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jeudi 8 août 2024

Cinéma - Apprendre à connaître “Les gens d’à côté”

Comment parler du malaise dans la police avec beaucoup d’humanité ? André Téchiné casse les codes et offre un joli rôle à Isabelle Huppert. 


Policier, métier dangereux. Mais pas toujours comme on le croit. La principale cause de la mort des policiers en France reste le suicide. André Téchiné, cinéaste du social, toujours à l’écoute de la société, développe ce thème dans son nouveau film, Les gens d’à côté, tourné dans les Pyrénées-Orientales, notamment à Perpignan et Argelès-sur-Mer.

Soutenu par Occitanie Films, la structure régionale qui aide les équipes ayant choisi l’Occitanie pour planter ses caméras, ce film débute par une manifestation de policiers devant le Castillet, monument emblématique de Perpignan. Armés de mégaphones, les syndicalistes énumèrent les noms des policiers décédés. Des collègues, le visage recouvert d’un masque blanc, viennent s’allonger sur le macadam.

Parmi les protestataires, Lucie (Isabelle Huppert). Cette fonctionnaire sort d’une longue dépression. Son compagnon, policier lui aussi, a mis fin à ses jours. Depuis, elle survit dans un pavillon impersonnel dans ces lotissements qui ne font pas le charme de la région mais contribuent à sa dynamique démographique.

Amitié contre mensonges

Lucie, très seule, remarque l’arrivée de nouveaux voisins ; une petite famille. Julia (Hafsia Herzi), Yann (Nahuel Perez Biscayart) et leur fille Rose (Romane Meunier). Lucie vient de reprendre le travail malgré les réticences de sa direction, se lie d’amitié, et se rend disponible pour garder ou aider la petite Rose.

Julia est institutrice alors que Yann est artiste peintre (les tableaux montrés dans le film sont de Laurent Bonneau, auteur de BD installé dans le département, qui donne une belle profondeur au personnage). Lucie, toujours un peu curieuse, sans avoir rien révélé de sa propre vie, découvre que Yann est assigné à résidence. Condamné pour avoir participé à des manifestations contre les violences policières. Car les flics, il les déteste.


Un dilemme flagrant pour Lucie quand son beau-frère, affecté aux renseignements généraux, lui demande de surveiller l’activiste. Elle refuse, premier acte de rébellion pour une femme qui sait pourtant combien la détestation de la police par les citoyens est forte. Et sans doute la cause indirecte de nombreux suicides parmi ses collègues…

Le film, sorte de chronique de la vie de province entre voisins charmants, dérive vers un huis clos étouffant où suspicion et mensonges risquent de faire voler en éclat une amitié naissante. André Téchiné, sur un sujet brûlant et clivant, parvient à faire triompher vérité et intelligence. Sans prendre position, ni abîmer ses personnages, fragiles et touchants.

Film d’André Téchiné avec Isabelle Huppert, Hafsia Herzi, Nahuel Perez Biscayart

 

dimanche 12 mars 2023

Cinéma - “Mon crime” ou la belle revanche des femmes

Joyeuse fable féministe se déroulant dans les années 30, “Mon crime” de François Ozon, est la comédie à ne pas manquer en ce mois de mars.

Deux jeunes actrices en tête de distribution de ce film français grand public : Mon crime de François Ozon affiche la couleur. En propulsant les très talentueuses Nadia Tereszkiewicz et Rebecca Marder dans les rôles de Madeleine la comédienne et Paulette l’avocate, il prend le pari de la nouveauté, tout en jouant sur une suite de casting prestigieuse. Une démarche logique au regard de la philosophie très féministe et « girl power » de ce film pourtant librement inspiré d’une pièce de théâtre des années 30.

Madeleine et Paulette vivotent à Paris. La première, blonde vaporeuse, comédienne, n’arrive pas à décrocher le grand rôle qui la lancerait au théâtre. La seconde, brune à la langue bien pendue, avocate, ne trouve pas le moindre client qui ose faire confiance à une femme. Cela fait quelques mois qu’elles ne peuvent plus payer leur loyer. Madeleine est encore plus déprimée après qu’un producteur a tenté d’abuser d’elle en échange d’un petit rôle. Le lendemain, un policier débarque à l’appartement. Le producteur a été assassiné d’une balle dans la tête. Madeleine est la principale suspecte. Quand elle comprend que le scandale autour de cette affaire peut lui faire de la publicité, elle s’accuse du crime, persuadée que son amie Paulette parviendra à la faire acquitter.

Duo féministe 

Une comédie virevoltante, aux dialogues enlevés et personnages tous plus croquignolesques les uns que les autres. Car pour mettre en valeur les deux jeunes femmes en mal de revanche dans cette société où les mâles ont tous les droits, le réalisateur a fait appel à quelques célébrités qui ont accepté d’endosser le costume de beaux salauds. Fabrice Luchini est parfait en juge d’instruction sûr de son fait, persuadé que la découverte d’une coupable lui permettra enfin de faire décoller sa carrière. Son ami (Dany Boon), endetté auprès du producteur trucidé, sorte de copie onctueuse et dandy de Fernandel, ferait un coupable parfait. 

Le procureur (Michel Fau), lors du procès, est odieux et d’un machisme qui ferait aujourd’hui s’évanouir la moindre féministe, même encartée à En Marche. Reste le meilleur, la meilleure exactement, Isabelle Huppert, exubérante et grandiloquente dans les tenues éternellement kitsch d’une ancienne gloire du muet. Elle débarque telle une furie dans ce duo féministe qui tente le tout pour le tout afin de sauver une machination mal partie. 

Mon crime, tout en étant indirectement un hommage aux productions du siècle dernier, est un film moderne par son propos et son interprétation. Une réussite comme seul le cinéma français un peu ambitieux sait mener à bien.

Film français de François Ozon avec Nadia Tereszkiewicz, Rebecca Marder, Isabelle Huppert, Fabrice Luchini

 

samedi 5 février 2022

Cinéma - « Les promesses » si politiques


Présenté en compétition au dernier Festival du film politique de Carcassonne, Les promesses de Thomas Kruithof est une véritable plongée dans le mécanisme qui fait avancer les hommes politiques. En l’occurrence une femme, Clémence (Isabelle Huppert), maire d’une cité de banlieue paroissienne. Au pouvoir depuis deux mandats, elle a publiquement annoncé un an avant la nouvelle élection qu’elle ne se représenterait pas. Sa première adjointe a été désignée par le parti pour lui succéder.


Dans les dernières semaines de son mandat d’élue locale, elle se démène pour obtenir une grosse subvention de l’État qui permettra de rénover la cité des Bernardins. Les copropriétaires n’en peuvent plus de l’insalubrité malgré les charges importantes. De plus tout l’ensemble se délabre à cause des marchands de sommeil. En négociant avec un haut fonctionnaire, Clémence va recevoir une proposition de ce dernier qui va radicalement changer la donne. Les Bernardins ont peu de chance d’être rénovés et Clémence va radicalement changer sa façon de voir son avenir. Un revirement qui va totalement désarçonner Yazid (Reda Kateb), son directeur de cabinet, brillant, originaire des Bernardins et qui espère après l’élection un poste dans un ministère à Paris.

Envie de pouvoir

Le scénario permet de surfer sur plusieurs intrigues. La première, la plus importante, l’avenir de la cité. Mais on découvre aussi en filigrane les ambitions de Yazid, ses difficultés à gérer au quotidien son origine modeste dans un monde où même très efficaces, on reste avant tout issu d’une minorité. Le plus passionnant est l’analyse des décisions de Clémence, femme politique dont la complexité est remarquablement interprétée par Isabelle Huppert. Si elle semble bien décidée au début à abandonner le pouvoir, comme lassée de cette course incessante aux subventions d’un côté et aux poignées de mains de l’autre, elle se retrouve à douter quand elle s’imagine un destin national.

Alors, lentement mais sûrement, elle revient sur sa promesse de quitter son mandat. Une promesse non tenue de plus dans un monde politique où l’ivresse du pouvoir semble une drogue dure. Pourtant, le film reste assez positif. Car malgré les manœuvres de certains, les rancœurs d’autres et les abandons des derniers, il reste des hommes et femmes qui pensent que la politique reste sacrée et essentielle. Malgré les scandales, les reniements et les fameuses promesses non tenues.

Un film qui devrait particulièrement intéresser les élus locaux et tous les responsables d’associations.

Film français de Thomas Kruithof avec Isabelle Huppert, Reda Kateb