire se rencontrer Anja et un vieux berger français, Joseph, ayant perdu son troupeau dans les Alpes. Il veut se venger. Se rend à Kiruna pour se faire un loup. Anja va le guider, passer un marché avec lui, tout en expliquant, « J’en ai abattu trois des loups. Et quelques gloutons aussi. C’est pas pour ça que je me sens mieux. Ça Fait longtemps que j’ai compris que c’est pas ça qui m’apaiserait. » Cette plongée littéraire dans la nature sauvage est contrebalancée par les manœuvres des hommes, les ambitieux, investisseurs qui rêvent de gagner beaucoup d’argent.

Des gisements de terres rares ont été découverts. Le nouveau pétrole de la transition écologique. Mais encore une fois, cela risque se faire au détriment des rennes et des Samis.

« Le premier renne », Olivier Truc, Métailié, 528 pages, 22 €

samedi 16 septembre 2023

BD - Les nouveaux réfugiés d'une Europe dépassée


De nos jours, un groupe terroriste inconnu fait sauter la centrale nucléaire de Mosseheim en Alsace. Des millions de Français, mais aussi de Belges et d’Allemands doivent quitter la zone irradiée. Sylvain Runberg et Olivier Truc se sont associés pour écrire ce scénario mis en images par Julien Carette.

Les premières pages montrent le travail des techniciens de la centrale quelques minutes avant l’explosion ainsi que la vie d’une famille prise dans la tourmente. Les Murat, Christophe, le père, chef cuisinier, en train de fêter sa première étoile, Sandra, la mère, décidée à le quitter après des années d’humiliation et deux grands ados, Thibaud et Louise. La catastrophe nucléaire change complètement la donne. Terminée la belle villa, le boulot prenant mais épanouissant, les projets de nouvelle vie avec un autre amoureux, la Playstation et les posts Instagram.

Envoyés en Suède dans le cadre d’un accord européen, les Murat deviennent des réfugiés au même titre que les Syriens arrivés quelques mois auparavant. Mais le plus compliqué reste la cohabitation avec les Allemands, qui rendent la France, et donc tous les Français, responsables de cette situation. Dans le camp où les bénévoles sont débordés, les tensions sont fortes, d’autant qu’à ce quotidien se greffe une intrigue politico-militaire sur les véritables responsables de l’explosion.

La première partie de ce roman graphique en deux tomes est passionnante comme un polar futuriste. Les exilés de Mosseheim a aussi le grand mérite de nous faire réfléchir sur deux réalités trop souvent occultées dans notre monde moderne et privilégié : les risques du nucléaire et le sort des réfugiés, quelles que soient leurs raisons ou leurs origines.

« Les exilés de Mosseheim » (tome 1), Dupuis, 88 pages, 21,95 €

vendredi 10 mars 2023

Polar - L’inconnue du port de Barcelone


Un cadavre exquis dans le port de Barcelone. On pourrait résumer ainsi le polar L’inconnue du port signé d’Olivier Truc et Rosa Montero. Le Français (Le dernier Lapon) et l’Espagnole (La fille du cannibale) ont participé à l’opération lancée par le festival Quais du polar de Lyon et les éditions Points. Ils ont imaginé cette histoire entre Lyon et la Catalogne.

Dans un container, un vigile découvre une femme en piteux état. Anna Ripoll, policière catalane, enquête sur cette amnésique. Ce serait une Française, résidant à Lyon. Le policier Erik Zapori va donc se rendre à Barcelone pour aider sa collègue.

Tout en se partageant les chapitres, les deux auteurs réussissent le tour de force de rendre l’ensemble vivant et cohérent. Une sombre histoire de trafic humain, avec des scènes plus vraies que nature dans plusieurs quartiers de Barcelone, du très dangereux Raval au moins pittoresque port de containers de la capitale catalane.

« L’inconnue du port », d’Olivier Truc et Rosa Montero, Points, inédit, 6,90 €

jeudi 20 novembre 2014

Livre : Rennes contre pétrole

La mer de Barents pourrait devenir le nouvel eldorado des compagnies pétrolières. Mais exploiter l'or noir n'est pas sans danger pour la région.

rennes, pétrole, truc, laponie, mer de barents, klemet, ninaLa Norvège est l'un des pays les plus riches du monde. La découverte de gisements pétroliers dans ses eaux a transformé cette zone rude en machine à pétrodollars. Les richesses en hydrocarbures de la Mer du Nord sont considérables mais restent quantité négligeable face aux nouvelles découvertes dans la Mer de Barents, encore plus au nord, pas loin du cercle arctique. Dans cette région, où les nuits sont sans fin en hiver et les jours interminables en été, Olivier Truc lance ses deux enquêteurs atypiques sur la piste d'une nouvelle affaire. Klemet et Nina sont affectés à la police des rennes. Cette structure, un peu assimilable aux garde-chasses dans nos contrées, est chargée de régler les différents entre éleveurs Sami, le nom local des Lapons, premiers habitants de la région. Sur ces vastes étendues, les troupeaux bougent au gré des saisons. Pas de propriété, juste des habitudes ancestrales. Au printemps, époque où se déroule ce roman, les hordes de rennes rejoignent les terres du nord en train de se libérer de la neige. Parmi les difficultés rencontrées par les éleveurs, le passage de certains détroits.
Le roman d'Olivier Truc, journaliste français installé en Norvège depuis de longues années, débute au détroit du Loup. Il sépare la toundra de l'île de la Baleine. Une zone très prisée pour ses immenses prairies. Pour l'atteindre, les troupeaux composés de centaines de bêtes, doivent se jeter à l'eau et rejoindre la rive malgré les courants. Erik, jeune éleveur, est caché derrière des rochers. Il observe son troupeau. Pour l'instant tout se passe parfaitement « concentrés sur la rive opposée, les rennes nageaient en une longue file indienne qui ressemblait à la pointe d'une flèche. » Mais tout à coup, un homme surgit et leur fait délibérément peur. « Les rennes de tête s'étaient mis à tourner en rond, au milieu du détroit. Une ronde mortelle. Plus les rennes y seraient nombreux, plus le tourbillon généré serait violent. Plus ils risquaient d'être aspirés et de se noyer. » Le jeune Sami tente d'intervenir en barque, mais il est pris dans la panique et meurt englouti dans les eaux glaciales.

Le courage des plongeurs
Un début de roman dramatique au cœur d'une région que les lecteurs du précédent livre d'Olivier Truc, « Le dernier Lapon », commencent à bien connaître. Les traditions des Sami, les tribus autochtones, sont mises à mal par les autorités norvégiennes. Le partage des terres pose problème, celui des richesses de la mer aussi. Car ce polar, après cette mise en bouche naturaliste, se déroule ensuite en grande partie dans le milieu de l'exploitation pétrolière. Des enjeux financiers considérables qui attisent les appétits de certains. Les éleveurs de rennes sont parfois un obstacle au développement. C'est le cas de la ville d'Hammerfest, capitale de l'île de la Baleine et base avancée des prospecteurs. Une île artificielle a déjà vu le jour au large pour exploiter le gaz. Les recherches se poursuivent, à de très grandes profondeurs, grâce au courage des plongeurs.
Ce milieu très particulier est radiographié par l'auteur qui retrouve ses réflexes de journalistes. Mais il parvient également à développer l'intrigue (il y aura d'autres morts violentes) tant policière que personnelle. Notamment la sauvage Nina, fille du Sud, fascinée par le grand Nord et qui aura l'occasion de renouer des liens avec son père, retiré au bout du bout du monde. En plus de la bonne dose de dépaysement, ce roman est aussi (et surtout) prenant par la psychologie des deux personnages récurrents que l'on espère retrouver prochainement dans une nouvelle aventure.
Michel Litout

« Le détroit du Loup », Olivier Truc, Métailié, 19 €

lundi 15 octobre 2012

Roman - Un polar sombre et glacial signé Olivier Truc

« Le dernier Lapon », premier polar d'Olivier Truc, se déroule en janvier au-delà du cercle polaire : rude climat pour une enquête policière.

Journaliste français pour le Monde et le Point en poste depuis plus de 15 ans dans les pays nordiques et baltes, Olivier Truc signe un premier roman policier imprégné de la culture lapone. Ses héros, Klemet et Nina, font partie de la police des rennes. Un service à part, chargé de surveiller les éleveurs sur un vaste territoire qui englobe le nord extrême de trois pays, la Suède, la Finlande et la Norvège. Ce polar débute début janvier. La région est encore plongée dans la nuit polaire. Près de 40 jours sans voir le soleil. Avec des températures de moins 30 degrés.
Il faut être très fort pour survivre dans de telles conditions. Klemet vit cela comme une évidence. C'est un Sami, un autochtone. Fils d'éleveur, il a délaissé le métier pour intégrer la police. Il a longtemps été en poste à Stockholm, notamment dans la cellule Palme chargée d'enquêter sur le meurtre du Premier ministre. Il en a tiré un certain prestige mais cela ne l'empêche pas de subir les brimades de certains de ses collègues. Nina n'est pas Sami. Jeune policière, elle a été nommée à la police des rennes en raison de son sexe. Le gouvernement central veut féminiser ce service. Elle est la première femme, découvre cette région du pays radicalement différente des ses fjords, aussi isolés mais moins rudes côté climat.

Le retour du soleil
Avant de développer l'intrigue, Olivier Truc immerge le lecteur dans cet environnement glacé et sombre. Un plateau recouvert de forêts, lieu de vie de milliers de rennes broutant du lichen sous l'épaisse couche de neige. Les policiers se déplacent en motoneiges, dans une nature préservée. Nina va vivre l'événement le plus attendu de l'année par la population Sami, en ce 11 janvier, à 11 h 14 exactement. Une grande partie de la population de la ville de Kautokeino se rassemble sur un parking. A ce moment précis, le soleil va de nouveau se lever, pour 27 petites minutes marquant la fin de la nuit polaire. « Nina était saisie. Elle regarda sa montre. 11 h 13. On voyait maintenant nettement un halo vibrionnant troubler le point d'horizon que chacun fixait. » Comme les autres participants, Nina va communier. « Elle s'adossa comme Klemet à la voiture pour s'offrir, enfin, au premier rayon de soleil. Elle tourna la tête. Klemet était recueilli, les yeux plissés ». Le policier regarde son ombre. Elle est de retour après une si longue absence. « Le soleil avait tenu parole. L'attente n'avait pas été vaine ».

Le vol du tambour
Une fois le cadre planté, place à l'action. Deux affaires bousculent le train-train de la police des rennes. Un tambour sami, dernier vestige d'une civilisation presque éteinte, est volé dans un musée. Ce tambour venait de rejoindre la terre où il a été fabriqué après être resté des décennies chez un collectionneur français. Le lendemain, un éleveur sami est retrouvé assassiné près de sa petite maison au cœur du vidda, l'immense zone quasi désertique, grande comme le Liban, là où vivent les rennes. L'assassin lui a découpé les oreilles. Klemet et Nina vont enquêter, découvrant que ces deux affaires pourraient être reliées.
Olivier Truc profite de cette intrigue pour raconter la lente agonie du peuple sami, les ravages de l'évangélisation et les conséquences catastrophiques de l'exploitation minière de la zone. Un polar captivant, avec des personnages forts, un peu trop documenté et démonstratif, seul reproche que l'on pourrait faire à l'auteur qui oublie parfois de se défaire de sa rigueur journalistique.

« Le dernier Lapon », Olivier Truc, Métailié, 22 € (disponible au format poche chez Points)