lundi 5 août 2013

Livre : Sang et or en Guyane


Un village perdu au fond de la forêt guyanaise. La lie de l'humanité s'y retrouve et l'appât de l'or fait disjoncter les consciences.

humbert, guyane, caïman, presses de la citéIl n'existe plus beaucoup d'endroits sur la planète où la nature a gardé sa pureté originelle. La forêt amazonienne est un de ces sanctuaires. Mais plus pour longtemps. A Brésil la déforestation est intensive. Et même la Guyane française, pourtant mieux protégée, subit de plein fouet les dégâts causés par les Garimpeiros, les orpailleurs clandestins, polluant les cours d'eau à grand renfort de mercure.
« Le bar du Caïman Noir », roman de Denis Humbert a pour cadre ce département français du bout du monde et plus spécialement la commune de Regina, au sud de Cayenne, loin de la rutilante et moderne base de Kourou. Regina, moins de 600 habitants disséminés sur une superficie largement supérieure au plus grand département de France métropolitaine.
Construit comme une symphonie à plusieurs voix, le récit est raconté en grande partie par le médecin du secteur, le docteur Charpentier, jeune toubib en rupture. Il a accepté ce poste pour mettre un océan entre lui et la ville de province où il aurait dû reprendre le cabinet de son père. Aussi pour tenter d'oublier la femme qui l'a quitté.

Paradis originel
Les premiers temps, il s'est laissé grisé par cette impression de bout du monde où tout est possible. « En se posant ici, il avait cru à une rémission. Au début, il s'était dit que le paradis, ce délicieux fantasme, avait dû ressembler à cet endroit. Il était finalement possible de s'immerger dans une nature retrouvée; l'eau, l'air, la forêt inviolée, les oiseaux et les fleurs, la lourde chaleur de matrice originelle, les milliers d'espèces d'insectes et de plantes encore inconnues. » Rapidement il redescend sur terre. « Il avait découvert derrière le décor luxuriant suffisamment de souffrance et de misère pour nourrir son goût de sacrifice et son besoin d'expier les fautes qu'il n'avait pas commises. » Très torturé le médecin. Et les événements qui vont agiter Regina ne vont rien arranger.
En plus du toubib, l'auteur suit les destins de Thomas, un métro, magouilleur de première, porte-flingue de politiques corrompus. Il s'est fait prendre la main dans le sac. Ses appuis lui ont permis de changer d'identité. Mais exit les strass et signes de richesse. Il vivote à la tête de ce bar miteux ou sa serveuse, Sofia, une Brésilienne en situation irrégulière, arrondit les fins de mois en se prostituant. Caporal Bob, ancien légionnaire, assure le service d'ordre.
Frantz est un métis indien. Il vit dans sa tribu à une heure de pirogue par le fleuve. Mais il voit son peuple s'éteindre, bouffé par la télévision et le poison déversé par les orpailleurs dans le fleuve. Toxines que les enfants ingurgitent quotidiennement en mangeant les poissons pêchés. Tous les intervenants se retrouvent pour la scène finale. Sanglante et violente.
Pour donner un peu plus de corps à cette tragédie forestière, l'auteur y a rajouté deux personnages extérieurs : une scientifique et un consultant en entreprise. Ils font un peu cheveu sur la soupe. Mais Denis Humbert semblait vouloir insuffler un note d'espoir et d'amour dans ce décor moite et désespérant de réalisme.
Michel LITOUT

« Le bar du caïman noir », Denis Humbert, Presses de la Cité, 19 €

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