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jeudi 14 mars 2024

Cinéma - Noir absolu “Dans la peau de Blanche Houellebecq”

Film Guillaume Nicloux avec Blanche Gardin, Michel Houellebecq, Luc Schwarz

Le jury (Michel Houellebecq et Blanche Gardin) en pleine délibération… ou descente après avoir consommé beaucoup trop de drogue.  Bac Films

Comment rentabiliser un voyage d’agrément en Guadeloupe ? Y tourner un film par exemple. Ou à l’inverse, comment transformer un tournage aux Antilles en voyage d’agrément ? Guillaume Nicloux réussi le coup du siècle en proposant Dans la peau de Blanche Houellebecq, long-métrage tourné en grande partie en Guadeloupe avec des comédiens qui n’ont pas grand-chose à prouver puisqu’ils jouent leur propre rôle. 

Un film à l’économie, mais qui décoiffe. Du début à la fin. Michel Houellebecq, avec son ami Luc Schwarz, accepte de faire partie du jury du concours de sosies de… Michel Houellebecq. Originalité, la compétition se déroule en Guadeloupe et le jury est présidé par Blanche Gardin. Après quelques scènes d’introduction, alibi pour faire passer un puissant message anticolonialiste (la Guadeloupe, comme la Corse ou les Catalans, réclame l’indépendance), c’est enfin la rencontre entre deux enfants terribles de ce XXIe siècle. Michel et Blanche, quel beau couple !

 Ils s’accordent rapidement sur l’importance, pour surmonter l’épreuve de ce concours bêtifiant, de consommer un maximum de drogue en un minimum de temps. On rit beaucoup aux saillies de Blanche Gardin et à l’air de plus en plus naturel de cocker neurasthénique d’un Houellebecq en pilotage automatique. Le meilleur de ce film très sombre reste la séance de torture infligée aux « Blancs » par le chauffeur « Noir » d’une énorme limousine. Vitres fermées, sans climatisation, les supposés descendants des esclavagistes vont suer sang et eau comme les Africains déracinés il y a quelques décennies. Le tout sans le moindre effet spécial.     



mercredi 19 avril 2023

De choses et d’autres - Houellebecq débouté, Houellebecq dégoûté

Ne jamais signer un contrat en ayant trop bu. Michel Houellebecq aurait dû faire sienne cette maxime, quand il a accepté la proposition d’un artiste néerlandais. Dans le but de prouver que l’amour peut réconcilier la gauche et la droite, Stefan Ruitenbeek propose à l’écrivain français, catalogué à droite, voire un peu plus, de se laisser convaincre par une jeune militante de gauche de faire l’amour avec lui ; il est séduit par l’idée. Le tout filmé et diffusé.

En compagnie de sa femme (c’était aussi une sorte de cadeau de mariage…), le romancier tourne quelques scènes qualifiées de pornographiques. Mais quand un premier extrait est diffusé sur le net, Houellebecq veut tout arrêter. Il demande l’interdiction du film à la justice.

Le procès vient d’avoir lieu. Principal argument pour ne pas montrer ces scènes : l’accord a été obtenu alors que le romancier était « dépressif » et que son discernement était faussé car « sous l’emprise de l’alcool au moment de la signature ». Les juges, après avoir visionné la signature du contrat (Stefan Ruitenbeek a l’habitude de tout filmer, avant, pendant et après ses expériences artistiques), ont convenu que Michel Houellebecq n’était pas spécialement ivre. Et qu’il semblait parfaitement au courant des intentions du réalisateur.

Bref, il est débouté. Dégoûté aussi puisqu’il doit payer les frais de justice, près de 1 400 euros.

Il compte faire appel. Mais en attendant, le montage du film avance et tous ceux qui sont allergiques au romancier provocateur dans ses écrits, attendent avec délectation de le voir dans un rôle inhabituel et pas forcément à son avantage.

Billet paru en dernière page de l’Indépendant le jeudi 30 mars 2023

jeudi 6 janvier 2022

Roman. Houellebecq écrit, gare à l’anéantissement



Que serait la littérature sans les quelques auteurs qui en plus d’un indéniable talent de plume savent bousculer les idées reçues tout en critiquant la société contemporaine ? Un nouveau roman de Michel Houellebecq c’est la certitude qu’on va mieux comprendre le monde dans lequel on vit, que certains romans auront désormais un goût particulièrement fade et que certaines scènes vont longtemps rester présentes à notre esprit, tel un phosphène dans la rétine de l’idiot qui a osé regarder le soleil. Anéantir, paru cette semaine, caracole en tête des ventes. 

Copieux, sous une couverture rigide, le roman suit la trajectoire de Paul, un énarque qui fait carrière dans l’ombre de Bruno Juge, ministre de l’Économie. Située dans un futur proche, l’intrigue semble montrer la fin du second mandat d’un Macron facilement réélu. Il doit passer la main. Bruno fait figure de favori. La France, grâce à son action efficace, a retrouvé de sa splendeur industrielle. Mais il n’est pas aimé de tout le monde. Pour preuve cette vidéo qui tourne sur internet qui montre un montage au cours duquel il est guillotiné. 

A cette intrigue politique (on assiste à la campagne, avec son lot de surprises tout à fait transférables en ce début 2022), s’ajoutent les doutes de Paul, cinquantenaire sans enfant, qui voit son couple se déliter. Un homme qui doute, surtout de lui : « C’était probablement mauvais signe d’avoir envie de se replonger dans ses années de jeunesse, c’est probablement ce qui arrive à ceux qui commencent à comprendre qu’ils ont raté leur vie. » Paul a une sœur, très croyante et un frère, très artiste. Son père, ancien haut responsable de l’espionnage français, est à la retraite. Il s’est remarié avec une femme beaucoup plus jeune que lui. Il vient d’avoir un AVC, elle s’occupe de lui avec dévouement : « La fin de vie pouvait peut-être dans certains cas ne pas être tout à fait malheureuse, se dit-il ; c’était surprenant. » Pas très gai, avouons-le, Anéantir est du pur Houellebecq, presque comme un testament littéraire agrégeant l’esprit de ses précédents ouvrage. Mais reste bien dans l’air du temps car Houellebeck reste avant tout un romancier du présent.

 « Anéantir » de Michel Houellebecq, Flammarion, 26 €

dimanche 28 février 2016

Littérature : Le vrai roman de l'écrivain en bâtiment

Didier Goux, pour ses vrais débuts en littérature, livre un roman sensible et désenchanté.
goux, belles lettres, HouellebecqIl a l'étiquette de blogueur de droite, sarcastique et cassant. Ses billets en ont blessé plus d'un dans la sphère des "modernœuds" comme il se plaît à les caricaturer sur son blog. Didier Goux, en plus d'une immense culture, d'un goût affirmé pour la grande littérature (Proust !) et d'une grande intelligence, s'est toujours dévalorisé en se traitant "d'écrivain en bâtiment". Journaliste dans un hebdo pour mamies curieuses, il arrondissait ses fins de mois en pondant des romans de gare en moins de temps qu'il n'en faut pour certains des lecteurs pour arriver au chapitre 2. Les gares se désertifiant (comme à peu près tout ce qui fait la France que l'auteur regrette tant), il a cessé de publier deux romans par an. Mais cela ne lui a pas fait passer l'envie d'écrire. Et encouragé par quelques lecteurs et amis clairvoyants, il a osé se lancer dans l'élaboration d'un véritable roman.
Tosca et Charly
Dans Le chef-d'œuvre de Michel Houellebecq on retrouve parfois le Goux pessimiste et fataliste sur l'évolution de la société, le Goux moqueur des modes mais aussi, et surtout, le Didier Goux, inconnu jusqu'à présent, sensible et bienveillant envers certains de ses personnages.
Si l'on excepte Michel Houellebecq, la narration suit l'évolution de quatre "héros". Le premier, Evremont, semble un portrait en creux de l'auteur, quand il vivait seul et reclus. Écrivain en bâtiment justement, il boit un peu trop et ne se nourrit que de camembert Réo. Lors d'une de ses rares sorties, à siroter un viandox à la terrasse d'un café de la petite ville de province cadre du roman, il est abordé par Jonathan. Cet étudiant en pharmacie fait partie de ces grands paranoïaques victimes consentantes de la propagande du "Grand remplacement". Persuadé que Noirs et Arabes sont en train d'envahir le pays, il souffre d'un racisme exacerbé qui lui attire une multitude d'ennuis. Il est vrai que la France décrite par Didier Goux est assez angoissante. La police municipale est remplacée par des "Commandos paillasse" formés de clowns chargés de dénouer les tensions... Les syndicalistes défilent avec un badge proclamant "Je suis Jackie". Rien a voir avec la liberté d'expression, le Jackie personnifie les "acquis sociaux". On rit donc en lisant ces pages, preuve que l'humour de droite a encore de beaux restes.
Mais roman implique romantique. Didier Goux signe ses plus belles pages quand il raconte la rencontre puis la belle histoire entre Tosca, jeune fille libre et intelligente, et Charly, fils d'épicier arabe, débrouillard, un peu brut de décoffrage mais qui se bonifiera au contact de la jeune fille. Et alors, on découvre que contrairement à l'image qu'il donne sur son blog, Didier Goux a foi en l'avenir et en la jeunesse. Tosca et Charly, qu'on espère retrouver dans une suite, le blogueur ayant déjà annoncé son intention de récidiver dans la même veine.
Le bâtiment a perdu un artisan, la littérature y a gagné un artiste.
"Le chef-d'œuvre de Michel Houellebecq", Didier Goux, Les Belles Lettres, 21,50 euros

vendredi 12 septembre 2014

Cinéma : La vie doit être enivrante pour Michel Houellebecq dans "Near death experience"

Michel Houellebecq interprète un employé en plein burn-out, crapahutant dans la montagne à la recherche d'un bon endroit pour en finir.
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Benoît Delépine et Gustave Kervern, deux des piliers de Groland (tous les samedis soir en clair sur Canal+), n'ont pas peur de la difficulté. Joyeux drilles parfois, ils savent également décrire toute la noirceur de notre société de consommation. « Near death experience » (expérience de mort imminente) en est l'exemple parfait. Paul (Michel Houellebecq), employé sur une plateforme téléphonique, n'en peut plus. Métier idiot, famille insignifiante, alcoolique et en mauvaise santé il prend conscience de toute l'inanité de son existence un vendredi 13. Sa femme rentre des courses avec leurs deux enfants, des ados qui se disputent. Il enfile sa tenue de coureur cycliste et explique qu'il va sortir une petite demi-heure. Sa décision est prise. Basta !


Tourné dans la région de Marseille, la route monte rapidement. Paul se met en danseuse pour atteindre le sommet, une inaccessible étoile comme le dit le grand Jacques. Il abandonne le vélo dans un fossé et continue à pied, dans les sentiers pour atteindre un point de vue. Idéal pour prendre son envol. Le dernier. Mais comme souvent, il y a le petit grain de sable qui empêche le passage à l'acte.

Au son de Black Sabbath
Dérangé, Paul cherche un autre endroit et va errer dans cette garrigue sauvage sous un soleil de plomb qui va rapidement lui taper sur le ciboulot, au point de se retrouver dans cet état de « mort imminente » en pleine conscience. Il va parler aux insectes, à des pierres, à un vagabond aussi givré que lui. Dans cette nature sauvage Michel Houellebecq va se révéler un grand acteur, aux saillies définitives et mémorables. Dans une sorte de confession de psychanalyse de bazar, il va expliquer à sa femme pourquoi il vaut mieux qu'il disparaisse. Et de constater stoïque, « Quel intérêt à retarder un destin qui n'a aucun intérêt. » A ses enfants, après s'être décrit comme un infect déchet, il conclue « Un père mort, cela vaut bien mieux qu'un père sans vie. ». Il parle. De plus en plus. Mais n'agit toujours pas. Et là aussi il retourne la situation par cette phrase qui symbolise parfaitement ce film : « Paul, décidément, tu parles trop et tu ne te suicide pas assez... »
Dans le titre de ce film il y a « expérience ». Pour pleinement profiter de ces 90 minutes hors du temps et de la vie, il faut effectivement se mettre en condition de vivre une expérience unique. Au premier degré, le film est ce que j'ai vu de plus déprimant depuis le visionnage par inadvertance d'un JT complet de Jean-Pierre Pernaut. Mais l'œuvre est aussi là pour nous secouer. Des Paul, il y en a des milliers autour de nous. Si on y regarde bien, on lui ressemble même. Alors on se dit que finalement dans toutes les sentences déprimantes de Paul il n'y en a qu'une à prendre au pied de la lettre : « La vie doit être enivrante ! ». Et comme lui, on va se mettre un morceau de Black Sabbath et pogoter frénétiquement avant de consulter son horoscope.