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dimanche 9 juillet 2023

Roman - Maison abandonnée


Nous ne sommes que de passage. Sur Terre et encore plus dans les maisons qui ont la gentillesse de nous protéger, de façonner nos souvenirs, de nous accompagner dans nos bons et mauvais moments. L’or et le sel (160 pages, Le Dilettante, 16 €) de Pascale Pujol est un roman choral.

Cinq femmes se penchent sur le passé d’une belle maison, presque un château, sur le point de changer de propriétaire. A tour de rôle, elles dressent le portrait de la bâtisse. Il y a la fille de l’ancienne propriétaire, sa belle-fille, sa petite-fille, la femme de ménage et la notaire chargée de la vente. Il y a les souvenirs partagés, les regrets et surtout es trois jours au cours desquels il faut vider les lieux. « Des pièces deviennent nues d’un coup, des objets disparaissent et avec eux s’estompe peu à peu l’âme des lieux, » constate Carole. On croise aussi un chat, fantôme du domaine, un puits dans la cour et un panier en osier.

Ce très joli texte de Pascale Pujol (qui a des attaches dans les Pyrénées-Orientales, elle a été pigiste à l’Indépendant), devient carrément mystique dans sa dernière partie quand on comprend enfin la signification ancestrale du titre du roman. 

lundi 17 septembre 2018

Premier roman - Gendarmette stone


Difficile de faire plus trash. Le premier roman de Mathilde-Marie de Malfilâtre ne fait pas dans la dentelle. Même si l’héroïne de «Babylone Express », Luna, en porte parfois de la dentelle. Mais bien cachée sous son uniforme de gendarme. Et de toute manière, la dentelle elle ne la garde pas longtemps quand elle se défonce dans des soirées libertines avec Marco, son mec, dealer. Luna, la narratrice, parle comme elle existe : en pointillé et par onomatopées. Pas du français châtié, mais très imagé quand même.

Pour se payer de la meilleure dope, la belle et son junky décident de monter un gros trafic de cannabis en provenance du Maroc. Une fois passé le choc de l’écriture, le roman se lit comme une longue litanie d’un esprit perdu entre rigueur militaire et folie des excès de toutes sortes. Une schizophrénie qui ne peut laisser personne intact, la narratrice comme le lecteur.

 ➤ « Babylone Express » de Mathilde-Marie de Malfilâtre, Le Dilettante, 18 €.

dimanche 7 janvier 2018

Roman : Routine conservatrice de "La méthode Sisik"

Entre roman philosophique et saga de science-fiction, « La méthode Sisik » de Laurent Graff fait partie de ces petits romans qui, l’air de rien, pourraient avoir beaucoup de conséquence sur notre quotidien. La fameuse méthode est mise au point par le dénommé Sisik, retraité des archives, casanier et solitaire. Pour lui, chaque jour doit être identique au précédent. Comme s’il figeait sa vie. Le temps. Et en répétant minutieusement cette journée-vie, il se découvre presque immortel. Une méthode analysée, décortiquée, répétée pour envoyer un équipage d’astronautes vers une planète éloignée de plusieurs années lumière de la terre. Le récit, de routinier, se transforme en exploration des espaces infinis, avec un grain de sable qui remet tout en cause. Un roman qui comme dans la vie se révèle trop long dans le normal et trop court dans l’exceptionnel.

➤ « La méthode Sisik » de Laurent Graff, Le Dilettante, 15 € (en vente le 10 janvier)

mardi 24 janvier 2017

Roman : Virée dans Barcelone la nocturne avec Hélène Couturier

Bienvenue à Barcelone, ses rues typiques, ses ramblas, ses quartiers chauds. Très chauds.
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Mathilde, 50 ans, est responsable d’une agence immobilière dans la capitale catalane. Depuis plus de 15 ans elle vit avec Jo, un pur Catalan. Elle l’aime d’amour fou, mais ne peut pas s’empêcher d’aller « s’amuser » avec d’autres beaux garçons, généralement jeunes et moins sérieux que Jo, cadre dans une entreprise spécialisée dans les statistiques. Mathilde insouciante, est mise sur le gril par son compagnon. Une question qu’il répète à l’envi et qui donne le titre au roman d’Hélène Couturier : « Combien de fois m’as-tu trompé ? » Habituée aux mensonges, la belle volage cherche une parade. Mais c’est peine perdue. Car si Jo a décidé de crever l’abcès, ce n’est pas par hasard. Il a rencontré une autre femme et veut quitter Mathilde.
De cette classique scène de ménage entre un couple équilibré, Hélène Couturier, connue pour ses romans noirs, plonge son héroïne dans une découverte du Barcelone by night. Car Mathilde, malgré ses 50 ans, croque la vie à pleines dents. Elle ne veut pas se contenter de ce que son âge l’autorise : « au-dessus de quarante ans les sorties semblent réduites au dîner dans les restaurants lounge concept avec éclairage bougies qui atténuent les rides de chacun mais requièrent lunettes pour déchiffrer le menu s’il n’est pas rédigé grand format sur une ardoise ».
Direction les quartiers interlopes pour tenter de mettre la main sur son dealer attitré. Introuvable, elle se rabat sur un « Paki » qui lui propose de la MD. Avec une précision presque journalistique, la romancière raconte ces quartiers déshérités, où la misère est la norme. Où les téléphones portables volés aux touristes deviennent presque une monnaie parallèle aux euros. Mathilde, pour oublier ses amours défuntes, décide de se donner au premier bel homme qu’elle croise. Ce sera un Martiniquais, rasta au corps sculptural. Mais il est plus intéressé par les croyances religieuses de la Blonde occidentale que par ses avances.
L’errance dans Barcelone occupe une grande partie du roman. Comme si se perdre dans cette ville aux multiples visages allait lui permettre d’oublier cette vie qu’elle semble gâcher. Notamment dans le quartier de Poblenou et « ses avenues bordées de vaisseaux de pierre et de béton qui fendent le ciel.» Quartier découvert par Jo (elle résidait avant à Gracia) endroit qu’elle ne quitterait pour rien au monde. Cela tombe bien, Jo est en train de reprendre ses livres. Il laisse l’appartement à Mathilde. Mathilde, seule face à Barcelone. 
➤ « Il était combien de fois » d’Hélène Couturier, Le Dilettante, 15 €

lundi 1 février 2016

Livre : Nouvelles des singes


cerqueux, dilettante
Renaud Cerqueux doit avoir un petit faible pour les singes. Dans deux des nouvelles composant ce recueil pourtant très diversifié, ils tiennent un rôle important. Des nouvelles qui risquent de vous plomber le moral, le monde décrit par cet écrivain français n’étant pas folichon.
Comme la vie du personnage principal du premier texte. Ce commercial a tout pour être heureux. Une femme jolie et aimante, des enfants en pleine santé, une belle maison, voiture de fonction. Pourquoi alors est-il tellement déprimé qu’il a l’impression qu’un chimpanzé le suit partout ? Un singe mal élevé, qui pisse sur ses rendez-vous ou se masturbe ostensiblement lors de ses rendez-vous galants avec sa maîtresse ? Un singe qui a une histoire : ce serait le fantôme du premier astronaute américain, un dénommé Enos qui a pris la place d'un fier conquérant.
Un autre singe intervient dans la nouvelle se déroulant en pleine jungle amazonienne. Un orang-outang. Bizarre car le personnage principal, un ancien trader devenu orpailleur en Guyane, sait parfaitement que cette espèce ne vit pas sous ces latitudes. Dans un bordel glauque, le singe fume un joint et engage la conversation avec l’homme blanc. Ce n’est pas un singe, mais Dieu. Extraterrestre en exil forcé, il a créé les humains pour se divertir. Et depuis il ne le regrette pas...
Par ailleurs scénariste de BD, Renaud Cerqueux propose également des textes sur les irradiés japonais, la mythologie zombie et même le Père Noël. Totalement barré et très dépaysant.
« Un peu plus bas vers la terre », Le Dilettante, 17 euros



mardi 4 octobre 2011

Roman - Cette agnosie si savoureuse de « Je vous prête mes lunettes »

« Je vous prête mes lunettes » d'Anna Rozen, entre délire paranoïaque et fable surréaliste, fait partie de ces romans inclassables, carrément bizarres et dont les personnages, ou les scènes, vous trottent longtemps en tête. Construit en trois partie, on entre d'abord dans le quotidien d'une jeune femme perturbée par une fuite d'eau dans sa salle de bain. Après quelques extrapolations libidineuses avec le réparateur, le problème devient plus grave en raison de la présence d'une « bête » dans l'appartement. La seconde partie traite de jalousie et, à l'opposé, la troisième présente un homme agneusique c'est à dire privé de goût. C'est cette portion du roman qui est la plus succulente, la description infernale du quotidien de cet homme se moquant de tout semble, finalement, nous faire terriblement envie.

L'extrait. « Moi je n'aime rien, mais je peux comprendre. Je n'aime ni les gens ni les objets. Non seulement rien ne me passionne, mais rien ne m'intéresse. Je n'ai pas envie de me suicider non plus, ni de vivre comme un reclus. La fadeur ambiante me convient. Je marche, je dors, je mange, je parle – le moins possible. Je ne déteste pas écouter les autres, j'ai du temps, je leur en accorde volontiers. »

« Je vous prête mes lunettes » d'Anna Rozen, Le Dilettante, 15 €