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lundi 30 septembre 2024

Cinéma - “Ma vie ma gueule”, chute et rebond au féminin


Sophie Fillières n‘a pas eu le temps de finaliser son dernier film. Morte en 2023, ce sont ses enfants qui ont assuré la supervision du montage. Après une présentation à Cannes en mai, Ma vie ma gueule sort enfin au cinéma, sorte de testament d’une réalisatrice (également comédienne) aux projets toujours originaux.

Pour incarner le personnage principal, Agnès Jaoui est parfaite. Une femme de 55 ans, divorcée, seule, dépressive et voyant approcher la mort à grands pas. Pourtant, on a l‘impression dans la première partie de voir une comédie enlevée aux dialogues savoureux et irrésistible.

Surnommée Barbie, Barberie Bichette parle de plus en plus toute seule. Ses enfants, devenus adultes, s’éloignent inexorablement. Divorcée, elle tente de se persuader qu’elle est encore désirable. Mais quand elle prend à pleine main ses bourrelets devant la glace, elle se fait une raison. Elle a fait son temps. Alors Barbie se laisse dériver. Au travail (dans une agence de pub), elle arrive en retard à une réunion et au lieu de trouver un slogan pour des céréales avec un trou, écrit un poème sur le tableau blanc. Son humour tombe souvent à côté et au bout de quelques péripéties, quand elle rencontre un ami d’enfance qu’elle ne reconnaît pas, préfère tout arrêter et se retrouve dans un hôpital psychiatrique.

Le film devient plus sombre, réaliste. Même si des éclats de poésie (notamment avec l’intervention de Philippe Katerine) viennent adoucir le discours crépusculaire. La dernière image, contemplative et apaisée, donne le véritable ton de cette œuvre unique en son genre.

Film de Sophie Fillières avec Agnès Jaoui, Angelina Woreth, Édouard Sulpice, Philippe Katerine

jeudi 8 août 2024

Cinéma - Apprendre à connaître “Les gens d’à côté”

Comment parler du malaise dans la police avec beaucoup d’humanité ? André Téchiné casse les codes et offre un joli rôle à Isabelle Huppert. 


Policier, métier dangereux. Mais pas toujours comme on le croit. La principale cause de la mort des policiers en France reste le suicide. André Téchiné, cinéaste du social, toujours à l’écoute de la société, développe ce thème dans son nouveau film, Les gens d’à côté, tourné dans les Pyrénées-Orientales, notamment à Perpignan et Argelès-sur-Mer.

Soutenu par Occitanie Films, la structure régionale qui aide les équipes ayant choisi l’Occitanie pour planter ses caméras, ce film débute par une manifestation de policiers devant le Castillet, monument emblématique de Perpignan. Armés de mégaphones, les syndicalistes énumèrent les noms des policiers décédés. Des collègues, le visage recouvert d’un masque blanc, viennent s’allonger sur le macadam.

Parmi les protestataires, Lucie (Isabelle Huppert). Cette fonctionnaire sort d’une longue dépression. Son compagnon, policier lui aussi, a mis fin à ses jours. Depuis, elle survit dans un pavillon impersonnel dans ces lotissements qui ne font pas le charme de la région mais contribuent à sa dynamique démographique.

Amitié contre mensonges

Lucie, très seule, remarque l’arrivée de nouveaux voisins ; une petite famille. Julia (Hafsia Herzi), Yann (Nahuel Perez Biscayart) et leur fille Rose (Romane Meunier). Lucie vient de reprendre le travail malgré les réticences de sa direction, se lie d’amitié, et se rend disponible pour garder ou aider la petite Rose.

Julia est institutrice alors que Yann est artiste peintre (les tableaux montrés dans le film sont de Laurent Bonneau, auteur de BD installé dans le département, qui donne une belle profondeur au personnage). Lucie, toujours un peu curieuse, sans avoir rien révélé de sa propre vie, découvre que Yann est assigné à résidence. Condamné pour avoir participé à des manifestations contre les violences policières. Car les flics, il les déteste.


Un dilemme flagrant pour Lucie quand son beau-frère, affecté aux renseignements généraux, lui demande de surveiller l’activiste. Elle refuse, premier acte de rébellion pour une femme qui sait pourtant combien la détestation de la police par les citoyens est forte. Et sans doute la cause indirecte de nombreux suicides parmi ses collègues…

Le film, sorte de chronique de la vie de province entre voisins charmants, dérive vers un huis clos étouffant où suspicion et mensonges risquent de faire voler en éclat une amitié naissante. André Téchiné, sur un sujet brûlant et clivant, parvient à faire triompher vérité et intelligence. Sans prendre position, ni abîmer ses personnages, fragiles et touchants.

Film d’André Téchiné avec Isabelle Huppert, Hafsia Herzi, Nahuel Perez Biscayart

 

dimanche 10 avril 2022

Cinéma - Les nouveaux Affreux, Sales et “Sans dents”

 

Cela fait plus de deux ans que Les sans-dents, film de Pascal Rabaté est bouclé. Une sortie longtemps différée à cause de la crise sanitaire. Finalement, cet étrange objet filmique sort en pleine élection présidentielle. Comme pour faire une piqûre de rappel sur le sort de millions de Français trop pauvres pour être concernés par la chose politique. « Ce projet ne pouvait exister que s’il était radical » précise le réalisateur, par ailleurs dessinateur de BD. Et dans le genre extrême, c’est du premier choix. Pas de musique, pas de dialogue et une histoire minimale dans un monde invisible. 

Tout débute par le vol de fils de cuivre. De drôles d’olibrius dérobent des câbles électriques et ramènent leur butin dans leur repaire. Une sorte de caverne d’Ali-Baba, cachée dans les profondeurs d’une décharge sauvage. Affreux, sales, rigolards et outranciers, ils sont une dizaine de sans-dents à vivoter dans la crasse. 

On trouve dans cette clique de membres du quart-monde des habitués des films décalés comme Yolande Moreau (fine gâchette) et Gustave Kervern (savant fou aimant les expériences chimiques et les canards gonflables). Il y a aussi des jumeaux hilares, un vieux parkinson ou un timide maladif. Tous aussi inquiétants au premier abord, ils se révèlent, au final, plein de poésie cachée et d’humanité insoupçonnée. Ils ne demandent pas grand-chose à la société. Juste de les oublier et de les laisser faire leurs petits trafics qui ne causent pas beaucoup de tort à la société. Mais cette dernière veille. Le petit monde des sans-dents est menacé par l’enquête du très ridicule policier, interprété par François Morel, aidé par ses adjoints, tous interprétés par le même acteur (Olivier Parenty). N’allez pas voir ce film comme une séance normale, mais comme une expérience sensorielle unique et parfois déroutante. 

Film de Pascal Rabaté avec Yolande Moreau, Gustave Kervern, François Morel