jeudi 6 janvier 2022

Roman. Houellebecq écrit, gare à l’anéantissement



Que serait la littérature sans les quelques auteurs qui en plus d’un indéniable talent de plume savent bousculer les idées reçues tout en critiquant la société contemporaine ? Un nouveau roman de Michel Houellebecq c’est la certitude qu’on va mieux comprendre le monde dans lequel on vit, que certains romans auront désormais un goût particulièrement fade et que certaines scènes vont longtemps rester présentes à notre esprit, tel un phosphène dans la rétine de l’idiot qui a osé regarder le soleil. Anéantir, paru cette semaine, caracole en tête des ventes. 

Copieux, sous une couverture rigide, le roman suit la trajectoire de Paul, un énarque qui fait carrière dans l’ombre de Bruno Juge, ministre de l’Économie. Située dans un futur proche, l’intrigue semble montrer la fin du second mandat d’un Macron facilement réélu. Il doit passer la main. Bruno fait figure de favori. La France, grâce à son action efficace, a retrouvé de sa splendeur industrielle. Mais il n’est pas aimé de tout le monde. Pour preuve cette vidéo qui tourne sur internet qui montre un montage au cours duquel il est guillotiné. 

A cette intrigue politique (on assiste à la campagne, avec son lot de surprises tout à fait transférables en ce début 2022), s’ajoutent les doutes de Paul, cinquantenaire sans enfant, qui voit son couple se déliter. Un homme qui doute, surtout de lui : « C’était probablement mauvais signe d’avoir envie de se replonger dans ses années de jeunesse, c’est probablement ce qui arrive à ceux qui commencent à comprendre qu’ils ont raté leur vie. » Paul a une sœur, très croyante et un frère, très artiste. Son père, ancien haut responsable de l’espionnage français, est à la retraite. Il s’est remarié avec une femme beaucoup plus jeune que lui. Il vient d’avoir un AVC, elle s’occupe de lui avec dévouement : « La fin de vie pouvait peut-être dans certains cas ne pas être tout à fait malheureuse, se dit-il ; c’était surprenant. » Pas très gai, avouons-le, Anéantir est du pur Houellebecq, presque comme un testament littéraire agrégeant l’esprit de ses précédents ouvrage. Mais reste bien dans l’air du temps car Houellebeck reste avant tout un romancier du présent.

 « Anéantir » de Michel Houellebecq, Flammarion, 26 €

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