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dimanche 12 mars 2023

Cinéma - Assumer “De grandes espérances”

On exige de plus en plus des hommes et femmes politiques une exemplarité à toute épreuve. Comme si pour embrasser une carrière gouvernementale il fallait être aussi blanc qu’un ange, pouvoir être canonisé sur-le-champ. Dans la vraie vie, il ne se passe pas une semaine sans qu’un petit scandale ne vienne secouer le microcosme : délit d’initié, fraude fiscale, petits cadeaux entre amis…

Rien de bien grave souvent, mais suffisamment pour provoquer une démission voire une fin de carrière derrière les barreaux d’une prison pour VIP dans les cas les plus extrêmes. Le film de Sylvain Desclous traite sans prendre de pincettes de cette problématique. Avec un cran au-dessus en ce qui concerne le délit originel.

Madeleine (Rebecca Marder) et Antoine (Benjamin Lavernhe) préparent l’ENA. Ils ont de grandes espérances pour la suite de leur parcours professionnel. Fils d’un riche avocat, c’est une suite logique pour Antoine. Par contre, Madeleine vient de la banlieue de Lyon, d’un milieu ouvrier. Ils sont en couple et passent quelques jours de vacances dans une superbe villa.

Sur le chemin de la plage, Antoine peste derrière une voiture trop lente. Il klaxonne, finit par la doubler et fait un doigt d’honneur au conducteur. Quelques centaines de mètres plus loin, la voiture revient en trombe et bloque le véhicule d’Antoine et Madeleine. La querelle dégénère, un fusil de chasse est brandi. Madeleine, pour défendre Antoine, s’empare de l’arme et tue le conducteur irascible. Les grandes espérances vont-elles disparaître avec ce fait divers sordide ?

Antoine et Madeleine décident de prendre la fuite après avoir dérobé l’arme. De retour à Lyon, Antoine disparaît, il ne va même pas à l’oral de l’ENA. Madeleine si, prend sur elle, mais craque en plein entretien. Malgré cet échec, elle va trouver un poste de conseillère auprès d’une députée. Tentant d’oublier Antoine qui se fait discret en prolongeant ses études aux USA, elle se lance à corps perdu dans la politique de terrain, menant de front des recherches sur le monde du travail et s’impliquant pour permettre à des ouvriers de reprendre une usine menacée de fermeture. Mais quand Antoine réapparaît, Madeleine sait que tout va changer et que son meurtre sur une route de Corse pourrait mettre à mal son début de carrière brillant.

Ce thriller dans le milieu sans pitié de la politique française est mené de main de maître par Sylvain Desclous, expert en la matière. Il a notamment réalisé un documentaire sur une élection locale, La campagne de France.

Un film qui permet une nouvelle fois de faire prendre conscience au public que la grande révélation de ces deux dernières années reste Rebecca Marder, parfaite dans le rôle de cette femme forte, prête à tout pour changer la vie. Après Simone ou Mon crime, c’est une nouvelle palette du talent de l’ancienne sociétaire de la Comédie française qui explose à l’écran.

Film français de Sylvain Desclous avec Rebecca Marder, Benjamin Lavernhe, Emmanuelle Bercot.


 

Cinéma - “Mon crime” ou la belle revanche des femmes

Joyeuse fable féministe se déroulant dans les années 30, “Mon crime” de François Ozon, est la comédie à ne pas manquer en ce mois de mars.

Deux jeunes actrices en tête de distribution de ce film français grand public : Mon crime de François Ozon affiche la couleur. En propulsant les très talentueuses Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder dans les rôles de Madeleine la comédienne et Paulette l’avocate, il prend le pari de la nouveauté, tout en jouant sur une suite de casting prestigieuse. Une démarche logique au regard de la philosophie très féministe et « girl power » de ce film pourtant librement inspiré d’une pièce de théâtre des années 30.

Madeleine et Paulette vivotent à Paris. La première, blonde vaporeuse, comédienne, n’arrive pas à décrocher le grand rôle qui la lancerait au théâtre. La seconde, brune à la langue bien pendue, avocate, ne trouve pas le moindre client qui ose faire confiance à une femme. Cela fait quelques mois qu’elles ne peuvent plus payer leur loyer. Madeleine est encore plus déprimée après qu’un producteur a tenté d’abuser d’elle en échange d’un petit rôle. Le lendemain, un policier débarque à l’appartement. Le producteur a été assassiné d’une balle dans la tête. Madeleine est la principale suspecte. Quand elle comprend que le scandale autour de cette affaire peut lui faire de la publicité, elle s’accuse du crime, persuadée que son amie Paulette parviendra à la faire acquitter.

Duo féministe 

Une comédie virevoltante, aux dialogues enlevés et personnages tous plus croquignolesques les uns que les autres. Car pour mettre en valeur les deux jeunes femmes en mal de revanche dans cette société où les mâles ont tous les droits, le réalisateur a fait appel à quelques célébrités qui ont accepté d’endosser le costume de beaux salauds. Fabrice Luchini est parfait en juge d’instruction sûr de son fait, persuadé que la découverte d’une coupable lui permettra enfin de faire décoller sa carrière. Son ami (Dany Boon), endetté auprès du producteur trucidé, sorte de copie onctueuse et dandy de Fernandel, ferait un coupable parfait. 

Le procureur (Michel Fau), lors du procès, est odieux et d’un machisme qui ferait aujourd’hui s’évanouir la moindre féministe, même encartée à En Marche. Reste le meilleur, la meilleure exactement, Isabelle Huppert, exubérante et grandiloquente dans les tenues éternellement kitsch d’une ancienne gloire du muet. Elle débarque telle une furie dans ce duo féministe qui tente le tout pour le tout afin de sauver une machination mal partie. 

Mon crime, tout en étant indirectement un hommage aux productions du siècle dernier, est un film moderne par son propos et son interprétation. Une réussite comme seul le cinéma français un peu ambitieux sait mener à bien.

Film français de François Ozon avec Nadia Tereszkiewicz, Rebecca Marder, Isabelle Huppert, Fabrice Luchini

 

dimanche 30 octobre 2022

Cinéma - “Simone”, de l’enfer des camps à l’Europe

Exemplaire vie que celle de Simone Veil. Femme politique courageuse, dévouée et pleine d’empathie, très jeune, elle a connu l’enfer des camps de concentration.


Deux visages pour interpréter Simone Veil à deux étapes de sa vie : Rebecca Marder et Elsa Zylberstein. Marvelous Productions - France 2 Cinéma - France 3 Cinéma

De la passion, du dévouement, de l’empathie. Mais aussi beaucoup de souffrance. La vie de Simone Veil, portée au grand écran, par Olivier Dahan, est exemplaire de ce XXe siècle européen, entre guerres fratricides et paix durable conquise par des visionnaires dont elle faisait clairement partie. 

Si les premières images du film montrent une Simone Veil enfant, heureuse dans la propriété de son père, en bord de Méditerranée, le film abandonne rapidement la chronologie simple pour faire des sauts dans le temps. Car si la femme politique est connue pour la loi légalisant l’avortement en France, elle a une vie avant. Mais il était compliqué de débuter par l’épisode des camps. Le film contourne la difficulté, présentant une femme publique forte qui perdait pied, parfois, dans le privé, quand les cauchemars récurrents la submergeait. Des petites touches qui préparent le spectateur à la vision de l’enfer. Le final est bouleversant. Reste que Simone Veil a aussi compté dans la vie politique française. Féministe avant l’heure, humaniste et à l’écoute des Français, elle a, contre vents et marées, toujours tenté de faire évoluer, de moderniser, la société française. 

Paradoxalement, elle a toujours été dans des gouvernements de droite, obligée de se battre contre ses propres forces politiques. Elle qui a souvent des positions plus progressistes, l’exemple de l’interruption volontaire de grossesse étant le plus parlant. Au Parlement, au moment du dépouillement des votes, elle sait qu’elle peut compter sur les 200 voix de l’opposition. Reste à convaincre quelques centristes et gaullistes qui ont souvent été odieux à la tribune (« Des histoires de bonnes femmes… »). Cette partie, la plus connue de son histoire, est présente, mais pas la plus importante. 

L’intérêt de Simone, le voyage du siècle réside avant tout dans cette plongée dans le passé d’une adolescente déportée avec toute sa famille. Son père et son frère seront rapidement exécutés. Avec sa mère et sa sœur, elles vont survivre de longs mois aux privations, à la marche de la mort, aux travaux forcés. La jeune Simone Jacob sera durablement marquée par la longue agonie de sa maman. Et mettra de nombreuses années à retrouver une vie normale. Et cela reste le message le plus fort du film : ne jamais oublier, toujours se souvenir de l’horreur, de l’ignominie d’une politique d’extrême droite toujours à l’affût. Elle en fera l’amère expérience lors de sa candidature aux élections européennes, l’autre grande réalisation de cette vie d’exception. 

Film d’Olivier Dahan avec Elsa Zylberstein, Rebecca Marder, Élodie Bouchez