mercredi 28 août 2013

Livres : Japons made in France par Amélie Nothomb et Thomas B. Reverdy

Si Amélie Nothomb nous emmène dans le Japon de son enfance, Thomas B. Reverdy explore un pays marqué par la catastrophe de Fukushima.

Le Japon fascine toujours autant les écrivains français. Deux exemples en cette rentrée littéraire avec le nouveau roman d'Amélie Nothomb et celui de Thomas B. Reverdy. Si le premier est très subjectif, emmenant le lecteur dans les pas d'une star de la littérature revenant sur les lieux de son enfance, le second, implacable de réalité, montre un pays écartelé entre traditions et malédiction scientifique.
Nothomb, amélie, thomas, reverdy, flammarion, albin michel, roman, rentrée littéraire« La nostalgie heureuse », titre du roman d'Amélie Nothomb, est la traduction d'une notion typique au japonais. L'écrivain a passé son enfance au Japon. Fille de diplomate, elle maitrise la langue et les mœurs de ce pays si étonnant pour l'esprit cartésien d'un Occidental de base. Elle a puisé dans ses souvenirs pour signer quelques uns de ces romans emblématiques, « Stupeurs et tremblement » ou « Ni d'Eve ni d'Adam ». A l'occasion du tournage d'un documentaire sur cette célèbre plume francophone, la télévision française veut la mettre en scène sur les lieux de son enfance. C'est ce tournage qui est raconté, sans détours, dans un récit méritant de moins en moins le titre de roman.
Amélie Nothomb raconte comment elle vit réellement ce retour au Pays du Soleil levant, à mettre en parallèle avec les images qu'elle offre à la caméra. Elle joue un rôle. Son rôle d'écrivain fantasque et hyper sensible. En réalité elle est souvent indifférente à ces décors et surtout perdue. Pour avoir des séquences encore plus fortes, la réalisatrice filme ses retrouvailles avec sa nounou. Une vieille dame un peu gâteuse. Elle ne sait même pas que son pays a été frappé par une catastrophe nucléaire sans précédent. Et l'auteur de la laisser dans l'ignorance. « Si son cerveau n'a pas enregistré le drame, c'est que sa capacité de souffrance était saturée. A quoi bon infliger Fukushima à cette femme qui a vécu les bombardements de la Seconde Guerre mondiale ? » La ville martyre est incontournable. Il faut y filmer l'écrivain. Mais c'est au-dessus des forces d'Amélie Nothomb, malade physiquement face à « des moignons de maisons qui se dressent dans le néant. »
Le Japon de 2012 (année du voyage) n'a plus rien à voir avec le pays de l'enfance, réinventé dans les souvenirs d'une romancière beaucoup plus sensible que l'image propagée auprès du public. Finalement, tout à l'air factice, même cette « nostalgie heureuse »...

Le pays interdit
Nothomb, amélie, thomas, reverdy, flammarion, albin michel, roman, rentrée littéraireLe Japon de Thomas B. Reverdy est lui beaucoup plus réel. Mais tout aussi dramatique. Fukushima a causé des mutations profondes dans ce pays. « Les évaporés », titre du roman, ce sont ces hommes et femmes qui disparaissent du jour au lendemain. Dettes, chômage... les raisons sont souvent économiques. Ils préfèrent changer de vie et d'identité plutôt que d'infliger l'infamie à leur famille. Kaze, employé dans une société de courtage financier, quitte son foyer en pleine nuit. Il n'emporte qu'une valise. Il rejoint les parias dans une banlieue sordide. Sa fuite st causée par les menaces de la mafia. Il a été un peu trop curieux sur certains transferts de fonds. Dans sa nouvelle vie, il devient ferrailleur, il vide les caves de maisons inhabitées. Mais les Yakusas retrouvent sa trace.
Il part donc au nord, dans cette zone interdite où nul ne le retrouvera. Il deviendra un de ces ouvriers chargé de « nettoyer » la zone ravagée par le tsunami et contaminée par la fuite. « Ils allaient faire ce qu'ils faisaient déjà à Tokyo, ils seraient même mieux payés pour le faire : débarrasser les choses que personne ne voulait toucher. » L'histoire de Kaze est vécue à travers la recherche de Yukiko, sa fille, revenue des USA avec Richard, un détective privé chargé de retrouver le père « évaporé ». La richesse du roman est dans cette triple évocation. La vision japonaise est donnée par Kaze, l'occidentale par Richard alors que Yukiko, immigrée de retour au pays, nuance l'impression d'ensemble. Un roman remarquable de finesse dans l'analyse des sentiments des uns et des autres.
Michel LITOUT
« La nostalgie heureuse », Amélie Nothomb, Albin Michel, 16,50 €

« Les évaporés », Thomas B. Reverdy, Flammarion, 19 €


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