Quelques chroniques de livres et BD qui méritent d'être lus et les critiques cinéma des dernières nouveautés. Par Michel et Fabienne Litout
mercredi 1 août 2018
Polar : La famille suédoise selon Roslund & Thunberg
Marre de cuire sur la plage par 32° à l’ombre du parasol, beaucoup plus en plein soleil ? Envie de fraîcheur ? Et si vous vous plongiez dans un bon polar nordique ? Vous avez le choix des destinations et des températures. Très froid en Islande, un peu plus supportable en Suède.
Attention par contre si vous choisissez « Made in Sweden » de Roslund et Thunberg, les 650 pages denses et prenantes risquent de vous conduire à l’insolation si vous le lisez d’une traite. Pour la première fois Roslund quitte son compagnon de plume habituel (Hellström) pour s’associer à un scénariste, Thunberg. Ce polar, inspiré de faits réels, raconte le périple violent de trois frères dans les années 90. Ils font le casse du siècle en dérobant des armes dans une base secrète militaire. Suffisamment pour équiper une petite armée. Ils vont utiliser leur arsenal pour multiplier les braquages et même tenter de faire chanter le gouvernement.
Vous voulez du frais ? « Ivan tenait l’enveloppe avec les billets dans une main et s’appuyait contre la porte close avec l’autre, balançant son corps gelé. Alors que dehors il faisait deux degrés, il portait une veste fine par-dessus une chemisette. »
Trois frères soudés, un enquêteur têtu et opiniâtre : ce polar est doublement réel car Thunberg est le quatrième frère des braqueurs ayant inspiré le roman.
➤ « Made in Sweden », Actes Sud, 23,80 €
samedi 15 octobre 2011
Thriller - Sursis pour un condamné dans "L'honneur d'Edward Finnigan » de Roslund et Hellstrom
Condamné américain pour enquête suédoise, tel est le menu de ce polar nordique dénonçant en filigrane l'inhumanité de la peine de mort.
Dans le concert de nouveaux talents venus des pays nordiques, Roslund et Hellstrom ont un parcours un peu dissonant. Leurs premiers best-sellers traduits en France (La Bête et Box 21) décrivaient une Suède assez déprimante. La faute aussi à leur héros, Ewert Grens, un commissaire de police vivant dans le passé, sans famille, dur pour ses hommes et ne supportant pas l'échec. Pourtant, Grens va faire embaucher dans son équipe une nouvelle coéquipière, plus positive, qui va même réussir à le faire danser.
Le prélude à « L'honneur d'Edward Finnigan » se déroule aux USA. « Autrefois », dans le couloir de la mort d'une prison américaine. John, condamné à mort alors qu'il n'avait que 17 ans pour le meurtre de sa petite amie, attend l'exécution de son voisin, Marv. Il sait que la prochaine fois ce sera lui qui prendra la direction du couloir. Marv il ne le connaît qu'en lui parlant à travers les barreaux. Quelques heures avant son exécution le surveillant-chef, Vernon Eriksen, autorise John à aller lui faire des adieux. Le même jour, John se retrouve face à l'homme qu'il hait le plus (et c'est réciproque), Edward Finnigan, le père de la jeune fille assassinée.
Aussi quand John s'imagine la mort de Marv, quelques heures plus tard, il se voit lui aussi griller sur la chaise électrique, imaginant ce qui arrive à son ami : « les globes oculaires avaient dû exploser. L'urine et les matières fécales devaient couler. Le sang devait jaillir de tous les orifices du corps. » C'est une des marque de fabrique des romans de Roslund et Hellstrom, ils n'épargnent rien à leurs lecteurs.
Du ferry à la cellule de garde à vue
La suite du roman se déroule « aujourd'hui » en Suède. Première scène dans un ferry faisant la liaison entre Abo et Stockholm. Dans la salle de bal, un groupe joue quelques chansons douces. Des couples se forment, des femmes dansent, des hommes ivres en profitent pour se frotter à elles. Le chanteur assiste à cette scène et son sang ne fait qu'un tour. Il s'appelle lui aussi John et craque car la femme ressemble trop à son épouse. Il s'arrête de chanter, interpelle le malotrus qui lui rit au nez. « Sans même s'en rendre compte, il fit un pas en arrière et balança son pied en avant avec une force que seul le temps peut emmagasiner. En plein dans cette bouche qui ricanait. » A l'arrivée du bateau, John parvient à prendre la fuite, mais il est arrêté quelques heures plus tard par les hommes de Grens.
Ce dernier semble avoir une dent contre lui. Le danseur est dans le coma. Le vieux flic ne veut pas que John s'en tire facilement. C'est un homme résigné qui est conduit au commissariat, mais il se transforme en fou furieux quand il est question de l'enfermer dans la « cellule de garde à vue » une « petite pièce contenant en tout et pour tout une couchette et une cuvette de WC. »
Les auteurs nous font partager l'enquête de Grens et ses découvertes. Le passeport canadien de John serait un faux. Et grâce à Interpol les enquêteurs suédois apprennent que sa photo correspondrait à un autre repris de justice. Mais ce dernier serait mort depuis une dizaine d'années. Une crise cardiaque. Dans sa cellule du couloir de la mort. Grens se retrouve donc avec un ressortissant américain, condamné à mort. Comment a-t-il refait sa vie en Suède, comment s'est-il évadé, que vont faire les autorités suédoises ? Ces interrogations vont transformer le roman en un brillant essai sur la peine de mort et ses excès, d'un camp comme de l'autre. Un thriller qui vous tourneboule par sa fin machiavélique et laisse Grens, le héros policier, encore plus dépressif que dans les premières pages.
« L'honneur d'Edward Finnigan » de Roslund et Hellstrom, Presses de la Cité, 21,50 € (« Box 21 », le précédent roman de Roslund et Hellstrom vient de paraître chez Pocket)
mardi 9 juin 2009
Thriller - "La bête" : dérangeant et bestial
Ce polar suédois de Roslund et Hellström plonge le lecteur dans l'horreur de la pédophilie et de la vengeance aveugle.
Pour faire un bon thriller, l'intrigue compte beaucoup. Mais les personnages peuvent parfois rattraper une histoire un peu trop simple. C'est un peu le cas de ce roman suédois. L'histoire, on la devine assez rapidement au bout d'une trentaine de pages. Mais le dénouement attendu intervient en milieu d'ouvrage. Toute la force du bouquin réside dans cette seconde partie, s'éloignant du roman policier classique pour marcher sur les platebandes de la psychologie et des faits de société.
Roslund et Hellström, le deux auteurs, commencent par bien présenter les différents protagonistes. Avec un prologue qui fait froid dans le dos. On suit Bernt Lund dans sa chasse aux petites filles. Comment il parvient à accaparer l'attention de deux amies rentrant d'un entraînement de gymnastique, sa méthode pour les mettre en confiance pour mieux les violer et les massacrer après.
Evasion et récidive
C'était il y a dix ans. Aujourd'hui, Lund est en prison. Le « pointeur » comme le surnomme les autres prisonniers n'éprouve aucun regret. Il n'est pas guéri. Au contraire, il n'a qu'une idée, qu'une envie : recommencer. Lund placé à l'isolement mais qui profite d'une consultation chez un médecin à l'extérieur de la prison pour s'évader.
Au même moment, on suit les destinées des autres protagonistes qui vont se retrouver mêlés à l'histoire de Lund. Fredrik Steffansson, écrivain, récemment divorcé, habitant avec sa fille Marie, âgée de cinq ans. Le commissaire Ewert Grens, bourru et taciturne, ne vivant que pour son travail, Sven Sundkvist, son adjoint ; il devait fêter ses 40 ans en compagnie de sa famille. La petite réunion attendra. Un flic calme et à l'écoute mais de plus en plus dégoûté par un métier trop exigeant.
Et puis il y a la vie dans la prison. Lillmasen, violent et bagarreur, est le prisonnier modèle. La prison c'est son monde. Il a essayé, mais ne peut plus vivre à l'extérieur. Il a une haine viscérale des pointeurs ayant été lui même victime d'un oncle pédophile. C'est d'ailleurs à cause de lui qu'il a fait son premier séjour derrière les barreaux. Il s'était vengé avec un pic à glace. Il n'avait pas tué l'oncle mais fait le nécessaire pour qu'il ne viole plus les petits garçons.
Le malheur du père
Toute une galerie de personnages qui vont se croiser, se rencontrer, se tuer. Cela commence par Lund. Assis sur un banc à l'entrée d'un jardin d'enfant, Fredrik, en y conduisant Marie, le salue, croyant avoir affaire à un parent. Quelques heures plus tard, Marie se fera accoster par le monsieur à qui son papa à dit bonjour. Elle lui fera confiance... Marie avait cinq ans. Son autopsie, décrite avec réalisme par les auteurs, donne une exacte idée de l'ampleur de l'horreur et du malheur qui frappe Fredrik. Persuadé que Lund va recommencer, il décide de se mettre en chasse. De le trouver avant la police pour l'éliminer, pour protéger les futures victimes.
Le roman glisse alors vers l'analyse de ce besoin de vengeance, de l'utilité de la peine de mort et, d'une façon plus générale, de l'efficacité de la justice. Avec cet exemple qui peut transformer un père de famille meurtrier en héros de toute une nation.
« La bête », Roslund et Hellström, Presses de la Cité, 20,50 €


