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samedi 8 mars 2025

BD - La vie continue pour les deux soeurs en galère

Un récit solaire, malgré la misère, les difficultés et les incompréhensions. Sylvain Bordesoules, après le très remarqué L'été des charognes, revient dans un roman graphique tiré de son propre vécu. Mélissa et Candice sont soeurs. Deux Niçoises en galère. La première, la plus jeune, est au chômage. Habituée des petits boulots dans les grandes enseignes discount de banlieue, elle reste rarement en place. Présentement, elle profite de ses indemnités chômage. Après quelques copains de très mauvais conseils, elle a eu le coup, de foudre pour Press, une collègue de travail. Elles vivent ensemble. Discrètement. Dans un petit studio avec deux chats. La grande ville du Sud n'est pas la plus gayfriendly de la région... 

Sa soeur, Candice, l'aînée, a vite quitté sa mère et le beau-père. Un petit copain et elle tombe enceinte. Alors elle l'épouse, a un autre enfant et finalement le quitte. Seule dans son petit appartement, elle élève ses deux gosses tout en travaillant dans une crèche. Ménage et cuisine. Deux fortes personnes directement inspirées de l'entourage de l'auteur. Mais lui a quitté Nice et ce milieu populaire. Il en raconte la simplicité. Les difficultés aussi. 

C'est très réaliste, servi par des planches en couleurs où les teintes éclatantes jurent avec la grisaille et la tristesse du quotidien. Certes il fait beau à Nice, mais vivre à côté de la mer ne sert à rien si on a des difficultés à payer son essence ou la cantine des enfants. Radiographie crue et sans tabou d'une certaine France de la périphérie, Azur Asphalte se lit comme on regarde un reportage de Strip-tease, le côté voyeurisme en moins et un gros supplément d'âme pour faire passer le tout.  

"Azur asphalte", Gallimard, 168 pages, 24 €

vendredi 3 février 2023

De choses et d’autres - Cachez ce slogan

Vendredi dernier, Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, était à Nice pour présenter différentes réalisations autour de la sécurité dans la ville de Christian Estrosi. Au menu, la visite du futur hôtel des polices. Or ce bâtiment se trouve face à une librairie militante pour les droits des femmes, Les Parleuses. Les propriétaires ont donc installé, la veille de la visite, des slogans collés sur les vitrines. Juste des revendications déjà vues et entendues dans les manifs féministes comme « Qui sème l’impunité récolte la colère », ou « Violeurs on vous voit, victimes on vous croit ».

 

Des slogans cachés par une toile noire.

Capture écran Twitter


Mais la veille, deux policiers en civil sont arrivés et ont enlevé avec l’aide d’une dizaine de CRS les slogans collés à l’extérieur. Et pour ceux de l’intérieur, les forces de l’ordre se sont improvisés charpentiers. Ils ont placé un cadre en bois devant les vitrines, recouvert d’une toile noire et opaque. CRS qui sont restés en faction toute la matinée pour empêcher tout enlèvement du dispositif. C’est bien connu dans le monde des autruches : ce qui ne se voit pas n’existe pas…

Le ministre a donc pu déambuler dans la rue, serein, sans avoir l’impression d’être visé directement par ces messages. Les Parleuses ont crié à la censure. Gérald Darmanin n’a fait aucune allusion à l’affaire durant sa visite. Il n’était peut-être même pas au courant. Car trop souvent, ce sont des subalternes qui prennent les mauvaises décisions pour plaire à leurs chefs.

Reste que la liberté d’expression, mise à mal dans certains pays totalitaires (Iran, Qatar, Cuba), a aussi quelques progrès à faire dans notre pays, inventeur des droits de l’Homme, mais à la traîne en ce qui concerne ceux des femmes.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le lundi 12 décembre 2022

mercredi 21 septembre 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Drapeaux

drapeaux,nice,foncia,scandale,polémiqueÉtrange pays que cette France qui n'ose plus afficher son patriotisme. Le 9 septembre dernier, un couple de retraités niçois reçoit une lettre du syndic de leur copropriété. Il leur est instamment demandé de retirer le drapeau tricolore planté dans leur jardin. Motif invoqué : "Les activités sportives estivales sont terminées". Cela empêchera ainsi "d'éviter tout débordement". Refus sec et net des propriétaires qui médiatisent illico l'affaire.
La vague d'indignation dépasse rapidement les frontières des seuls réseaux sociaux. Depuis, la société a présenté ses plus plates excuses mais des interrogations restent sur la véritable motivation de cette injonction. Tout d'abord, il était faux de prétexter la fin des activités sportives puisque la lettre est arrivée en pleins jeux paralympiques. Pas du tout sympa pour ces handicapés courageux qui eux aussi, espèrent un soutien de la population à propos de leurs performances d'autant plus méritoires. Mais surtout quels sont les "débordements" redoutés par le seul fait d'arborer un drapeau français ? Voilà quelques mois, le gouvernement demandait à chacun d'afficher les couleurs nationales aux fenêtres et balcons en signe d'hommage aux victimes des attentats terroristes. Certains y sont encore accrochés.
Enfin, comment ne pas comprendre que ce drapeau justement, demeure le plus beau symbole pour honorer la mémoire des 84 victimes de la Promenade des Anglais de même que celles des précédents, innocents fauchés par la folie humaine.

samedi 16 juillet 2016

DE CHOSES ET D'AUTRES : Un grand Tour (3/3)

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Le succès du Tour de France doit aussi beaucoup au direct. Malgré le dopage, les stratégies d'équipe et autres recours à la technologie de pointe (les oreillettes, pas les moteurs miniaturisés...), l'incertitude du sport y est érigée à son plus haut niveau. Parmi les grandes dates, l'arrivée main dans la main de Greg Lemond et Bernard Hinault au sommet de l'Alpe d'Huez.
En 1980, à Courchevel, les spectateurs découvrent étonnés un maillot jaune à côté de l'échappé du jour et futur vainqueur. En réalité il s'agit d'un indépendantiste basque, parvenu, dans les 800 derniers mètres, à s'immiscer au cœur de la course. Malgré sa fraîcheur, il est rapidement distancé. L'imposteur parvient cependant à franchir la ligne d'arrivée sous une bordée d'injures du commentateur de l'époque.
Parmi les impondérables, les manifestations des « paysans en colère » font partie des valeurs sûres. Si aujourd'hui ils se contentent de compositions dans les champs à base de vieilles machines et de bottes de foin, il fut un temps où ils ne plaisantaient pas. En 1974 dans les Landes, ils sèment des clous sur la route. Résultat, sur plusieurs centaines de mètres, les coureurs se retrouvent à pied, dans l'attente des voitures dépanneuses. Dernier exemple jeudi sur le final du Mont Ventoux où le maillot jaune, après une collision avec une moto, parcourt une partie du chemin au petit trot. En cause cette foule massive, excitée, incontrôlable.
Après l'horreur de l'avant-dernière nuit sur la Promenade des Anglais à Nice, espérons qu'un fanatique en mal de reconnaissance n'écrive pas une nouvelle page noire du Tour de France.

mercredi 6 juillet 2016

Livre : Nice, la rouge


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Patrick Raynal refait vivre Nice en mai 68. Quand les étudiants « rouges » tentaient de faire exploser tous les carcans.

Nice, sa Promenade des Anglais, ses retraités, son vote à droite. La riante ville du Sud n'est pas réputée pour ses velléités révolutionnaires. Pourtant, en mai 68, là aussi une poignée de jeunes idéalistes ont longtemps cru pouvoir changer la société française en profondeur. « Une ville en mai » de Patrick Raynal, roman noir, revient sur cette période au cours de laquelle une poignée de gauchistes a occupé l'université. Tout l'intérêt du livre réside dans la vision des différents protagonistes de l'action. Des « vieux de la vieille », totalement allergiques à cette liberté débridée. Le narrateur, Frédéric, a quitté Nice depuis 10 ans. Il revient en France (après dix années passées en Afrique) car sa fille Sophie, âgée de 18 ans, a disparu depuis trois mois. Il découvre, à son grand désespoir, qu'elle faisait partie des meneurs de la révolte estudiantine. Frédéric, en témoin extérieur, n'en croit pas ses yeux. Car Nice est encore plus embourgeoisée qu'à son départ il y a une décennie. Et de se demander comment ces étudiants « pouvaient-ils songer un seul instant à faire la révolution dans une ville qui, depuis plus de quatre-vingts ans, se figeait les traits à grands coups de truelle de fond de teint ? »
Pancrazi aussi recherche la demoiselle, par ailleurs petite amie officielle du leader de la révolte, Figasso. Ce commissaire des Renseignements généraux tente de surveiller le bouillon de culture de la fac. Ancien résistant, fidèle à de Gaule, il n'a qu'une envie : mettre au pas ces fils de petits-bourgeois en mal de sensations fortes. Tout se complique quand un prof, réputé pour se idées d'extrême-droite, est retrouvé mort dans le port. Les étudiants ont-ils dérapé ? La disparition de Sophie est elle liée à ce meurtre ? Non seulement le roman est passionnant par son intrigue, mais il offre aussi et surtout une grosse bouffée de nostalgie, tant aux soixante-huitards qu'aux tenants de l'ordre gauliste.
« Une ville en mai », Patrick Raynal, L'Archipel, 18 euros





jeudi 7 janvier 2016

Cinéma : Le coupable était trop beau

Coupable parfait, un chauffeur de taxi va passer plusieurs mois en prison. 'Arrêtez-moi là', film implacable de Gilles Bannier avec l'excellent Réda Kateb.

Une erreur judiciaire est souvent la somme d'autres erreurs, petites mais graves de conséquence. "Arrêtez-moi là", film de Gilles Bannier, décortique le fonctionnement de la police et de la justice, énorme machine qui broie les innocents quand tout les accuse. La 'victime' est chauffeur de taxi. Samson (Réda Kateb) aime ce métier plein de paradoxes. Il permet de travailler en solitaire tout en rencontrant des gens tous très différents les uns que les autres. Samson, célibataire calme et sans histoire, apprécie d'autant son emploi qu'il lui permet de passer ses journées en compagnie de son chat et d'écouter de la bonne musique.
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A Nice, il récupère à l'aéroport une jeune femme (Léa Drucker) et la conduit à Grasse. Sur place, Samson va accumuler les petites erreurs qui vont transformer sa vie en cauchemar. Il accepte d'entrer dans la maison de sa cliente le temps qu'elle fasse l'appoint. Il en profite pour aller aux toilettes.
Accablant
Seconde erreur, il laisse ses empreintes digitales sur la fenêtre ouverte. De retour en ville, alors qu'il a terminé son service, il accepte de transporter gracieusement deux étudiantes éméchées. L'une d'entre elles vomit dans son taxi. Nouvelle erreur quand il décide d'aller immédiatement le laver à la vapeur. Le lendemain, deux policiers sonnent chez lui et lui demandent de le suivre au commissariat. Il se retrouve en garde à vue et ne sera plus libre durant des mois. Un coupable idéal pour des policiers menant l'enquête à charge. La petite fille de la cliente de Grasse a été enlevée dans la soirée. Quand on retrouve les empreintes de Samson sur la fenêtre des WC, son sort est joué. Au cours des interrogatoires, filmés avec brio, dans une tension allant crescendo, Samson comprend petit à petit ce qu'on lui reproche. Et malgré ses dénégations il est mis en examen et écroué. Son avocat commis d'office (Gilles Cohen) ne lui sera d'aucun secours.
Le film, tel un mécanisme de précision, montre comment quelques soupçons se transforment en intime conviction et même en preuves, aussi fragiles soient-elles. Pourtant la fillette n'est pas retrouvée. L'étoile Réda Kateb Et jamais Samson ne modifiera son témoignage. Le spectateur, comme paralysé, ne sait que penser. Il veut croire Samson, mais n'a pas la certitude de son innocence. Arrive le procès, avec son lot de coups de théâtre, d'espoir et de désillusion. Tiré d'une histoire vraie, ce scénario a le mérite de mettre en évidence un concept trop souvent négligé : la présomption d'innocence.
Un film dur et âpre, qui doit beaucoup à l'interprétation parfaite de Réda Kateb, étoile montante du cinéma français.
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Un rôle à César pour Réda Kateb 
réda kateb, bannier, nice, europaOn ne connaît pas encore les acteurs sélectionnés pour les prochains César, mais Réda Kateb devrait faire partie des trois favoris. Cet acteur qui a débuté dans les séries télé après un peu de théâtre impose sa nonchalance et son calme dans tous les personnages qu'il compose. Son charme aussi. Qui passe par une grande douceur. Dans le film de Gilles Bannier, il interprète un chauffeur de taxi. Un métier qu'il a déjà endossé pour le premier film de Ryan Gosling, l'étrange et bizarre 'Lost River'. Une carrière américaine pour ce comédien tout terrain qui a débuté dans 'Zero Dark Thirty'. Il y campe un terroriste torturé par Jason Clarke. L'an dernier on l'a remarqué dans 'Loin des hommes' et le très réussi 'Hippocrate' pour lequel il remporte le césar du meilleur second rôle masculin. Avec 'Arrêtez-moi là', il devrait logiquement monter dans la catégorie supérieure. Il porte le film, présent dans toutes les scènes, passant par tous les états. Mais il aura fort à faire cette année. Il risque de se retrouver confronté à deux monstres : Fabrice Luchini dans 'L'hermine' et Vincent Lindon dans 'La loi du marché'.

mercredi 16 mai 2012

Roman - Sur la route de la vie en compagnie de Maryline Desbiolles

Maryline Desbiolles observe les travaux de rénovation de la route passant près de chez elle. Un prétexte pour explorer passé et présent de ce lieu de passage.

La Fontaine de Jarrier est la route reliant Nice à Turin. La route de la montagne. Celle, tortueuse, qu'empruntaient jadis marchands, nobles et brigands. Aujourd'hui, elle est délaissée au profit de la celle du littoral. Mais elle est quand même utilisée. Et toujours dangereuse. Ces travaux font suite à un accident mortel. Et des morts, il y en a eu beaucoup au fil des siècles. Ce court roman de Maryline Desbiolles, écrit dans un style saccadé, au prétexte de raconter des travaux routiers, se penche sur des existences. Les habitants actuels, derniers des Mohicans d'une province en déshérence, et ceux du passé. Car une route n'est rien sans les hommes. Ceux qui ont décidé de la construire et ceux qui l'empruntent.

Cela commence par un face-à-face détonnant. L'auteur raconte. Sur le trottoir, Sasso, sur le chantier Mana. Le premier habite là depuis des décennies. Le vieillard, récemment veuf, est « assis sur une chaise qu'il a sortie de chez lui, et qui depuis ce qui reste de trottoir assiste sans bouger à ce qui est somme toute un spectacle faramineux. » Dans ce vacarme, Mana, « un vieux type buriné dont le bonnet cache les cheveux blancs. » Mana « a pris sa retraite de l'entreprise à 74 ans, il y a quatre ans. Il y travaille toujours, mais comme intérimaire, sa retraite est trop maigre. »

La mort au tournant

Sur cette route en réfection, recouverte de goudron frais, d'enrobé exactement, Maryline Desbiolles va y découvrir des secrets, des vies cachées, des destins. De sa création, du temps de la gabelle, à son utilisation intensive par les brigands, elle dresse le portrait historique de cette région des hauteurs de Nice. On croise donc les brigands, déguisés comme au carnaval, dérobant bijoux et vêtements de luxe aux nobles. Plus tard, dans ce virage, un jeune résistant sera abattu par des Allemands. Pas loin de l'endroit où des jeunes à scooters vont aussi perdre la vie. Mais cette fois, l'armée d'occupation n'y sera pour rien.

La vie, la mort dans les maisons aussi. Gaby par exemple a acheté cette belle et grande demeure. Elle s'y est installée avec un fiancé musclé, trop influencé par les émissions de décoration. Il va tout casser dans la maison, jetant les gravats par la fenêtre dans la cour. Et puis il disparaît. Gaby se retrouve avec une coquille vide, seule, cherchant à revendre cette ruine, par tous les moyens...

Chaussée étrillée

Et puis tout en revenant sur les vies qui jalonnent cette route, l'auteur poursuit sa description des travaux qu'elle observe, fascinée. Les travailleurs de la nuit « rabotent la chaussée, lui ôtent sa vieillerie, les couches d'asphalte ancien que la raboteuse crache dans le camion qui l'accompagne, on voit les traces des dents de la raboteuse sur la route ainsi mise à nu, la route est écorchée puis violemment lavée, la chaussée est écorchée puis étrillée par les brosses du camion avec un vacarme d'avion qui décolle. »

Ce roman sur un petit coin de France, tel un long poème en prose, fera que jamais plus vous ne regarderez un chantier routier de la même façon.

« Dans la route », Maryline Desbiolles, Seuil, 16,50 €