Chen Jiang Hong est un illustrateur d’origine chinoise installé depuis des années en France. Il est à la tête d’une importante œuvre où il raconte les légendes de son pays mais en imagine aussi de nouvelles.
C’est le cas de l’album Le prince tigre, récemment réédité. Les hommes ont tué les petits d’une tigresse. Désespérée, elle se venge tous les soirs en attaquant des villages. Pour arrêter le carnage, le roi doit lui donner son seul enfant, un fils, le prince.
Le petit homme va prendre la place des petits animaux, calmer la mère en souffrance et apprendre les secrets de la forêt. Un conte humaniste à lire aux enfants dès 6 ans.
« Le prince tigre », L’École des loisirs, 44 pages, 7 €
Retrouvez un Stephen King en très grande forme dans un roman foisonnant d’inventions narratives. Prêts pour la descente au pays des contes de fées ?
Il n’a rien perdu de son génie de la narration. Stephen King est toujours passionnant quand il se lance dans de grands projets permettant de donner libre cours à son imagination débordante. Conte de fées, ce pavé de plus de 700 pages est un excellent cru dans la longue bibliographie de celui qui a popularisé le thriller fantastique à travers le monde. L’histoire suit les péripéties sur terre et dans l’Autre Monde du personnage principal, Charlie, 17 ans, qui semble le reflet de l’auteur quand il était jeune et surtout une simple chienne nommée Radar, vieille, malade, mais très attachante.
Le début du roman, raconté à la première personne par Charlie, est très réaliste. Du style Chronique sociale qui dépeint cette Amérique qui ne fait pas vraiment rêver. Charlie vit simplement dans une petite ville de province entre sa mère et son père.
Le trou vers l’Autre Monde
Mais un soir, en allant acheter à manger, la maman est tuée par un chauffard. Le père tombe dans une longue période d’alcoolisme. Durant près de 10 ans, Charlie devra se débrouiller presque seul à la maison. C’est donc un garçon déjà dur au mal qui découvre un matin son inquiétant voisin M. Bowditch, blessé dans son jardin. C’est sa chienne, Radar, un berger allemand au pelage élimé, qui a donné l’alerte en hurlant à la mort. Charlie va aider ce vieillard taciturne, devenir son aide familiale, son ami. En échange, le vieil homme lui livre ses secrets : il a plus de 100 ans, a ramené de l’Autre Monde, un pays merveilleux mais très dangereux, des pépites d’or qui lui permettent de vivre simplement sans avoir à travailler. Dernière révélation : la porte de l’Autre Monde est un puits caché dans le cabanon de jardin.
Les 200 premières pages du roman, très humaines, racontent avec gravité et beaucoup d’humanisme cette amitié naissante. La suite est beaucoup plus agitée. Charlie descend le long escalier en colimaçon qui le mène vers l’Autre Monde. Il part avec sa chienne, car un cadran solaire aurait le pouvoir de la faire rajeunir. Dès lors le lecteur, happé par cet univers extraordinaire, va palpiter dans le sillage d’un Charlie bravant tous les dangers pour sauver Radar. Il découvre un peuple malade, qui perd ses traits, devient gris. Notamment une jeune princesse, Leah, charmante mais dont la bouche s’est refermée comme une vilaine cicatrice : « Voilà bien la veine de Charlie Reade, tomber raide amoureux d’une fille que je ne pourrai jamais embrasser sur la bouche. » Dans ce monde crépusculaire, peuplé de loups la nuit, de gros cafards rouges et d’hommes et de femmes mourants, il va trouver des réponses auprès d’un aveugle. Notamment sur la maladie grise : « Respirer devient de plus en plus difficile. La chair inutile avale le visage. Le corps se referme sur lui-même ».
Charlie devra donc affronter de nombreux cauchemars bien réels (Stephen King en a toujours un plein sac en réserve) avant sauver son animal adoré et retrouver sa jolie (mais défigurée) princesse. Car c’est dans un véritable monde de conte de fées, où le Mal tente de l’emporter sur le Bien, que le jeune Américain tombe en descendant l’escalier. Un monde à préserver qu’on quitte à regret à la fin du roman.
« Conte de fées » de Stephen King, Albin Michel, 24,90 €
Joli conte que ce « Chasseur et la Reine des Glaces », film du réalisateur français Cedric NicolasTroyan avec en vedette Emily Blunt, Chris Hemsworth, Charlize Theron et Jessica Chastain. Sorte de prolongement de l’histoire de Blanche Neige, il met en vedette Freya, future Reine des Glaces et sœur de la redoutable Ravenna. Freya (Emily Blunt), contrairement à sa sœur, dure, méchante et impitoyable, s’adoucit quand elle tombe amoureuse d’un beau jeune homme. Elle a une petite fille, mais le père, tue le nourrisson. Freya découvre alors son pouvoir glacial, s’exile dans le Nord et forme des guerriers impitoyables.
Parmi eux, Eric, le Chasseur, et Sara, experte en maniement des arcs. Ils forment un couple de guerriers impitoyables. Ils s’épaulent dans les batailles et se découvrent une attirance mutuelle. Mais dans le royaume de Freya, l’amour est banni. Les tourtereaux tentent de s’échapper, la vengeance de la Reine sera implacable. Cependant, comme dans tout conte, l’histoire n’est pas terminée. Le Chasseur, quelques années plus tard est réquisitionné par Blanche Neige (devenue reine à la place de l’infâme Ravenna) pour retrouver le miroir magique. Il sera accompagné par deux nains interprétés par Rob Brydon et Nick Frost. Un duo de comiques transformant le film d’aventure en comédie totalement loufoque. Un excellent moment, pour petits et grands, avec effets spéciaux réussis. Le DVD et le blu-ray offrent en plus de la version cinéma, le montage long, quelques scènes coupées, un bêtisier réjouissant (Charlize Théron sait sourire, c’est rassurant) et un making of très complet. ➤ « Le Chasseur et la Reine des Neiges », Universal Vidéo, 17,05 € le DVD et 20,05 € le blu-ray
Les films d'horreur les plus efficaces ne sont pas ceux qui proposent quantité d'effets spéciaux. La peur, avant d'être montrée, doit être ressentie. Jennifer Kent, la réalisatrice de « Mister Babadook » a parfaitement intégré cette donnée pour son premier film. Des décors minimalistes (une vieille maison) et deux acteurs impliquées (la mère Essie Davis et son fils Noah Wiseman) suffisent pour vous filer une frousse mémorable. Depuis la mort de son mari dans un accident de la route, Amelia élève seule son fils Samuel. Ce dernier, comme beaucoup de petits garçons de 7 ans, est persuadé que des monstres colonisent ses placards et vivent sous son lit. Elle doit développer des trésors d'ingéniosité pour le rassurer. Jusqu'à ce qu'elle lise l'histoire de Mister Babadook, un monstre qui vient frapper à la porte de la maison la nuit venue. Réel ou imaginaire ? Le cauchemar peut commencer.
Une variation brillante et virtuose sur les névroses, la folie et l'imaginaire. Récompensé à juste titre en 2014 au festival du film fantastique de Gérardmer.
« Mister Babadook », Wild Side Vidéo, 19,99 euros DVD, 24,99 euros blu-ray
Une belle endormie, un écrivain célèbre, un nain taxidermiste, une forêt magique : le décor est planté pour ce roman de Bernard Foglino.
Les salons du livre en province en prennent pour leur grade dans ce roman de Bernard Foglino. Le romancier en fait une description assez sévère, mais juste. Le narrateur, un certain Cheval pour l'état-civil, Fabrice Della Torre pour ses nombreux lecteurs, regrette amèrement d'avoir accepté cette invitation. Une petite ville de l'Est de la France, entre friche industrielle et forêts de sapins. Le public se fait rare. Le bar attire plus de monde que les tables de dédicaces. Il doit côtoyer le concepteur des blagues Carambar qui a compilé ses meilleures trouvailles dans un volumineux bouquin. Mais est-ce moins talentueux que les romans qu'il pond chaque année ? Des best-sellers, écrits pour un public féminin avide de belles histoires et de l'inévitable happy-end. Cheval prend son mal en patience. Mais trépigne quand même dès le samedi en rêvant au train qui va le reconduire dimanche soir vers son duplex de Saint-Sulpice à Paris.
La femme de Walter
Il tente de se détacher du moment, d'occuper ses moments libres à relire son dernier manuscrit. Jusqu'à l'arrivée de Walter. Un lecteur pas comme les autres qui demande une dédicace au nom d'une certaine Blanche. Walter est « un nain avec une tête démesurée et un front comme une falaise. Surmonté d'une crinière rousse. » Cheval s'exécute, malgré son malaise grandissant. Le romancier a la phobie des nains. Une raison de plus pour jurer de ne jamais plus revenir dans cette petite ville sinistre.
Mais le dimanche, au bar, dès l'ouverture du salon, Walter est de retour. « Posé sur son tabouret comme le plus dodu des choux à la crème culmine sur sa pièce montée, Walter le nain le toisait avec un air d'évidente satisfaction. Cheval comprit que l'infirme s'était mis en quatre pour lui. Il portait un costume sinon bien coupé vu son contenu, du moins d'honnête qualité. Derrière l'eau de toilette dont il avait fait un usage généreux, rôdait une odeur de feuilles et de sous-bois. » Walter demande alors à Cheval de venir faire la lecture à sa femme. Elle dort en permanence et le nain est persuadé que la voix de l'auteur favori de Blanche la sortira de ce quasi coma.
Cheval refuse bien évidemment, toujours pressé de retourner à Paris. Mais un enchaînement de circonstances fait que l'écrivain va finalement se retrouver dans la petite maison perdue dans les forêts sombres à faire la lecture à une jeune fille « étendue sur une couche de nuages. » « Elle était fraîche, charmante, son sommeil, neuf. » « Elle semblait faire un rêve extrêmement satisfaisant, et très personnel, qui peignait son sourire d'une sorte d'approbation douce. » Comme envouté par « Celle qui dort », titre du roman, Della Torre restera bien plus longtemps que prévu au chevet de la jeune femme.
Cette ambiance de conte de fée va rapidement se transformer en cauchemar pour Cheval. Walter, taxidermiste virtuose, a l'art de faire peur. Même Belle devient inquiétante quand ses doigts se mettent à frémir. Le roman de Bernard Foglino prend une toute autre tournure, entre thriller et fantastique, prétexte à une réflexion sur la création et l'importance que peuvent prendre dans la vie d'un auteur ses personnages de papier.
Michel Litout
« Celle qui dort », Bernard Foglino, Buchet-Chastel, 14 €
C'est souvent avec les plus vieilles histoires que l'on fait les meilleurs plats. Nouvelle démonstration avec cette version de Blanche Neige imaginée par L'Hermenier et dessinée par Looky. La belle princesse devait devenir reine à la mort de son père. Mais sa belle mère, une sorcière, l'évince et prend le pouvoir.
Promise à la mort, Blanche Neige est épargnée et trouve refuge chez des nains. Mais les nains de cette adaptation très héroic fantasy sont... cannibales.
La jeune femme est en plus dotée de pouvoirs (elle dompte la neige) et peut parler avec les êtres merveilleux de la forêt. Cela donne un peu plus de péripéties à l'histoire originale et permet à Looky, le dessinateur de faire montre de tout son talent. Il utilise une technique inédite, modélisant les décors par ordinateur pour leur donner vie et dynamisme sous son crayon. Le résultat graphique est époustouflant.